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26/05/2016 | FRANCE | N°14DA00863

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 26 mai 2016, 14DA00863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de Flandre a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Edgard Duval et l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 2 500 000 euros à valoir sur la réparation des conséquences dommageables des désordres apparus sur des portions de la voirie intercommunale à la suite de la réalisation, par cette société et en partie sous maîtrise d'oeuvre de services de l'Etat, de travaux d'assainissement, ainsi qu'une somm

e de 170 097,71 euros augmentée des intérêts au taux légal, en remboursement d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes de Flandre a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la société par actions simplifiée Edgard Duval et l'Etat à lui verser une indemnité provisionnelle de 2 500 000 euros à valoir sur la réparation des conséquences dommageables des désordres apparus sur des portions de la voirie intercommunale à la suite de la réalisation, par cette société et en partie sous maîtrise d'oeuvre de services de l'Etat, de travaux d'assainissement, ainsi qu'une somme de 170 097,71 euros augmentée des intérêts au taux légal, en remboursement des dépenses engagées, enfin, à ce que les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 175 831,96 euros, soient mis à la charge solidaire de la SAS Edgard Duval et de l'Etat, de même qu'une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°1004502 du 20 mars 2014, le tribunal administratif de Lille, après avoir refusé d'admettre les interventions des sociétés Generali et Axa France IARD, d'une part, a rejeté pour irrecevabilité les conclusions de la communauté de communes de Flandre à fin de provision et d'indemnisation, d'autre part, a mis les frais et honoraires d'expertise à la charge solidaire de la communauté de communes de Flandre et de la SAS Edgard Duval et décidé que ces derniers supporteraient ceux-ci à concurrence respectivement de 40% et 60%.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mai 2014, la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, venant aux droits de la communauté de commune de Flandre, représentée par Me F... B..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 20 mars 2014 en tant seulement qu'il a statué sur la charge définitive des frais et honoraires de l'expertise ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer, dans cette seule mesure, ce jugement et de mettre les frais et honoraires d'expertise à la charge définitive de la SAS Edgard Duval et de l'Etat.

Elle soutient que :

- l'irrecevabilité retenue par le tribunal administratif pour rejeter ses conclusions à fin de provision et d'indemnisation affectait également ses conclusions afférentes à la charge des dépens, sur lesquelles les premiers juges ont statué à tort ;

- à supposer que le tribunal administratif se soit à bon droit prononcé sur la charge définitive des frais et honoraires d'expertise, ceux-ci devaient, eu égard au caractère décennal des désordres mis en évidence, être mis à la charge solidaire et exclusive des constructeurs.

Par un mémoire, enregistré le 16 juillet 2014, la société Generali, représentée par Me E...A..., s'en rapporte à justice en ce qui concerne l'appel formé par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, conclut à sa mise hors de cause, à ce que les frais et honoraires d'expertise ne soient pas mis à la charge de la SAS Edgard Duval et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative ne s'étant pas prononcée sur les responsabilités encourues par les constructeurs au titre de la garantie décennale, il ne peut être procédé à la répartition de la charge définitive des frais et honoraires de l'expertise ;

- elle ne saurait faire l'objet d'aucune condamnation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2014, la SAS Edgard Duval, représentée par Me C...D..., conclut au rejet de la requête et de l'intervention de la société Generali, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les frais et honoraires de l'expertise, et à sa mise hors de cause, enfin, à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors, d'une part, que le président de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre ne justifie pas de son habilitation à agir au nom et pour le compte de cet établissement public, d'autre part, que le jugement attaqué n'y est pas joint ;

- l'intervention volontaire de la société compagnie Generali ne pourra qu'être rejetée pour les mêmes motifs que ceux opposés à bon droit par ce jugement, qui est devenu définitif sur ce point et, dans cette mesure, est revêtu de l'autorité de chose jugée ;

- une demande irrecevable ne pouvait donner lieu au prononcé d'une condamnation ;

- la partie ayant succombé à l'instance doit, en principe, supporter les frais de l'expertise décidée avant dire-droit ;

- elle ne saurait être condamnée à supporter de tels frais, hormis dans le cadre d'un jugement de fond statuant sur sa responsabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 avril 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut au rejet de la requête et de l'intervention de la société Generali.

Elle soutient que :

- l'intervention de la société Generali est irrecevable ;

- le tribunal administratif de Lille n'a pas excédé sa compétence en statuant sur la charge des dépens, alors même que la demande de la communauté de communes de Flandre était irrecevable ;

- en ne mettant pas à la charge de la communauté de communes de Flandre, partie perdante, l'intégralité des dépens, le tribunal administratif de Lille a nécessairement pris en compte les circonstances particulières de l'espèce, telles qu'elles ressortaient du rapport d'expertise et n'a, ce faisant, pas commis d'erreur de droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,

- et les observations de Me F...B..., représentant la communauté de communes des Hauts-de-Flandre.

1. Considérant que la communauté de communes de Flandre, dont le siège était situé à Bergues (Nord), a fait réaliser, durant les années 2000 à 2003, des travaux d'assainissement sur les territoires des communes de Hondschoote, Killem et Rexpoëde, consistant en la pose de canalisations souterraines et d'ouvrages de raccordement ; que la réalisation de ces travaux a été attribuée à la société par actions simplifiée Edgard Duval ; que la direction départementale de l'équipement du Nord s'est vue confier la maîtrise d'oeuvre des travaux effectués à Killem, tandis que la direction départementale de l'agriculture et de la forêt du Nord a assuré la maîtrise d'oeuvre des travaux exécutés à Rexpoëde et d'une partie de ceux réalisés à Hondschoote, le surplus étant suivi, au titre de la maîtrise d'oeuvre, par la communauté de communes de Flandre ; que les travaux dont la maîtrise d'oeuvre avait été confiée aux services de l'Etat ont été réceptionnés en 2001 et 2003 ; que, dès l'année 2003, l'apparition de désordres se manifestant par des gonflements de la chaussée a été constatée sur certaines des portions de voirie où s'étaient déroulés ces chantiers ; que la communauté de communes de Flandre, après avoir fait procéder aux travaux de reprise qui s'imposaient, a recherché, après expertise prescrite par le juge des référés, la responsabilité des constructeurs devant le tribunal administratif de Lille ; que, par un jugement du 20 mars 2014, ce tribunal, après avoir refusé d'admettre les interventions des sociétés Generali et Axa France IARD, d'une part, a rejeté pour irrecevabilité les conclusions de la communauté de communes de Flandre à fin de provision et d'indemnisation, d'autre part, a mis les frais et honoraires d'expertise à la charge solidaire de la communauté de communes de Flandre et de la SAS Edgard Duval et décidé que ces dernières supporteraient ceux-ci à concurrence respectivement de 40% et 60% ; que la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, venant aux droits de la communauté de communes de Flandre, relève appel de ce jugement, en tant seulement qu'il a statué sur la charge définitive des frais et honoraires de l'expertise et, dans cette mesure, en demande, à titre principal, l'annulation, à titre subsidiaire, la réformation et sa mise hors de cause ; que la SAS Edgard Duval relève appel incident de ce jugement et en demande, dans cette même mesure, l'annulation et sa mise hors de cause ;

Sur l'intervention de la société Generali :

2. Considérant que la société Generali n'a pas relevé appel du jugement du tribunal administratif de Lille du 20 mars 2014 en tant qu'il a refusé d'admettre l'intervention volontaire qu'elle avait formée en première instance ; que, dans ces conditions et ainsi que l'opposent en défense la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, ainsi que la SAS Edgard Duval, elle n'est pas recevable à former une nouvelle intervention dans le cadre de l'instance d'appel introduite par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre ; que cette intervention ne peut ainsi être admise ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'après avoir accueilli la fin de non-recevoir qui était opposée à la demande de la communauté de communes de Flandre par le préfet du Nord, tirée du défaut de qualité du président de cet établissement public de coopération intercommunale pour agir au nom et pour le compte de celui-ci, et après avoir rejeté, pour ce motif, cette demande, le tribunal administratif de Lille, saisi du fond du litige, demeurait tenu, afin d'épuiser sa compétence, de se prononcer d'office sur la dévolution de la charge des dépens de l'instance, lesquels comprenaient les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés ; qu'ainsi, en statuant sur ce point, alors même que les conclusions de la demande afférentes à la charge des dépens étaient irrecevables, le tribunal administratif de Lille n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ; que le moyen soulevé par la communauté de communes des Hauts-de-Flandre et par la SAS Edgard Duval doit, ainsi, être écarté ;

Sur la charge des frais d'expertise :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

5. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a mis les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 175 831,96 euros toutes taxes comprises, à la charge solidaire de la communauté de communes de Flandre et de la SAS Edgard Duval, en fixant respectivement à 40% et 60% les parts leur incombant ; que toutefois, pour statuer ainsi, le tribunal administratif de Lille, qui était saisi du fond du litige, n'a pas été mis à même, en raison de l'irrecevabilité de la demande présentée par la communauté de communes de Flandre, au demeurant pour un vice susceptible d'être couvert en cours d'instance, de se prononcer sur le caractère décennal des désordres apparus sur la voirie communautaire, ni d'apprécier les responsabilités éventuellement encourues par les constructeurs ; que, si l'avis de l'expert, dont l'objet est seulement d'éclairer la juridiction dans son appréciation des questions techniques posées par le litige qui lui est soumis, peut être de nature à guider le juge lorsqu'il se livre à une attribution provisoire de la charge des dépens, ce document ne saurait être regardé comme permettant, par lui-même, d'apporter une réponse, dans le cadre d'une instance au fond, à ces questions de droit ; que, dans ces circonstances, il y a lieu de mettre ces frais à la charge de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, venant aux droits et obligations de la communauté de communes de Flandre, laquelle avait, dans l'instance engagée au fond devant le tribunal administratif de Lille, la qualité de partie perdante ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la SAS Edgard Duval, que la communauté de communes des Hauts-de-Flandre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 20 mars 2014, le tribunal administratif a mis à sa charge une partie des frais et honoraires d'expertise ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'en revanche, la SAS Edgard Duval est fondée à demander l'annulation de ce jugement, en tant qu'il a mis à sa charge une partie de ces frais et honoraires et à demander que ceux-ci soient mis à la charge exclusive de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à la charge de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre au titre des frais exposés par la SAS Edgard Duval et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de la société Generali n'est pas admise.

Article 2 : La requête de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre est rejetée.

Article 3 : Le jugement du 20 mars 2014 du tribunal administratif de Lille est annulé, en tant qu'il statue sur la charge des frais et honoraires d'expertise.

Article 4 : Les frais et honoraires d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 175 831,96 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge de la communauté de communes des Hauts-de-Flandre.

Article 5 : La communauté de communes des Hauts-de-Flandre versera à la SAS Edgard Duval la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la SAS Edgard Duval est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes des Hauts-de-Flandre, à la société par actions simplifiée Edgard Duval, à la société Generali et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Nord.

Délibéré après l'audience publique du 12 mai 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 mai 2016.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

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N°14DA00863

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14DA00863
Date de la décision : 26/05/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

54-06-05-10 Procédure. Jugements. Frais et dépens. Frais d'expertise.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: Mme Pestka
Avocat(s) : SCP MASSON et DUTAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-05-26;14da00863 ?
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