La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2018 | FRANCE | N°15DA02071

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 20 février 2018, 15DA02071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G... et Nadia A...ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner Lille métropole communauté urbaine, devenue la métropole européenne de Lille (MEL), à leur verser la somme totale de 29 240 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par leur propriété du fait des désordres affectant l'immeuble situé au 52 rue Roger Salengro à Loos dont cette collectivité est propriétaire.

Par un jugement n° 1300965 du 3 novembre 2015, le tribunal adminis

tratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G... et Nadia A...ont demandé au tribunal administratif de Lille de condamner Lille métropole communauté urbaine, devenue la métropole européenne de Lille (MEL), à leur verser la somme totale de 29 240 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis par leur propriété du fait des désordres affectant l'immeuble situé au 52 rue Roger Salengro à Loos dont cette collectivité est propriétaire.

Par un jugement n° 1300965 du 3 novembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 décembre 2015 et le 8 février 2017, M. et Mme A..., représentés par Me I...B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 3 novembre 2015 ;

2°) de condamner solidairement la MEL et l'organisme social de logement (OSLO) à leur verser la somme de 29 240 euros en indemnisation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la MEL et d'OSLO le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge solidaire de la MEL et d'OSLO le remboursement des entiers dépens, incluant les frais d'expertise.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me D...L..., substituant Me E...F..., représentant la MEL et de Me J...C..., substituant Me K...H..., représentant l'OSLO.

1. Considérant que M. et Mme A..., propriétaires d'une maison à usage d'habitation située au n°50b rue Roger Salengro à Loos, soutiennent subir des préjudices en raison de la dégradation de l'immeuble contigu, situé au n° 52 de la même rue, acquis le 8 juillet 2009 par la métropole européenne de Lille (MEL), laquelle a exercé son droit de préemption afin d'en confier la gestion à l'organisme social de logement (OSLO) ; qu'ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant à l'indemnisation de leur préjudice ;

Sur la recevabilité de la requête :

2. Considérant que l'OSLO soutient que les conclusions de M. et MmeA..., fondées sur la responsabilité pour faute, sont nouvelles en appel ; qu'il ressort toutefois des termes mêmes de la requête que les époux A...demandent l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'état de dégradation de l'immeuble acquis par la MEL, doivent ainsi être entendus comme ayant fondé leurs prétentions sur la responsabilité sans faute de la MEL, propriétaire de l'ouvrage public dont l'existence est à l'origine de leurs dommages ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'OSLO doit être écartée ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; que pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'il a subis, la victime doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les dommages, lesquels doivent présenter un caractère anormal et spécial ; que pour s'exonérer de la responsabilité pesant sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage d'établir que ces dommages résultent de la faute de la victime ou de l'existence d'un événement de force majeure ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la MEL a acquis, après avoir exercé son droit de préemption, l'immeuble situé au n° 52 de la rue Roger Salengro à Loos, contigu à l'habitation de M. et MmeA..., le 8 juillet 2009 ; qu'il résulte notamment de l'extrait des délibérations du bureau de la communauté urbaine de Lille métropole, devenue métropole européenne de Lille, que cette acquisition avait pour unique but de l'affecter au service public du logement social de la métropole ; que, dès lors, cet immeuble a acquis le caractère d'ouvrage public dès le 8 juillet 2009, date de signature du contrat de cession, et non lors du paiement effectif du prix d'achat ; qu'il résulte notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Lille, que les époux A...subissent, depuis 2005, des dégradations de leur habitation suite à des infiltrations d'eau provenant de cet immeuble contigu ; que, dès lors, le lien de causalité entre l'ouvrage et le dommage est établi ; que ces infiltrations n'ayant pas cessé jusqu'à la mise hors d'eau de cet ouvrage public, présentent le caractère d'un dommage continu ; que la réalité et l'étendue des préjudices des requérants ne pouvaient pas être révélées avant la réalisation des travaux dans l'immeuble acquis par la MEL ; que, dans ces conditions, M. et Mme A...sont fondés à demander à la MEL, même en l'absence de faute, la réparation des préjudices subis, à partir du 8 juillet 2009, en raison de l'état de délabrement de l'ouvrage public contigu à leur habitation ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a estimé que la responsabilité de la MEL n'était pas engagée ;

5. Considérant que, comme il a été dit au point 3, le maître de l'ouvrage est responsable des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4, que seule la MEL avait la qualité de maître de l'ouvrage situé au n° 52 de la rue Roger Salengro à Loos ; que, dans ces conditions, M. et Mme A...ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, fondés à demander à l'OSLO, qui n'était pas le maître de l'ouvrage litigieux, la réparation de leurs préjudices ;

Sur l'indemnisation des préjudices :

6. Considérant que les désordres dans l'habitation de M. et Mme A...sont apparus au plus tard le 10 octobre 2005, date de la déclaration de sinistre des requérants à leur assurance ; que les réparations de l'immeuble du n° 52 permettant de faire cesser les infiltrations, et donc à M. et Mme A...de procéder aux réparations des dommages de leur maison, ont eu lieu au plus tôt en février 2012 ; qu'il s'est donc écoulé une période de sept années entre les premières infiltrations et la cessation des troubles à l'origine du préjudice ; que, toutefois, l'ouvrage en cause n'a acquis sa qualité d'ouvrage public qu'à compter du 8 juillet 2009, date de signature du contrat de vente ; que, par suite, la MEL ne peut être condamnée à indemniser la part du préjudice de M. et Mme A...antérieure à cette date ;

7. Considérant que le rapport d'expertise déposé le 13 juillet 2011 évalue le préjudice de jouissance subi par les époux A...du fait des infiltrations à 100 euros par mois ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 5, que la période indemnisable est comprise entre le 8 juillet 2009 et le mois de février 2012, soit 30 mois ; que le préjudice de jouissance subi par les époux A...doit donc être évalué à 3 000 euros ;

8. Considérant que le rapport d'expertise évalue les travaux de réparation à réaliser au domicile de M. et Mme A...afin de les replacer dans la situation préalable au dommage à la somme de 15 840 euros ; que, compte tenu de ce qui a été dit au point 5, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en évaluant la part imputable à la MEL à la somme de 8 000 euros ;

9. Considérant que M. et Mme A...sollicitent l'indemnisation des frais d'hébergement qui seront, selon eux, rendus nécessaires par la réalisation des travaux, en raison de l'utilisation de produits fongicides et de l'impossibilité d'utiliser leur cuisine durant les travaux ; que l'expert évalue à six semaines la période nécessaire à la réalisation de l'ensemble des travaux ; qu'il n'est toutefois pas établi que ces frais futurs présentent un caractère certain ; qu'ils ne sont, dès lors, pas fondés à en demander l'indemnisation ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant total des préjudices des requérants s'élève à 11 000 euros ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner la MEL à verser à M. et Mme A...la somme de 11 000 euros en réparation de leurs préjudices ;

Sur les frais d'expertise :

11. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa version alors en vigueur : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

12. Considérant que M. et Mme A...n'établissent pas avoir exposé des frais tels que ceux mentionnés par les dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il s'ensuit que les conclusions, au demeurant non chiffrées, qu'ils présentent à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il en est de même des conclusions présentées sur ce fondement par la MEL ;

Sur l'appel en garantie de l'organisme social de logement par la métropole européenne de Lille :

13. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la MEL et l'OSLO ont signé, le 1er février 2010, une convention de gestion dont l'article 2 précise : " OSLO s'engage à assurer la gestion de l'immeuble, objet de la présente, dès sa mise à disposition et à l'entretenir. Oslo se voit ainsi conférer toutes les charges et responsabilités du propriétaire " ; que si l'OSLO fait valoir qu'il a obtenu, en octobre et novembre 2010, des devis pour la rénovation, il n'établit pas avoir effectivement réalisé, avant le mois de février 2012, les travaux de remise en état de l'immeuble objet de la convention afin de mettre fin aux troubles subis par les requérants ; que, dès lors, l'OSLO doit être considéré comme responsable de la poursuite des troubles subis par M. et Mme A...entre le 1er février 2010 et le mois de février 2012, période qui représente 75 % de la période indemnisable telle que décrite au point 5 ; que, par suite, il y a lieu de condamner l'OSLO à garantir la MEL à hauteur de 75 % de la condamnation prononcée à son encontre au point 10 ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et MmeA..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes demandées par la MEL et l'OSLO au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la MEL la somme demandée par l'OSLO au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu non plus de mettre à la charge de l'OSLO la somme demandée par M. et Mme A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la MEL la somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu également de mettre à la charge de l'OSLO une somme de 1 125 euros à verser à la MEL sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300965 du 3 novembre 2015 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La métropole européenne de Lille est condamnée à verser aux époux A...une somme de 11 000 euros en indemnisation de leurs préjudices.

Article 3 : L'organisme social de logement est condamné à garantir la métropole européenne de Lille de la condamnation prononcée contre elle à l'article 2 à hauteur de 75 % soit 8 250 euros.

Article 4 : La métropole européenne de Lille versera à M. et Mme A...la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : L'organisme social de logement versera à la métropole européenne de Lille la somme de 1 125 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G... et NadiaA..., à la métropole européenne de Lille et à l'Organisme social de logement.

5

N°15DA02071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA02071
Date de la décision : 20/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Notion de travail public et d'ouvrage public - Ouvrage public - Ouvrage présentant ce caractère.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Personnes responsables - Collectivité publique ou personne privée - Action en garantie.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: M. Marc (AC) Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SELARL MICHEL TEBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-02-20;15da02071 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award