La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/12/2016 | FRANCE | N°15DA00983

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 30 décembre 2016, 15DA00983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...J...a demandé au tribunal administratif de Rouen la condamnation in solidum de M. K...E...et de la commune de Franqueville-Saint-Pierre à lui verser une somme de 119 735,16 euros en réparation des préjudices résultant de dommages affectant sa propriété.

Par un jugement n° 1203734 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné in solidum la commune de Franqueville-Saint-Pierre et M. E...à verser à Mme J..., d'une part, la somme de 49 500 euros, M. E...étant condamné à ga

rantir la commune de Franqueville-Saint-Pierre à hauteur de 80 % de la condamnatio...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G...J...a demandé au tribunal administratif de Rouen la condamnation in solidum de M. K...E...et de la commune de Franqueville-Saint-Pierre à lui verser une somme de 119 735,16 euros en réparation des préjudices résultant de dommages affectant sa propriété.

Par un jugement n° 1203734 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné in solidum la commune de Franqueville-Saint-Pierre et M. E...à verser à Mme J..., d'une part, la somme de 49 500 euros, M. E...étant condamné à garantir la commune de Franqueville-Saint-Pierre à hauteur de 80 % de la condamnation prononcée à son encontre et, d'autre part, la somme de 4 795,21 euros au titre des frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés par ordonnance du 4 novembre 2009.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 juin 2015, MmeJ..., représentée par Me F...L..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 16 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen a limité à la somme de 49 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné in solidum la commune de Franqueville-Saint-Pierre et M. E...en réparation du préjudice qu'elle a subi ;

2°) de porter le montant de son indemnisation à la somme de 132 260,16 euros avec indexation sur l'indice BT01 entre le mois de décembre 2010 et l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de M. E...et de la commune de Franqueville-Saint-Pierre une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a retenu à tort une part de responsabilité qu'il lui impute à hauteur de 50 % ;

- le montant du préjudice n'a pas été correctement chiffré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2015, la commune de Franqueville-Saint-Pierre, représentée par Me H...B..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête et à la condamnation de M. E...à la garantir en totalité des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, de limiter à la somme de 101 272,03 euros le montant du préjudice indemnisable ;

3°) de mettre à la charge de Mme J... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la cause des désordres n'a pas pour seule origine la réalisation des travaux en litige ;

- l'évaluation du montant de son préjudice par la requérante est exagérée ;

- le maître d'oeuvre a manqué à ses obligations contractuelles relatives à la conception des travaux de viabilisation, il a commis une faute en ne l'alertant pas sur les risques que présentaient des rejets plus importants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2015, M. E..., représenté par Me C...I..., conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement et dans le cadre de l'effet dévolutif, au rejet de la demande de première instance ;

2°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement attaqué ;

3°) de mettre à la charge de Mme J... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rapport d'expertise est nul car le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;

- la part de responsabilité qui lui incombe est excessive ;

- le fossé en partie en litige dans la survenance du préjudice a été modifié par un tiers après son intervention ;

- la requérante ne peut obtenir le paiement des frais de l'étude réalisée par Géosigma et celle du cabinet Langeoire sauf à établir qu'elle les a payés personnellement ;

- l'étude de sol complémentaire n'a pas été utile ;

- le préjudice résultant de l'impossibilité de garer son véhicule n'est pas établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public.

1. Considérant que le 5 avril 2006, le dallage du garage de la maison d'habitation de MmeJ..., située sur le territoire de la commune de Saint-Aubin-Celloville, s'est effondré sous le poids d'une roue de sa voiture ; que Mme J...a recherché la responsabilité solidaire de la commune de Franqueville-Saint-Pierre et de M.E..., maître d'oeuvre des travaux de viabilisation de la rue du Canivet dont le maître d'ouvrage est la commune, estimant que ces travaux sont à l'origine de ses dommages ; qu'elle relève appel du jugement du 16 avril 2015 en tant que le tribunal administratif de Rouen a limité à la somme de 49 500 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné in solidum la commune de Franqueville-Saint-Pierre et M. E... ; que, par appel incident, la commune de Franqueville-Saint-Pierre conclut à titre principal, au rejet de la requête et à la condamnation de M. E...à la garantir en totalité des condamnations prononcées à son encontre, à titre subsidiaire, à limiter à la somme de 101 272,03 euros le montant du préjudice indemnisable ; que M. E...conclut à titre principal, à l'annulation du jugement et dans le cadre de l'effet dévolutif, au rejet de la demande de première instance, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement attaqué ;

Sur le rapport d'expertise :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R 621-7 du code de justice administrative : " Les parties sont averties par le ou les experts des jours et heures auxquels il sera procédé à l'expertise ; cet avis leur est adressé quatre jours au moins à l'avance, par lettre recommandée. / Les observations faites par les parties, dans le cours des opérations, sont consignées dans le rapport. " ;

3. Considérant que ces dispositions imposent à l'expert de faire état dans son rapport tant des observations écrites qu'orales présentées par les parties dans le cours des opérations d'expertise ;

4. Considérant que M.D..., expert, en réponse aux dires de l'avocat du maître d'oeuvre, a repris les déclarations de Mme J...retransmises par son avocat, s'agissant de l'augmentation du débit de l'effluent en aval de son habitation, et n'a ainsi pas enfreint les dispositions de l'article R. 621-7 du code précité ; qu'il n'a pas plus méconnu les dispositions précitées en ne répondant pas à tous les points retranscrits dans son rapport évoqués par le conseil du maître d'oeuvre ou se référant à un rapport géologique dont les parties ont pu utilement discuter la teneur ; qu'il n'a pas plus méconnu le principe d'impartialité dans l'énoncé de ses conclusions ; que par suite, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le rapport d'expertise doit être déclaré nul pour non-respect du principe du contradictoire ;

Sur la responsabilité :

5. Considérant que, même en l'absence de faute, la collectivité maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de M.D..., expert désigné par le président du tribunal, que le débit des eaux pluviales évacuées via la rue Canivet a été accru par la réalisation de quatorze pavillons dans cette rue ; que les travaux de viabilisation de cette rue, effectués dix-huit mois avant l'apparition du phénomène d'érosion souterraine, à l'occasion de la construction de ces habitations, ont rendu cette voie plus étanche ; que le réseau d'évacuation existant n'a toutefois pas été redimensionné pour tenir compte de la charge supplémentaire d'eaux pluviales en résultant ; qu'ainsi le surcroît d'eaux pluviales ne s'écoulant plus dans l'avaloir public s'est infiltré dans le sous-sol de la propriété de Mme J... ; que ce dommage, subi par un tiers à l'opération de travaux publics en cause, est dès lors imputable au manque de diligence du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre ; que l'expert a cependant relevé que, selon un rapport d'étude géologique effectuée par la société d'études et de conseils Geo-Sigma en décembre 2006, la configuration du terrain de Mme J... et l'existence d'une fragilité structurelle de son sous-sol ont également contribué à l'apparition du phénomène de circulation d'eaux souterraines à l'origine des désordres ; qu'ainsi le dommage est imputable tant à la nature du terrain qui l'a subi, qu'aux travaux effectués sur la voie publique ; qu'ainsi c'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité de la commune de Franqueville-Saint-Pierre et de M. E...à raison de 50 % des dommages subis, à proportion de la part imputable aux travaux publics et de celle imputable à la structure du terrain qui a entraîné une aggravation du dommage ; que contrairement à ce que soutient MmeJ..., le tribunal n'a pas ainsi procédé à une exonération de responsabilité à raison d'une faute de la victime ou de la force majeure, mais s'est prononcé sur l'imputabilité du dommage aux travaux réalisés ;

Sur le préjudice :

7. Considérant que si l'expert a chiffré à 165 132 euros dont 7 826 euros de maîtrise d'oeuvre les travaux de réhabilitation du garage, il résulte d'une étude du cabinet Langeoire adressée le 20 décembre 2010 à la MAIF, assureur de Mme J..., un coût des travaux selon l'offre de l'entreprise la mieux disante de 113 735,16 euros ; que toutefois, il y a lieu de déduire de cette somme, comme le propose la commune de Franqueville-Saint-Pierre, une somme de 10 963,13 euros d'étude de sol complémentaire non utile ; que le trouble de jouissance, non chiffré par les premiers juges, du garage pendant soixante mois peut être justement évalué à la somme de 1 200 euros ; qu'ainsi le préjudice de Mme J...doit être fixé à un montant total de 103 972 euros ; que, par suite, compte tenu de la part de responsabilité définie au point 6, Mme J... est fondée à demander que la somme de 49 500 euros que la commune de Franqueville-Saint-Pierre et M. E... ont été condamnés à lui verser soit portée à la somme de 51 986 euros ;

8. Considérant que la requérante n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de financer le coût des travaux à compter de la date du dépôt, par l'expert, de son rapport ; que sa demande d'indexation des frais de reconstruction et de main-d'oeuvre par application de l'indice du coût de la construction BT01 doit être rejetée ;

Sur les conclusions d'appel en garantie de la commune de Franqueville-Saint-Pierre :

9. Considérant que la commune de Franqueville-Saint-Pierre soutient que M. E..., ayant assuré la maîtrise d'oeuvre de la réalisation des travaux d'infrastructure, voirie et trottoirs de la rue du Canivet doit la garantir, en cas de condamnation ; que si le maître de l'ouvrage est responsable des désordres résultant des travaux d'aménagement de la voie publique, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. E... ayant en charge la conception et la conduite des travaux, notamment générés par la construction de quatorze pavillons, n'a pas régulièrement interpellé le maître d'ouvrage sur ses responsabilités compte tenu des rejets notablement plus importants et leur impact sur la stabilité de la maison de la requérante ; qu'il n'a pas, de plus, conduit complètement les études de projet et d'exécution en se limitant à la possibilité de réutiliser l'exutoire aval sans modification alors que la charge de celui-ci s'accroissait compte tenu des travaux en question ; que c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont estimé que M. E... a contribué à hauteur de 80 % à la réalisation du dommage et l'ont condamné à garantir la commune à hauteur de ce pourcentage de la condamnation prononcée à l'encontre de cette dernière ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la commune de Franqueville-Saint-Pierre et M. E... doivent, dès lors, être rejetées ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E...et de la commune de Franqueville-Saint-Pierre une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme J... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 49 500 euros que la commune de Franqueville-Saint-Pierre et M. E...ont été condamnés à verser à Mme J... est portée à la somme de 51 986 euros.

Article 2 : La commune de Franqueville-Saint-Pierre et M.E..., in solidum, verseront à Mme J... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le jugement n° 1203734 du 16 avril 2015 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G...J..., à la commune de Franqueville-Saint-Pierre et à M. K... E....

Délibéré après l'audience publique du 13 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme K...A..., première conseillère,

- M. Rodolphe Féral, premier conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2016.

Le premier conseiller le plus ancien,

Signé : D. A...Le président-assesseur,

Signé : M. M...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

5

N°15DA00983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 15DA00983
Date de la décision : 30/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-03-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité encourue du fait de l'exécution, de l'existence ou du fonctionnement de travaux ou d'ouvrages publics. Victimes autres que les usagers de l'ouvrage public. Tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : SCP DE BEZENAC ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2016-12-30;15da00983 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award