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19/12/2017 | FRANCE | N°15DA00997

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3, 19 décembre 2017, 15DA00997


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...D..., M. M... B..., M. J... B...et Mme G... B...ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Eure-Seine à leur verser une somme de 69 150,31 euros en leur qualité d'héritiers de M. H... B..., en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de ce dernier.

Par un jugement n°1203746 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné le CHI Eure-Seine à verser d'une part, à Mme D... épouseB..., MM. M...et J...B

...et A...G...B..., en qualité d'ayants droit de M. H...B..., la somme de 47 304...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme K...D..., M. M... B..., M. J... B...et Mme G... B...ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) Eure-Seine à leur verser une somme de 69 150,31 euros en leur qualité d'héritiers de M. H... B..., en réparation des préjudices résultant de la prise en charge de ce dernier.

Par un jugement n°1203746 du 16 avril 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné le CHI Eure-Seine à verser d'une part, à Mme D... épouseB..., MM. M...et J...B...et A...G...B..., en qualité d'ayants droit de M. H...B..., la somme de 47 304,08 euros, d'autre part, à la CPAM de l'Eure, la somme de 29 798,42 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2013 et la somme de 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et enfin, a mis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 722 euros, à la charge du CHI Eure-Seine.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 17 juin, 18 septembre et 18 novembre 2015, le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, représenté par Me F... C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 avril 2015 ;

2°) de mettre à la charge des consorts B...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) subsidiairement, d'ordonner une contre expertise confiée à un chirurgien orthopédiste spécialisé dans la main ;

4°) subsidiairement, de réduire le montant des préjudices permanents de M. B...en les calculant prorata temporis pour la durée pendant laquelle ils ont été subis.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me E...N..., représentant le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine.

1. Considérant que le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine relève appel du jugement du 16 avril 2015 par lequel le tribunal administratif de Rouen l'a condamné à indemniser MmeD..., épouseB..., MM. M...et J...B...et A...G...B..., en qualité d'ayants droit de M. H...B..., des préjudices nés d'une intervention consistant en une neurolyse du nerf médian avec libération chirurgicale de ce nerf au niveau du canal carpien ; que par appel incident, MmeD..., MM. M...et J...B...et A...G...B...demandent à la cour de réformer le jugement attaqué en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à leur demande d'indemnité ;

Sur la responsabilité :

Sur les fautes médicales :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise en date du 2 mai 2012 du Pr Savornin, désigné par une ordonnance du 6 mai 2011 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen, que M. H...B..., alors âgé de 54 ans, a subi le 4 septembre 2009 au cours d'une hospitalisation de 48 heures, une intervention réalisée par le Dr L... au centre hospitalier d'Evreux consistant en une neurolyse du nerf médian avec libération chirurgicale de ce nerf au niveau du canal carpien ; que M. H...B...a ressenti par la suite, une anesthésie de ses trois premiers doigts avec une absence de réponse sensitive et motrice du nerf médian ; qu'une électromyographie (EMG ) réalisée le 23 avril 2010 a mis en évidence une atteinte complète du nerf médian ; que si l'expert relève qu'il n'y a pas eu de faute en pré-opératoire, que l'intervention était indiquée compte tenu des échecs des traitements, il note, sans être utilement contredit par une analyse des pièces du dossier confiée pour avis au Dr I..., chef de service-adjoint du service de chirurgie de la main de l'hôpital Georges Pompidou, expert de la compagnie Axa, assureur du CHI Eure-Seine, que la technique de la mini incision dite " mini open " utilisée en l'espèce, réduit le champ de vision de l'opérateur et augmente donc les risques de complications et de section de nerf, même lorsque celui-ci utilise des instruments d'endoscopie ; que l'expert expose qu'il y a eu des insuffisances en per et post opératoire car il n'a pas été établi que le patient a été effectivement vu dans les 48 heures suivant l'opération, celui-ci s'étant présenté au centre hospitalier le 15 septembre avec un oedème ; que lors de la réintervention du 19 septembre, la lésion nerveuse n'a même pas été reconnue et que face à une telle situation, le Dr L...n'a pas su " passer la main ", ce qu'il n'a fait que six mois plus tard ; que les fautes ainsi commises sont de nature à engager la responsabilité du CHI Eure-Seine ;

Sur le défaut d'information :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique applicable en l'espèce : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.(...) En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. " ;

5. Considérant qu'indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques encourus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a pu subir du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité ; que s'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée ; que le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine n'apporte pas la preuve de la délivrance de l'information préalable à l'intervention due au patient ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant de la perte de revenus :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. H...B...percevait un salaire moyen mensuel net de 1 547 euros et a subi du 14 octobre 2009 au 27 février 2011, date de fin des versements d'indemnités journalières, une perte de 25 333,21 euros ; que M. B...a perçu pendant 498 jours une indemnité journalière nette de 50,09 euros soit une somme de 24 944,82 euros ; que par suite, son préjudice pour perte de revenu est de 388,39 euros ; que le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine est fondé à demander d'une part, une réduction à hauteur de la somme de 388,39 euros de l'indemnité qu'il a été condamné à verser aux ayants droit de M. B... et d'autre part, une réduction à hauteur de la somme de 29 097,26 euros de l'indemnité qu'il a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure au titre des indemnités journalières versées à l'assuré ;

S'agissant des dépenses de santé :

7. Considérant que les dépenses de santé au titre des frais d'hospitalisations, médicaux et pharmaceutiques d'un montant de 4 152,34 euros ne sont pas contestées ;

S'agissant de l'incidence professionnelle :

8. Considérant qu'il n'est apporté aucun élément permettant de justifier que M. H... B..., décédé trois mois après la consolidation d'une cause indépendante des faits de l'espèce sans qu'il soit justifié d'une reprise de son activité, ait subi un préjudice lié à l'incidence professionnelle ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de lui accorder une somme pour ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

9. Considérant que l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire évaluée à 2 651 euros par les premiers juges n'est pas contestée ; que les souffrances subies par le patient en lien avec la faute en litige, évaluées par l'expert à 3,5 sur une échelle de 7 ont été justement appréciées par les premiers juges en les évaluant à la somme de 5 000 euros ;

S'agissant des préjudices extra-patrimoniaux permanents :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le déficit fonctionnel permanent de M. H... B...a été fixé par l'expert à 20 % au 4 septembre 2011, date de sa consolidation ; que le déficit fonctionnel permanent s'évaluant à la date de consolidation, est sans incidence sur l'évaluation du préjudice la circonstance qu'il soit décédé quatre-vingt-dix-huit jours après la consolidation de son état ; que par suite, le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine n'est pas fondé à demander une réduction de l'indemnité allouée pour ce chef de préjudice, justement évaluée par les premiers juges à la somme de 15 500 euros ;

11. Considérant qu'il a été fait par le tribunal une juste appréciation du préjudice d'agrément de M. H...B...qui se livrait à la pêche et au bricolage avant l'intervention, comme cela ressort d'attestations, en l'évaluant à la somme de 500 euros ; que son préjudice esthétique, évalué à 1,5 sur une échelle de 7 par l'expert, a été justement évalué par le tribunal à la somme de 1 000 euros ;

12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle expertise, que le CHI Eure-Seine est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal l'a condamné à verser à MmeD..., à M. M...B..., à M. J... B...et à Mme G...B..., une somme supérieure à 25 038,39 euros ; que MM B... et A...B...ne sont pas fondés à demander une indemnité supérieure à ce montant ;

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel. (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 26 décembre 2016 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1 055 euros et à 105 euros à compter du 1er janvier 2017 " ;

14. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure a droit, par application de ces dispositions, à une indemnité forfaitaire de gestion pour un montant de 1 055 euros ; que la somme que le CHI Eure-Seine a été condamné à lui verser à ce titre par le tribunal administratif de Rouen doit être portée de 1 037 euros à 1 055 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

16. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme K...D..., de M. M... B..., de M. J... B...et de Mme G... B...une somme au titre des frais exposés par le CHI Eure-Seine et non compris dans les dépens ;

17. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI Eure-Seine une somme au titre des frais exposés par Mme K...D..., M. M... B..., M. J...B...et Mme G... B...et non compris dans les dépens ;

18. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHI Eure-Seine une somme au titre des frais exposés par la CPAM de l'Eure et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 47 304,08 euros que le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine a été condamné à verser à Mme K...D..., M. M... B..., M. J... B...et Mme G... B...est ramenée à la somme de 25 038,39 euros.

Article 2 : La somme de 29 798,42 euros que le CHI Eure-Seine a été condamné à verser à la CPAM de l'Eure est ramenée à la somme de 29 097,26 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2013. Lesdits intérêts seront capitalisés à compter du 19 juillet 2014, ainsi qu'à chaque échéance annuelle.

Article 3 : La somme de 1 037 euros que le CHI Eure-Seine a été condamné à verser à la CPAM de l'Eure est portée à 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le jugement n° 1203746 du 16 avril 2015 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, à Mme K...D..., à M. M... B..., à M. J... B..., à Mme G... B...et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.

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N°15DA00997


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00997
Date de la décision : 19/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL FABRE SAVARY FABBRO

Origine de la décision
Date de l'import : 26/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2017-12-19;15da00997 ?
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