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17/10/2017 | FRANCE | N°15DA00538

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 17 octobre 2017, 15DA00538


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SDI et la société CRI ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Soprema Entreprises à leur verser, respectivement, la somme de 317 070,72 euros toutes taxes comprises et la somme de 158 394,32 euros toutes taxes comprises et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, en réparation des préjudices résultant de la faute commise par cette société lors des travaux de construction du nouvel hôtel de région de la région Nord-P

as-de-Calais, ainsi que la somme de 10 000 euros, chacune, pour résistance abusive....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société SDI et la société CRI ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Soprema Entreprises à leur verser, respectivement, la somme de 317 070,72 euros toutes taxes comprises et la somme de 158 394,32 euros toutes taxes comprises et d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, en réparation des préjudices résultant de la faute commise par cette société lors des travaux de construction du nouvel hôtel de région de la région Nord-Pas-de-Calais, ainsi que la somme de 10 000 euros, chacune, pour résistance abusive.

Par un jugement n° 1105856 du 27 janvier 2015, le tribunal administratif de Lille a, d'une part, condamné la société Soprema Entreprises à verser à la société SDI la somme de 63 708,83 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, les intérêts échus le 13 février 2010 étant capitalisés à cette date, d'autre part, condamné la société Soprema Entreprises à verser à la société CRI la somme de 42 553,26 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, les intérêts échus le 13 février 2010 étant capitalisés à cette date, en rejetant le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 avril 2015, la société SDI et la société CRI, représentées par Me D...B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lille du 27 janvier 2015 en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner la société Soprema Entreprises à verser, d'une part, à la société SDI la somme de 429 359,23 euros toutes taxes comprises, d'autre part, à la société CRI la somme de 187 894,71 euros toutes taxes comprises, ces sommes étant augmentées des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner la société Soprema Entreprises à verser à chacune d'elles la somme de 10 000 euros pour résistance abusive ;

4°) de mettre à la charge de la Soprema Entreprises le versement, d'une part à la société SDI, d'autre part à la société CRI, de la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...B..., représentant les sociétés SDI et CRI et de Me E...A..., représentant la société Soprema Entreprises.

1. Considérant que, dans le cadre de la construction du nouveau siège de la région Nord-Pas-de-Calais, le lot D de la phase n° 1 du marché, " étanchéité-toiture-terrasse-jardin ", a été confié à la société Soprema Entreprises ; que le lot E " cloisons-isolation-plâtrerie " a été confié à la société SDI ; que le lot M " sols durs- carrelages muraux " a été confié à la société CRI ; que les missions de contrôle technique de la construction et de coordination sécurité-protection-santé ont été confiées à la société Cete Apave Nord Ouest ; que, le 22 juillet 2005, lors de la réalisation des travaux, une bouteille de gaz manipulée par la société Soprema Entreprises a explosé au fond du patio n° 2 de l'aile nord du bâtiment en construction, provoquant des dégâts et imposant une prolongation de la durée du chantier compte tenu des reprises à effectuer ; que, par ordonnance du 9 septembre 2005, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a désigné M. C... en qualité d'expert, afin de permettre l'identification des causes du sinistre, la détermination des responsabilités de chaque intervenant sur le chantier et l'évaluation des préjudices causés aux dits intervenants ; que l'expert a déposé son rapport le 20 janvier 2007 ; que la société SDI et la société CRI ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Soprema Entreprises, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, à leur verser, respectivement, la somme de 317 070,72 euros et la somme de 158 394,32 euros, toutes taxes comprises, en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis, ainsi que la somme de 10 000 euros à chacune d'elles, pour résistance abusive ; que, par un jugement du 27 janvier 2015, le tribunal administratif, d'une part, a condamné la société Soprema Entreprises à verser à la société SDI la somme de 63 708,83 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, les intérêts échus le 13 février 2010 étant capitalisés à cette date, d'autre part, a condamné la société Soprema Entreprises à verser à la société CRI la somme de 42 553,26 euros toute taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2009, les intérêts échus le 13 février 2010 étant capitalisés à cette date, en rejetant le surplus de leurs demandes ; que la société SDI et la société CRI font appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à la totalité de leurs conclusions indemnitaires ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Soprema Entreprises :

2. Considérant que le montant des conclusions indemnitaires présentées en appel par les sociétés requérantes excède celui de leurs conclusions de première instance, sans qu'elles se prévalent d'éléments nouveaux postérieurs au prononcé du jugement ou d'une aggravation de leurs préjudices depuis cette date ; que, dans ces conditions, ces conclusions d'appel sont irrecevables en tant que leur montant excède celui des conclusions de première instance ;

Sur l'expertise :

3. Considérant, d'une part, que les conclusions, présentées devant le tribunal administratif par la société Soprema Entreprises, tendant " à l'annulation du rapport d'expertise " ne constituaient pas, contrairement à ce que soutient la société Soprema Entreprises, une demande tardive de récusation de l'expert, mais tendaient à ce que cette expertise soit regardée comme irrégulière ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, l'expert a énoncé des réponses contradictoires s'agissant de la part de responsabilité des entreprises, n'a procédé à aucune analyse critique du planning des travaux établis par la société Copibat, sur lequel il s'est fondé pour estimer le délai de retard du chantier à huit mois et demi, s'est borné à indiquer cette durée sans autre précision et a proposé de retenir certains chefs de préjudice en mentionnant pourtant lui-même qu'ils n'étaient assortis d'aucun justificatif ; que ces insuffisances du rapport d'expertise ne font toutefois pas obstacle à ce que la cour de céans prenne ce document et les annexes qu'il comporte en considération à titre d'élément d'information, en tenant compte des observations présentées par les parties sur ses conclusions ;

Sur la responsabilité quasi-délictuelle de la société Soprema Entreprises :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'explosion d'une bouteille de gaz, le 22 juillet 2005, résulte d'une manipulation inappropriée, par un employé de la société Soprema Entreprises réalisant des travaux de soudure, de cette bouteille alimentant le chalumeau qu'il utilisait ; que la société Soprema Entreprises admet d'ailleurs elle-même, en appel, qu'elle est seule responsable de l'accident survenu le 22 juillet 2005 et ne conteste pas le jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions appelant en garantie la société CETE Apave-Nord ; qu'ainsi, la responsabilité de la société Soprema Entreprises est engagée à l'égard des entreprises qui participaient au chantier et qui, du fait de l'explosion et des conséquences de cet accident sur le déroulement du chantier, ont subi des préjudices ;

Sur les préjudices subis par la société SDI et par la société CRI :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'accident du 22 juillet 2005, dont la société Soprema Entreprises est responsable, a empêché les autres entreprises de poursuivre l'exécution de leurs prestations dans la zone nord du bâtiment pendant une période d'environ trois mois et que le site a ensuite continué à être remis en état jusqu'en avril 2006 ; que la réception des travaux a eu lieu en janvier 2007 ;

En ce qui concerne les préjudices subis par la société SDI :

7. Considérant, en premier lieu, que la société Soprema Entreprises ne conteste pas sérieusement, en appel, que la société SDI a affecté au chantier, pendant la période de remise en état de celui-ci, et pour pallier les conséquences de l'accident du 22 juillet 2005, un conducteur de travaux et deux chefs de chantier supplémentaires ; qu'elle ne conteste pas non plus l'évaluation, retenue par les premiers juges, de ce coût d'encadrement supplémentaire, soit la somme totale de 36 976 euros hors taxes ; que si la société SDI se prévaut, en appel, d'un rapport établi par un expert qu'elle a mandaté, et soutient que l'accident du 22 juillet 2005 a entraîné un retard global de chantier égal à 7,75 mois, et non à 5 mois, durée retenue par le tribunal administratif, elle ne justifie pas, en tout état de cause, en se bornant à produire des fiches de paie, que les salariés mentionnés ci-dessus auraient été affectés à titre exclusif au chantier en cause pendant une période supérieure à 5 mois ; que, dans conditions, il n'y a pas lieu de réévaluer ce chef de préjudice ; que, par ailleurs, si la société SDI soutient avoir subi un surcoût de main d'oeuvre, la manutention de plaques de plâtre et de cloisons lors de la poursuite du chantier ayant été rendue plus difficile et plus lente en raison de la mise hors d'état de fonctionnement du monte-charges initialement mis en place, la production de factures de sociétés d'intérim ne suffit pas, alors qu'un retard de chantier préexistant à l'accident et concernant l'ensemble des travaux avait déjà été constaté, à établir un lien de causalité entre le coût supplémentaire de main d'oeuvre qu'elle allègue et l'accident du 22 juillet 2015 ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la société SDI a dû prolonger la location d'un bungalow loué pour un coût mensuel de 126,90 euros ; que les parties ne contestent pas le montant de 634,50 euros hors taxes retenu au titre de ce préjudice par les premiers juges ; que, de même, il est constant qu'elle a subi un préjudice au titre du compte prorata ; qu'aucun élément du dossier ne conduit à retenir, au titre de ce préjudice, un montant supérieur à la somme de 15 480,19 euros retenue par le tribunal administratif ;

9. Considérant, en troisième lieu, que la société SDI se prévaut d'une " perte de productivité " liée à l'absence de facturation d'une partie du marché à la date à laquelle il devait initialement s'achever ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le retard du chantier n'est que partiellement dû à l'accident du 22 juillet 2005 ; que, par ailleurs, en se bornant à mentionner un pourcentage général de frais généraux et son taux de marge habituel, elle ne justifie pas du montant des frais généraux qui n'auraient pas été couverts, ou à tout le moins pas amortis, du fait de l'allongement de la durée du chantier imputable à cet accident, sans fournir aucune explication sur son mode d'organisation pendant la période en cause, la société SDI ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue ;

En ce qui concerne les préjudices subis par la société CRI :

10. Considérant, en premier lieu, que la société Soprema Entreprises ne conteste pas sérieusement, en appel, que la société CRI a dû affecter au chantier, pendant la période de remise en état de celui-ci, un directeur de travaux, un conducteur de travaux et un chef de chantier supplémentaires ; qu'elle ne conteste pas non plus l'évaluation, retenue par les premiers juges, de ce coût d'encadrement supplémentaire, soit la somme totale de 31 526 euros hors taxes ; que si la société CRI se prévaut, en appel, d'un rapport établi par un expert qu'elle a mandaté et soutient que l'accident du 22 juillet 2005 a entraîné un retard global de chantier égal à 7,75 mois, et non à 5 mois, durée retenue par le tribunal administratif, elle ne justifie pas, en tout état de cause, en se bornant à produire des fiches de paie, que les salariés mentionnés ci-dessus auraient été affectés au chantier en cause pendant une période supérieure à 5 mois ; que, dans conditions, il n'y a pas lieu de réévaluer ce chef de préjudice ; que, par ailleurs, si la société CRI soutient qu'elle a subi un coût supplémentaire de main d'oeuvre dans la mesure où la manipulation des matériaux ne pouvait plus être effectuée par le monte-charge initialement prévu, la production de factures de sociétés d'intérim ne suffit pas, alors qu'un retard de chantier préexistant à l'accident et affectant l'ensemble du chantier, avait déjà été constaté, à établir que le coût supplémentaire de main d'oeuvre qu'elle soutient avoir supporté serait imputable à l'accident du 22 juillet 2015 ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il est constant que la société CRI a dû prolonger la location d'un bungalow loué pour un coût mensuel de 136,47 euros ; que les parties ne contestent pas le montant de 682,50 euros hors taxes retenu au titre de ce préjudice par les premiers juges; que, de même, il est constant qu'elle a subi un préjudice au titre du compte prorata ; qu'aucun élément du dossier ne conduit à retenir, au titre de ce préjudice, un montant supérieur à la somme de 3252,50 euros retenue par le tribunal administratif ;

12. Considérant, en troisième lieu, que la société CRI se prévaut d'une " perte de productivité " liée à l'absence de facturation d'une partie du marché à la date à laquelle il devait initialement s'achever ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que le retard du chantier n'est que partiellement dû à l'accident du 22 juillet 2005 ; que, par ailleurs, en se bornant à mentionner un pourcentage général de frais généraux et son taux de marge habituel, elle ne justifie pas du montant des frais généraux qui n'auraient pas été couverts, ou à tout le moins pas amortis, du fait de l'allongement de la durée du chantier imputable à cet accident, sans fournir aucune explication sur son mode d'organisation pendant la période en cause, la société SDI ne justifie pas du préjudice qu'elle allègue ;

Sur les conclusions des deux sociétés requérantes tendant à l'indemnisation de la résistance abusive dont aurait fait preuve la société Soprema Entreprises :

13. Considérant que si les requérantes soutiennent que la société Soprema Entreprises aurait fait preuve d'une résistance abusive dans le paiement des indemnités qui leur étaient dues, elles ne justifient pas avoir subi, en tout état de cause, un préjudice distinct de celui déjà réparé par les intérêts moratoires dont est assortie la condamnation de la société Soprema Entreprises ; que, par suite, les conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les sociétés SDI et CRI ne sont pas fondées à demander la réformation du jugement ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune d'entre elles, au titre des mêmes dispositions, le versement à la société Soprema Entreprises de la somme de 1 000 euros ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Apave-Nord au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SDI et de la société CRI est rejetée.

Article 2 : La société SDI et la société CRI verseront, chacune à la société Soprema Entreprises, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Apave Nord-Ouest sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SDI, à la société CRI, à la société Soprema Entreprises et à la société Apave Nord-Ouest.

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N°15DA00538


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 15DA00538
Date de la décision : 17/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL STEPHANE DHONTE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-10-17;15da00538 ?
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