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22/11/2016 | FRANCE | N°15DA00291

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2016, 15DA00291


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sanef a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la SA Entreprie Philippe Lassarat, la société Roth et compagnie SAS, la SA Prezioso, la SARL Acogec et le Centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Nord-Picardie à lui payer, d'une part, la somme de 2 983 135,95 euros hors taxes (HT) en réparation des désordres de corrosion apparus sur les platines des bracons des viaducs de Quehen, Herquelingue et Echinghen après la réalisation de travaux de réfection co

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sanef a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la SA Entreprie Philippe Lassarat, la société Roth et compagnie SAS, la SA Prezioso, la SARL Acogec et le Centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Nord-Picardie à lui payer, d'une part, la somme de 2 983 135,95 euros hors taxes (HT) en réparation des désordres de corrosion apparus sur les platines des bracons des viaducs de Quehen, Herquelingue et Echinghen après la réalisation de travaux de réfection consistant en la remise en peinture complète des ouvrages, d'autre part, la somme de 56 148,40 euros hors taxes (HT) au titre des frais d'expertise, enfin, la somme cumulée de 40 211,80 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1103813 du 15 décembre 2014, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, par ses articles 1er et 2, condamné le groupement des constructeurs, soit les sociétés Entreprise Philippe Lassarat SA, Entreprise Roth et compagnie SAS et Prezioso, à verser à la société Sanef la somme de 2 403 997,17 euros HT, portant intérêts à compter du 4 juillet 2011, au titre des travaux nécessaires à la reprise des peintures anticorrosion des viaducs, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle, d'autre part, par son article 3, mis les frais d'expertise s'élevant à 59 381,40 euros toutes taxes comprises (TTC) à la charge de ces trois entreprises, encore, à l'article 4, condamné les sociétés Acogec et l'Etat à garantir les sociétés Entreprise Philippe Lassarat SA, Entreprise Roth et compagnie SAS et Prezioso à hauteur de 70 % des sommes mises à leur charge, enfin, à l'article 5, mis à la charge in solidum des sociétés Entreprise Philippe Lassarat SA, Entreprise Roth et compagnie SAS, Prezioso, Acogec et de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la société Sanef sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par l'article 6, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 février 2015, et des mémoires additionnels, enregistrés les 24 avril 2015, 20 mai 2016 et 30 juin 2016, la SARL Acogec, représentée par Me E...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant, à titre principal, qu'il a rejeté ses conclusions tendant à ce que l'Etat la garantisse en totalité de la condamnation à verser au groupement d'entreprises et, à titre subsidiaire, qu'il réduise le montant de l'indemnité due à la société Sanef ;

2°) de condamner l'Etat à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de réduire le montant de l'indemnité due à la société Sanef au titre de l'indemnisation de ses préjudices en fixant son assiette à 1 800 000 euros et en retenant un abattement de 50 % sur ce montant ;

4°) de rejeter les conclusions " reconventionnelles " de la société Sanef tendant à une majoration de son préjudice ;

5°) de mettre à la charge de la partie défaillante la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort, en droit et en fait, que le tribunal a estimé qu'aucune condamnation n'avait été prononcée à son encontre, pour rejeter son appel en garantie contre l'Etat ;

- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur son appel en garantie ;

- il n'entrait pas, au regard des pièces contractuelles qui établissent clairement la répartition des missions au sein du groupement, dans la mission purement administrative qui lui a été confiée au sein du groupement de maîtrise d'oeuvre d'intervenir dans les missions techniques tant au niveau de la conception que de la surveillance ou de la réception des travaux, ces missions étant confiées explicitement et exclusivement à l'Etat à travers le CETE Nord-Picardie ;

- le groupement d'entreprises n'a émis aucune réserve quant au choix de la solution anticorrosion et n'a pas fait de proposition alternative ;

- la responsabilité de la société Sanef doit être retenue à hauteur de 50 % au titre, d'une part, de l'absence d'entretien de l'ouvrage et, d'autre part, de son ingérence, en tant que maître d'ouvrage, dans l'opération de construction ;

- l'indemnisation du préjudice subi doit être ramenée à la somme de 1 800 000 euros HT ;

- la demande " reconventionnelle " présentée par la société Sanef tendant à la majoration de son préjudice est irrecevable dès lors qu'elle est tardive et se rapporte à un litige distinct de celui qu'elle a elle-même soulevé dans la présente instance ;

- elle n'est, en outre, pas justifiée, notamment par des pièces qui permettraient d'en apprécier le bien-fondé.

La société Entreprise Philippe Lassarat SA, représentée par la SELARL Griffiths, Duteil associés, a produit ses observations par un mémoire enregistré le 22 mai 2015.

La SAS Prezioso Linjebygg et la société Entreprise Roth et compagnie SAS, représentées par Me B...F..., ont présenté leurs observations par un mémoire enregistré le 28 janvier 2016.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2016, la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête de la SARL Acogec ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que l'Etat soit intégralement garanti de toute condamnation mise à sa charge par la SARL Acogec et les entreprises Prezioso, Roth et compagnie et Lassarat.

Elle soutient que :

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la société Sanef était dépourvue de qualité pour agir ;

- les entreprises du groupement ont manqué à leur devoir de conseil envers le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre en n'émettant aucune réserve quant à l'utilisation d'une solution innovante et en ne s'assurant pas de la pertinence de la solution anticorrosion retenue ;

- elles ont, par ailleurs, contribué à l'accélération de l'apparition des désordres et à leur aggravation en ne procédant pas, dans les règles de l'art et conformément à leurs obligations, au meulage des arêtes des platines en tête et pieds de bracons.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2016, la société Sanef, représentée par la SELARL Grange, D..., Ramdénie, relève appel de l'article 1er du jugement qui n'a que partiellement fait droit à ses conclusions indemnitaires et conclut à la condamnation solidaire des constructeurs à lui verser la somme complémentaire de 369 138,78 euros HT au titre des frais inhérents à la réalisation des travaux de reprise.

Elle soutient que :

- les moyens de la société Acogec tendant à justifier une minoration du montant de l'indemnité qui est lui est due ne sont pas fondés ;

- l'intervention d'un coordinateur SPS est obligatoire, en application de l'article L. 4532-2 du code du travail en cas de multiplicité d'intervenants, et doit être indemnisée à hauteur de 65 000 euros HT ;

- la mise en concurrence des maîtres d'oeuvre et entreprises appelés à réaliser les travaux de reprise est également obligatoire et doit être indemnisée à hauteur de 12 000 euros HT au titre des coûts internes ;

- le recours à un maître d'oeuvre est rendu particulièrement nécessaire par les difficultés particulières du chantier et doit être indemnisé à hauteur de son coût, soit 10 % du montant des travaux à réaliser ;

- l'affectation exclusive de deux de ses agents aux travaux de reprise est justifiée par les difficultés du dossier, sans que cela ne relève de leurs attributions habituelles relatives au contrôle de la bonne tenue des ouvrages, ce qui doit être indemnisé à hauteur de 52 138,78 euros HT.

Par un mémoire, enregistré le 8 juillet 2016, la SA Entreprise Philippe Lassarat conclut au rejet des conclusions d'appel provoqué de l'Etat tendant à ce qu'elle le garantisse des condamnations prononcées à son encontre et au rejet des conclusions d'appel de la société Sanef tendant à l'augmentation de l'indemnité allouée.

Vu l'ordonnance du 29 juillet 2016 prononçant la clôture immédiate de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me E...A..., représentant la société Acogec, de Me B...F..., représentant la société Prezioso Linjebygg et la société Entreprise Roth et compagnie SAS, et de Me H... D..., représentant la société Sanef.

Une note en délibéré présentée par Me E...A..., pour la SARL Acogec, a été enregistrée le 18 octobre 2016.

1. Considérant que la société Sanef, concessionnaire de l'Etat pour la construction, l'entretien et l'exploitation de l'autoroute A 16, a conclu, en sa qualité de maître d'ouvrage, le 18 décembre 1995, un marché de construction de trois viaducs à Quehen, Herquelingue et Echinghen (dits " viaducs du boulonnais "), situés sur l'autoroute A16, à la hauteur de Boulogne-sur-Mer ; que ces travaux ont été réceptionnés le 12 janvier 1998 et les réserves levées ; que des phénomènes de corrosion ayant été relevés à compter du mois d'août 1999, le tribunal administratif de Lille a désigné, le 2 janvier 2003, M.C..., en qualité d'expert, pour analyser les causes de ces désordres ; qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise de ce dernier, les parties au marché de construction ont transigé et, notamment, l'assureur du groupement d'entreprises a versé à la société Sanef la somme de 4 400 000 euros pour une remise en peinture complète des viaducs ; que, le 21 janvier 2005, la maîtrise d'oeuvre des travaux de réfection a été confiée au groupement de maîtrise d'oeuvre solidaire composé de la SARL Acogec, mandataire, et du centre d'études techniques de l'équipement (CETE) Nord-Picardie, tous deux ayant pour sous-traitant, chargé du suivi des travaux, la société ICRS ; que le 27 mars 2006, les travaux de réfection ont été confiés au groupement solidaire d'entreprises composé de la société Prezioso Linjebygg, de la société Entreprise Roth et compagnie SAS et de la société Entreprise Philippe Lassarat SA, mandataire, ayant pour sous-traitant la société Soprotec, chargée du traitement des platines et bracons ; que ces travaux ont fait l'objet de " réceptions partielles " sans réserve au fur et à mesure de leur réalisation puis d'une réception globale, le 25 septembre 2008, avec effet au 15 mars 2008, assortie de deux réserves dont l'une portant sur les platines des bracons des trois viaducs, où sont apparues, dès novembre 2006, des traces de corrosion ; que, le 19 février 2008, le tribunal administratif de Lille a désigné M. G...en qualité d'expert pour analyser l'étendue et les causes de ces désordres ; que ce dernier a déposé son rapport le 30 avril 2010 ; que, saisi par la société Sanef, le tribunal administratif de Lille a, aux termes des articles 1er et 2 de son jugement du 15 décembre 2014, condamné les sociétés formant le groupement d'entreprises à lui verser la somme de 2 403 997,17 euros hors taxes (HT), avec intérêts à compter du 4 juillet 2011, au titre des travaux nécessaires à la reprise des peintures anticorrosion des viaducs ; que, par l'article 3 de ce jugement, il a mis les frais d'expertise, s'élevant à 59 381,40 euros toutes taxes comprises (TTC), à la charge des trois entreprises du groupement ; que, par l'article 4 du même jugement, il a condamné la maîtrise d'oeuvre, soit la SARL Acogec et l'Etat, dont relève le CETE Nord-Picardie, à garantir la société Entreprise Philippe Lassarat SA, la société Entreprise Roth et compagnie SAS et la société Prezioso Linjebygg, à hauteur de 70 % des sommes mises à leur charge ; qu'il a, aux termes de l'article 5, mis à la charge in solidum de ces sociétés ainsi que de la SARL Acogec et de l'Etat la somme de 5 000 euros à verser à la société Sanef sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, par l'article 6 de ce jugement, rejeté le surplus des conclusions des parties ;

2. Considérant que, par la présente requête, la société Acogec relève appel de ce jugement, à titre principal, en tant que, par l'article 6, le tribunal a rejeté sa demande d'appel en garantie totale de l'Etat de la condamnation prononcée à l'article 4 consistant à garantir le groupement d'entreprises à concurrence de 70 % des sommes qu'il devait verser à la société Sanef ; qu'elle demande, à titre subsidiaire, que le montant de l'indemnité due à la société Sanef soit réduite à raison du montant strictement nécessaire à la réalisation des travaux de reprise ainsi que pour défaut d'entretien de l'ouvrage et participation au choix de la solution anticorrosion à l'origine des désordres en litige ; que l'Etat présente des conclusions d'appel incident contre la société Acogec et d'appel provoqué contre chacun des membres du groupement d'entreprises ; que la société Sanef relève appel de l'article 1er du jugement et réclame une majoration de la condamnation mise à la charge des constructeurs ;

Sur les conclusions d'appel principal d'Acogec et d'appel incident de l'Etat en tant qu'ils s'appellent mutuellement en garantie :

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que la maîtrise d'oeuvre n'a pas pris toutes les dispositions pour s'assurer, en dépit de premiers tests insatisfaisants, de ce que la solution innovante proposée à partir des produits de la gamme Chesterton présentait, de par sa composition ou la méthodologie d'application préconisée, toutes les garanties nécessaires pour empêcher la corrosion des éléments sensibles des viaducs ; qu'en particulier, alors que l'essai de convenance réalisé sur une durée d'environ neuf mois avec ces produits a fait apparaître un enrouillement diffus sur certains bords de la jonction entre les platines des bracons et le béton, la proposition a cependant été validée par le CETE Nord-Picardie, sans que soient réalisés de nouveaux tests de convenance, selon la nouvelle méthodologie préconisée par la société Soprotec, sous-traitante de la société Entreprise Philippe Lassarat SA, mandataire du groupement d'entreprises ; que le choix de la maîtrise d'oeuvre révèle, en l'espèce, une erreur de conception qui est principalement à l'origine des désordres constatés ; que ni la SARL Acogec, ni l'Etat ne remettent, devant la cour, en cause cette faute de conception qui a provoqué des désordres ayant donné lieu aux condamnations prononcées à l'encontre du groupement d'entreprises, chargées de mettre en oeuvre le produit selon les techniques arrêtées par la maîtrise d'oeuvre, par les articles 1er à 3 du jugement analysé au point 1 ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des conclusions, non sérieusement contestées sur ce point, du rapport d'expertise et des comptes rendus de travaux établis par le CETE et la SARL Acogec, notamment dans sa lettre du 25 avril 2007, que l'insuffisance de meulage des arêtes vives des platines, en méconnaissance de l'article 1.4 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché de travaux, a accéléré l'apparition des désordres et contribué à leur aggravation ;

5. Considérant, enfin, que si le CETE Nord-Picardie et la SARL Acogec se sont engagés conjointement et solidairement envers la société Sanef, agissant comme maître d'ouvrage, à réaliser leurs missions de maîtrise d'oeuvre, cette solidarité n'est due qu'envers le maître d'ouvrage ; que, dans le silence du marché sur ce point, la répartition des prestations incombant respectivement au laboratoire régional des ponts et chaussée (LRPC), dépendant du CETE Nord-Picardie, et à la SARL Acogec résulte de pièces, dont le caractère contractuel n'est pas contesté, dénommées " mémoire justificatif ", " plan d'assurance qualité " (PAQ) et " schéma organisationnel de la PAQ " ; que ces pièces, dont l'interprétation ne soulève pas de difficulté sérieuse, opèrent un partage précis des tâches entre les deux membres du groupement ; qu'il est clairement indiqué que le laboratoire régional du CETE a été choisi pour ses compétence techniques et la société Acogec pour ses compétences administratives ; que la SARL Acogec, interlocuteur du maître d'ouvrage, représente le groupement de maîtrise d'oeuvre qu'elle gère et anime ; que le CETE était chargé de la définition de la méthodologie à appliquer, de l'analyse des risques, et devait participer au programme d'exécution, à l'estimation des travaux, à la rédaction du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et à la réalisation des procédures ; que la société Acogec a, quant à elle, été chargée de l'établissement du projet et de la réalisation des différentes procédures ; qu'en particulier, dans la partie avant-projet, décisive pour la conception, le CETE Nord-Picardie avait pour mission la définition du complexe anticorrosion et de sa mise en oeuvre sur les bracons et platines, la définition et la mise en oeuvre de l'étanchéité entre les platines en acier et le béton, tandis que la société Acogec devait décrire, dans leurs généralités, les ouvrages et l'étendue des travaux, analyser les risques liés au chantier, notamment pour prévenir les accidents de travail, les deux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre devant par ailleurs participer au programme d'exécution des travaux ; qu'en ce qui concerne le suivi de l'exécution et de la direction des travaux, le CETE devait assurer la partie technique tandis que la SARL Acogec était chargée de la gestion des marchés et budgets, du suivi des travaux sur plannings récapitulatifs et de l'établissement des rapports mensuels analysant l'évolution des opérations ; que si la présence de la SARL Acogec et de l'Etat sur le site était requise une demi-journée par semaine, la présence permanente d'un inspecteur qualifié était également prévue ; qu'enfin, le CETE devait veiller à la réception des travaux et la société Acogec participer à la constitution du dossier de recollement ; que le plan assurance qualité vient confirmer en la détaillant en tant que de besoin cette répartition des missions et des tâches ; qu'il ressort, en outre, des pièces produites au dossier correspondant aux différentes étapes de la réalisation des travaux, que le choix de recourir à un système anticorrosion innovant, autre que celui préconisé dans les conclusions du rapport d'expertise de M.C..., a été fait par le CETE, appuyé du LRPC de Lille dont il dépendait ; que les tests sur site et leur suivi ont été réalisés par le CETE et la cellule anticorrosion du LRPC ; que c'est également le CETE qui a, d'une part, imposé dans le CCTP du marché de travaux le recours aux produits de la gamme Chesterton et, d'autre part, validé le résultat des tests de convenance de ces produits ;

6. Considérant qu'il résulte de la répartition contractuelle des missions entre les deux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et de leurs interventions respectives dans la conception et le suivi des travaux de reprise, telles qu'exposées au point 5, que la SARL Acogec n'était pas chargée de la mission technique à l'origine des fautes de conception rappelées au point 3, ni directement de la surveillance des travaux confiés aux entreprises, en partie mal exécutés, ainsi qu'il a été dit au point 4 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle a contribué d'une quelconque manière à l'une ou l'autre de ces fautes ; qu'il ne lui appartenait ni d'émettre des réserves sur la partie technique du projet, pour la réalisation de laquelle il ne résulte pas de l'instruction qu'elle avait des compétences particulières, ni, en sa qualité d'interlocuteur du maître d'ouvrage, de l'alerter en l'absence d'erreur manifeste du CETE Nord-Picardie dans l'exercice de sa mission ; que, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur les conclusions présentées à titre subsidiaire concernant le montant de la condamnation allouée à la société Sanef, la SARL Acogec est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'article 6 du jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à être intégralement garantie par l'Etat ; qu'il en résulte que le recours incident de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer tendant à ce que l'Etat soit garanti par la SARL Acogec doit être rejeté ;

Sur les conclusions d'appel provoqué de l'Etat contre les entreprises :

7. Considérant que, bien que le jugement attaqué ne précise pas, en son article 4, que la condamnation de la SARL Acogec et de l'Etat à garantir les membres du groupement d'entrepreneurs à hauteur de 70 % des sommes est prononcée solidairement, il ne procède pas à une répartition de la charge de cette garantie entre les deux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre mais la met à leur charge commune ; qu'il résulte d'ailleurs des pièces du dossier que l'Etat a versé l'intégralité de la somme que les deux membres du groupement de maîtrise d'oeuvre avaient été condamnés à verser aux entrepreneurs par le jugement attaqué ; que si, par le présent arrêt, la SARL Acogec obtient la réformation de l'article 6 du jugement et la condamnation de l'Etat à la garantir intégralement des sommes mises à leur charge commune par l'article 4 du même jugement, cette garantie propre à la maîtrise d'oeuvre n'a pas pour effet d'aggraver la situation de l'Etat vis-à-vis des entrepreneurs ; que, dès lors, ses conclusions d'appel provoqué dirigées contre ces entreprises doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions d'appel de la société Sanef :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'en condamnant l'Etat à garantir totalement la SARL Acogec, le présent arrêt fait intégralement droit aux conclusions d'appel, présentées à titre principal, par la SARL Acogec à l'encontre de l'Etat et réforme sur ce point l'article 6 du jugement attaqué ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de statuer sur ses conclusions, présentées à titre subsidiaire, par lesquelles la SARL Acogec sollicitait la réduction de l'indemnité que les sociétés du groupement d'entreprises avaient été condamnées, par l'article 1er du jugement, à verser à la société Sanef et qui servait d'assiette au montant que la maîtrise d'oeuvre devait garantir, à hauteur de 70 %, à ces entreprises par l'article 4 du jugement ; que de telles conclusions subsidiaires ne tendaient donc pas directement à la réformation de l'article 1er du jugement qui ne concernait d'ailleurs ni la SARL Acogec ni l'Etat, mais seulement son article 4 ; que, par suite, les conclusions présentées, dans le cadre de la présente requête, par la société Sanef et qui tendent à la réformation de l'article 1er du jugement afin d'obtenir une augmentation de l'indemnité qui lui est due par les sociétés du groupement d'entreprises ne constituent pas un appel incident, ni d'ailleurs un appel provoqué, mais un appel principal ; que ces conclusions ont été présentées le 22 juin 2016, soit après l'expiration du délai d'appel de deux mois qui a commencé à courir le 6 janvier 2015, date de réception de la notification du jugement ; que, par suite, la SARL Acogec est fondée à soutenir que ces conclusions d'appel principal doivent être rejetées comme irrecevables ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante vis-à-vis de la SARL Acogec, une somme de 2 000 euros à verser à cette société sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat garantira la SARL Acogec des sommes mises à sa charge au profit des membres du groupement d'entreprises.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 15 décembre 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL Acogec la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Acogec, à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de mer, chargée des relations internationales sur le climat, à la SAS Prezioso Linjebygg, à la société Entreprise Roth et compagnie SAS, à la société Entreprise Philippe Lassarat SA et à la société Sanef.

Délibéré après l'audience publique du 14 octobre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- Mme Amélie Fort-Besnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 novembre 2016.

Le rapporteur,

Signé : A. FORT-BESNARDLe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°15DA00291 2


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