La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/03/2017 | FRANCE | N°15DA00630

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre - formation à 3, 15 mars 2017, 15DA00630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...L..., M. E...L..., M. G...W..., M. H...W..., M. AD... W..., l'indivision W...-AE..., représentée par M. AD...W..., M. P... B..., Mme O...T..., M. et Mme A...U..., M. Z...V..., M. Y...V..., Mme R...V..., l'indivision AB...-M..., représentée par M. X...M..., le groupement foncier agricole Le Haut des Caves, représenté par M. D...L..., le groupement foncier agricole LemoineC..., représenté par Mme K...C..., la société par actions simplifiées Les Champs Reniers, représentée par M. Y... V..., la soci

été anonyme LVMH, représentée par M. S...I..., la société anonyme Vranken P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...L..., M. E...L..., M. G...W..., M. H...W..., M. AD... W..., l'indivision W...-AE..., représentée par M. AD...W..., M. P... B..., Mme O...T..., M. et Mme A...U..., M. Z...V..., M. Y...V..., Mme R...V..., l'indivision AB...-M..., représentée par M. X...M..., le groupement foncier agricole Le Haut des Caves, représenté par M. D...L..., le groupement foncier agricole LemoineC..., représenté par Mme K...C..., la société par actions simplifiées Les Champs Reniers, représentée par M. Y... V..., la société anonyme LVMH, représentée par M. S...I..., la société anonyme Vranken Pommery Production, représentée par M. X...Q...,Mme F...U..., Mme AC...-U..., l'entreprise agricole à responsabilité limitéeC..., l'entreprise agricole à responsabilité limitée AndréL..., représentée par M. E...L..., l'entreprise agricole à responsabilité limitée W...-Durand, représentée par M. G... W..., la société civile financière Moulin des Trois Frères, représentée par M. Y... V..., la société civile financière du Prince, représentée par M. Z... V..., la société civile d'exploitation vinicole de Crugny, représentée par M. AA...V..., pour la société civile d'exploitation vinicole Les Grandes Vignes, représentée par M. D...L..., la société civile d'exploitation vinicole Valaigne, représentée par M. A...U...et la société en commandite simple MHCS représentée par M. S...I..., ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à leur verser une somme totale de 4 971 933 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2012 et de la capitalisation de ceux-ci, en réparation des préjudices qu'ils ont subis en conséquence de la durée anormalement longue du remembrement rural mis en oeuvre sur le territoire de la commune de Chartèves (Aisne).

Par un jugement n° 1202136 du 17 février 2015, le tribunal administratif d'Amiens à rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2015, et des mémoires enregistrés les 25 juillet 2016, et 16 août 2016, M. A...U...et autres, représentés par le cabinet Gide-Loyrette-Nouel, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 février 2015 ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser la somme de 7 784 116 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2012 et de leur capitalisation à compter du 29 novembre 2013 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de l'Etat est engagée à leur égard à raison de la durée excessive des opérations de remembrement menées sur le territoire de la commune de Chartèves et faute de ne pas avoir respecté le protocole signé le 25 janvier 1995 ;

- le totalité du coteau ne fera pas l'objet de prescriptions environnementales ;

- par son comportement l'Etat établit la possibilité d'exploiter le coteau du Pseautier ;

- si le coteau ne devait pas être remis en culture la responsabilité de l'Etat serait engagée pour avoir mené un remembrement inutile ;

- ils ont subi un préjudice à raison de la perte de chance sérieuse de pouvoir exploiter leurs parcelles.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 juin 2016 et 8 août 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi du 22 juillet 1927 ;

- l'arrêté du 20 janvier 1982 modifié relatif à la liste des espèces végétales protégées sur l'ensemble du territoire national ;

- l'arrêté 17 août 1989 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Picardie complétant la liste nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- les conclusions de M. Hadi Habchi, rapporteur public,

- et les observations de Me N...J..., représentant M. A...U...et autres.

1. Considérant que le coteau " du Pseautier ", situé sur le territoire de la commune de Chartèves, a été classé en zone d'appellation d'origine contrôlée " Champagne " par la loi du 22 juillet 1927 fixant les limites de la Champagne viticole ; que, toutefois, il a été laissé en état de friche, qui au fil du temps a accueilli des espèces d'intérêt floristique et faunistique remarquables faisant, pour certaines, l'objet d'une protection réglementaire ; que, le 17 juin 1993, dans le but d'exploiter à nouveau ce coteau, le président de l'association des propriétaires viticoles de Chartèves a demandé au préfet de l'Aisne d'engager dans les meilleurs délais une procédure de remembrement rural ; que, dans ce contexte, de nombreuses actions contentieuses ont été introduites par les associations de défense de l'environnement, aux fins de faire obstacle à la remise en exploitation des parcelles ; qu'un protocole d'accord, signé le 25 janvier 1995 entre le représentant de l'Etat dans le département, le maire de Chartèves, les présidents de trois associations de défense de l'environnement, le président de la chambre d'agriculture de l'Aisne, les présidents du comité interprofessionnel des vins de Champagne et par le président de l'association des propriétaires viticoles de Chartèves prévoyait, en son article 1er , que le coteau de Chartèves serait partagé entre deux zones, l'une, représentant 25 % de son territoire ayant vocation à former une réserve naturelle volontaire, partie à laquelle seraient ajoutées quelques parcelles situées hors de la zone d'appellation d'origine contrôlée, et l'autre, représentant les 75 % restants, ayant vocation à être mise en exploitation viticole ; qu'en vertu de l'article 2, l'Etat s'est engagé à mettre en oeuvre un remembrement ; que l'article 6 de ce protocole prévoyait que la préparation et l'exécution de travaux, notamment de défrichement et de plantation seraient ont interdits à l'intérieur du périmètre de remembrement rural à partir de la date de l'arrêté préfectoral l'ordonnant et jusqu'à la clôture de ces opérations ; que, par un arrêté du 13 juillet 2001, le préfet de l'Aisne a ordonné le remembrement sur la commune de Chartèves ; que, cependant, estimant la durée de cette opération d'aménagement rural excessive, les requérants, qui font valoir qu'au jour de la saisine de la cour, le remembrement n'était toujours pas clos, relèvent appel du jugement du 17 février 2015 du tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 7 784 116 euros correspondant à l'indemnisation du préjudice qu'ils soutiennent subir à raison de cette durée excessive et de la méconnaissance par l'Etat de ses engagements et tenant à la perte de chance de pouvoir bénéficier d'un revenu résultant de l'exploitation ou de la location des terres en cause ;

Sur la faute résultant de la durée excessive des opérations de remembrement :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le coteau " du Pseautier " abrite trente-six espèces animales et végétales protégées, figurant pour ces dernières dans les arrêtés du 20 janvier 1982 modifié relatif à la liste des espèces végétales protégées sur l'ensemble du territoire national et du 17 août 1989 relatif à la liste des espèces végétales protégées en région Picardie complétant la liste nationale ; qu'en vertu de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, sont interdites la destruction, l'altération ou la dégradation des habitats naturels ou des sites naturels présentant un intérêt scientifique ; qu'il est constant que le coteau en cause, entre dans le champ d'application de ces dispositions ; que l'article L. 411-2 du même code, dans sa rédaction applicable au jour de la réclamation préalable, prévoit cependant la possibilité, dans les conditions qu'il fixe, de la délivrance de dérogations à cette interdiction ;

3. Considérant que le préfet de l'Aisne, qui en vertu de l'article R. 411-6 du code de l'environnent est l'autorité compétente pour délivrer la dérogation précitée, s'appuyant sur un avis rendu le 22 juin 2006 par le conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Picardie relevait dans ses écritures de première instance, qu'eu égard à l'intérêt présenté par le site, l'obtention de la dérogation était peu probable ; que pour tenter de diminuer l'impact de la remise en culture des terres en cause sur la préservation de la biodiversité, il avait proposé, lors de la réunion du comité de pilotage du 13 juillet 2011, de modifier la répartition des surfaces entre les deux zones du projet et de n'admettre qu'une surface de 50 % soit replantée ; que les viticulteurs se sont cependant opposés à cette proposition ; que ces derniers, se prévalent d'un courrier du 9 septembre 2011 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer qui, s'il indique que les propositions faites par les propriétaires " semblent comporter des orientations intéressantes en vue d'aboutir à un compromis satisfaisant sur ce dossier ", se borne à rappeler aux demandeurs la procédure à suivre et indique que la délivrance de la dérogation sera conditionnée au sérieux avec lequel il aura été tenu compte de la qualité actuelle du site ; que, par ailleurs, la circonstance que le conseil scientifique régional du patrimoine naturel de Picardie se soit autosaisi n'enlève rien à la pertinence du constat qu'il dresse de l'intérêt écologique de la zone en cause ; qu'enfin, le fait que le préfet de l'Aisne était à l'initiative du protocole d'accord cité au point 1, ne permettait pas d'établir qu'il délivrerait, pour cette raison, la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement ; que les requérants ne rapportent aucun autre élément permettant d'apprécier la chance qu'ils auraient d'obtenir la dérogation sollicitée ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'ils auraient une chance sérieuse d'obtenir la dérogation prévue par les dispositions précitées ; que dans ces circonstances ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice indemnisable tenant à la perte de chance de pouvoir exploiter leurs parcelles en les plantant de vigne ;

Sur la faute tenant à la méconnaissance du protocole signé le 25 janvier 1995 :

4. Considérant que si les requérants font valoir que l'Etat a méconnu le protocole signé le 25 janvier 1995 ils ne précisent pas les stipulations de ce document qui n'auraient pas été respectées ; qu'en outre, et dès lors, comme il a été dit au point 3, que l'exploitation viticole du coteau était conditionnée à la délivrance, par le préfet de la dérogation prévue par l'article L. 411-2 du code de l'environnement, la circonstance alléguée que l'Etat n'aurait pas respecté les engagements pris est sans lien avec le préjudice invoqué par les requérants tenant à la perte de chance de pouvoir bénéficier d'un revenu résultant de l'exploitation ou de la location des terres en cause ;

Sur la faute tenant à la réalisation d'un remembrement inutile :

5. Considérant que les requérants soutiennent dans le dernier état de leurs écritures que si le coteau ne devait pas être remis en culture la responsabilité de l'Etat serait engagée pour avoir mené un remembrement inutile ; que la faute ainsi alléguée est, cependant, sans lien avec le préjudice invoqué ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. U...et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 17 février 2015, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande ; que leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. U...et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...U..., qui a été désigné à cette fin dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 751-3 du code de justice admsitrative, et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Copie en sera transmise pour information au préfet de l'Aisne.

Délibéré après l'audience publique du 2 mars 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- M. Olivier Nizet, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 15 mars 2017

Le rapporteur,

Signé : O. NIZET Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINI Le greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

1

2

N°15DA00630

1

3

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00630
Date de la décision : 15/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Retards.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice - Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Olivier Nizet
Rapporteur public ?: M. Habchi
Avocat(s) : GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-03-15;15da00630 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award