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20/10/2009 | FRANCE | N°08DA00353

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 20 octobre 2009, 08DA00353


Vu la requête, enregistrée le 27 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Antoine A, demeurant ..., par Me Debré ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501462 du Tribunal administratif de Rouen du 27 décembre 2007 en tant qu'il a condamné le Centre hospitalier général d'Evreux et l'Etablissement français du sang à lui payer une indemnité de 4 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner solidairement le Centre hospitalier général d'Evreux et l'Etablissement fran

çais du sang à lui verser une somme d'un montant total de 252 500 euros en répa...

Vu la requête, enregistrée le 27 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Antoine A, demeurant ..., par Me Debré ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501462 du Tribunal administratif de Rouen du 27 décembre 2007 en tant qu'il a condamné le Centre hospitalier général d'Evreux et l'Etablissement français du sang à lui payer une indemnité de 4 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner solidairement le Centre hospitalier général d'Evreux et l'Etablissement français du sang à lui verser une somme d'un montant total de 252 500 euros en réparation des différents préjudices qu'il a subis à la suite d'une transfusion sanguine et, en outre, que les frais d'expertise et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soient mis à leur charge ;

Il soutient que le Tribunal a reconnu la responsabilité du Centre hospitalier général d'Evreux et de l'Etablissement français du sang dans l'état de stress post-traumatique avec symptomatologie anxieuse présenté par lui à la suite de l'accident transfusionnel du 10 mai 1999 ; que la somme que le Tribunal lui a allouée est insuffisante ; que si son incapacité temporaire de travail allant du 10 mai au 12 août 1999 a été indemnisée à hauteur de 1 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence, le préjudice qui en résulte s'élève à 20 000 euros ; que le pretium doloris qui est important doit donner lieu à une indemnisation de 7 500 euros ; que c'est à tort que le Tribunal a écarté le préjudice correspondant à une incapacité permanente partielle de 10 % eu égard aux conclusions du psychiatre concluant à l'existence d'un état de stress post-traumatique correspondant à une incapacité permanente partielle de 10 % ayant occasionné un préjudice évaluable à 150 000 euros ; que la diminution de ses capacités psychiques et intellectuelles l'a conduit à cesser son activité professionnelle ce qui a généré un préjudice qui doit être indemnisé à hauteur de 75 000 euros ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mai 2008, présenté pour l'Etablissement français du sang, dont le siège est 20 avenue du Stade de France à La Plaine Saint Denis (93218), par la SCP Silie Verilhac qui conclut au rejet de la requête, à la condamnation de M. A aux entiers dépens de l'instance et à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative aux motifs que les fautes de l'Etablissement français du sang et du personnel hospitalier sont à l'origine de l'accident transfusionnel dont le patient a été victime ; que, toutefois, ce dernier n'a conservé aucune séquelle physique consécutive à l'erreur de transfusion ; que les conséquences biologiques secondaires ont été limitées à la période comprise entre le 9 mai et le 18 juin 1999 ; que dès lors l'évaluation du préjudice faite par le Tribunal administratif de Rouen est suffisante pour indemniser le requérant de ses troubles dans ses conditions d'existence ; que le rapport de l'expert psychiatre qui conclut à l'existence d'une incapacité permanente partielle de 10 % se borne à avaliser le discours de M. A ; que son état de choc était antérieur à la transfusion de telle sorte que le pretium doloris a été correctement apprécié ; qu'aucune pièce nouvelle ne justifie une majoration de l'indemnisation de ce préjudice ; que M. A n'apporte pas la preuve de la réalité de son activité professionnelle de telle sorte qu'il n'est pas fondé à demander une indemnisation de 75 000 euros au titre de son préjudice économique ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2008, présenté pour le Centre hospitalier général d'Evreux, dont le siège est 17 rue Saint Louis à Evreux cedex (27023), par la SCP Boniface et associés qui conclut au rejet de la requête, à la condamnation de M. A aux entiers dépens de l'instance et à ce qu'il lui verse une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative aux motifs que la réalité de l'accident transfusionnel n'est pas contestée ainsi que les responsabilités établies par le Tribunal administratif de Rouen ; que M. A n'apporte, cependant, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'évaluation du préjudice faite par le Tribunal ; que M. A n'établit ni l'existence d'une incapacité permanente partielle de 10 %, ni la réalité de son préjudice économique et s'agissant de l'incapacité temporaire de travail, qu'il ne justifie pas davantage avoir subi une perte de salaire de 20 000 euros sur la période du 10 mai au 10 août 1999 ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 juillet 2008, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, dont le siège est 1bis place Saint Taurin à Evreux cedex (27030), par Me Legendre ; elle conclut à la condamnation du Centre hospitalier général d'Evreux et de l'Etablissement français du sang à lui payer une indemnité totale de 5 817,56 euros majorée des intérêts de droit à compter du jour de la demande correspondant à l'hospitalisation du 11 mai au 21 mai 1999 pour un montant de 4 578,11 euros, à des frais médicaux et pharmaceutiques du 10 mai 1999 s'élevant à 219,13 euros et à 1 020,32 euros de frais futurs au titre de l'année 2007 ainsi qu'une somme de 926 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 609,80 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que le Tribunal administratif de Rouen a manifestement ignoré la portée des conclusions des experts qui établissent que l'asthénie dont est victime M. A est directement imputable à l'accident transfusionnel du 10 mai 1999 et qu'elle correspond à une incapacité permanente partielle de 10 % qui est à l'origine du préjudice résultant de la diminution de son activité professionnelle et relationnelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 septembre 2008, présenté pour l'Etablissement français du sang ; il conclut au rejet des conclusions de la requête par les mêmes moyens que précédemment, ainsi qu'au rejet des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure aux motifs que seuls les débours liés à la maladie hépatique de M. A peuvent être pris en compte à l'exclusion de tous les débours éventuels liés à d'autres infections et qu'en l'état, il n'est pas justifié par le décompte de la caisse primaire qu'il existe un lien de causalité entre les prestations servies par la caisse à M. A et l'affection VHC justifiant le paiement des 4 797,24 euros correspondant aux frais d'hospitalisation et aux frais pharmaceutiques ; que, par ailleurs, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, seuls les frais échus et versés à la victime peuvent faire l'objet d'un remboursement par le tiers responsable de telle sorte que la caisse n'est pas fondée à réclamer 1 020,32 euros au titre des frais futurs ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 septembre 2008, présenté pour l'Etablissement français du sang ; il conclut au rejet des conclusions de la requête par les mêmes moyens que précédemment ;

Vu l'ordonnance en date du 20 octobre 2008 portant clôture de l'instruction au 21 novembre 2008 à 16 heures 30 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2008, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et évalue les sommes qui lui sont dues à 3 964,86 euros correspondant à 3 745,73 euros d'hospitalisation entre le 13 mai et le 21 mai 1999, à 219,13 euros de frais médicaux et pharmaceutiques exposés le 10 mai 1999, 941 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et 609,80 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle admet que l'on puisse discuter l'opportunité de chiffrer des frais futurs dans un dossier qui ne relève pas du protocole ; qu'en l'absence d'accident transfusionnel, l'hospitalisation de M.A n'aurait pas dépassé quarante-huit heures de sorte qu'elle est fondée à réclamer le paiement des remboursements consécutifs aux neuf jours d'hospitalisation du 13 mai au 21 mai 1999 liés à la prolongation du séjour hospitalier à raison de l'accident transfusionnel et représentant une somme de 3 745,73 euros ainsi qu'une somme s'élevant à 219,13 euros correspondant aux frais médicaux et pharmaceutiques du 10 mai 1999 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2008, présenté pour le Centre hospitalier général d'Evreux qui conclut au rejet des conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 novembre 2008, présenté pour l'Etablissement français du sang qui conclut au rejet des conclusions de la requête et de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure par les mêmes moyens que précédemment ;

Vu le mémoire récapitulatif et responsif, enregistré par télécopie le 20 novembre 2008 et régularisé par la production de l'original le 8 décembre 2008, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ; elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que le précédent mémoire ;

Vu le moyen d'ordre public soulevé par lettre du 21 août 2009 et tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires dirigées contre l'Etablissement français du sang et contre le Centre hospitalier général d'Evreux, qui sont nouvelles en appel ;

Vu les observations, enregistrées le 7 septembre 2009, présentées pour la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure qui expose qu'elle est recevable à présenter sa demande pour la première fois en appel dans la mesure où ses conclusions ne soulèvent pas un litige nouveau ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Michel Durand, président-assesseur, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public et, les parties présentes ou représentées ayant été invitées à présenter leurs observations, Me Verilhac, pour l'Etablissement français du sang ;

Considérant que M. A a été hospitalisé en urgence au Centre hospitalier général d'Evreux le 10 mai 1999 à la suite d'une hémorragie digestive ; qu'au cours du traitement, par suite d'erreurs successives commises par les services de l'établissement de transfusion sanguine et du Centre hospitalier général d'Evreux, il lui a été administré un composé sanguin du groupe A+ alors qu'il est de groupe O+ ; que M. A a demandé la condamnation du Centre hospitalier général d'Evreux et de l'Etablissement français du sang à lui payer une indemnité de 252 500 euros en réparation des différents préjudices subis à la suite de cette erreur transfusionnelle ; que, par jugement du 27 décembre 2007, le Tribunal administratif de Rouen, après avoir jugé le Centre hospitalier général d'Evreux et l'Etablissement français du sang entièrement responsables des conséquences dommageables de cette erreur, les a condamnés solidairement à payer à M. A une indemnité de 3 000 euros au titre du pretium doloris et de 1 000 euros au titre des troubles dans les conditions d'existence ; que M. A qui conteste l'évaluation ainsi faite des préjudices subis, relève appel de ce jugement ;

Sur le préjudice :

Considérant que M. A présente une demande d'indemnité identique à celle sur laquelle le Tribunal administratif de Rouen a statué et qu'il n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause l'évaluation qui a été faite, par les premiers juges, des préjudices subis par lui à la suite de l'accident transfusionnel dont il a été victime le 10 mai 1999 ; qu'il résulte de l'instruction qu'en l'espèce, l'accident transfusionnel résultant de l'administration d'un composé sanguin d'un groupe différent de celui du patient ne s'est accompagné d'aucune réaction aigüe, ni d'aucune suite pathologique chronique ayant laissé des séquelles ; que si, en outre, M. A invoque avoir subi une incapacité temporaire de travail d'une durée de trois mois et fait état de troubles divers affectant sa vie personnelle et professionnelle, il n'établit pas que ces faits seraient directement imputables à l'accident transfusionnel dont il a été victime ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les divers troubles dans les conditions d'existence subis par le requérant à la suite de cet accident aient été insuffisamment évalués par les premiers juges qui ont fixé à 1 000 euros l'indemnisation due à ce titre ; qu'il résulte, par ailleurs, du rapport d'expertise que le pretium doloris a été évalué à trois sur une échelle de sept ; que dans ces conditions, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont évalué à 3 000 euros la somme due en réparation de ce préjudice ;

Considérant que, pas plus en en appel que devant les premiers juges, M. A ne justifie de la réalité du stress post traumatique qui serait à l'origine de l'incapacité permanente partielle de 10 % dont il demande réparation en se fondant sur le rapport d'expertise psychiatrique du Dr B qui se borne à reprendre les déclarations du patient pour en inférer l'existence d'une affection psychiatrique sans pour autant en apporter la démonstration ; que, par ailleurs, il n'apporte aucun élément établissant un lien de causalité entre les effets de l'accident transfusionnel sur sa santé et son état physique et l'arrêt progressif de son activité professionnelle ; qu'il suit de là que ces préjudices ne sauraient être indemnisés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etablissement français du sang et le Centre hospitalier général d'Evreux à lui payer une indemnité totale de 4 000 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident transfusionnel dont il a été victime ;

Sur la demande de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure :

Considérant que la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, régulièrement mise en cause devant le Tribunal administratif de Rouen, n'a présenté contre l'Etablissement français du sang et contre le Centre hospitalier général d'Evreux aucune conclusion tendant au remboursement des débours qu'elle a exposés, dans l'hypothèse où leur responsabilité serait reconnue ; qu'elle n'a présenté des conclusions chiffrées, correspondant à des dépenses exposées antérieurement au jugement de première instance, que devant la Cour ; que, par suite, ces conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu, eu égard à sa situation économique, de condamner M. A à verser au Centre hospitalier général d'Evreux et à l'Etablissement français du sang les sommes que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du Centre hospitalier général d'Evreux et de l'Etablissement français du sang, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, les sommes que demandent M. A et la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du Centre hospitalier général d'Evreux et de l'Etablissement français du sang tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Antoine A, à la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure, au Centre hospitalier général d'Evreux et à l'Etablissement français du sang.

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N°08DA00353


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00353
Date de la décision : 20/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Michel Durand
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : LEGENDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2009-10-20;08da00353 ?
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