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02/11/2017 | FRANCE | N°15DA01437

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 02 novembre 2017, 15DA01437


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL société de coordination planification (SCP) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner conjointement et solidairement la commune de Liévin et la SEM Adevia, aux droits de laquelle vient la SEM Territoires 62, à lui verser la somme de 87 291,21 euros hors taxe pour le règlement de prestations supplémentaires effectuées au titre de son marché d'ordonnancement pilotage et coordination (OPC) conclu avec la commune de Liévin, dans le cadre du chantier de réhabilitation et d'extension d

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL société de coordination planification (SCP) a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner conjointement et solidairement la commune de Liévin et la SEM Adevia, aux droits de laquelle vient la SEM Territoires 62, à lui verser la somme de 87 291,21 euros hors taxe pour le règlement de prestations supplémentaires effectuées au titre de son marché d'ordonnancement pilotage et coordination (OPC) conclu avec la commune de Liévin, dans le cadre du chantier de réhabilitation et d'extension du stade couvert régional et du centre régional d'accueil et de formation de Liévin.

Par un jugement n° 1206527 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 25 août 2015, 25 février et 7 avril 2016, la SARL société de coordination planification (SCP), représentée par Me B...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1206527 du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de condamner conjointement et solidairement la commune de Liévin et la société d'économie mixte (SEM) Territoire 62 à lui verser la somme de 87 291, 21 euros hors taxe au titre des travaux supplémentaires qu'elle a effectués et qui ne lui ont pas été réglés ;

3°) de mettre à leur charge solidaire la somme 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à leur charge les dépens de première instance et d'appel, dont le droit de timbre d'un montant de 35 euros ainsi que les droits de plaidoirie de première instance et d'appel pour 26 euros.

1. Considérant que la commune de Liévin, située dans le département du Pas-de-Calais, a décidé de procéder à la réalisation de travaux de réhabilitation et d'extension de son stade couvert régional et du centre régional d'accueil et de formation ; que le projet consistait notamment, pour la partie centrale du stade couvert régional, à conserver la charpente en bois existante du stade à ses deux extrémités, formant des croupes, à déposer la partie centrale de la charpente existante et à remplacer la partie centrale par une charpente en bois lamellé/collé, composée de six poutres, courbes dans sa première partie, puis horizontales dans sa dernière partie, venant reposer sur un bâtiment neuf contigu ; que la société d'économie mixte (SEM) Artois Développement, devenue Adevia puis Territoires 62, est intervenue dans le cadre de cette opération en qualité de mandataire de la commune de Liévin, selon convention de mandat en date du 7 mars 2004 ; que la société de coordination planification (SCP) a, pour sa part, été chargée d'une mission d'ordonnancement, pilotage et coordination du chantier (OPC) par un acte d'engagement notifié le 26 juin 2006;

2. Considérant que, le 1er mai 2007, trois poutres de la nouvelle charpente se sont effondrées engendrant des dégâts collatéraux extrêmement importants et notamment des bris d'engins de chantier, la détérioration de la structure métallique destinée aux nouveaux gradins et des fissures de la dalle béton supportant cette structure métallique ; qu'au-delà du sinistre lui-même, il est également apparu, à l'occasion des opérations d'expertise ultérieurement diligentées, de nombreuses difficultés illustrées, entre autres, par des avis défavorables successifs émis par le bureau Veritas, contrôleur technique, qui n'ont pas permis la reprise immédiate du chantier ; que les travaux ont finalement repris et ont fait l'objet d'une réception au mois de juin 2009 ;

3. Considérant que la société SCP relève appel du jugement du 30 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Liévin et de la société d'économie mixte Territoires 62 à lui verser diverses sommes au titre des frais supplémentaires occasionnés par l'exécution de son marché portant sur la mission OPC dont elle était attributaire ;

Sur les demandes de rémunération complémentaires de la société SCP :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre : " la mission de maîtrise d'oeuvre donne lieu à une rémunération forfaitaire fixée contractuellement. Le montant de cette rémunération tient compte de l'étendue de la mission, de son degré de complexité et du coût prévisionnel des travaux " ; que selon l'article 10 du décret n°93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé: " L'ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier ont respectivement pour objet : / a) D'analyser les tâches élémentaires portant sur les études d'exécution et les travaux, de déterminer leurs enchaînements ainsi que leur chemin critique par des documents graphiques ; / b) D'harmoniser dans le temps et dans l'espace les actions des différents intervenants au stade des travaux ; / c) Au stade des travaux et jusqu'à la levée des réserves dans les délais impartis dans le ou les contrats de travaux, de mettre en application les diverses mesures d'organisation arrêtées au titre de l'ordonnancement et de la coordination " ; qu'aux termes de l'article 30 du même décret : " Le contrat de maîtrise d'oeuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'oeuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. (...) En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'oeuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'oeuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel " ;

5. Considérant que le titulaire d'un contrat de maîtrise d'oeuvre est rémunéré par un prix forfaitaire couvrant l'ensemble de ses charges et missions, ainsi que le bénéfice qu'il en escompte, et que seules une modification de programme ou une modification de prestations décidées par le maître de l'ouvrage peuvent donner lieu à une adaptation et, le cas échéant, à une augmentation de sa rémunération ; que la prolongation de sa mission n'est de nature à justifier une rémunération supplémentaire du maître d'oeuvre que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d'ouvrage ; qu'en outre, le maître d'oeuvre ayant effectué des missions ou prestations non prévues au marché de maîtrise d'oeuvre et qui n'ont pas été décidées par le maître d'ouvrage a droit à être rémunéré de ces missions ou prestations, nonobstant le caractère forfaitaire du prix fixé par le marché si, d'une part, elles ont été indispensables à la réalisation de l'ouvrage selon les règles de l'art, ou si, d'autre part, le maître d'oeuvre a été confronté dans l'exécution du marché à des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel et imprévisible, dont la cause est extérieure aux parties et qui ont pour effet de bouleverser l'économie du contrat ;

S'agissant de la demande au titre des honoraires pour assistance à expertise :

6. Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction et la SARL SCP n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle aurait été, comme elle le soutient, sollicitée par la commune de Liévin ou son mandataire pour participer aux réunions d'expertise ; qu'en tout état de cause, les sommes dont la société requérante réclame le paiement ne résultent pas directement de la mission qui lui a été confiée par la commune de Liévin mais s'inscrivent dans le cadre de la réalisation d'une opération d'expertise diligentée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Lille ; que ces prestations avaient pour objet de lui permettre d'assurer sa propre défense dans le cadre des opérations d'expertise et ne relevaient pas des missions qui lui étaient contractuellement confiées par le maître d'ouvrage ; qu'au demeurant, les frais induits par la participation à ces opérations d'expertise ne sont pas établis par la seule réalisation de calculs théoriques dont la société fait état mais qui sont dépourvus des documents justificatifs nécessaires ; que, par suite, la demande indemnitaire de la société requérante portant sur la somme de 4 301, 15 euros toutes taxes comprises au titre d'honoraires pour assistance à expertise doit être rejetée ;

S'agissant de la demande au titre des incidences financières de la mise à disposition, en février 2009, du centre régional de formation et la tenue du meeting d'athlétisme :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Liévin a souhaité prendre les mesures nécessaires pour qu'un meeting d'athlétisme puisse se tenir, comme prévu, en février 2009, avec mise à disposition du centre régional de formation ; qu'à cette fin, elle a émis un ordre de service n° 3, notifié le 23 septembre 2008, pour que les entreprises mettent en place d'importants moyens supplémentaires ; que la SEM Territoires 62 a signé, le 20 février 2009, au nom et pour le compte de la commune de Liévin, un avenant n° 2 avec la société appelante, ayant pour objet " de prendre en compte le coût induit de la mission d'exécution (hors OPR et parfait achèvement) nécessaire pour la bonne tenue des délais et l'achèvement en janvier 2009 des travaux nécessaires à la réalisation du meeting d'athlétisme de février 2009, et ce dans le respect du délai de cette mission prolongée par avenant n° 1 suite au retard engendré par le sinistre " et qui lui accorde une rémunération supplémentaire de 45 000 euros hors taxe ; que la société requérante ne produit aucun élément probant de nature à établir que les prestations dont elle demande le règlement au titre des incidences financières des frais liés à la mise à disposition du CRAF et à la tenue du meeting n'étaient pas déjà couvertes par la somme allouée par cet avenant, qui a d'ailleurs été signé à une date à laquelle la société avait nécessairement connaissance des surcoûts induits par les demandes du maître d'ouvrage ; qu'au surplus, les sommes demandées ne sont nullement justifiées dans leur montant, la société se contentant, ainsi que le soutient la commune de Liévin sans être sérieusement contestée, de procéder par affirmations, dépourvues d'éléments justificatifs ; que, par suite, la demande de la SARL SCP correspondant aux incidences de la mise à disposition du centre régional de formation et d'accueil et la tenue du meeting doit être rejetée ;

S'agissant de la demande au titre du surcoût résultant de la réorganisation de la mission :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que ni le maître d'ouvrage, ni son mandataire agissant en son nom, ne sont responsables du sinistre du 1er mai 2007 ; que, par ailleurs, le marché d'OPC dont la SARL SCP est attributaire, est conclu à titre global et forfaitaire et il est constant que les prestations qu'elle indique avoir réalisées, telles qu'assistance à des réunions, élaboration de plannings ou bien encore organisation de réunions du comité de gestion du compte prorata relèvent de sa mission ; que, de surcroît, par les pièces qu'elle verse au dossier, la société appelante n'établit pas avoir réalisé des prestations supplémentaires par rapport aux prescriptions prévues par son marché, complété par les avenants n°1 et n°2 susmentionnés, et rémunérées par un prix global et forfaitaire ; que, d'ailleurs, la somme demandée est calculée de façon théorique, aucun commencement de preuve de nature à justifier du montant du préjudice réel allégué n'étant produit à l'appui de cette demande malgré les contestations précises de la commune de Liévin sur ce point ; que la demande de la SARL SCP correspondant aux dépenses induites par le sinistre intervenu le 1er mai 2007 doit donc être rejetée ;

S'agissant de la demande au titre de l'allongement de la mission :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le marché conclu avec la SARL SCP prévoyait une durée de réalisation de dix-huit mois ; que le marché a été prolongé d'une durée de douze mois en raison du sinistre intervenu le 1er mai 2007 et d'autres difficultés mises en lumière par le bureau Veritas et qu'à ce titre, par un avenant n° 1, la société SCP a bénéficié d'une rémunération supplémentaire de 99 656,04 euros hors taxe ; que la réception des travaux n'a finalement eu lieu qu'au mois de juin 2009, soit au-delà de la durée du marché, déjà augmentée de douze mois ;

10. Considérant, cependant, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage, directement ou du fait de son mandataire agissant pour son compte, ait commis une quelconque faute qui aurait conduit à un allongement de la durée de la mission de la société appelante ; que les surcoûts allégués par la société SCP ne résultent pas de sujétions imprévues et qu'ils ne résultent pas non plus de prestations supplémentaires ou de modifications de programme qui auraient été demandées par le maître d'ouvrage ou son mandataire et qui n'auraient pas déjà été payées dans le cadre du prix du marché et de ses avenants n° 1 et n° 2 ; que la circonstance que la durée de réalisation de la prestation ait dépassé celle contractuellement prévue n'est pas, à elle seule, de nature à justifier qu'il soit fait droit à la demande pécuniaire de la société appelante ; que la demande de la SARL SCP relative aux coûts supplémentaires induits par la prolongation du marché au-delà de la durée contractuelle doit donc être rejetée ;

S'agissant de la demande de prise en charge de la révision des prix :

11. Considérant qu'il résulte de l'article 4 de l'acte d'engagement signé par la société SCP que le marché est actualisable mais ne comporte pas de clause de révision des prix, pas plus que l'avenant n° 1 conclu le 2 octobre, la mention relative à une telle clause étant d'ailleurs expressément barrée dans l'acte d'engagement ; que la société appelante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 18 du code des marchés publics qui n'imposent une clause de révision des prix qu'aux marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux et au nombre desquels ne figure pas le marché qu'elle a signé avec la commune de Liévin au titre de la mission OPC ; que la demande de la SARL SCP présentée au titre de l'application d'une clause de révision des prix pour les avenants n° 1 et n° 3 doit donc être rejetée ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société SCP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Liévin et de Territoires 62 ; que, par voie de conséquence, il n'y a pas lieu d'examiner les conclusions présentées à titre subsidiaire par ces dernières à fin d'appel en garantie ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que la commune de Liévin et la société d'économie mixte Territoires 62 n'étant pas partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative par la société SCP doivent être rejetées ;

14. Considérant qu'il y a lieu par ailleurs, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société SCP la somme de 1 500 euros à verser tant à la commune de Liévin qu'à la SEM Territoires 62 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL société de coordination planification est rejetée.

Article 2 : La SARL société de coordination planification versera la somme de 1 500 euros à la commune de Liévin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La SARL société de coordination planification versera la somme de 1 500 euros à la société d'économie mixte Territoires 62 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL société de coordination planification, à la commune de Liévin et à la société d'économie mixte Territoires 62.

Délibéré après l'audience publique du 12 octobre 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Michel Richard, président-assesseur assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 novembre 2017.

Le rapporteur,

Signé : X. FABRELe président de la formation de jugement,

Signé : M. C...

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°15DA01437 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA01437
Date de la décision : 02/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : CABINET RAPP - CODEX AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-11-02;15da01437 ?
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