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27/04/2016 | FRANCE | N°14DA00015

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 27 avril 2016, 14DA00015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Courir France a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales (tascom) qu'elle a acquittées au titre de l'année 2010.

Par un jugement nos 1100006 - 1100063 - 1100216 du 31 octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2014, la société Courir France, représentée par la société d'avocats Arsène Ta

xand, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 octobre 2013 du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Courir France a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la restitution des cotisations de taxe sur les surfaces commerciales (tascom) qu'elle a acquittées au titre de l'année 2010.

Par un jugement nos 1100006 - 1100063 - 1100216 du 31 octobre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 janvier 2014, la société Courir France, représentée par la société d'avocats Arsène Taxand, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 octobre 2013 du tribunal administratif d'Amiens ;

2°) à titre principal, de condamner l'Etat à lui rembourser le montant de la tascom contestée ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice des communautés européennes d'une question préjudicielle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- cette taxe traduit l'existence d'un avantage sélectif accordé aux distributeurs indépendants ;

- la situation correspond à " un assujettissement asymétrique " entre deux catégories d'opérateurs économiques en situation de concurrence et qui se trouvent dans une situation comparable au regard de l'objectif poursuivi par la mesure ;

- le dispositif de la tascom doit donc être regardé comme une aide d'Etat soumise aux dispositions de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision n° 371910 du 15 avril 2016 par laquelle le Conseil d'Etat a statué sur le pourvoi de la société Courir France ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement (...) des cours peuvent, par ordonnance : (...) 6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent à juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques (...) à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'Etat en application de l'article L. 113-1 ( ...) ; que ces dispositions permettent au juge de statuer par ordonnance sur les requêtes relevant d'une série, dès lors que ces contestations ne présentent à juger que des questions de droit qu'il a déjà tranchées par une décision passée en force de chose jugée et qu'il se borne à constater matériellement des faits, susceptibles de varier d'une affaire à l'autre, sans avoir toutefois à les apprécier ou à les qualifier ;

2. Considérant que la requête susvisée relève d'une série qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présente à juger en droit, pour la cour, des questions identiques à celles déjà tranchées par l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat sous le n° 371910 ; qu'il y a lieu, dès lors, d'y apporter la même solution, en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1-6° du code de justice administrative ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certains commerçants et artisans âgés : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse 400 mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite " ; que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, qui a substitué cette taxe à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, a réduit le champ de l'exonération dont bénéficient les établissements dont la surface de vente ne dépasse pas 400 mètres carrés en disposant, au deuxième alinéa de cet article, que : " Toutefois, le seuil de superficie de 400 mètres carrés ne s'applique pas aux établissements contrôlés directement ou indirectement par une même personne et exploités sous une même enseigne commerciale lorsque la surface de vente cumulée de l'ensemble de ces établissements excède 4 000 mètres carrés " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. (...) " ; que l'article 108 du même traité stipule que : " (...) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. (...) " ;

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a donnée de ces stipulations, notamment dans son arrêt du 27 octobre 2005 Distribution Casino France SAS et autres (aff. 266/04 et autres) et dans son arrêt de grande chambre du 22 décembre 2008 Société Régie Networks (aff. 333/07) que " les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des dispositions du traité concernant les aides d'Etat à moins qu'elles constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure ", que " pour qu'une taxe puisse être considérée comme faisant partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide concernées en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide et influence directement l'importance de celle-ci et, par voie de conséquence, l'appréciation de la compatibilité de cette aide avec le marché commun ", qu'ainsi, " aucun lien contraignant n'existe entre une taxe et l'exonération de ladite taxe en faveur d'une catégorie d'entreprises, dès lors que l'application d'une exonération fiscale et son étendue ne dépendent pas du produit de la taxe " et qu'en conséquence, " les redevables d'une taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'Etat pour se soustraire au paiement de ladite taxe " ;

6. Considérant, dès lors, qu'à supposer même que soit constitutive d'une aide d'Etat l'exonération de la taxe sur les surfaces commerciales dont bénéficient les magasins de vente au détail d'une surface de vente inférieure à 400 mètres carrés, à l'exception des établissements contrôlés directement ou indirectement par une même personne et exploités sous une même enseigne commerciale lorsque la surface de vente cumulée de l'ensemble de ces établissements excède 4 000 mètres carrés, aucun lien contraignant n'existe entre cet impôt et cette exonération ;

7. Considérant, d'autre part, que s'il résulte également de l'interprétation que la Cour de justice de l'Union européenne a donnée des stipulations des articles 107 et 108 du traité, dans son arrêt du 7 septembre 2006 Laboratoires Boiron SA (aff. 526/04), que , lorsqu'est en cause une " exonération au bénéfice de certains opérateurs d'une taxe ayant une portée générale ", les redevables de la taxe ne sauraient exciper de ce que l'exonération dont bénéficient d'autres entreprises constitue une aide d'Etat pour se soustraire au paiement de cette taxe, il peut toutefois en aller différemment en cas d'" assujettissement asymétrique à une taxe ", c'est-à-dire lorsqu'" une autre catégorie d'opérateurs économiques avec laquelle la catégorie taxée est en rapport direct de concurrence " n'est pas assujettie à la taxe, en contrepartie d'obligations de service public qui sont imposées à ces autres opérateurs ; que, dans un tel cas, s'il est démontré que le non-assujettissement à la taxe entraîne une " surcompensation " au profit de la catégorie d'entreprises non assujettie, dans la mesure où l'avantage que ces dernières tirent de ce non-assujettissement excéderait les surcoûts qu'elles supportent pour l'accomplissement de ces obligations de service public, l'assujettissement de l'autre catégorie constituerait un acte comportant la mise à exécution d'une mesure d'aide ; qu'ainsi, dans cette hypothèse, " la mesure dont il est allégué qu'elle constitue une aide est la taxe (...) elle-même et non une quelconque exonération dissociable de celle-ci " ;

8. Considérant, toutefois, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 que tous les magasins de commerce de détail ouverts à partir du 1er janvier 1960 entrent dans le champ de la taxe sur les surfaces commerciales ; qu'en sont exonérés non seulement les établissements d'une surface de vente inférieure à 400 mètres carrés qui ne sont pas contrôlés par une même personne, mais également plusieurs catégories d'établissements d'une surface de vente inférieure à 400 mètres carrés qui sont contrôlés par une même personne, tels que les établissements dont la surface de vente cumulée n'excède pas 4 000 mètres carrés, les établissements qui ne sont pas exploités sous une même enseigne commerciale, ou encore, en application du onzième alinéa de cet article dans sa rédaction en vigueur en 2010, les établissements dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 460 000 euros ; que la catégorie d'établissements qui a été exclue du champ de l'exonération bénéficiant aux établissements de petite surface par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie n'est pas la seule catégorie taxée, dès lors que sont également soumis à la taxe sur les surfaces commerciales, qu'ils soient ou non contrôlés par une même personne, les établissements d'une surface de vente supérieure à 400 mètres carrés, lesquels sont susceptibles d'être placés dans un rapport direct de concurrence avec la catégorie dont relève la requérante ; qu'ainsi, est en cause une imposition ayant une portée générale, faisant l'objet de plusieurs exonérations, et non, comme le soutient la requérante, un assujettissement asymétrique de deux catégories d'opérateurs économiques ; qu'en outre, l'exonération contestée par la requérante ne vise pas à compenser une obligation de service public qui serait imposée à ses bénéficiaires ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que la société Courir France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la société Courir France est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Courir France et au ministre des finances et des comptes publics.

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Fait à Douai, le 27 avril 2016.

Le président de la 2ème chambre,

Signé : M. A...

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme :

Pour le greffier en chef,

Le greffier,

M.T. LÉVÈQUE

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N° 14DA00015


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Numéro d'arrêt : 14DA00015
Date de la décision : 27/04/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-06 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxes ou redevances locales diverses.


Composition du Tribunal
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ARSENE TAXAND

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-04-27;14da00015 ?
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