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17/03/2016 | FRANCE | N°14DA00291

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 17 mars 2016, 14DA00291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée GE Capital Equipement Finance a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Béthune (Pas-de-Calais) à lui verser la somme de 48 083,52 euros majorée des intérêts à compter du 1er octobre 2009, en exécution du contrat de location avec option d'achat de matériels bureautique conclu avec cette commune, et de mettre à la charge de celle-ci une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jug

ement n° 1101157 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée GE Capital Equipement Finance a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Béthune (Pas-de-Calais) à lui verser la somme de 48 083,52 euros majorée des intérêts à compter du 1er octobre 2009, en exécution du contrat de location avec option d'achat de matériels bureautique conclu avec cette commune, et de mettre à la charge de celle-ci une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1101157 du 17 décembre 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande et a mis à la charge de la SAS GE Capital Equipement Finance une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2014 et le 24 mars 2015, la SAS GE Capital Equipement Finance, représentée par Me F...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 17 décembre 2013 ;

2°) à titre principal, de faire droit à sa demande ;

3°) à titre subsidiaire, si le contrat en cause devait être regardé comme nul, de condamner la commune de Béthune à lui verser la somme de 45 572, 94 euros ;

4°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de la commune de Béthune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'insuffisances de motivation ;

- la commune de Béthune n'a pas apporté la preuve, qui lui incombe, de ce que le contrat qui les liait était dépourvu de cause ;

- sa bonne foi ne saurait être mise en doute ;

- elle n'a aucunement manqué à un quelconque devoir de conseil ;

- a supposer même qu'elle n'ait pas eu besoin du matériel prévu par ce contrat, la commune a commis une erreur inexcusable dont les conséquences ne sauraient être supportées par son cocontractant ;

- sa demande de première instance est, ainsi, fondée ;

- alors même que le contrat serait regardé comme dépourvu de cause et donc frappé de nullité, elle serait fondée à demander, sur le terrain de la responsabilité quasi-contractuelle, le remboursement des dépenses utiles qu'elle a exposées et, sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'administration, une indemnité représentative du bénéfice dont elle a été privée, ce dont elle justifie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2014, la commune de Béthune, représentée par Me B...E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SAS GE Capital Equipement Finance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est suffisamment motivé ;

- elle a apporté des éléments suffisants à établir que le contrat conclu avec l'appelante était dépourvu de cause et, par suite, entaché de nullité ;

- le moyen tiré de ce qu'elle aurait commis une faute inexcusable est inopérant ;

- la SAS GE Capital Equipement Finance a manqué à son devoir de conseil ;

- les conclusions de la requête tendant à ce qu'elle soit condamnée sur le fondement de ce contrat ne pourront qu'être rejetées ;

- elle ne saurait être condamnée à verser une quelconque somme à la SAS GE Capital Equipement Finance ni sur le terrain de l'enrichissement sans cause, dès lors que le matériel qui lui a été livré ne lui a été d'aucune utilité, ni sur celui de la faute qu'elle aurait commise ;

- la perte de bénéfice invoquée n'est pas établie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me A...D..., substituant Me F...C..., représentant la SAS GE Capital Equipement Finance, et de Me G...H..., substituant Me B...E..., représentant la commune de Béthune.

1. Considérant que la commune de Béthune (Pas-de-Calais) a conclu, le 5 mai 2009, avec la société par action simplifiée GE Capital Equipement Finance, un contrat de location avec option d'achat de matériels bureautiques, notamment d'un serveur informatique et de photocopieurs ; que, l'attention de la commune ayant toutefois été appelée par son comptable sur le fait qu'un précédent contrat conclu le 23 avril 2007 avec cette même société était en cours d'exécution, celle-ci a suspendu les règlements des échéances du second contrat et invité la SAS GE Capital Equipement Finance à rechercher une issue négociée ; que cette démarche n'ayant pas abouti, la SAS GE Capital Equipement Finance a demandé, après mise en demeure infructueuse, au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Béthune à lui verser la somme de 48 083,52 euros majorée des intérêts à compter du 1er octobre 2009, en exécution des obligations nées du second contrat ; que la SAS GE Capital Equipement Finance relève appel du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir admis la compétence de la juridiction administrative pour connaître de ce litige et constaté la nullité de ce contrat du 5 mai 2009, pour absence de cause, a rejeté cette demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que, pour rejeter la demande de la SAS GE Capital Equipement Finance, laquelle tendait exclusivement à rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Béthune, les premiers juges se sont fondés sur ce que le contrat invoqué était entaché de nullité comme dépourvu de cause ; que, si les motifs du jugement attaqué relèvent, en outre, que la SAS GE Capital Equipement Finance, d'une part, aurait été à même d'apprécier la réalité des besoins de la commune de Béthune pour avoir déjà conclu avec elle un précédent contrat de même objet, d'autre part, aurait manqué à son devoir de conseil envers cette commune, le tribunal administratif n'a tiré aucune conséquence de ces appréciations, qui n'étaient pas nécessaires à lui permettre d'écarter le contrat en cause ; qu'ainsi, la SAS GE Capital Equipement Finance ne peut utilement se prévaloir de ce que ces deux motifs surabondants n'ont pas été explicités pour soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisante motivation ;

3. Considérant qu'une contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité ; qu'ainsi, la SAS GE Capital Equipement Finance ne critique pas utilement la régularité du jugement attaqué en invoquant une telle contradiction, à supposer même celle-ci établie ;

Sur la responsabilité de la commune de Béthune :

En ce qui concerne la responsabilité contractuelle :

4. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; qu'ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d'une part à la gravité de l'illégalité et d'autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Béthune avait déjà conclu avec la SAS GE Capital Equipement Finance, le 23 avril 2007, un précédent contrat de location, pour une durée de trente-neuf mois avec option d'achat, de matériels au nombre desquels figuraient un serveur, deux kits permettant d'y raccorder quatre lignes de télécopieurs et sept modules de télécopie, un moniteur à écran plat de dix-sept pouces, ainsi que cinq photocopieurs couleur ; que le contrat présentement en cause, conclu par la commune de Béthune le 5 mai 2009, avec la même société et pour la même durée, avait quant à lui pour objet de prendre en location, avec option d'achat, un serveur, un kit permettant d'y raccorder huit lignes de télécopieurs et sept photocopieurs couleur ; que, dans ces conditions, ce second contrat, qui portait sur un objet similaire au contrat précédent et qui a été conclu par les mêmes parties avant même la date d'échéance de ce précédent contrat, doit être regardé comme entaché de nullité pour absence de cause, alors, au demeurant, que la commune de Béthune soutient, sans être contredite, qu'elle n'a pas mis en service les matériels correspondant au second de ces contrats, dès lors que ceux-ci ne répondaient pour elle à aucun besoin ; que ce contrat n'a ainsi pu faire naître des obligations entre ses cosignataires ; que, par suite, la SAS GE Capital Equipement Finance n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la commune de Béthune et ses conclusions tendant à la condamnation de cette dernière à lui verser, sur ce fondement, la somme de 48 083,52 euros doivent être rejetées ;

En ce qui concerne les responsabilités quasi-contractuelle et quasi-délictuelle :

6. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses prévues au contrat qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé antérieurement à la signature du contrat sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration ; que dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, il peut en outre, sous réserve du partage de responsabilité découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ; que toutefois, si le cocontractant a lui-même commis une faute grave en se prêtant à la conclusion d'un marché dont, compte-tenu de son expérience, il ne pouvait ignorer l'illégalité, et que cette faute constitue la cause directe de la perte du bénéfice attendu du contrat, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation de ce préjudice ;

7. Considérant qu'il est constant que la commune de Béthune n'a pas utilisé les matériels qui lui ont été livrés en exécution du second contrat conclu avec la SAS GE Capital Equipement Finance et que la dépense de 40 664 euros que cette dernière justifie avoir exposée pour acquérir ce matériel n'a ainsi présenté pour la commune aucun caractère utile ; que, toutefois, la commune de Béthune, qui a pris la décision de conclure un contrat avec la SAS GE Capital Equipement Finance sans avoir procédé à une analyse sérieuse de ses besoins, ni avoir tiré aucune conséquence de ce qu'un précédent contrat de même objet et conclu avec la même société était toujours en cours d'exécution, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la SAS GE Capital Equipement Finance ; que cette dernière, qui n'a agi qu'en qualité d'intervenant financier, n'était, en revanche, pas en mesure d'apprécier la nature des besoins de la commune, quand bien même elle était déjà liée avec celle-ci par un précédent contrat en cours d'exécution ; que la SAS GE Capital Equipement Finance est ainsi en droit d'obtenir la réparation intégrale du préjudice qu'elle a subi en conséquence de la faute de la commune, lequel comprend le prix d'achat des matériels et son manque à gagner ; que cependant, si la SAS GE Capital Equipement Finance indique avoir subi un manque à gagner, qu'elle estime à la somme de 4 908,94 euros, elle n'en justifie pas, les pièces qu'elle verse au dossier n'étant pas de nature à lui permettre d'établir la réalité d'un préjudice correspondant à cette somme ; qu'il y a ainsi lieu de mettre à la charge de la commune de Béthune la seule somme de 40 664 euros, dont il est justifié et qui correspond au prix d'achat des matériels ; que la SAS GE Capital Equipement Finance a droit aux intérêts au taux légal sur cette somme, à compter du 23 février 2011, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Lille ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, par les moyens qu'elle invoque en appel, la SAS GE Capital Equipement Finance est fondée à demander l'annulation du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et la condamnation de la commune de Béthune à lui verser la somme de 40 664 euros ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de la SAS GE Capital Equipement Finance, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Béthune et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, sur le fondement des mêmes dispositions, à la charge de la commune de Béthune une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS GE Capital Equipement Finance et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 17 décembre 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La commune de Béthune versera à la SAS GE Capital Equipement Finance la somme de 40 664 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 23 février 2011.

Article 3 : La commune de Béthune versera à la SAS GE Capital Equipement Finance la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée GE Capital Equipement Finance et à la commune de Béthune.

Copie sera adressée au préfet du Pas-de-Calais.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 mars 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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