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22/02/2008 | FRANCE | N°08DA00240

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, Juge des référés, 22 février 2008, 08DA00240


Vu la requête, enregistrée sous le n°08DA00240 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 8 février 2008, présentée pour l'EURL JME, dont le siège social est 9 Digue Gaston Berthe à Calais (62100), représentée par son représentant légal, M. Jean-Marc X, par la SCP de Foucher-Guey-Chrétien ; l'EURL JME demande au président de la Cour d'ordonner la suspension de l'exécution des avis de mise en recouvrement correspondant aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période s'étendant du 1er janvier 1998 au 31 décemb

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L'EURL JME soutient :

- que...

Vu la requête, enregistrée sous le n°08DA00240 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 8 février 2008, présentée pour l'EURL JME, dont le siège social est 9 Digue Gaston Berthe à Calais (62100), représentée par son représentant légal, M. Jean-Marc X, par la SCP de Foucher-Guey-Chrétien ; l'EURL JME demande au président de la Cour d'ordonner la suspension de l'exécution des avis de mise en recouvrement correspondant aux compléments de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période s'étendant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2001 et aux pénalités y afférentes ;

L'EURL JME soutient :

- que la condition d'urgence requise est remplie en l'espèce, dès lors que les mesures prises pour le recouvrement des impositions litigieuses et celles susceptibles de l'être entraîneront des conséquences particulièrement graves pour la société exposante ; qu'en effet, l'EURL JME et son associé-gérant, M. X, n'ont aucun patrimoine immobilier, ni même mobilier ; que l'EURL JME n'a qu'une trésorerie minimale et que M. X s'est lourdement endetté pour pouvoir poursuivre son activité ; que l'EURL JME n'est propriétaire ni du fonds de commerce ni du mobilier le garnissant ; qu'un recouvrement forcé des sommes en litige, compte tenu de l'importance de celles-ci, ne pourra que conduire à la liquidation des biens de l'EURL JME et à la faillite personnelle de M. X ; que la société exposante et son associé-gérant ne pourraient s'acquitter de leur dette fiscale autrement qu'en l'échelonnant ;

- que les moyens présentés au soutien de sa requête d'appel au fond sont de nature à faire naître un doute sérieux quant au bien fondé des impositions en litige ; qu'à cet égard et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la méthode dite « des vins » que le vérificateur a utilisée pour effectuer la reconstitution du chiffre d'affaires du restaurant est contestable, en ce qu'elle prétend raisonner sur des principes mathématiques qui n'ont rien à voir avec la réalité de l'exploitation ; que l'administration elle-même recommande, dans la documentation administrative de base 4 G 2343, d'avoir recours en matière de reconstitution de recettes à aux moins deux méthodes ; qu'une telle méthode pourrait tout au plus être retenue sous certaines conditions, notamment celle d'être en mesure de déterminer avec suffisamment de précision la quantité de vin consommée mais non vendue avec un repas, celle de prendre en compte tant les repas servis avec vin que ceux servis sans vin et celle d'être capable de déterminer un coefficient de perte qui tienne suffisamment compte de la réalité de l'exploitation ; que l'analyse de l'exercice 2001 permet tout particulièrement de démontrer le caractère inadapté de la méthode suivie par le vérificateur, laquelle a conduit à notifier des redressements irréalistes ; que le chiffre d'affaires enregistré en comptabilité au titre de cette année n'est que très légèrement supérieur au chiffre d'affaires total qui découle de la totalité des notes de l'année ; que le décalage constaté par le vérificateur entre les achats de vin et les notes de restaurant l'a conduit à retenir l'existence d'achats non comptabilisés, alors que les sources de cette anomalie peuvent provenir soit d'erreurs dans l'évaluation des stocks soit d'erreurs de facturation, soit du remplacement par un autre d'un vin commandé par un client et « manquant » ; que la neutralisation des ventes en pichet et de l'utilisation en cuisine à laquelle s'est livrée le vérificateur est nécessairement approximative et introduit un aléa non négligeable dans la mise en oeuvre d'une méthode qui se réclame d'une mathématique rigoureuse ; que les « manquants », qui résultent nécessairement d'une substitution, ne pouvaient être rajoutés aux achats revendus sous peine d'être comptabilisés deux fois ; que le taux de perte de 12 % retenu par le service pour l'activité « bar » devait l'être également, sous peine d'incohérence, pour l'activité « restaurant » ; qu'en ce qui concerne la reconstitution des recettes bar, le taux de perte courant retenu par le vérificateur en ce qui concerne la bière servie à la pression est insuffisant compte tenu des caractéristiques physiques de l'installation ; que le problème de la prise en compte des « manquants » est identique à celui rencontré s'agissant de l'évaluation des recettes du restaurant ; que la reconstitution simultanée des recettes du restaurant, qui inclut les liquides, et du bar induit nécessairement un facteur supplémentaire d'approximation dans l'évaluation du chiffre d'affaire de l'établissement à laquelle s'est livrée le vérificateur ; que les premiers juges ont opposé à tort à l'exposant la circonstance que le service se soit fondé sur des informations communiqués par lui, dès lors que celles-ci résultaient nécessairement d'évaluations empiriques ; qu'en tenant compte de ces observations, le chiffre d'affaires reconstitué n'est pas significativement éloigné du chiffre d'affaires déclaré ; que, par suite, les redressements litigieux ne sont pas justifiés ; que contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, en ce qui concerne la T.V.A déductible afférente à des redevances de location gérances non réglées à la clôture des exercices 1999 et 2000 mais qui ont été facturées et réglées en 2001, il appartenait au vérificateur, pour refuser à l'exposante le bénéfice de la compensation, d'établir que les soldes existants à la clôture des exercices 1999 et 2000 n'avaient pas été payés au 31 décembre 2001 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, enregistré par télécopie le 15 février 2008 et régularisé par courrier original le

19 février 2008, le mémoire présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique (direction de contrôle fiscal Nord) ; le ministre conclut au rejet de la requête en référé suspension présentée par l'EURL JME ;

Le ministre soutient :

- que la condition d'urgence requise n'est pas remplie ; qu'en effet, les résultats de l'entreprise demeurent positifs pour les années 2004 à 2006 ; qu'en outre, la société requérante a bénéficié du sursis de paiement conformément aux dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales et n'est donc pas fondée à demander une suspension justifiée par l'urgence ; qu'enfin, l'EURL JME a obtenu un échelonnement de sa dette à raison d'un règlement mensuel de 300 euros jusqu'au prononcé par la Cour de sa décision au fond ; qu'aucune mesure de recouvrement forcé n'a d'ailleurs été engagée à ce jour compte tenu du paiement à la date convenue de la première échéance ;

- qu'aucun des moyens invoqués par l'EURL JME, qui supporte en l'espèce la charge de la preuve en application de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales dès lors que la comptabilité de son établissement a été regardée comme irrégulière et non probante, n'est propre à introduire un doute sérieux sur le bienfondé des impositions contestées ; que, concernant l'activité restaurant, le service a retenu la méthode des « vins bouchés » qui est admise par la jurisprudence ; que si l'utilisation de plusieurs méthodes de reconstitution est recommandée par la doctrine administrative pour emporter la conviction de la commission départementale ou du juge de l'impôt, cet élément de doctrine ne saurait être opposé à l'administration sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'il a ainsi été jugé que rien ne s'oppose à ce qu'une reconstitution de recettes repose sur une seule méthode, dès lors que celle-ci demeure réaliste au regard des conditions d'exploitation ; qu'un recensement du nombre de bouteilles et demi-bouteilles de vins bouchés utilisées durant chaque exercice a en l'espèce été effectué en dépouillant toutes les factures d'achat et en retenant les variations de stocks ; qu'ensuite et contradictoirement avec la société exploitante, ont été écartés les vins destinés à la fabrication des plats, les vins primeurs, les vins servis uniquement en pichet et, partiellement, les vins vendus à la fois au restaurant et au bar, puis ont été pris en compte les manquants mis en évidence par la comptabilité matière réalisée par le service ; qu'à partir de l'examen de toutes les notes restaurant, le service a déterminé une recette moyenne par bouteille de vin ; que les recettes du restaurant ont ensuite été reconstituées en appliquant au nombre de bouteilles utilisées la recette moyenne par bouteille et moyennant l'application d'un taux de perte de 5 % ; que le nombre de notes n'influence pas la détermination de la recette moyenne par bouteille ; que la reconstitution du chiffre d'affaires s'est appuyée sur les conditions d'exploitation constatées sur place et sur la comptabilité présentée ; que la différence existant entre le chiffre d'affaires ressortant de la totalité des notes de l'année et celui enregistré comptablement corrobore le fait que la comptabilité n'est ni sincère ni probante ; que les achats manquants de bouteilles de vin n'ont pas été pris en compte deux fois ; que les explications avancées par la société requérante concernant l'existence d'achats non comptabilisés ne consistent qu'en des allégations non justifiées ; qu'à l'avantage de la société les notes non détaillées n'ont pas été prises en compte dans la reconstitution ; que, de même, les ventes de café et de bouteilles de champagne ont été assimilées à des ventes de solides ; que le taux de pertes de 5 % retenu, qui apparaît vraisemblable au cas particulier, a été discuté lors d'entretiens avec le gérant de l'EURL JME, son conseil ou son représentant ; que concernant l'activité bar, le service a reconstitué le chiffre d'affaires à partir des achats réalisés et retenu les prix de ventes unitaires relevés sur les notes restaurant pour les bouteilles de vin et tenu compte des réponses de M. X, gérant de la société requérante, pour les autres liquides ; que la société utilisant les mêmes boissons pour ses deux activités, les deux méthodes sont interdépendantes et qu'une diminution des recettes restaurant entraîne corrélativement une augmentation des recettes bar ; que le service a retenu pour l'activité bar un taux de perte global à hauteur de 12 % du chiffre d'affaires toutes taxes comprises brut reconstitué, eu égard aux fréquentes absences durant la période considérée de M. X, qui s'occupait principalement de cette activité ; qu'alors que le taux global généralement retenu est inférieur, la requérante ne démontre pas par ses seules affirmations que les différents taux de perte retenus en l'espèce pour constituer le taux global pris en compte seraient sous-évalués, notamment s'agissant de la vente de bière ; que le chiffre d'affaires reconstitué pour le bar résulte uniquement de la vente de boissons, de sorte qu'il a en réalité été minoré ; que les achats de manquants n'ont pas été comptabilisés deux fois ; que l'EURL JME n'apporte, en définitive, pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des rehaussements opérés ; qu'enfin, l'EURL JME ne saurait se prévaloir d'un droit à compensation sur les rappels de TVA existant au titre de l'exercice 2001 ; qu'il n'est toujours pas établi, en effet, que les redevances de location-gérance facturées à l'EURL JME et non réglées, pour lesquelles la TVA déduite par anticipation au titre des années 1999 et 2000 a été redressée, auraient été payées au cours de l'année 2001 ; qu'aucune compensation ne doit d'ailleurs être opérée, compte tenu de l'accroissement constaté dans la comptabilité de la société de sa dette envers le bailleur durant l'exercice 2001 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour et de l'heure de l'audience ;

A l'audience publique qui s'est ouverte le 22 février 2008 à 11 heures sont entendus :

- M. André Schilte, président de la Cour, en son rapport ;

- Me Chrétien, avocat, pour l'EURL JME ;

L'audience a été levée à 11h15 ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.» ;

Considérant que le contribuable qui a saisi le juge de l'impôt de conclusions tendant à la décharge d'une imposition à laquelle il a été assujetti est recevable à demander au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la mise en recouvrement de l'imposition, dès lors que celle-ci est exigible ; que le prononcé de cette suspension est subordonné à la double condition, d'une part, qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la régularité de la procédure d'imposition ou sur le bien-fondé de l'imposition et, d'autre part, que l'urgence justifie la mesure de suspension sollicitée ; que, pour vérifier si la condition d'urgence est satisfaite, le juge des référés doit apprécier la gravité des conséquences que pourraient entraîner, à brève échéance, l'obligation de payer sans délai l'imposition ou les mesures mises en oeuvre ou susceptibles de l'être pour son recouvrement, eu égard aux capacités du contribuable à acquitter les sommes qui lui sont demandées ;

Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le paiement des sommes mises à la charge de l'EURL JME, compte tenu de l'établissement d'un échéancier pour apurer sa dette, lequel a obtenu l'accord de la requérante, dépasserait les capacités contributives de celle-ci ou serait, comme il est soutenu de manière générale, de nature à créer à brève échéance des conséquences graves pour l'EURL JME, alors au surplus qu'aucune mesure n'a été jusqu'alors mise en oeuvre par l'administration pour obtenir le recouvrement des sommes correspondant aux impositions litigieuses ; que, par suite, la condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé de la suspension sollicitée n'est pas vérifiée ;

ORDONNE :

Article 1er: La requête en référé suspension présentée par l'EURL JME est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'EURL JME ainsi qu'au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord ainsi qu'au trésorier-payeur général du Pas-de-Calais.

3

N° 08DA00240 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 08DA00240
Date de la décision : 22/02/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. André Schilte
Avocat(s) : SCP DE FOUCHER-GUEY-CHRETIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2008-02-22;08da00240 ?
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