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24/01/2017 | FRANCE | N°15DA00966

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 24 janvier 2017, 15DA00966


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Gorgone Productions a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1104602 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée l

e 11 juin 2015, l'EURL Gorgone Productions, représentée par Me C...D..., demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Gorgone Productions a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1104602 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 juin 2015, l'EURL Gorgone Productions, représentée par Me C...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais exposés par elle dans l'instance et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son activité de doublage sonore de jeux vidéo relève de la catégorie des travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels, au sens des dispositions du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts, pour la détermination du lieu d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;

- cette activité est assimilable à celle de sonorisation de films soumise au régime de taxation applicable aux travaux sur des biens meubles corporels comme le relève une réponse ministérielle à un parlementaire du 18 novembre 1996 ;

- en vertu du rescrit n° 2006/6 TCA du 7 février 2006, l'absence de mention sur les factures correspondantes du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée ne saurait faire obstacle à l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée dans l'Etat membre où le bien est transféré ;

- cette activité peut également être qualifiée de prestation portant sur des droits d'auteur, au sens des dispositions du 1° de l'article 259 B du code général des impôts ;

- les entreprises qui exercent en France la même activité à destination de clients établis dans des pays de l'Union européenne ne soumettent pas à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations qu'elles fournissent ;

- la prestation d'enregistrement de messages sonores fournie à la société Ubicall Voxplorer relève de la catégorie de la fourniture de base de données au sens, d'une part, du c. de l'article 98 C du code général des impôts et doit ainsi être considérée comme un service fourni par voie électronique au sens du 12° de l'article 259 B du code général des impôts et, d'autre part, du paragraphe 30 du bulletin officiel BO 3 A-3-03 N° 149 du 8 septembre 2003.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'EURL Gorgone Productions ne peut prétendre au bénéfice des exonérations qu'elle revendique dès lors que les factures émises ne comportent pas la référence, exigée par les dispositions de l'article 242 nonies A du code général des impôts dont elle a entendu faire application ;

- en l'absence de mention, sur les factures émises par l'EURL Gorgone Productions, des dispositions dont elle a entendu faire application, celle-ci ne peut être regardée comme ayant entendu faire application d'une interprétation de la loi fiscale par l'administration, opposable sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

- les moyens soulevés par l'EURL Gorgone Productions sur le terrain de la loi fiscale ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la propriété intellectuelle ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dominique Bureau, première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Marc Guyau, rapporteur public,

- et les observations de Me C...D..., représentant l'EURL Gorgone Productions.

1. Considérant que l'EURL Gorgone Productions a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période du 1er janvier 2004 au 30 novembre 2006 ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a estimé que le doublage en langue française de jeux vidéo et l'enregistrement d'annonces en vue de leur insertion dans des standards téléphoniques automatiques réalisés par l'EURL Gorgone Productions pour des clients établis dans des pays de l'Union européenne devaient être qualifiés de prestations de service dont, en application des dispositions de l'article 259 du code général des impôts, le lieu de réalisation est réputé situé en France dès lors que le prestataire y a le siège de son activité, et dont la fourniture est, par suite, soumise en France à la taxe sur la valeur ajoutée ; que l'EURL Gorgone Productions demande l'annulation du jugement du 9 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande dirigée contre les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces rectifications ;

Sur l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations d'enregistrement de textes en langue française pour des jeux vidéo réalisées à destination de clients établis en Union européenne :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 259 A du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France : / (...) 4° bis Travaux et expertises portant sur des biens meubles corporels : / a. lorsque ces prestations sont matériellement exécutées en France, sauf si le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et si les biens sont expédiés ou transportés hors de France " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'EURL Gorgone Productions a réalisé l'enregistrement en studio de textes en langue française fournis par ses clients, lus par des acteurs et numérisés en vue de leur intégration dans la version française de jeux vidéo ; que, même si elle indique dans ses écritures que ces prestations sont finalisées par la délivrance de " masters " gravés sur CD-ROM, les prestations fournies ne peuvent être regardées comme une simple intervention physique sur un bien meuble corporel ; qu'elles ne peuvent, dès lors, être qualifiées de " travaux portant sur des biens meubles corporels " ; qu'ainsi, elles ne relèvent pas des dispositions du 4° bis de l'article 259 A du code général des impôts, dont il résulte que le lieu des prestations qu'il vise n'est pas réputé se situer en France si le preneur a fourni au prestataire son numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et si les biens sont expédiés ou transportés hors de France ; que, dès lors, l'EURL Gorgone Productions n'est pas fondée à se prévaloir de ces dispositions ;

4. Considérant que l'activité de doublage de jeux vidéo se distingue par son objet de l'activité de sonorisation de films, en dépit de la similitude des moyens techniques mis en oeuvre et du travail tout à fait comparable fourni par les comédiens ; que l'EURL Gorgone Productions ne peut ainsi utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine de l'administration fiscale énoncée dans la réponse ministérielle du 18 novembre 1996 à un parlementaire, laquelle, relative à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des prestations de sonorisation de films, n'est pas applicable au présent litige ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 4, que l'EURL Gorgone Productions, qui ne peut prétendre à l'application du régime de taxation applicable aux travaux portant sur des biens meubles corporels, ne saurait en tout état de cause utilement faire valoir, que ce soit sur le terrain de la loi fiscale ou sur celui de la doctrine énoncée par l'administration fiscale dans le rescrit n° 2006/6 TCA du 7 février 2006, que l'administration fiscale ne pouvait exiger la mention sur les factures qu'elle a émises du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de ses clients dans un autre Etat de l'Union européenne ;

6. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 259 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : / 1° Cessions et concessions de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires ; / (...) Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté " ;

7. Considérant que, d'une part, l'EURL Gorgone Productions, qui ne participe ni à la conception du jeu ou à l'élaboration des logiciels, ni à la rédaction, ni même à la traduction des textes qu'elle enregistre, n'établit pas disposer à ce titre d'un droit de propriété intellectuelle, d'auteur ou assimilé qu'elle serait susceptible de céder ou de concéder à ses clients ; que, d'autre part, en se bornant à soutenir que la prestation des comédiens qui lisent les textes enregistrés sont " protégés au niveau de la propriété intellectuelle et les droits d'auteur ", la société requérante ne démontre pas qu'elle facture à ses clients la rétrocession de droits voisins des droits d'auteurs reconnus aux artistes-interprètes par les dispositions des articles L. 212-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ; qu'elle n'est, dans ces conditions, pas fondée à soutenir que ses prestations consistent dans la cession de droits d'auteurs, de brevets, de droits de licences, de marques de fabrique et de commerce et d'autres droits similaires au sens des dispositions du 1° de l'article 259 B du code général des impôts, dont le lieu serait réputé ne pas se situer en France dès lors que le preneur est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de l'Union européenne ; qu'elle ne saurait, à cet égard, utilement se prévaloir de ce que des entreprises exerçant en France une activité comparable à la sienne pour des clients établis en Union européenne ne soumettent pas à la taxe sur la valeur ajoutée les prestations qu'elles fournissent ;

Sur l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations d'enregistrement de messages vocaux pour des standards téléphoniques automatiques réalisées à destination d'un client établi en Belgique :

8. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 259 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable, pour le lieu de prestation des services fournis par voie électronique, fixés par un décret auquel renvoient les dispositions du 12° de cet article, est réputé ne pas se situer en France, même si le prestataire y est établi, lorsque le preneur est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de l'Union européenne ; qu'aux termes de l'article 98 C de l'annexe III à ce code : " Sont considérés comme des services fournis par voie électronique au sens du 12° de l'article 259 B du code général des impôts : / (...) c. (...) la mise à disposition de bases de données " ;

9. Considérant que les prestations facturées par l'EURL Gorgone Productions à la société Ubicall, qui commercialise des standards téléphoniques automatiques, consistent dans la livraison, sous forme de fichiers oralisés audionumériques, de messages vocaux enregistrés par un comédien et de fonds sonores musicaux ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces enregistrements, s'ils énoncent les informations spécifiées par le client et régulièrement actualisées, seraient transmis à la société Ubicall selon un agencement leur conférant le caractère structuré d'une base de données, alors même qu'ils sont destinés à être intégrés dans l'ensemble systématisé de données accessibles individuellement par voie électronique que constitue un standard téléphonique automatique ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que leur fourniture correspondrait à une autre prestation figurant sur la liste fixée par l'article 98 C de l'annexe III au code général des impôts ; que la seule circonstance que ces enregistrements sont transmis au client de manière dématérialisée, par la voie du réseau internet, n'est pas, à elle seule de nature à conférer à ces prestations le caractère d'un service fourni par voie électronique au sens et pour l'application des dispositions de l'article 259 A du code général des impôts, dont la société requérante n'est ainsi pas fondée à se prévaloir ;

10. Considérant qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, il ne résulte pas de l'instruction que les enregistrements fournis par l'EURL Gorgone Productions à la société Ubicall doivent être qualifiés de base de données au sens de l'article L. 112-3 du code de la propriété intellectuelle ; que l'EURL Gorgone Productions n'entre, ainsi, pas dans le champ d'application de la doctrine de l'administration fiscale énoncée au paragraphe 30 du bulletin officiel BO 3 A-3-03 du 8 septembre 2003, dont elle ne peut, dès lors, utilement se prévaloir ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'EURL Gorgone Productions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Gorgone Productions est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Gorgone Productions et au ministre de l'économie et des finances.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 10 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B...A..., première conseillère,

- Mme Dominique Bureau, première conseillère.

Lu en audience publique le 24 janvier 2017.

Le rapporteur,

Signé : D. BUREAULe président-assesseur,

Signé : M. E...

Le greffier,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier

Marie-Thérèse Lévèque

2

N°15DA00966


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00966
Date de la décision : 24/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Guyau
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-01-24;15da00966 ?
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