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23/06/2011 | FRANCE | N°10DA00884

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 23 juin 2011, 10DA00884


Vu la décision du Conseil d'Etat n° 320171 en date du 9 juillet 2010, statuant sur le pourvoi de Mme Arlette A, annulant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai n° 06DA01159 du 25 juin 2008 en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de revenus liée au redoublement de l'intéressée, du préjudice constitué par le paiement de frais de scolarité supplémentaires et du préjudice résultant du refus d'autoriser son redoublement dans l'école d'infirmières du Centre hospitalier de Soissons et renvoyant l'affa

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 a...

Vu la décision du Conseil d'Etat n° 320171 en date du 9 juillet 2010, statuant sur le pourvoi de Mme Arlette A, annulant l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai n° 06DA01159 du 25 juin 2008 en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de revenus liée au redoublement de l'intéressée, du préjudice constitué par le paiement de frais de scolarité supplémentaires et du préjudice résultant du refus d'autoriser son redoublement dans l'école d'infirmières du Centre hospitalier de Soissons et renvoyant l'affaire à la Cour ;

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 21 août 2006 et régularisée par la production de l'original le 25 août 2006 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour Mme Arlette A, demeurant ..., par Me Darras, avocat ; Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0301153 du 13 avril 2006 du Tribunal administratif d'Amiens en tant qu'il a rejeté sa demande indemnitaire en tant qu'elle était fondée sur l'illégalité de son refus d'admission en troisième année de préparation au diplôme d'infirmière ;

2°) de condamner le Centre hospitalier de Soissons à lui verser, en réparation des préjudices subis, une somme totale de 72 062,32 euros, outre la somme de 6 827,18 euros allouée en première instance, se décomposant en 7 862,32 euros au titre du manque à gagner comme infirmière pendant un an, de 25 000 euros au titre du demi-traitement d'aide-soignante perçu pendant quatre ans au lieu d'un traitement complet, de 24 200 euros au titre des préjudices matériel et moral, de 15 000 euros au titre de l'échelon auquel elle aurait pu prétendre, en précisant que la reconstitution de carrière doit tenir compte non seulement de la cotisation supplémentaire pendant un an sur la base d'un demi-traitement d'aide-soignante mais également des trois années de formation durant lesquelles elle n'a perçu que ce demi-traitement ;

3°) de mettre à la charge du Centre hospitalier de Soissons une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu l'arrêté du 19 janvier 1988 relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales, alors en vigueur ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Bertrand Boutou, premier conseiller, les conclusions de Mme Corinne Baes Honoré, rapporteur public, aucune partie n'étant présente ni représentée ;

Considérant que Mme Arlette A a demandé au Tribunal administratif d'Amiens, suite au rejet implicite de sa demande préalable, la condamnation du Centre hospitalier de Soissons à l'indemniser des conséquences dommageables de la décision par laquelle, le 23 mai 1990, le directeur de l'école d'infirmières de cet établissement a refusé son admission en troisième année de formation d'élève infirmière et l'a contrainte à effectuer son année de redoublement et l'année suivante à Compiègne ; que le tribunal administratif, par jugement du 13 avril 2006, après avoir reconnu l'existence d'une faute de l'administration tenant à l'illégalité de la décision du 23 mai 1990, telle que déclarée par un arrêt de la Cour administrative d'appel de Nancy du 12 mai 1999, a condamné le Centre hospitalier de Soissons à verser une somme de 11 827,18 euros à Mme A en réparation de ses préjudices et l'a renvoyée devant le Centre hospitalier de Soissons afin qu'il soit procédé à la reconstitution de sa carrière, tant sur le plan de la durée des services effectifs que sur celui du droit à pension et a rejeté le surplus des conclusions ; que Mme A a relevé appel de ce jugement en tant qu'il a limité les condamnations prononcées à 11 827,18 euros ; que par arrêt du 25 juin 2008, la Cour administrative d'appel de Douai a condamné le Centre hospitalier de Soissons à verser un surplus de 1 035,14 euros à Mme A et rejeté le surplus de ses conclusions d'appel ; que Mme A s'est pourvue en cassation devant le Conseil d'Etat qui, par arrêt du 9 juillet 2010, a annulé l'arrêt de la Cour en tant qu'il statue sur les conclusions de Mme A tendant à l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de revenus liée au redoublement de l'intéressée, du préjudice constitué par le paiement de frais de scolarité supplémentaires et du préjudice résultant du refus d'autoriser son redoublement dans l'école d'infirmières du Centre hospitalier de Soissons et a renvoyé l'affaire à la Cour ;

Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité de la décision de redoublement :

Considérant que la faute du Centre hospitalier de Soissons résultant de l'illégalité de la décision du directeur de l'école d'infirmières du 23 mai 1990 ayant refusé l'admission de Mme A en troisième année a entraîné pour cette dernière une perte de chance sérieuse d'obtenir, dès 1992, son diplôme d'infirmière et sa nomination à un emploi correspondant ; que compte tenu des circonstances qu'en l'absence de rectification irrégulière de la seule note de l'épreuve de travail dirigé sur un thème d'intérêt professionnel, Mme A aurait obtenu son passage en troisième année dès 1990 et qu'à la suite de ses deux années de formation à Compiègne, elle a obtenu son diplôme en juin 1992 ainsi qu'une embauche immédiate sur un emploi d'infirmière, il y a lieu de considérer que Mme A a été privée d'une chance sérieuse d'avoir pu augmenter ses revenus, sur la durée d'une année, à hauteur de la différence entre le traitement net d'une infirmière et celui d'une aide soignante, qui est l'emploi qu'elle occupait avant l'engagement de sa formation ; qu'il résulte de l'instruction que cette différence s'établit à une somme de 7 862,32 euros ;

Considérant que la même faute du centre hospitalier a entraîné pour Mme A l'engagement de frais supplémentaires de scolarité pour une année ; que toutefois, la demande de Mme A n'est justifiée qu'à hauteur de la somme de 600 francs (91,47 euros), qui est le montant des frais d'inscription annuels reconnus par le centre hospitalier dans son mémoire en défense de première instance ;

Sur les conclusions indemnitaires fondées sur l'illégalité du refus d'autoriser un redoublement à l'école d'infirmières de Soissons :

Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article 3 de l'arrêté du 19 janvier 1988 relatif aux conditions de fonctionnement des écoles paramédicales, le directeur sollicite l'avis du conseil technique sur les mutations d'élèves à l'occasion d'un redoublement. Les membres du conseil reçoivent communication du dossier de l'élève, accompagné d'un rapport motivé établi par le directeur. Ce dernier ne peut prononcer la mutation que si l'élève est assuré de son inscription dans un autre établissement ;

Considérant que c'est en raison du refus d'admission en troisième année d'études préalablement opposé à Mme A, qu'en application des dispositions précitées, le directeur du Centre hospitalier de Soissons a décidé que l'intéressée poursuivrait sa scolarité dans un autre établissement ; que, dans ces conditions, l'illégalité de la décision de redoublement a entraîné celle de la décision de changement d'établissement ; que Mme A est par suite fondée à demander la réparation des préjudices liés à cette faute ;

Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, Mme A demande une somme de 24 200 euros au titre, d'une part, de son préjudice moral et, d'autre part, des frais supplémentaires de logement, de déplacements, de repas, d'électricité et de téléphone entraînés par ses périodes de formation à Compiègne alors qu'elle était domiciliée à Soissons ; que si le préjudice moral de Mme A n'est pas douteux, que les frais supplémentaires de logement sont justifiés et que les frais de déplacement, à défaut d'être justifiés dans leur montant, le sont dans leur principe, il n'est nullement démontré que des frais de repas supplémentaires, des frais d'électricité ou de téléphone en lien avec la faute invoquée ont été exposés ; que dans ces conditions, il y a lieu de fixer pour le tout à une somme de 6 000 euros, l'indemnité à laquelle Mme A peut prétendre au titre de son préjudice moral et des frais liés à sa résidence à Compiègne, en lieu et place des 5 000 euros accordés par le Tribunal administratif d'Amiens dans son jugement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif d'Amiens a limité à une somme de 11 827,18 euros l'indemnisation des préjudices en lien avec les fautes du Centre hospitalier de Soissons ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à la demande de Mme A fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en condamnant le Centre hospitalier de Soissons à lui verser, à ce titre, une somme de 1 000 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0301153 du 13 avril 2006 du Tribunal administratif d'Amiens est réformé en tant qu'il a limité l'indemnisation des préjudices de Mme A liés à l'illégalité de la décision du directeur de l'école d'infirmières de Soissons du 23 mai 1990 à une somme de 11 827,18 euros. Le centre hospitalier est condamné à verser à Mme A une somme supplémentaire de 8 862,32 euros.

Article 2 : Le Centre hospitalier de Soissons est condamné à verser une somme de 1 000 euros à Mme A en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Arlette A et au Centre hospitalier de Soissons.

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N°10DA00884


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10DA00884
Date de la décision : 23/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-04-03 Responsabilité de la puissance publique. Réparation. Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme Appeche-Otani
Rapporteur ?: M. Bertrand Boutou
Rapporteur public ?: Mme Baes Honoré
Avocat(s) : DARRAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2011-06-23;10da00884 ?
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