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03/07/2007 | FRANCE | N°06DA01223

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 03 juillet 2007, 06DA01223


Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Sabine NÉE , demeurant ..., par la SELARL Cabinet Mor ; Mme NÉE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400835 du 8 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une rente de

10 000 euros par an pour la période de janvier 1996 à mai 2000, de 15 500 euros par an pour

la période de mai 2000 à septembre 2001, de 23 000 euros par an pour la période d

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septembre 2001 à juin 2002 et de 43 000 euros par an à partir de juin 2002 ains...

Vu la requête, enregistrée le 4 septembre 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Sabine NÉE , demeurant ..., par la SELARL Cabinet Mor ; Mme NÉE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0400835 du 8 juin 2006 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une rente de

10 000 euros par an pour la période de janvier 1996 à mai 2000, de 15 500 euros par an pour

la période de mai 2000 à septembre 2001, de 23 000 euros par an pour la période de

septembre 2001 à juin 2002 et de 43 000 euros par an à partir de juin 2002 ainsi qu'une somme de 230 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à sa vaccination contre l'hépatite B pratiquée dans le cadre de son activité professionnelle en 1991 et 1992 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une rente de 10 000 euros par an pour la période de janvier 1996 à mai 2000, de 15 500 euros par an pour la période de mai 2000 à septembre 2001, de 23 000 euros par an pour la période de septembre 2001 à juin 2002, de 43 000 euros par an à partir de juin 2002 ainsi qu'une somme de 230 000 euros en réparation de ses préjudices liés aux troubles de l'existence et perte de chance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal administratif a fait une mauvaise appréciation des données de la cause et que l'Etat a admis dans de nombreux cas que la sclérose en plaques pouvait être rattachée à l'administration d'un vaccin et, en l'occurrence, le vaccin contre l'hépatite B ; que le Tribunal a eu une interprétation erronée des conclusions du rapport d'expertise ; qu'il résulte du rapport d'expertise que le lien de causalité doit être retenu ; que c'est de façon erronée que les premiers juges ont retenu que la névrite optique s'analysait, de façon certaine, en un mode d'entrée de la sclérose en plaques ; qu'en tout état de cause, en admettant que la pathologie ait été préexistante, la vaccination se serait à tout le moins soldée par une nette aggravation comme en atteste l'expert et c'est de façon parfaitement erronée que les premiers juges ont exclu tout rôle déclenchant de la vaccination contre l'hépatite B ; que le Tribunal, en admettant que la vaccination était une étiologie possible de l'état actuel de l'exposante devait logiquement conclure que la responsabilité sans faute de l'Etat était engagée sur le fondement de l'article

L. 3111-9 du code de la santé publique ; que, s'agissant de la décision du directeur général de la santé, celle-ci n'est pas motivée et fait une fausse appréciation des éléments de la cause ; que le fait que l'expert considère que l'imputabilité de la maladie à la vaccination contre l'hépatite B est probable suffit à satisfaire l'exigence de causalité ; qu'il existe en définitive un faisceau de présomptions, graves, précises et concordantes permettant d'établir le lien entre la vaccination contre l'hépatite B administrée à l'exposante et la sclérose en plaques développée par celle-ci au décours de cette vaccination ; que l'exposante n'est plus autonome pour toutes les démarches nécessitant un déplacement ; qu'il devra être alloué à l'exposante une rente commençant à courir à compter du mois de janvier 1996, cinq ans avant la demande d'indemnisation, date correspondant également à l'aggravation de son état ayant amené au diagnostic de sclérose en plaques ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision en date du 5 octobre 2006 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai rejetant la demande d'aide juridictionnelle de

Mme ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 novembre 2006, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais dont le siège est rue de Savoie à Beauvais Cedex (600013), par la SCP Bourhis-Baclet ; la caisse conclut à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de

45 623,36 euros avec intérêts au taux légal sur la somme de 21 932,96 euros à compter de l'enregistrement du mémoire devant le tribunal administratif et pour le surplus à compter de l'enregistrement du présent mémoire devant la Cour ainsi que la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'elle est fondée à poursuivre le remboursement de la créance en tout état de la procédure ; qu'il résulte des pièces que le dommage allégué est consécutif à l'administration du vaccin contre l'hépatite B ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 janvier 2007, présenté par le ministre de la santé et des solidarités ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que le moyen résultant de l'absence de motivation de la décision de rejet du directeur général de la santé est sans influence sur l'imputabilité éventuelle à l'Etat des troubles de la requérante ; qu'il ne ressort ni de l'instruction, notamment des constatations des experts, ni des pièces produites par l'intéressée qu'un lien de causalité direct et certain entre les vaccinations incriminées et les symptômes dont souffrent Mme puisse être établi ; qu'à la lumière du rapport du second expert, force est de constater qu'aucun diagnostic n'a été posé de façon certaine et qu'il est impossible de rattacher le diagnostic de sclérose en plaques aux vaccinations incriminées ; qu'à titre subsidiaire, il est important de relever que les prétentions indemnitaires de l'intéressée sont manifestement excessives au regard du droit commun de la réparation des dommages corporels ; que le chiffrage des préjudices n'est, en tout état de cause, pas étayé par des documents figurant au dossier notamment en ce qui concerne le préjudice d'agrément décrit par la requérante ;

Vu la décision en date du 8 février 2007 du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Douai rejetant la demande de nouvelle délibération présentée par

Mme et confirmant la décision du 5 octobre 2006 rejetant sa demande d'aide juridictionnelle ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 mai 2007, présenté pour Mme qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle soutient en outre que si elle a connu une névrite optique en 1985, parfaitement soignée aux corticoïdes, l'expert a noté que la vaccination contre l'hépatite B pratiquée en 1991 pourrait avoir joué un rôle aggravant très significatif ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 25 juin 2007 présentée pour Mme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique et le décret

n° 91-1266 du 19 décembre 1991, modifié ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de M. Christian Bauzerand, premier conseiller ;

- les observations de Me Mor, pour Mme ;

- et les conclusions de M. Olivier Mesmin d'Estienne, commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme , aide-soignante au centre hospitalier de Clermont, a été vaccinée contre l'hépatite B en plusieurs injections réalisées les 29 avril, 10 juin, 12 juillet 1991 et 6 juillet 1992 dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'elle fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à obtenir réparation des préjudices résultant de différents troubles dont elle souffre qu'elle impute à sa vaccination obligatoire contre l'hépatite B ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la décision du 9 février 2004 rejetant la demande d'indemnisation de Mme a eu pour seul effet de lier le contentieux ; que dès lors, au regard de l'objet du recours de plein contentieux présenté par Mme tenant à l'indemnisation du préjudice qu'elle aurait subi qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressée à percevoir la somme qu'elle réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur le litige ; que, par suite, en s'abstenant d'écarter par un motif explicite le moyen tiré du caractère non motivé de cette décision qui était inopérant, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'une irrégularité de nature à en entraîner l'annulation ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : « Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe » ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision rejetant la demande d'indemnisation de la requérante : « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Etat » ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique qu'il incombe au demandeur souhaitant obtenir réparation d'un dommage sur le fondement de ces dispositions d'apporter la preuve de l'imputabilité directe de son préjudice à la vaccination obligatoire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport de l'expertise médicale réalisée en janvier 2003 dans le cadre de l'instruction de la demande de

Mme par les services du ministère chargé de la santé que le diagnostic le plus probable des troubles dont celle-ci souffre est celui d'une sclérose en plaques même si aucune pièce médicale n'établit ce diagnostic à la date à laquelle la Cour statue ; que l'expert indique que s'il est impossible de se prononcer sur le caractère direct du lien de cause à effet, la probabilité d'une étiologie vaccinale mérite d'être considérée ; que toutefois, il résulte des différentes pièces médicales produites au dossier que la requérante avait été atteinte en 1985 d'une névrite optique, affection pouvant être regardée comme renvoyant à des signes précurseurs d'une sclérose en plaques ; que si l'intéressée soutient que, compte-tenu de la forme atypique de la maladie dont elle souffre, la relation avec la vaccination contre l'hépatite B n'est pas exclue par l'expert et que cette vaccination a aggravé significativement son état en faisant valoir que dès le mois d'avril 1991 après la première injection du vaccin, des symptômes de mal-être sont apparus, le lien de causalité direct entre la vaccination et les troubles dont elle souffre ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme établi eu égard au délai ayant séparé les différentes injections du vaccin de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté en 1994 consistant en un trouble sensitif de l'hémicorps gauche et à l'antécédent de névrite optique dont elle a souffert antérieurement à la vaccination ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, les sommes que Mme et la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article1er : La requête de Mme Sabine épouse est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sabine , à la caisse primaire d'assurance maladie de Beauvais et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

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N°06DA01223


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 06DA01223
Date de la décision : 03/07/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: M. Christian Bauzerand
Rapporteur public ?: M. Mesmin d'Estienne
Avocat(s) : SELARL CABINET MOR

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-07-03;06da01223 ?
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