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26/01/2010 | FRANCE | N°08DA00303

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 26 janvier 2010, 08DA00303


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 février 2008, régularisée par la production de l'original le 19 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Claudette A, demeurant ..., par Me Durand ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700956 du Tribunal administratif de Lille en date du 6 décembre 2007 qui a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de pron

oncer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui paye...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 18 février 2008, régularisée par la production de l'original le 19 février 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Claudette A, demeurant ..., par Me Durand ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700956 du Tribunal administratif de Lille en date du 6 décembre 2007 qui a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'administration fiscale ne pouvait taxer par voie de compensation avec le dégrèvement accordé dans sa décision sur la réclamation du contribuable, les sommes détournées au détriment de M. B dès lors que le Tribunal de grande instance d'Arras, par jugement du 29 novembre 2005, a considéré que la culpabilité de Mme A n'était pas établie du chef d'escroquerie au préjudice de ce dernier ; qu'en outre les détournements commis au préjudice de M. C n'atteignaient que 7 100 euros et non 24 337,50 euros ; que les deux chèques de 45 734 euros et 60 164 euros dont le montant a été taxé entre ses mains étant demeurés impayés, il n'y avait pas lieu d'en taxer le montant entre ses mains ; qu'il en est de même d'un chèque de 121 959,21 euros des époux D, qui n'a pas été encaissé, pour lesquels le tribunal correctionnel n'a décidé d'accorder des dommages et intérêts qu'à hauteur de 2 500 euros, et du chèque de 241 608,52 euros émanant de M. E, qui n'a pas été encaissé ; que les chèques de 20 000 euros et 53 000 euros n'ont pas été remis à Mme A mais à son fils ; qu'en tout état de cause, la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration fiscale n'a pas mis en demeure la contribuable de souscrire la déclaration catégorielle des bénéfices non commerciaux avant de la taxer d'office en application de l'article L. 73-2° du livre des procédures fiscales ; qu'en ce qui concerne les pénalités appliquées en vertu de l'article 1728-3° du code général des impôts, elles ont été appliquées à tort dès lors que l'activité de la requérante ne peut être qualifiée d'occulte ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête aux motifs que Mme A a été taxée régulièrement d'office dès lors que soumise à l'obligation de déclarer son activité à un centre de formalités des entreprises, le service n'était pas tenu de la mettre en demeure de déclarer ses revenus catégoriels ; que c'est par une correcte application de l'article L. 66-1° du livre des procédures fiscales que les revenus de Mme A ont été évalués d'office en vertu de l'article L. 73-2° du livre des procédures fiscales ; que la contribuable a la charge de prouver l'exagération de l'imposition ; que le montant de la compensation opérée par l'administration est correct compte tenu des derniers éléments ayant justifié un dégrèvement supplémentaire de 50 000 euros ; que le montant des fonds détournés au détriment de M. C est bien égal à 24 337,50 euros selon ce qui résulte du jugement du Tribunal de grande instance d'Arras ; qu'en ce qui concerne les chèques de 45 734 euros et 60 164 euros, ils ont été détournés au détriment de M. E et sont imposables à ce titre, bien que la culpabilité de Mme A du chef d'escroquerie au préjudice de M. qui a reçu ces chèques n'ait pas été reconnue ; qu'en ce qui concerne le chèque de 121 959,21 euros, il a été fait droit à la demande de la requérante au stade de la réclamation ; qu'en ce qui concerne le chèque de 112 904 euros, le Tribunal de grande instance d'Arras a reconnu Mme A coupable d'avoir trompé les époux D à hauteur du montant de ce chèque tiré sur le compte de M. E pour les convaincre de lui remettre des chèques ; que le chèque de 241 608,52 euros a bien été inscrit au crédit de son compte ; que Mme A n'établit pas avoir remboursé les chèques de 20 000 euros et 53 000 euros émis par M. F ; que le détournement de fonds constituant une activité occulte, le service était fondé à appliquer sur le montant des rappels d'impôts fondés sur ces détournements, les pénalités prévues à l'article 1728-3° du code général des impôts ; qu'à défaut, le service demande que leur soit substituée une pénalité à hauteur de 40 % pour non déclaration dans les trente jours suivant une mise en demeure ;

Vu la décision contestée ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de M. Patrick Minne, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions contestées :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2° ; qu'aux termes de l'article L. 68 du même livre : La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure. Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable change fréquemment son lieu de résidence ou de principal établissement, ou a transféré son activité à l'étranger sans déposer la déclaration de ses résultats ou de ses revenus non commerciaux, ou ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce, ou si un contrôle fiscal n'a pu avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. ; qu'enfin, aux termes de l'article 371AJ de l'annexe II du code général des impôts : I. (...) 7. Les centres des impôts créent et gèrent les centres compétents pour les personnes suivantes dès lors qu'elles exercent leur activité à titre de profession habituelle, qu'elles ne relèvent pas des dispositions des 1 à 6 et qu'elles n'ont pas d'autres obligations déclaratives que statistiques et fiscales : a) Les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; b) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux ; c) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux ; d) Les assujettis à l'impôt sur les sociétés (...) ; qu'il résulte des dispositions précitées que Mme A, qui a détourné des fonds au cours des années 2002 et 2003, avait l'obligation de déclarer son activité illicite dont les revenus relèvent de la catégorie des bénéfices non commerciaux à un centre de formalité des entreprises ; que dès lors qu'elle a négligé de le faire, le service n'était pas tenu de la mettre en demeure de déclarer le revenu catégoriel concerné avant de mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office de ses revenus non commerciaux au titre des années 2002 et 2003, en application du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales, ainsi que cela résulte des dispositions précitées de l'article L. 68 du même livre ; que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition d'office doit être écarté ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus (...) ;

Considérant que l'administration fiscale a taxé d'office au titre des années 2002 et 2003 le montant de détournements de fonds commis par Mme A au préjudice de particuliers révélés par les pièces d'une procédure d'enquête judiciaire à laquelle le service a eu accès en application des dispositions de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, et sanctionnés par un jugement du Tribunal correctionnel d'Arras du 29 novembre 2005 ; qu'en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, il revient à la contribuable d'établir l'exagération des impositions ;

Considérant, d'une part, que l'administration a, à hauteur de 74 337,50 euros, compensé un dégrèvement de 180 995,09 euros prononcé au stade de la réclamation ; qu'elle a ensuite réduit cette compensation devant le tribunal administratif à hauteur de 24 337,50 euros ; qu'elle apporte la preuve du bien-fondé de cette compensation dès lors que ce montant correspond à des chèques tirés sur le compte de M. Bruno C et encaissés par Mme A, ainsi que cela résulte des termes mêmes du jugement du Tribunal correctionnel d'Arras susvisé qui l'a reconnue pour ce motif coupable de détournements de fonds ; que la circonstance que le même tribunal a limité à 7 100 euros le montant des dommages et intérêts accordés à M. C ou que Mme A indique avoir, d'ailleurs sans l'établir, remboursé M. C, est sans incidence sur le montant à inclure de ce chef dans le redressement dès lors que la requérante n'établit pas que lesdites sommes auraient été remboursées au cours de l'année d'imposition ;

Considérant, d'autre part, qu'en ce qui concerne le chèque de 241 608,52 euros établi par M. E à son profit, Mme A n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il n'a pas été encaissé ; qu'il ressort en effet du courrier adressé à Mme A par l'avocate de la banque au détriment de laquelle ce chèque a été tiré que celui-ci l'a été frauduleusement sur le compte de M. E avant que la banque soit informée qu'il avait été établi sans provision ; qu'en ce qui concerne les chèques de 45 734 euros et 60 164 euros signés en blanc par M. E et remis à Mme A, l'utilisation frauduleuse, par la requérante, en toute connaissance de cause, de moyens de paiement qui ne pouvaient être honorés, pour se procurer des biens, caractérise l'utilisation d'un procédé pour détourner des fonds constitutifs d'un revenu imposable sur le fondement de l'article 92 du code général des impôts, sans que la requérante puisse valablement invoquer la circonstance que la personne ayant reçu ce chèque n'a pu l'encaisser ; qu'en ce qui concerne le chèque de 121 959,21 euros signé par M. E, le service a donné satisfaction à la requérante en faisant droit à sa demande au stade de la réclamation ; qu'il résulte enfin des pièces de la procédure judiciaire que Mme A a encaissé deux chèques de 20 000 et 53 000 euros de la part de M. F ; qu'elle n'établit nullement avoir remboursé ces sommes au cours de l'année d'imposition ; que la circonstance que M. F ne s'est pas constitué partie civile au cours du procès pénal est sans influence sur la qualification de détournement de fonds retenue par le tribunal correctionnel ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération de l'imposition ;

En ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : 1. Lorsqu'une personne physique ou morale ou une association tenue de souscrire une déclaration ou de présenter un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts s'abstient de souscrire cette déclaration ou de présenter cet acte dans les délais, le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 10 p. 100. (...) 3. La majoration visée au 1 est portée à : (...) 80 p. 100 en cas de découverte d'une activité occulte. ;

Considérant que l'activité de détournement de fonds découverte par le service dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 101 du livre des procédures fiscales n'a fait l'objet d'aucune déclaration ; qu'il s'agissait, par suite, d'une activité occulte ; qu'en conséquence, l'administration était fondée à appliquer aux redressements notifiés les pénalités prévues au 3. de l'article 1728 du code général des impôts au taux de 80 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme Claudette A doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Claudette A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Claudette A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

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N°08DA00303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08DA00303
Date de la décision : 26/01/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Kimmerlin
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : CABINET DURAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2010-01-26;08da00303 ?
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