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27/01/2011 | FRANCE | N°09DA00565

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 27 janvier 2011, 09DA00565


Vu, I, la requête, enregistrée le 8 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SAS SODIPAN, représentée par son président en exercice, dont le siège social est situé ZI, Boulevard Industriel, BP 518 à Saint-Etienne-du-Rouvray (76807), par Me Beetschen, avocat ; la SAS SODIPAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Rouen n° 0300500 du 3 mars 2009 qui n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamner l'Etat à lui verser une somme de 584 529 euros arrêtée au 31 décembre 2002 en réparatio

n du préjudice qu'elle a subi en raison des fautes dont ont été entachée...

Vu, I, la requête, enregistrée le 8 avril 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la SAS SODIPAN, représentée par son président en exercice, dont le siège social est situé ZI, Boulevard Industriel, BP 518 à Saint-Etienne-du-Rouvray (76807), par Me Beetschen, avocat ; la SAS SODIPAN demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Rouen n° 0300500 du 3 mars 2009 qui n'a fait que partiellement droit à sa demande de condamner l'Etat à lui verser une somme de 584 529 euros arrêtée au 31 décembre 2002 en réparation du préjudice qu'elle a subi en raison des fautes dont ont été entachées les mesures prises en vue de la suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) de prononcer la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 584 529 euros, arrêtée au 31 décembre 2002, augmentée des intérêts légaux décomptés à partir du 1er janvier 2003, intérêts portant eux-mêmes intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la société a formé le 30 décembre 2002 auprès de l'Etat, une demande indemnitaire tendant à la réparation à hauteur de 584 529 euros du préjudice financier qui lui a été causé par l'Etat par le mécanisme de remboursement de la déduction de référence instaurée par l'article 271 A du code général des impôts à l'occasion de la suppression, en 1993, de la règle du décalage d'un mois en matière de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'elle a déterminé ce préjudice en substituant aux taux des intérêts qui avaient été appliqués les taux successifs de l'intérêt légal en vigueur pendant les années 1993 à 2002 ; que c'est à tort que le Tribunal a considéré que l'Etat pouvait opposer la prescription quadriennale à la demande de la société en tant qu'elle porte sur les années 1993 à 1997 ; que le jugement doit être annulé dès lors qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré de l'absence de liquidité, ni sur le moyen relatif à l'absence d'exigibilité de la créance ; que les créances nées du dispositif en litige ne sont devenues exigibles qu'à compter de la publication du décret n° 2002-179 du 13 février 2002 relatif au remboursement par anticipation des créances en cause ; que le délai de prescription n'a pu légalement courir qu'à compter de la publication du décret ; que l'ensemble des trois cas d'interruption prévus aux articles 1, 2 et 3 de la loi du 31 décembre 1968 s'appliquent au cas d'espèce ; qu'en ce qui concerne les conclusions du jugement relatives aux années 1998 à 2002, les arrêtés ministériels ayant fixé les taux de rémunération de la créance sont illégaux au regard du droit interne, dès lors que le ministre a méconnu les limites de l'habilitation qui lui avait été accordée pour fixer les taux d'intérêt en fixant ce taux à un niveau quasi nul ; que si le tribunal administratif a reconnu cette illégalité, c'est à tort qu'il a considéré que le taux qui aurait dû être pris pour référence devait être fixé à la moitié du taux de l'intérêt légal ; qu'en effet, les arrêtés de 1995 et 1996 étant seuls illégaux au regard de la faiblesse des taux prévus, seul l'arrêté du 15 avril 1994 restait en vigueur et c'est le taux de 4,5 %, prévu par ses dispositions, qui devait être appliqué ; qu'au surplus, dès lors que, dès l'année 1994, le taux fixé par arrêté ministériel devenait déraisonnablement faible par rapport au taux respectant les exigences de juste équilibre, le principe du droit au respect des biens de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'en est trouvé violé ; que cette violation justifie la demande de réparation qui en découle et engage ainsi la responsabilité de l'Etat ; qu'au surplus, l'inégalité de traitement entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée du fait de la suppression de la règle du décalage d'un mois résulte de ce qu'une situation différente a été faite aux redevables ayant plus ou moins de 10 000 francs de déduction de référence, ou aux titulaires d'une créance inférieure ou supérieure à 150 000 francs ; que cette différence est de nature à avoir créé une discrimination prohibée par les dispositions de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en effet, la distinction faite manque de justification objective et raisonnable dès lors qu'il n'y a pas de rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ; que cette même discrimination a été créée entre les créanciers au titre de la déduction de référence et les créanciers habituels de l'Etat, qui ont bénéficié d'une rémunération supérieure ; que la prescription quadriennale opposée par le ministre est en soi contraire aux principes dégagés par les articles premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 13 de la dite convention, dès lors qu'elle a privé la requérante d'un droit au recours effectif ; qu'enfin, au regard du droit communautaire, le dispositif litigieux n'a pas réduit les effets de la disposition nationale dérogatoire que constituait la règle du décalage d'un mois dès lors que le bénéfice de l'atténuation du décalage obtenu à partir du mois de février 1993 à hauteur du dixième suite au décret du 28 janvier 1993 s'est trouvé repris pour tous les assujettis et converti en créance à terme sur le Trésor ; que les dispositions de la sixième directive ont donc été méconnues ; que s'agissant d'une violation du droit communautaire, la loi de prescription quadriennale ne peut être applicable au présent contentieux, sauf à méconnaître le principe d'effectivité juridictionnelle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 octobre 2009, présenté pour la SAS SODIPAN, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient au surplus, en ce qui concerne la prescription, que le montant de la créance ne pouvait être connu avant la publication de l'arrêté du 13 février 2002 et que, comme en matière de séquestre, le préjudice n'a pu apparaître qu'à cette date ; que le recours pour excès de pouvoir exercé le 22 avril 2002 contre le décret du 13 février 2002 a eu également pour effet d'interrompre la prescription ; qu'en outre, dès lors que la requérante ne peut, devant le juge de la responsabilité, contester la conformité de la prescription quadriennale aux dispositions de la Constitution, elle ne bénéficie pas d'un droit au recours effectif sur ce point ; qu'en ce qui concerne le chiffrage du préjudice, il y aurait lieu de retenir comme taux de référence le taux du marché applicable aux obligations assimilables du Trésor souscrites sur 10 ans et non à la moitié de ce taux ; que les intérêts au taux légal dus sur l'indemnité devant être versés au titre des années 1993 à 2002 seront capitalisés chaque année à compter de la demande du 30 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 novembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête aux motifs que c'est à tort que la société conteste l'application de la prescription quadriennale ; que la requérante a eu en effet connaissance des taux d'intérêt de la créance dès la publication des arrêtés de 1994, 1995 et 1996 les ayant fixés ; que la requérante ne peut lier la connaissance de la créance alléguée à la publication du décret du 13 février 2002 dès lors que celui-ci fixe non le taux d'intérêt à appliquer mais a pour but de décider du versement du solde de la créance ; que la circonstance que la requérante n'était pas en mesure de chiffrer exactement sa créance n'est pas de nature à modifier le point de départ de la prescription quadriennale ; qu'elle avait en effet la possibilité de majorer sa demande devant le juge en conséquence de l'aggravation du préjudice ; que la requête du 22 avril 2002 invoquée par la requérante n'a pu interrompre la prescription, dès lors qu'elle portait sur l'absence de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée et non sur le taux d'intérêt appliqué par l'Etat ; que la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes reconnaît l'existence de délais de prescription dans l'intérêt de la sécurité juridique ; que le mécanisme de prescription quadriennale n'est donc pas contraire au droit communautaire ; que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme invoquée par la requérante concernait les dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et non la loi du 31 décembre 1968 ; que la société n'a pas été privée d'un droit au recours effectif au seul motif qu'elle n'a pu invoquer l'inconstitutionnalité alléguée de la loi du 31 décembre 1968 qui n'est d'ailleurs pas démontrée ; que les créances d'intérêts prétendument dues au titre des années antérieures à 1998 sont prescrites ; que les arrêtés ministériels ayant fixé les taux d'intérêts de la créance ne sont pas contraires aux dispositions de l'article 271 A du code général des impôts, l'intention du législateur n'ayant été que de fixer un plafond ; qu'en supprimant la règle du décalage d'un mois, la France n'a manqué à aucune obligation qui lui incombe en vertu du droit communautaire ainsi que la Cour de justice des communautés européennes l'a reconnu elle-même dans son arrêt du 18 décembre 2007 ; que le dispositif contesté n'a introduit aucune discrimination qui ne soit justifiée de façon objective et raisonnable ; que les créanciers au titre du dispositif litigieux ne sont pas dans une situation identique aux créanciers habituels de l'Etat ; que la mesure résultant de la loi du 22 juin 1993 a permis justement un rapprochement de la législation française du régime général de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prévue par la sixième directive ; qu'en définitive, toutes les entreprises ont obtenu le remboursement de leur créance ; que ce dispositif participait d'un plan de mesures de politique économique d'intérêt général destiné à soutenir les entreprises françaises ; que le traitement différencié des PME et des grandes entreprises était justifié par des situations économiques respectives différentes ; que, par suite, les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 février 2010, présenté pour la SAS SODIPAN, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et soutient au surplus que dans l'hypothèse où la prescription quadriennale serait retenue, il y aurait lieu de dédommager la requérante du préjudice subi en 1997, celui-ci ne pouvant être déterminé qu'en 1998 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient, au surplus, que la prescription couvre également l'année 1997 puisque le taux d'intérêt était connu depuis un arrêté de 1996, soit avant l'année 1998 ; que la demande de capitalisation des intérêts a été présentée pour la première fois dans le mémoire du 5 octobre 2009 et que cette capitalisation ne pourra par suite être pratiquée qu'à compter de cette date ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2010, présenté pour la SAS SODIPAN, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la capitalisation des intérêts est due au moins à compter de l'introduction de la requête devant le Tribunal administratif le 13 mars 2003 ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu, II, le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 30 avril 2009 et confirmé par la production de l'original le 6 mai 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Rouen n° 0300500 du 3 mars 2009 qui a fait droit partiellement à la demande de condamnation de l'Etat de la SAS SODIPAN à être indemnisée du préjudice qu'elle a subi en raison des fautes dont ont été entachées les mesures prises en vue de la suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

2°) de rejeter la demande de la SAS SODIPAN ;

Il soutient que la suppression de la règle du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée répondait à un objectif de politique économique, à savoir soutenir la trésorerie des entreprises en période de récession et en particulier les petites entreprises bénéficiant de taux d'intérêt plus élevés que les grosses entreprises ; que le gouvernement a également répondu à l'objectif communautaire d'harmonisation du régime interne de déduction en matière de taxe sur la valeur ajoutée avec celui des autres Etats membres, alors même qu'il n'était pas dans l'obligation de le faire ; que dans un arrêt rendu le 18 décembre 2007, la Cour de justice des communautés européennes a considéré que le dispositif mis en place par l'Etat français était compatible avec la sixième directive ; que les premiers juges ont considéré à tort que les moyens soulevés par la société étaient recevables ; qu'en effet, le principe d'immutabilité de la demande en justice s'oppose à ce qu'il n'y ait pas identité entre les éléments constitutifs de la réclamation préalable, à savoir les parties, la cause et l'objet, et ceux du recours contentieux ; que dès lors que la société a fondé sa réclamation préalable sur le moyen tiré de ce que le dispositif de suppression du décalage d'un mois était incompatible avec la sixième directive et demandé l'indemnisation du seul préjudice né de l'immobilisation de sa créance, elle ne pouvait ensuite demander la réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la faible rémunération de sa créance, au motif de l'incompatibilité des modalités de rémunération de sa créance avec les dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le droit interne ; que la demande au contentieux étant nouvelle, elle doit être déclarée irrecevable ; qu'en écartant, sans justification, l'argumentation produite par le ministre selon laquelle les arrêtés pris en application de l'article 271 A du code général des impôts ne pouvaient être regardés comme entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le texte législatif ne fixait pas de limite minimale au taux de l'intérêt qui assortirait la créance détenue sur le Trésor, les premiers juges ont entaché leur décision d'une insuffisance de motivation ; qu'en effet, le ministre avait soutenu en défense que le taux fixé par l'article 271 A du code général des impôts était un plafond en deçà duquel le ministre avait toute liberté pour fixer le taux de rémunération de la créance ; que les premiers juges ont considéré à tort que le législateur avait entendu assurer une rémunération effective de la créance alors que le texte de loi était suffisamment clair et laissait toute latitude au ministre dans la limite du plafond de 4,5 % ; qu'ils ont procédé à l'interprétation d'un texte clair sans nécessité et sans motivation particulière ; que les premiers juges ont considéré à tort qu'il existait un préjudice certain et directement lié à la faute alléguée et ont insuffisamment motivé cette appréciation ; que seul un préjudice certain et découlant d'une faute de l'administration est susceptible d'ouvrir un droit à indemnisation ; que dès lors que le dispositif en litige constitue une seule et même mesure d'ensemble et que cette mesure n'est pas illégale, le préjudice invoqué ne peut être rattaché à aucune faute de l'Etat ; qu'aucune indemnité n'est due en réparation d'un préjudice non directement imputable à l'action de l'administration fiscale ; qu'en effet, les mesures relatives à la fixation du taux d'intérêt ne sont pas isolées de l'ensemble du dispositif, lequel est plus avantageux pour chacune des entreprises concernées que la règle préexistante du décalage d'un mois ; que la SAS SODIPAN n'a jamais été en mesure d'établir l'existence d'un préjudice né de ce qu'elle aurait été lésée en comparant les déductions qu'elle aurait pu pratiquer à droit constant avec la situation qui a découlé de l'abandon de la règle du décalage d'un mois ; que les premiers juges ont considéré à tort qu'il pouvait être fait une juste appréciation de la rémunération à laquelle la SAS SODIPAN pouvait prétendre ; qu'en effet, le taux retenu par le législateur dans l'article 271 A du code général des impôts n'a pas été fixé en référence à la moitié du taux de l'intérêt légal ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2009, présenté pour la SAS SODIPAN, représentée par son président en exercice, dont le siège social est situé ZI, Boulevard Industriel, BP 518 à Saint-Etienne-du-Rouvray (76807), par Me Beetschen, avocat, qui conclut au rejet du recours aux motifs qu'en ce qui concerne la prescription, le montant de la créance ne pouvait être connu avant la publication de l'arrêté du 13 février 2002 et que comme en matière de séquestre, le préjudice n'a pu apparaître qu'à cette date ; que le recours pour excès de pouvoir exercé le 22 avril 2002 contre le décret du 13 février 2002 a eu également pour effet d'interrompre la prescription ; qu'en outre, dès lors que la requérante ne peut, devant le juge de la responsabilité, contester la conformité de la prescription quadriennale aux dispositions de la Constitution, elle ne bénéficie pas d'un droit au recours effectif sur ce point ; qu'en ce qui concerne le chiffrage du préjudice, il y aurait lieu de retenir comme taux de référence le taux du marché applicable aux obligations assimilables du Trésor souscrites sur 10 ans et non à la moitié de ce taux ; que les intérêts au taux légal dus sur l'indemnité devant être versés au titre des années 1993 à 2002 seront capitalisés chaque année à compter de la demande du 30 décembre 2002 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 30 novembre 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins que le recours par les mêmes moyens et soutient, au surplus, que la société ne peut valablement soutenir qu'elle n'a eu connaissance de sa créance qu'à la date de publication du décret n° 2002-179 du 13 février 2002 dès lors qu'elle a eu connaissance des taux d'intérêt de la créance qu'elle détenait sur le Trésor à la date de publication des trois arrêtés des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 ayant fixé les taux d'intérêts spécifiques à cette créance ; que la circonstance qu'elle n'était pas en mesure de chiffrer avec exactitude le montant de son préjudice avant le remboursement intégral de sa créance n'est pas de nature à modifier le point de départ de la prescription quadriennale dès lors qu'elle était à même de connaître le préjudice qu'elle estime avoir subi et d'en apprécier l'importance et pouvait, en cas d'aggravation de celui-ci, augmenter ses prétentions devant le juge ; que le recours pour excès de pouvoir invoqué pour considérer que la prescription a été interrompue de son fait portait sur l'absence de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée dans un délai raisonnable et non les modalités de rémunération de la créance sur le Trésor et n'a donc pu avoir d'effet interruptif sur la créance en litige qui est de nature différente ; que la société n'a pas été privée d'un droit au recours effectif au seul motif qu'elle n'a pu invoquer l'inconstitutionnalité alléguée de la loi du 31 décembre 1968, qui n'est d'ailleurs pas démontrée ; que les créances d'intérêts prétendument dues au titre des années antérieures à 1998 sont prescrites ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2010, présenté pour la SAS SODIPAN, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient, au surplus, que dans l'hypothèse où la prescription quadriennale serait retenue, il y aurait lieu de dédommager la requérante du préjudice subi en 1997, celui-ci ne pouvant être déterminé qu'en 1998 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient au surplus que la prescription couvre également l'année 1997 puisque le taux d'intérêt était connu depuis un arrêté de 1996, soit avant l'année 1998 ; que la demande capitalisation des intérêts a été présentée pour la première fois dans le mémoire du 5 octobre 2009 et que cette capitalisation ne pourra, par suite, être pratiquée qu'à compter de cette date ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2010, présenté pour la SAS SODIPAN, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutient, au surplus, que la capitalisation des intérêts est due au moins à compter de l'introduction de la requête devant le tribunal administratif le 13 mars 2003 ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés Européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu l'arrêté du 15 mars 1996 fixant le taux d'intérêt applicable à compter du 1er janvier 1995 aux créances résultant de la suppression du décalage d'un mois en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu l'arrêt du 18 décembre 2007 de la Cour de justice des communautés européennes rendu dans l'affaire C-368/06 SA Cédillac ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Sur la jonction :

Considérant que la requête n° 09DA00565 de la SAS SODIPAN et le recours n° 09DA00699 du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Considérant que par une demande préalable reçue le 30 décembre 2002 par le ministre de l'économie et des finances, la SAS SODIPAN a contesté les modalités de remboursement de la créance sur le Trésor née de la suppression par l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 portant loi de finances rectificative pour 1993 de la règle dite du décalage d'un mois en matière d'imputation de la taxe sur la valeur ajoutée et a sollicité le versement d'une somme de 584 529 euros au titre de l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de l'insuffisante rémunération de cette créance de 1993 à 2002 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que si la SAS SODIPAN soutient que le Tribunal administratif de Rouen a entaché son jugement d'irrégularité en ne répondant pas au moyen tiré de ce que la créance sur l'Etat résultant de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois n'est devenue certaine, liquide et exigible qu'à compter de la publication du décret du 13 février 2002 relatif au remboursement par anticipation des créances sur le Trésor, il ressort des motifs du jugement attaqué que le Tribunal a effectivement répondu à ce moyen en jugeant que les arrêtés ministériels qui ont déterminé les taux d'intérêt applicables aux remboursements échelonnés étaient antérieurs à la publication du décret susvisé et que la société était dès lors à même de chiffrer avec une précision suffisante le montant du préjudice, dès leur publication ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que le Tribunal administratif de Rouen a nécessairement écarté l'argumentation présentée en défense par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, tirée de ce que le législateur n'aurait pas fixé de limite minimale au taux de l'intérêt qui assortirait la créance sur le Trésor en accueillant le moyen de la SAS SODIPAN, tiré de ce que le taux de rémunération prévu par l'arrêté du 15 mars 1996 était illégal et a suffisamment motivé sa réponse à ce moyen en indiquant que ledit arrêté était entaché d'illégalité, dès lors que le ministre avait méconnu les limites de l'habilitation qui lui avait été accordée par le législateur pour fixer cette rémunération ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué doit être écarté ;

Sur les conclusions relatives aux années 1993 à 1997 et sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le ministre :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ; que l'article 2 de la même loi dispose que : La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...). Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance. (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, (...) ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ; qu'enfin, aux termes de l'article 7 de la même loi : L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond (...) ;

Considérant, en premier lieu, que la SAS SODIPAN ne saurait soutenir qu'elle n'a eu connaissance de la possibilité d'agir contre l'Etat français à raison de la non-conformité alléguée au droit communautaire des dispositions de l'article 271 A du code général des impôts, issues de l'article 2 de la loi de finances rectificative du 22 juin 1993, qu'à compter de la publication du décret du 13 février 2002 qui lui a permis de chiffrer de manière définitive son préjudice, dès lors qu'elle avait eu la possibilité de contester les modalités de la rémunération de sa créance dès la publication des arrêtés du ministre chargé du budget des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 fixant respectivement les taux de 4,5 %, 1 % et 0,1 % pour les intérêts échus en 1993 et à compter des 1er janvier 1994 et 1er janvier 1995 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat que le délai de prescription quadriennale commence à courir à compter du premier jour de chacune des années suivant celles au cours desquelles les droits ont été acquis ; que, par suite, il y a lieu de prendre en compte, pour l'application de ces dispositions, l'année au cours de laquelle sont nés les droits au paiement de la créance correspondant à la différence entre les intérêts versés au taux fixé par les arrêtes des 15 avril 1994, 17 août 1995 et 15 mars 1996 et les intérêts auxquels la société requérante estimait avoir droit ; que, par suite, la SAS SODIPAN, dont le droit à rémunération de la créance née du décalage d'un mois est distinct de la créance née du décalage elle-même, n'est pas fondée à soutenir que la créance relative aux intérêts n'est devenue certaine, liquide et exigible qu'à la date à laquelle la créance non cessible et non négociable sur le Trésor née de la suppression du décalage d'un mois est elle-même devenue liquide et exigible en conséquence du décret du 13 février 2002 décidant son remboursement par anticipation ; qu'elle n'est pas davantage fondée, à soutenir que l'exception de prescription quadriennale devait être décomptée en retenant l'année au cours de laquelle est intervenu l'arrêté portant fixation des intérêts et non celle au cours de laquelle les intérêts courus devaient être regardés comme acquis ; qu'en particulier, et contrairement à ce que soutient la SAS SODIPAN dans son mémoire enregistré le 15 février 2010, dès lors que le taux de rémunération de la créance pour 1997 était celui fixé par l'arrêté du 15 mars 1996, elle doit être réputée avoir eu connaissance de sa créance au titre de l'année 1997 au 31 décembre 1997 et la prescription quadriennale de la créance née à cette date est réputée avoir débuté le 1er janvier 1998 pour être acquise le 31 décembre 2001 ;

Considérant, en troisième lieu, que les délais de prescription n'ont pu, en application des dispositions de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 précitées, être interrompus par des recours formés par d'autres contribuables placés dans des situations comparables dès lors qu'ils se rapportaient nécessairement à des créances distinctes ;

Considérant, en dernier lieu, que le délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis, institué à peine de prescription par les dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1968, ne présente pas un caractère exagérément court et ne saurait, dès lors, être regardé comme ayant eu pour effet de priver la SAS SODIPAN de la possibilité de saisir un Tribunal du litige l'opposant à l'Etat en méconnaissance du droit à un recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni comme limitant de façon très restrictive l'exercice d'un droit à réparation né de la non-conformité avec le droit communautaire ; que, par suite, la requérante ne peut, en tout état de cause, soutenir que le délai de prescription ne peut lui être opposable dès lors que l'Etat a commis une faute portant atteinte à l'un de ses droits reconnus par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle n'est pas fondée à soutenir que le délai de prescription la priverait de son droit au recours effectif ; qu'enfin, la circonstance que la SAS SODIPAN n'était pas alors en droit de contester par voie d'exception la constitutionnalité de la loi du 31 décembre 1968 au regard des articles 2 et 17 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ne saurait par elle-même avoir pour effet d'écarter les règles de prescription qui en sont issues ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la SAS SODIPAN tendant à la réparation du préjudice financier subi au titre des années 1993 à 2002 en raison de l'insuffisante rémunération de sa créance, présentée à l'administration le 30 décembre 2002, était prescrite pour les années 1993 à 1997 ;

Sur les conclusions relatives aux années 1998 à 2002 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

Considérant que la demande présentée par la SAS SODIPAN devant l'administration fiscale tendait à la condamnation de l'Etat à raison du préjudice causé par l'immobilisation illégale de la créance née de la suppression de la règle du décalage d'un mois ; que si la société s'est ensuite prévalue devant le Tribunal administratif de Rouen de l'insuffisante rémunération de sa créance, une telle demande, clairement fondée sur l'existence d'une faute à la charge de l'Etat, ne relève pas d'une cause juridique distincte et ne peut, contrairement à ce que soutient le ministre, être tenue pour nouvelle dès lors qu'elle a, en définitive, le même objet ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre ne peut qu'être écartée ;

En ce qui concerne le principe de la responsabilité de l'Etat :

Considérant que, selon l'article 17, paragraphe 1, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires, applicable au présent litige, le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible et que, selon l'article 18, paragraphe 2, de la même directive, la déduction est opérée par imputation sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance au cours de la même période ; que l'article 28, paragraphe 3, sous d), a toutefois prévu que les Etats membres pourraient, pendant une période transitoire, continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue par l'article 18, paragraphe 2 ; qu'en vertu de l'article 18, paragraphe 4, quand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, l'Etat, peut décider soit de faire reporter l'excédent sur la période suivante, soit de procéder au remboursement, selon des modalités qu'il fixe, sauf excédent insignifiant dont le report ou le remboursement peut, de ce fait, être refusé ;

Considérant que, par l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 1993 du 22 juin 1993, la France a mis fin à la règle dite du décalage d'un mois qu'elle appliquait en vertu de la dérogation prévue par l'article 28 précité de la directive, et selon laquelle la déduction de la taxe ayant grevé les biens ne constituant pas des immobilisations et les services ne pouvait être opérée qu'au titre du mois suivant celui au cours duquel la taxe était devenue exigible ; que, par le même texte, la France a institué, pour les redevables ayant commencé leur activité avant le 1er juillet 1993, un régime transitoire, selon lequel une partie de la taxe déductible constituait une créance sur le Trésor remboursable sur une période initialement fixée à vingt ans, la totalité des créances ayant été finalement remboursée de façon anticipée en 2002 ;

Considérant, en premier lieu, que, par un arrêt du 18 décembre 2007, rendu dans l'affaire C-368/06, dans le cadre de la procédure de question préjudicielle, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que les articles 17 et 18 de la directive du 17 mai 1977 précitée ne s'opposent pas au régime transitoire institué par la France à l'occasion de la suppression de la règle du décalage d'un mois, autorisée par l'article 28, paragraphe 3, sous d), de la même directive, pour autant qu'il soit vérifié par le juge national que, dans son application au cas d'espèce, le régime transitoire réduit les effets de la disposition nationale dérogatoire antérieure ; que, dès lors qu'il y a ainsi lieu d'évaluer l'effet de l'ensemble du régime transitoire sur la seule disposition nationale antérieure qui dérogeait au principe de l'affectation immédiate de la taxe déductible sur la taxe collectée, la SAS SODIPAN n'est pas fondée à soutenir qu'en méconnaissance des articles 17 et 18 paragraphe 4 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, la loi du 22 juin 1993 n'aurait pas eu pour effet de réduire les effets de la disposition dérogatoire dont disposait la France, en se prévalant soit de la circonstance que compte tenu du mécanisme même de détermination de la créance sur le Trésor prenant en compte le mois moyen, la créance détenue par l'assujetti se trouverait augmentée, soit de ce que le dispositif a eu pour effet de reprendre le bénéfice de l'atténuation du décalage obtenu à partir du mois de février 1993 à hauteur du dixième, suite au décret du 28 janvier 1993 ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou tout autre situation ; qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ; que les dispositions des 1 à 5 de l'article 271 A du code général des impôts, issues du II de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993, n'ont conduit à reporter le remboursement que d'une somme représentant un mois moyen d'excédent de taxe et non de la totalité des excédents qui ont pu être constatés, somme calculée sur une période allant du 1er août 1992 au 31 juillet 1993 et, ainsi, pour les onze douzièmes, antérieure à l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction du 3 du I de l'article 271 du code général des impôts, issue du I de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 et supprimant le décalage d'un mois ; que, s'agissant des assujettis relevant du régime réel normal d'imposition, l'article 8 du décret du 14 septembre 1993 a prévu le remboursement immédiat de la totalité des créances n'excédant pas 150 000 francs et, à concurrence de 25 %, le remboursement immédiat des créances d'un montant supérieur, avec un minimum de 150 000 francs ; que ce texte, dès lors, d'une part, qu'il a garanti aux titulaires d'une créance excédant 150 000 francs un remboursement d'un montant au moins égal à cette somme et, d'autre part, qu'il était applicable à l'ensemble des entreprises assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et leur a permis d'obtenir le remboursement intégral desdites créances, n'a créé aucune discrimination avec les titulaires de créances d'un montant inférieur et n'a pas eu pour effet de créer une différence de traitement injustifiée entre redevables de la taxe sur la valeur ajoutée selon la taille des entreprises concernées ; qu'en outre, la circonstance que les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée concernés par le dispositif de remboursement progressif des créances nées de la suppression du décalage d'un mois avaient la qualité de créancier de l'Etat n'imposait pas de leur réserver un traitement identique aux autres créanciers de l'Etat, notamment les porteurs d'obligations assimilables du Trésor, qui ne se trouvaient pas dans la même situation ; que les différences de rémunération afférentes aux titres de ces deux catégories de créanciers présentaient ainsi une justification objective ; qu'il suit de là que, si les créances de taxe sur la valeur ajoutée nées de l'instauration d'un régime de déduction immédiate supérieures à un certain montant ont fait l'objet d'un remboursement différé et ont donné lieu à un niveau de rémunération inférieur à celui des taux d'intérêts du marché ou à ceux auxquels peuvent prétendre d'autres catégories de créanciers de l'Etat, la distinction ainsi introduite par le législateur et qui est pertinente au regard des buts poursuivis, n'a pas abouti à des effets disproportionnés au regard des buts poursuivis et ne pouvait être regardée comme une discrimination prohibée par les stipulations combinées des articles 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Considérant toutefois, en dernier lieu, que si les stipulations précitées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatives au respect de la propriété privée, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général, ne faisaient pas obstacle, en elles-mêmes, à la mise en oeuvre d'un dispositif transitoire, destiné à répartir sur plusieurs années la charge de remboursement de la créance née de la suppression de la règle du décalage d'un mois, ni même à ce que la créance sur le Trésor public mentionnée par le II de l'article 2 de la loi du 22 juin 1993 fût rémunérée à un taux inférieur à celui applicable aux autres créances sur l'Etat, et, en tout état de cause, a fortiori à celui pratiqué sur le marché pour le financement à court terme des entreprises, compte tenu de l'intérêt qui s'attachait à la conciliation de l'instauration d'un régime de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée se rapprochant des règles de droit commun prévues par la sixième directive avec la nécessité de limiter l'impact budgétaire d'une telle mesure, le ministre chargé du budget ne pouvait, sans porter une atteinte excessive au droit des redevables de la taxe sur la valeur ajoutée au respect de leurs biens, fixer un taux de rémunération de cette créance aboutissant à une dépréciation de celle-ci en termes réels ; qu'il suit de là qu'en fixant, par l'arrêté du 15 mars 1996, un taux de 0,1 % pour les intérêts échus à compter du 1er janvier 1995, correspondant à un niveau de rémunération quasi-nul, et en maintenant ce taux pour les intérêts dus au titre des années 2000 à 2003, alors même que la part non encore remboursée des créances sur le Trésor revêtait un caractère résiduel, l'Etat a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la SAS SODIPAN est, par suite, fondée à demander réparation du préjudice qu'elle a subi à ce titre ;

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de la rémunération à laquelle la SAS SODIPAN pouvait prétendre en la calculant, compte tenu de l'origine de la créance et de la nécessité de concilier une rémunération effective de cette créance avec les contraintes d'intérêt général de limitation de l'impact budgétaire de la mesure, sur la base d'un taux d'intérêt équivalent à la moitié du taux applicable aux obligations assimilables du Trésor, soit, respectivement, 2,30 % pour l'année 1998, 2,35 % pour l'année 1999, 2,70 % pour l'année 2000, 2,50 % pour l'année 2001 et 2,40 % pour l'année 2002 ;

En ce qui concerne le préjudice indemnisable :

Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat à verser à la SAS SODIPAN une indemnité d'un montant correspondant à la différence entre la rémunération calculée sur la base ci-dessus indiquée et celle qui lui a été allouée au titre des intérêts échus au titre de la période du 1er janvier 1998 au 19 mars 2002, date à laquelle elle a obtenu le remboursement du solde de sa créance ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS SODIPAN est fondée à soutenir, dans cette mesure seulement, que c'est à tort que, par le jugement contesté, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de sa demande ; qu'en revanche, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont condamné l'Etat à indemniser la SAS SODIPAN à raison du préjudice subi du fait de la suppression de la règle dite du décalage d'un mois ;

Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :

Considérant que la SAS SODIPAN a droit aux intérêts des sommes qui lui sont dues à compter du 30 décembre 2002, date de réception par l'administration de sa demande préalable ; que sa demande tendant à la capitalisation des intérêts, formée le 15 mars 2003, doit être regardée comme prenant effet le 30 décembre 2003, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à verser à la SAS SODIPAN la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la SAS SODIPAN un complément d'indemnité calculé selon les modalités définies ci-dessus, assortie des intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2002. Les intérêts échus à la date du 30 décembre 2003, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la SAS SODIPAN la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS SODIPAN est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS SODIPAN et au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

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Nos09DA00565,09DA00699


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09DA00565
Date de la décision : 27/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-01-27;09da00565 ?
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