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17/12/2015 | FRANCE | N°15DA00100

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 17 décembre 2015, 15DA00100


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1004281 du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Comines à verser à M. A...D...la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis.

Par un arrêt n° 12DA01883 du 10 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a porté à la somme de 32 000 euros l'indemnité à laquelle la commune de Comines a été condamnée.

Procédure devant la cour :

Par une décision n° 375600 du 29 décembre 2014, le

Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai et lui a renvoyé l'affair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement n° 1004281 du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Comines à verser à M. A...D...la somme de 18 000 euros en réparation des préjudices financier et moral subis.

Par un arrêt n° 12DA01883 du 10 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a porté à la somme de 32 000 euros l'indemnité à laquelle la commune de Comines a été condamnée.

Procédure devant la cour :

Par une décision n° 375600 du 29 décembre 2014, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai et lui a renvoyé l'affaire.

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 mars 2015, le 30 juin 2015 et le 10 novembre 2015, M. D..., représenté par Me C...F..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Lille en portant à la somme de 66 920 euros l'indemnité à laquelle la commune de Comines a été condamnée, cette somme portant intérêt ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Comines une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la commune de Comines, en ne justifiant pas de l'absence d'une vacance de poste aménagé en fonction de son état de santé, a commis une faute en refusant de le réintégrer ;

- l'arrêté du 5 janvier 2009 le plaçant en disponibilité d'office est illégal car il méconnaît le jugement du 27 mai 2008 du tribunal administratif de Lille ;

- la période d'indemnisation doit être fixée du mois de mai 2006 au 5 janvier 2009, soit trente-deux mois ;

- son préjudice matériel s'élève à la somme de 1 935 euros par mois et son préjudice moral à la somme de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2015, la commune de Comines, représentée par Me B...E..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête M.D... ;

2°) par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Lille ;

3°) de mettre à la charge de M. D...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me B...E..., représentant la commune de Comines.

1. Considérant que M.D..., adjoint technique territorial principal de 2° classe de la ville de Comines, affecté comme mécanicien au sein de l'unité d'entretien du patrimoine bâti, a été placé en position de disponibilité d'office, par un arrêté du 15 février 2006 du maire de cette commune, pour une durée d'un an, à compter du 11 mai 2005, en raison de l'épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire ; que cet arrêté prévoyait que cette disponibilité serait renouvelable, dans la limite totale de trois années et par périodes d'une durée maximale d'un an ; que, par un arrêté du 9 mai 2006, M. D...a été maintenu dans cette position à compter du 11 mai 2006 dans l'attente d'une réintégration sur un poste aménagé ; qu'il a été réintégré dans son emploi par l'arrêté n° 2009-008 du 5 janvier 2009 du maire de Comines, avec effet immédiat ; que, par jugement du 27 mai 2008, passé en force de chose jugée, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, annulé la décision du 7 décembre 2006 par laquelle le maire de la commune de Comines a refusé de réintégrer M. D...dans les services de la commune du fait de la suppression de son poste ainsi que ses arrêtés des 11 mai 2007 et 16 novembre 2007 le maintenant en position de disponibilité d'office jusqu'au 10 mai 2008, d'autre part, a enjoint au maire de la commune de Comines de statuer à nouveau sur la demande de réintégration de M.D... ; que ce dernier relève appel du jugement du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a limité à la somme de 18 000 euros le montant de l'indemnité que la commune de Comines a été condamnée à lui verser en réparation des décisions illégales refusant de le réintégrer ou prolongeant sa disponibilité d'office ; que la commune de Comines, par la voie de l'appel incident, demande son annulation et le rejet de la demande de M. D...devant le tribunal administratif de Lille ;

Sur les conclusions d'appel de M.D... :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions (...) " ; que l'article 72 de la même loi dispose que : " La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2° (...) de l'article 57 (...) " ; qu'aux termes de l'article 81 de la même loi : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé " ; qu'en vertu de l'article 4 du décret du 30 juillet 1987 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, le comité médical départemental donne un avis " sur l'octroi et le renouvellement des congés de maladie et la réintégration à l'issue des congés de maladie " et est obligatoirement consulté pour " la mise en disponibilité d'office pour raison de santé et son renouvellement (...) " ; que l'article 17 du même décret dispose que : " (...) Lorsque le fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical. En cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme (...) " ; que l'article 38 du décret précise que : " La mise en disponibilité visée aux articles 17 (...) du présent décret est prononcée après avis du comité médical (...) sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions (...) Le renouvellement de la mise en disponibilité est prononcé après avis du comité médical (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 15 février 2006 du maire de Comines a été pris après l'avis du 10 février 2006 du comité médical ; que celui-ci constatait que la réintégration de M. D...était possible moyennant un aménagement de poste ou un reclassement sur un poste sédentaire ; que dès lors, la prolongation de la disponibilité par l'arrêté du 9 mai 2006, alors que ce fonctionnaire aurait dû être réintégré ou reclassé, a été constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Comines ;

4. Considérant, en second lieu, que l'arrêté n° 2009-007 du 5 janvier 2009 du maire de Comines place rétroactivement M. D...en position de disponibilité d'office du 11 mai 2007 au 4 janvier 2009 ; qu'en se bornant à affirmer n'avoir procédé à aucune publicité de vacance de poste correspondant à un emploi d'adjoint de 2° classe entre le 11 mai 2007 et le 24 décembre 2008, la commune de Comines n'établit pas l'absence de toute vacance d'emploi susceptible de convenir à M. D...durant cette période ; qu'à supposer même qu'aucun emploi de ce type n'ait été vacant durant cette période, lorsqu'un fonctionnaire a été, à l'expiration de ses droits statutaires à congé de maladie, reconnu inapte à la reprise des fonctions qu'il occupait antérieurement, ainsi que le comité médical l'a fait par ses nouveaux avis des 4 mai 2007 et 6 novembre 2007 qui préconisaient une mise à la retraite d'office, puis, pour le dernier d'entre eux, un reclassement professionnel, l'autorité hiérarchique ne peut placer un agent en position de disponibilité d'office sans l'avoir préalablement invité à présenter, s'il le souhaite, une demande de reclassement, la disponibilité ne pouvant être prononcée que si une telle demande n'a pas été formulée ; que, dès lors, en refusant de réintégrer ou de reclasser M. D..., l'arrêté n° 2009-007 du 5 janvier 2009 du maire de Comines plaçant rétroactivement l'intéressé en position de disponibilité d'office du 11 mai 2007 au 4 janvier 2009 a été constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune, sans qu'à cet égard, celle-ci puisse utilement soutenir que M. D...aurait finalement accepté cette situation alors qu'il avait demandé dès le 19 avril 2006 sa réintégration par une lettre recommandée avec accusé de réception ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et, le cas échéant, des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;

6. Considérant que M. D...a été placé illégalement en position de disponibilité durant une période de trente deux mois, entre le 8 mai 2006 et le 5 janvier 2009 ; qu'il est constant qu'il n'a perçu, durant cette période ni revenu de remplacement, ni rémunération ; que celle-ci aurait dû comprendre, outre son traitement de base, l'indemnité de résidence au taux de 1 %, la prime annuelle et la prime d'assiduité, dont il avait une chance sérieuse de bénéficier ; que le préjudice résultant de cette perte de rémunération doit dès lors être fixé à la somme de 1 433 euros par mois ; que, dès lors M. D...est fondé à demander que le montant de l'indemnité au versement de laquelle la commune de Comines a été condamnée en réparation du préjudice financier résultant de cette situation soit portée de la somme de 16 000 euros à la somme de 45 856 euros ;

7. Considérant qu'il y a lieu de porter à la somme de 3 000 euros l'indemnité représentative du préjudice moral subi par M.D..., du fait du refus de le réintégrer dans les effectifs de ladite commune et de l'absence de versement de traitement durant trente deux mois ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D...est seulement fondé à demander que l'indemnité au paiement de laquelle le tribunal administratif a condamné la commune de Comines soit portée de la somme de 18 000 euros à la somme de 48 856 euros ; que M. D...a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme à compter du 3 avril 2010, date de réception par la commune de Comines de sa demande préalable à fin d'indemnisation ;

Sur les conclusions d'appel incident de la commune de Comines :

9. Considérant que pour les motifs que ceux exposés aux points 3 et 4, les conclusions incidentes de la commune de Comines doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.D..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la commune de Comines la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement à M. D...de la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité que la commune de Comines a été condamnée à verser à M. D... est portée de la somme de 18 000 euros à la somme de 48 856 euros. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 3 avril 2010.

Article 2 : Le jugement n° 1004281 du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : L'appel incident de la commune de Comines est rejeté.

Article 5 : La commune de Comines versera à M. D...une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et à la commune de Comines.

Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-Jacques Gauthé, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 décembre 2015.

Le rapporteur,

Signé : J.-J. GAUTHÉLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : S. DUPUIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Sylviane Dupuis

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N°15DA00100

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00100
Date de la décision : 17/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-02-01 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Disponibilité. Réintégration.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-Jacques Gauthé
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP DEBAVELAERE BECUWE THEVELIN TEYSSEDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2015-12-17;15da00100 ?
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