La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2018 | FRANCE | N°17DA00530

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 06 février 2018, 17DA00530


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des intérêts et majorations y afférentes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 588 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1101358 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens

a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux cot...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M et Mme A...B...ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006, ainsi que des intérêts et majorations y afférentes, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 588 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1101358 du 28 novembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 14DA00254 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Douai, sur appel interjeté par le ministre des finances et des comptes publics, et appel incident formé par M. et Mme B..., a annulé ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des pénalités pour manquement délibéré appliquées au titre de l'année 2006, remis ces pénalités à la charge de M. et MmeB..., déchargé ces derniers des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 et rejeté le surplus des conclusions du ministre et de l'appel incident de M. et Mme B....

Par une décision n° 392213 du 20 mars 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en tant qu'il décharge M. et Mme B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005, qu'il réforme, dans cette mesure, le jugement du 28 novembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens et confirme la décharge des pénalités dues au titre de l'année 2005 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par un recours et des mémoires complémentaires, enregistrés les 7 février 2014, 22 août 2014 et 20 avril 2017, le ministre des finances et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 28 novembre 2013, en tant qu'il a accordé à M. et Mme B...la décharge des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ;

2°) à titre principal, de remettre ces pénalités à la charge de M. et Mme B...;

3°) à titre subsidiaire, de substituer à ces pénalités la majoration prévue par l'article 1758 A du code général des impôts pour la seule année 2006.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rodolphe Féral, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'issue de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, M. et Mme B...ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi qu'aux pénalités correspondantes, au titre des années 2005 et 2006 ; que, par un jugement du 28 novembre 2013, le tribunal administratif d'Amiens a partiellement fait droit à la requête de M. et Mme B...en prononçant la décharge des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contribution sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ; que, par un arrêt n°14DA00254 du 2 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Douai, sur appel interjeté par le ministre des finances et des comptes publics, et appel incident formé par M. et Mme B..., a annulé ce jugement en tant qu'il prononce la décharge des pénalités pour manquement délibéré appliquées au titre de l'année 2006, remis ces pénalités à la charge de M. et MmeB..., déchargé ces derniers des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 et rejeté le surplus des conclusions du ministre et de l'appel incident de M. et Mme B... ; que, par une décision n° 392213 du 20 mars 2017, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt en tant qu'il décharge M. et Mme B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005, qu'il réforme, dans cette mesure, le jugement du 28 novembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens et confirme la décharge des pénalités dues au titre de l'année 2005 et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour ;

Sur le bien-fondé des impositions auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2005 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Pour l'impôt sur le revenu (...), le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due (...) " ; qu'aux termes de l'article 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification, par la déclaration ou la notification d'un procès-verbal, de même que par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun. / La prescription des sanctions fiscales autres que celles visées au troisième alinéa de l'article L. 188 est interrompue par la mention portée sur la proposition de rectification qu'elles pourront être éventuellement appliquées " ;

3. Considérant qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, relatives à la détermination du délai dont dispose l'administration pour exercer son droit de reprise, la date d'interruption de la prescription est celle à laquelle le pli contenant la proposition de rectification a été présenté à l'adresse du contribuable ; qu'il en va de même lorsque le pli n'a pu lui être remis lors de sa présentation et que, avisé de sa mise en instance, il l'a retiré ultérieurement ou a négligé de le retirer ;

4. Considérant par ailleurs qu'il résulte de la réglementation postale, et notamment de l'instruction postale du 6 septembre 1990, qu'en cas d'absence du destinataire d'une lettre remise contre signature, le préposé de La Poste doit, en premier lieu, porter la date de vaine présentation sur le volet " preuve de distribution " de la liasse postale, cette date se dupliquant sur les autres volets, en deuxième lieu, détacher de la liasse l'avis de passage et y mentionner le motif de non distribution, la date et l'heure à partir desquelles le pli peut être retiré au bureau d'instance et le nom et l'adresse de ce bureau, cette dernière indication pouvant résulter de l'apposition d'une étiquette adhésive, en troisième lieu, déposer l'avis ainsi complété dans la boîte aux lettres du destinataire et, enfin, reporter sur le pli le motif de non distribution et le nom du bureau d'instance ;

5. Considérant que, compte tenu de ces modalités, et notamment de la circonstance que la date de dépôt d'un avis de passage est nécessairement la même que la date de présentation apposée sur la preuve de distribution qui se duplique sur les autres volets de la liasse, le volet " avis de réception " sur lequel a été apposé par voie de duplication la date de vaine présentation du courrier, ainsi que la date de distribution et la signature du destinataire, retourné à l'expéditeur après que le destinataire a retiré le pli qui lui est destiné, atteste de la date à laquelle celui-ci a été régulièrement avisé de sa mise en instance ;

6. Considérant que lorsque le contribuable a retiré le pli contenant la proposition de rectification au bureau de poste après une vaine présentation à son domicile, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 5 que la date de vaine présentation qui figure sur le volet " avis de réception " d'une lettre remise contre signature doit être regardée comme celle à laquelle le contribuable a été avisé à son adresse de la mise en instance du pli contenant la proposition de rectification adressée par l'administration fiscale et, par suite, comme la date d'interruption de la prescription ;

7. Considérant que le ministre produit la copie d'un avis de réception à l'adresse de M. et MmeB..., portant la date manuscrite de présentation du 28 décembre 2008 et de distribution du 7 janvier 2009, ainsi que la signature du destinataire ; qu'il résulte de ces mentions, claires et précises que M. et Mme B...ont été régulièrement avisés de la mise en instance du pli contenant la proposition de rectification adressée par l'administration fiscale le 28 décembre 2008 ; qu'ainsi, la date de vaine présentation du 28 décembre 2008 portée sur le volet " avis de réception " constituant la date à laquelle M. et Mme B...ont été régulièrement avisés de la mise en instance du pli, elle constitue également la date d'interruption de la prescription ; qu'à cette date, le délai de prescription prévu par les dispositions de l'article 169 du livre des procédures fiscales n'était pas arrivé à expiration ; que, par suite, contrairement à ce que soutiennent M. et MmeB..., les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 n'étaient pas atteintes par la prescription ;

Sur les pénalités pour manquement délibéré appliquées au titre de l'année 2005 :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) " ;

9. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ; que, pour établir un tel manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ; que, pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que pour justifier les pénalités pour manquement délibéré mises à la charge de M. et Mme B...au titre de l'année 2005, l'administration fiscale fait valoir, ainsi que le mentionne la proposition de rectification adressée aux intéressés le 20 mars 2009, d'une part, que les intéressés ont sciemment encaissés, sous forme de chèques en provenance de tiers, des sommes sur leurs comptes bancaires personnels dont ils ne pouvaient ignorer la nature et l'origine et, d'autre part, que les dissimulations mises en évidence présentaient un caractère répété et portaient sur des montants importants ; qu'au regard de ces éléments, le ministre doit être regardé comme apportant la preuve du caractère délibéré du manquement ; que, par suite, le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que, pour accorder à M. et Mme B...la décharge des pénalités pour manquement délibéré mises à leur charge au titre de l'année 2005, le tribunal administratif d'Amiens a retenu à tort que l'administration n'apportait pas la preuve, qui lui incombait, de ce que les insuffisances mises en évidence relevaient d'un manquement délibéré ;

11. Considérant qu'il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. et Mme B...devant le tribunal administratif d'Amiens au soutien de leurs conclusions tendant à la décharge des pénalités restant en litige ;

12. Considérant qu'eu égard à ce qui a été dit au point 10, quant aux motifs mentionnés par l'administration, dans la proposition de rectification du 20 mars 2009, pour justifier les pénalités en litige, ce document doit être regardé, en tant qu'il concerne ces pénalités, comme suffisamment motivé au regard de l'exigence posée par l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre des finances et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2005 ; que les conclusions présentées par M. et MmeB..., par la voie de l'appel incident, tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1101358 du 28 novembre 2013 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il prononce la décharge des pénalités pour manquement délibéré afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B...ont été assujettis au titre de l'année 2005.

Article 2 : Les pénalités mentionnées à l'article 1er sont remises à la charge de M. et MmeB....

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme B...présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à M. et Mme A...B....

Copie sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°17DA00530


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00530
Date de la décision : 06/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Rodolphe Féral
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP HAMEAU - GUERARD - BONTE

Origine de la décision
Date de l'import : 31/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-06;17da00530 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award