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02/05/2013 | FRANCE | N°12DA00151

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation à 3, 02 mai 2013, 12DA00151


Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2012, présentée pour la commune de Loison-sous-Lens (62218), représentée par son maire en exercice, par Me Véronique Ducloy, avocat ; la commune de Loison-sous-Lens demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806183 du 22 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 98 947,40 euros à indexer suivant l'indice BT01 à la date du 31 mars 2008 au jour de l'arrêt à interven

ir, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de la requête d'appel ...

Vu la requête, enregistrée le 31 janvier 2012, présentée pour la commune de Loison-sous-Lens (62218), représentée par son maire en exercice, par Me Véronique Ducloy, avocat ; la commune de Loison-sous-Lens demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806183 du 22 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 98 947,40 euros à indexer suivant l'indice BT01 à la date du 31 mars 2008 au jour de l'arrêt à intervenir, le tout assorti des intérêts au taux légal à compter de la requête d'appel jusqu'au parfait paiement et capitalisation ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 578,97 euros en remboursement des frais et honoraires d'expertise, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 2 avril 2008 jusqu'au parfait paiement et capitalisation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Eliot, premier conseiller,

- les conclusions de M. David Moreau, rapporteur public,

- et les observations de Me Mathilde Degaie, avocat de la commune de Loison-sous-Lens ;

1. Considérant que, par un contrat conclu le 11 février 2002, la commune de Loison-sous-Lens a confié à la direction départementale de l'équipement du Pas-de-Calais la maîtrise d'oeuvre partielle de travaux destinés notamment à créer des dispositifs permettant d'assurer la sécurité de la circulation sur la route départementale 162, comprenant notamment la mise en place d'un giratoire au carrefour de voies départementales dénommées à cet endroit rues Léon Blum et Warin ; que, le 2 février 2004, a été conclue entre le département du Pas-de-Calais, propriétaire des voies, et la commune de Loison-sous-Lens, porteuse du projet, une " convention technique " qui confie à la commune la maîtrise d'ouvrage ainsi que le choix de la maîtrise d'oeuvre et subordonne la réalisation des travaux à la notification de cette convention à la commune ; que, compte tenu des désordres affectant le giratoire, la commune de Loison-sous-Lens a sollicité et obtenu la désignation d'un expert qui a remis son rapport le 1er avril 2008 ; qu'elle relève appel du jugement du 22 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat, en sa qualité de maître d'oeuvre, à lui verser une indemnité de 98 947,40 euros au titre de la réparation des désordres constatés, qu'elle avait présentée sur le fondement de la garantie décennale, de la responsabilité contractuelle et de la responsabilité quasi-délictuelle ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que, dès le 2 novembre 2005, soit antérieurement à la réception des travaux qui a été prononcée sans réserve le 7 avril 2006, et par un courrier précis et détaillé adressé à la direction départementale de l'équipement, assurant la maîtrise d'oeuvre, la commune de Loison-sous-Lens lui a signalé l'existence de désordres affectant le giratoire ; qu'une utilisation normale du giratoire par certains ensembles routiers étant rendue impossible, compte tenu de la circonférence retenue, ces véhicules étaient contraints d'empiéter sur les bordures en les endommageant, ainsi que l'indiquait ce courrier ; que, par suite, ces vices, liés à la conception même de l'ouvrage et qui l'ont rendu impropre à sa destination, étaient, dès cette époque, connus du maître d'ouvrage dans toute leur ampleur ; qu'ils doivent être, dès lors et ainsi que l'Etat l'a fait valoir, regardés comme apparents lorsque les travaux ont été reçus sans réserve ; que, par suite et en tout état de cause, la commune de Loison-sous-Lens n'est pas fondée à solliciter la réparation des désordres constatés sur le fondement de la responsabilité décennale ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la réception sans réserve des travaux ayant été prononcée ainsi qu'il vient d'être dit, la commune de Loison-sous-Lens n'est pas davantage fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de l'Etat dans la conception de l'ouvrage ;

4. Considérant, en troisième lieu, que si la réception définitive prononcée sans réserve met, en revanche, fin aux rapports contractuels en ce qui concerne la réalisation des travaux, elle ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre puisse être recherchée s'il se révèle avoir été défaillant dans sa mission de conseil lors de la réception des travaux ;

5. Considérant que si l'Etat conteste, à l'occasion du présent litige, la qualité de maître d'ouvrage de la commune de Loison-sous-Lens en invoquant la nullité de la convention technique qui n'aurait pas respecté les dispositions de la loi du 12 juillet 1985, et a été signée postérieurement à la convention de maîtrise d'oeuvre, l'exigence de loyauté des relations contractuelles justifie, en tout état de cause et en l'espèce, que ne soit pas écartée du présent litige la convention de maîtrise d'oeuvre dont il s'agit, laquelle a été exécutée par les deux parties jusqu'à la réception des travaux sans que l'une ou l'autre de celle-ci ne remette en cause la validité du consentement qu'elles ont donné à la signature et à l'application de l'ensemble des stipulations de ce contrat ; que, par suite, la commune de Loison-sous-Lens peut rechercher la responsabilité de l'Etat en raison de son manquement à son obligation de conseil résultant de son marché ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de sa réunion du 23 mai 2002, la 4ème commission du conseil général du Pas-de-Calais a émis un avis favorable au projet de giratoire proposé par la commune de Loison-sous-Lens en formulant des recommandations techniques précises pour sa réalisation selon que le projet comporterait un ilot central infranchissable ou pas ; que le projet retenu, qui comportait la réalisation d'un giratoire avec ilot central infranchissable, n'a pas tenu compte d'un rayon de giration suffisant ; qu'au plus tard, le 4 juillet 2005, le maître d'oeuvre a été informé des recommandations ainsi émises par le département du Pas-de-Calais sur les caractéristiques du giratoire à réaliser ; que ces informations ont été par la suite complétées lors d'échanges par courriers ou réunions ; que, par suite, en s'abstenant d'appeler l'attention du maître d'ouvrage notamment sur les conséquences d'une réception sans réserve, la direction départementale de l'équipement, dont la mission de maîtrise d'oeuvre comportait une mission d'assistance du maître d'ouvrage lors des opérations de réception, a manqué à son obligation contractuelle de conseil vis-à-vis de la commune qui assurait à son égard le rôle de maître d'ouvrage ; que, toutefois, la commune de Loison-sous-Lens qui n'ignorait pas la réalité des vices et leurs conséquences, auxquels il n'avait pas été alors remédié, a commis une imprudence fautive en signant sans réserve le procès-verbal de réception de ces travaux ; qu'il sera fait, au cas d'espèce, une juste appréciation des fautes respectives de l'Etat et de la commune, en condamnant l'Etat à supporter la moitié des réparations ;

Sur le préjudice :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le préjudice de la commune de Loison-sous-Lens est composé des coûts afférents aux travaux de réfection pour un montant non contesté de 98 947,40 euros toutes taxes comprises (TTC) ; qu'en revanche, la requérante ne justifie pas qu'elle aurait subi un préjudice correspondant aux réclamations émanant des riverains et usagers du giratoire ; que la commune appelante n'est pas davantage fondée à réclamer l'actualisation suivant l'indice BT01 du montant de la réparation des désordres ainsi fixée dès lors qu'elle ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de procéder aux travaux de remise en état des désordres dès la remise du rapport d'expertise ; qu'ainsi, compte tenu du partage de responsabilité prononcée au point 6, le préjudice de la commune de Loison-sous-Lens s'élève à la somme de 49 473,70 euros TTC ;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat, 50 % des frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 578,97 euros par une ordonnance du 2 avril 2008 du président du tribunal administratif de Lille, soit la somme de 1 789,48 euros ;

Sur les intérêts et les intérêts capitalisés :

9. Considérant qu'il y a lieu d'assortir les sommes de 49 473,70 euros TTC et de 1 789,48 euros des intérêts au taux légal ayant couru depuis le 19 septembre 2008, date d'introduction de la requête devant le tribunal administratif ;

10. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée le 19 septembre 2008 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 19 septembre 2009, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'Etat sollicitée à titre subsidiaire, que la commune de Loison-sous-Lens est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros que la commune de Loison-sous-Lens demande au titre des frais exposés par elle, en première instance et en appel, et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Loison-sous-Lens le versement au département du Pas-de-Calais, qui a la qualité de simple observateur dans la présente instance, la somme qu'il réclame au titre des frais de même nature exposés par lui ;

DÉCIDE:

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la commune de Loison-sous-Lens la somme de 49 473,70 euros TTC. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 19 septembre 2008. Les intérêts échus le 19 septembre 2009 seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Les frais d'expertise, pour un montant de 1 789,48 euros sont mis à la charge de l'Etat. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 19 septembre 2008. Les intérêts échus le 19 septembre 2009 seront capitalisés à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à la commune de Loison-sous-Lens la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la commune de Loison-sous-Lens et les conclusions du département du Pas-de-Calais présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Loison-sous-Lens, au département du Pas-de-Calais et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Copie sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12DA00151
Date de la décision : 02/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité contractuelle.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Moreau
Avocat(s) : DUCLOY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2013-05-02;12da00151 ?
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