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27/03/2018 | FRANCE | N°16DA00321

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 27 mars 2018, 16DA00321


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme globale de 239 437,40 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C imputable à la transfusion de produits sanguins et de condamner l'ONIAM aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice admi

nistrative.

Par un jugement n° 1302484 du 17 décembre 2015, le tribuna...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui verser une somme globale de 239 437,40 euros en réparation des conséquences dommageables de sa contamination par le virus de l'hépatite C imputable à la transfusion de produits sanguins et de condamner l'ONIAM aux dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302484 du 17 décembre 2015, le tribunal administratif de Rouen a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à verser à Mme B... la somme de 28 000 euros en réparation de ses préjudices avec intérêts au taux légal à compter du 8 août 2013 et capitalisation de ceux-ci, a mis à la charge de l'ONIAM une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 16 février 2016 et le 4 avril 2017, Mme B..., représentée par Me D...A..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 décembre 2015 en tant qu'il a limité à 28 000 euros la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 266 140,62 euros en réparation de ses préjudices avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,

- et les observations de Me D...A..., représentant MmeB....

1. Considérant que MmeB..., alors âgée de vingt-trois ans et s'étant vu administrer des produits sanguins le 25 octobre 1983 et le 25 mai 1985, lors de ses accouchements, s'est vu diagnostiquer le 18 octobre 2000 le virus de l'hépatite C ; que Mme B...a saisi d'une demande d'indemnisation au titre de la solidarité nationale l'ONIAM, qui a rejeté sa demande ; que Mme B... demande la réformation du jugement du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il a limité à 28 000 euros la somme que l'ONIAM a été condamné à lui verser et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que l'ONIAM, par la voie de l'appel incident, demande la réformation du même jugement en tant qu'il a fixé à 28 000 euros l'indemnité allouée à MmeB... ;

Sur les obligations de l'ONIAM :

2. Considérant que l'origine transfusionnelle de la contamination de Mme B...par le virus de l'hépatite C n'est plus contestée en appel ; qu'en vertu des dispositions des articles L. 1221-14 et R. 1221-69 du code de la santé publique, l'ONIAM est tenu d'indemniser la requérante au titre de la solidarité nationale ;

Sur les préjudices constatés à la date de l'arrêt :

3. Considérant que si le rapport de l'expertise diligentée par l'ONIAM a considéré que que l'état de santé de Mme B...n'était ni consolidé, ni stabilisé, il résulte de cette même expertise que l'état de santé de Mme B...est resté stable au stade de la fibrose F1 comme le confirme un test réalisé en février 2005, le virus étant cependant toujours détectable ; qu'en outre, son état n'est pas susceptible d'évoluer dans un sens favorable en l'absence d'indication de traitements offrant une chance très sérieuse d'éradication définitive du virus dans son organisme en raison de la dysthyroïdie, dysfonctionnement de la thyroïde, dont l'intéressée souffre ; que dans ces conditions, l'état de santé de Mme B...peut être regardé comme stabilisé à la date du 31 janvier 2005, date de la première mesure correspondant au stade actuel de cette fibrose ;

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux de Mme B...:

S'agissant des dépenses d'assistance par une tierce personne :

4. Considérant que Mme B...fait valoir qu'elle a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour, cinq jours par semaine sur une période de vingt et un ans ; qu'elle produit en appel une seule attestation émanant de sa fille, du 18 janvier 2015, qui se borne à préciser que depuis l'âge de quatorze ans, elle aide sa mère souffrante en réalisant des tâches ménagères ; que le rapport d'expertise, qui reprend les doléances de Mme B...quant aux symptômes et leur date d'apparition, s'il mentionne que Mme B... a souffert d'une asthénie inhérente à l'hépatite C depuis 1995 et précise que l'intéressée a eu recours à une aide pour effectuer les tâches ménagères à raison d'une heure par jour, cinq jours par semaine sur une période de dix-huit ans, il souligne que la fibrose dont est atteinte l'intéressée est au stade F1, soit une fibrose faible et que celle-ci n'a entraîné aucune perte d'autonomie ; que, par suite, la nécessité du besoin d'assistance par une tierce personne liée à sa contamination par le virus de l'hépatite C n'est pas démontrée, l'asthénie et ses conséquences ne constituant que des troubles dans les conditions d'existence susceptibles de réparation comme tels ; que Mme B...n'est ainsi pas fondée à demander une indemnisation au titre de ce chef de préjudice ;

S'agissant de l'incidence professionnelle :

5. Considérant que MmeB..., qui souligne qu'elle n'a subi aucune perte de revenus, exerçait les fonctions d'agent d'entretien ; qu'elle fait valoir que son activité professionnelle a été fortement perturbée et que travailler lui était devenu pénible dans la mesure où elle était constamment fatiguée ; qu'il résulte de l'instruction que l'intéressée a été nommée dans le grade d'adjoint technique territorial de 2ème classe à compter du 1er avril 2008 comme stagiaire, soit bien après sa contamination par le VHC ; qu'elle était au 1er échelon de son grade, à temps non complet à raison de 28 heures par semaine ; qu'elle a été titularisée à compter du 1er avril 2009 dans ce grade au 2ème échelon et est demeurée à temps non complet pour le même nombre d'heures hebdomadaires ; qu'elle a ensuite été nommée au 5ème échelon de son grade le 10 septembre 2013 et a bénéficié à cette occasion d'un passage à temps complet sur une base de 35 heures hebdomadaires ; qu'ainsi, son déroulement de carrière n'a pas été affecté par sa maladie ; qu'en outre, il n'est pas établi que Mme B...aurait bénéficié d'un aménagement de son poste de travail, ni d'un travail à mi-temps thérapeutique ; qu'enfin, la requérante n'établit pas que du fait de son état physique, elle a subi une dévalorisation sur le marché du travail et une perte de chance professionnelle ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, Mme B...n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité au titre de ce chef de préjudice ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen lui a alloué à ce titre une somme de 5 000 euros ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux de MmeB... :

Quant aux troubles de toutes natures dans les conditions d'existence antérieurs à la date de stabilisation :

6. Considérant que comme cela a été dit au point 3, l'état de santé de Mme B...est stabilisé au stade d'une fibrose F1 et son état hépatique n'est pas susceptible d'amélioration en l'absence d'indication de traitement ; que compte tenu de l'apparition des troubles subis du fait de sa contamination par MmeB..., à savoir une asthénie, une irritabilité, des douleurs à l'estomac, une gêne alimentaire et des nausées qui ont débuté en 1995 et de l'absence de traitement en raison de sa pathologie thyroïdienne, il y a lieu de lui allouer une somme de 15 000 euros au titre de ce chef de préjudice qui comprend tous les préjudices extrapatrimoniaux avant stabilisation, notamment le déficit fonctionnel temporaire et le préjudice d'anxiété lié au caractère évolutif de sa pathologie ;

Quant au préjudice extrapatrimonial à compter de la stabilisation :

7. Considérant que l'expert a évalué à 5 % le déficit fonctionnel permanent dont est atteinte MmeB... ; que Mme B...était âgée de quarante-quatre ans à la date de stabilisation ; qu'il y a lieu, dès lors, de porter la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal administratif de Rouen à 5 700 euros ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la somme de 28 000 euros mise à la charge de l'ONIAM en réparation des préjudices que Mme B...a subis en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C doit être ramenée à la somme de 20 700 euros ;

Sur les intérêts et la capitalisation de ceux-ci :

9. Considérant que Mme B... a droit aux intérêts sur la somme qui lui est attribuée à compter du 8 août 2013, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Rouen ;

10. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande prend effet à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par Mme B... dans son mémoire enregistré le 12 septembre 2013 ; qu'à cette date, il n'était pas dû une année entière d'intérêts ; qu'il y a donc lieu de faire droit à cette demande à compter du 8 août 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'indemnité mise à la charge de l'ONIAM par le jugement attaqué du tribunal administratif de Rouen, en réparation des préjudices subis par Mme B...en raison de sa contamination par le virus de l'hépatite C, d'un montant de 28 000 euros, doit être ramenée à la somme de 20 700 euros ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par MmeB..., partie perdante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que le surplus des conclusions de l'appel incident de l'ONIAM doit être rejeté ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'indemnité de 28 000 euros mise à la charge de l'ONIAM par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 décembre 2015 est ramenée à la somme de 20 700 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 août 2013 et les intérêts seront capitalisés à la date du 8 août 2014, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 17 décembre 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La requête de Mme B...et le surplus des conclusions de l'appel incident de l'ONIAM sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Copie sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeulf-Dieppe-Seine-Maritime.

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N°16DA00321


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA00321
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Desticourt
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : SCP JULIA JEGU BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/05/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-03-27;16da00321 ?
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