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01/06/2017 | FRANCE | N°15DA00869

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 01 juin 2017, 15DA00869


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajouté acquittés au titre de son activité d'ostéopathe pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005.

Par un jugement n° 1100562 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2015, M. B...A..., représenté par la SCP Nataf et Planchat, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) à tit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la restitution des droits de taxe sur la valeur ajouté acquittés au titre de son activité d'ostéopathe pour la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005.

Par un jugement n° 1100562 du 24 mars 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mai 2015, M. B...A..., représenté par la SCP Nataf et Planchat, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la restitution demandée ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne d'une question préjudicielle ;

4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée doit s'appliquer aux prestations de soins ;

- la position du Conseil d'Etat, dans son arrêt n° 318941 du 16 avril 2010 ne tient pas compte du principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, interprété par la Cour de Justice de l'Union européenne dans son arrêt C-259/10 et C-260/10 du 10 novembre 2011 confirmé par deux arrêts récents ;

- la cour pourrait saisir, le cas échéant, la Cour de Justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur le point de savoir si le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée doit s'interpréter au regard de cet arrêt du 10 novembre 2011 et si l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée doit être appliquée aux actes d'ostéopathie délivrés par un ostéopathe dès lors que son patient, qui avait décidé d'avoir recours à un soin en ostéopathie ne faisait pas la différence au regard de la formation en ostéopathie suivie par cet ostéopathe, entre les soins en ostéopathie que pouvait lui délivrer ce praticien et ceux accomplis par un médecin ou un masseur-kinésithérapeute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la réclamation contentieuse relative à la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au cours de l'année 2003 est tardive, par application des dispositions de l'article R. 1961-1 du livre des procédures fiscales ;

- les moyens ne sont pas fondés et que le refus d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée opposée à M. A...est légalement justifié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ;

- le code de santé publique ;

- le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 ;

- le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant que M.A..., titulaire d'un diplôme de masseur-kinésithérapeute, qui exerce l'activité d'ostéopathe, a demandé, le 16 mai 2006, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée pour les prestations fournies au cours des années 2003 à 2005 à raison de son activité d'ostéopathe, au motif qu'il pouvait bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que sa réclamation ayant été rejetée, il a saisi le tribunal administratif de Lille d'une demande tendant à la restitution de la taxe précitée ; qu'il relève appel du jugement du 24 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précitée, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;

4. Considérant toutefois que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalente à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;

6. Considérant que le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret n° 2007-437 du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application de cet article, n'ont été publiés que le 27 mars 2007 ; qu'ainsi, durant la période allant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005, les actes d'ostéopathie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, pour certains actes, sur prescription médicale, par les masseurs-kinésithérapeutes, en vertu de la réglementation de leur profession, notamment celle figurant actuellement aux articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, pour statuer sur la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. A...sur ses prestations d'ostéopathie, il appartient au juge de l'impôt de vérifier au titre des périodes en litige, que celui-ci démontrait disposer, pour la fourniture de ces prestations, de qualifications professionnelles propres à leur assurer un niveau de qualité équivalente à celles fournies par un médecin ou qu'il avait pratiqué des actes qu'il était habilité à accomplir en vertu de la réglementation de sa profession de masseur-kinésithérapeute ; qu'une telle appréciation ne peut être portée qu'au vu de la nature des actes accomplis sous la dénomination d'actes d'ostéopathie et, s'agissant des actes susceptibles de comporter des risques en cas de contre-indication médicale, en considération des conditions dans lesquelles ils ont été effectués ; qu'est en revanche sans incidence, pour apprécier la nature de ces actes au regard de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période en cause, la circonstance que l'intéressé a pu ultérieurement faire valoir certains éléments relatifs à sa pratique professionnelle, lors de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues à l'article 16 du décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 en vue d'autoriser l'usage du titre professionnel d'ostéopathe par les praticiens en exercice à la date de publication de ce décret ;

8. Considérant qu'il appartient, dès lors, à M.A..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;

9. Considérant que M. A...ne produit aucun élément relatif à sa pratique de 2003 à 2005 ; qu'en se prévalant seulement de sa formation suivie au centre d'ostéopathie Atman et du diplôme qu'il a obtenu en 1993, M. A...n'établit pas que les actes d'ostéopathie qu'il a accomplis auraient pu être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui auraient bénéficié de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée s'ils avaient été effectués par un médecin ou faisaient partie des actes qu'il était habilité à accomplir en qualité de masseur-kinésithérapeute ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de restitution et sur la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera adressée pour information à la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 18 mai 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Christian Bernier, président-assesseur,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er juin 2017.

Le rapporteur

Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°15DA00869 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00869
Date de la décision : 01/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-06-01;15da00869 ?
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