La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/05/2018 | FRANCE | N°16DA02370

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 31 mai 2018, 16DA02370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...-F... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Tilloy-lez-Cambrai à lui verser les sommes de 42 687,88 euros en réparation du préjudice économique subi et 40 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Par un jugement n° 1502702 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2016, Mme B...A...-F..., représentée par la SCP Mas

son et Dutat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...-F... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Tilloy-lez-Cambrai à lui verser les sommes de 42 687,88 euros en réparation du préjudice économique subi et 40 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance.

Par un jugement n° 1502702 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2016, Mme B...A...-F..., représentée par la SCP Masson et Dutat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune de Tilloy-lez-Cambrai à lui verser les sommes de 13 600,80 euros au titre des travaux rendus nécessaires suite aux dégâts causés par l'arrêt de chantier, 29 087,08 euros au titre du surcoût de leur construction et 40 000 euros au titre du préjudice de jouissance ;

3°) de mettre à la charge de cette commune la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,

- et les observations de Me D...E..., représentant Mme A...-F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B...A...-F... est propriétaire d'une maison située au n° 22 de la rue du Duc C... à Tilloy-lez-Cambrai (Nord), qui a été partiellement détruite par un incendie le 31 mai 2009. Les travaux de restauration, entrepris sans autorisation, ont été interrompus par un accident mortel survenu sur le chantier. Du fait des dangers, le maire de la commune a pris un arrêté de péril imminent ultérieurement levé. Mme A...-F... a déposé une déclaration préalable de travaux le 20 mai 2011. Par un arrêté du 14 juin 2011, le maire de la commune a fait opposition à cette déclaration au motif que les travaux prévoyaient un traitement de la toiture en ardoise, en méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme, qui prévoyaient que les toitures doivent être recouvertes de tuile. Par un jugement n° 1105979 du 14 septembre 2013, le tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté motif pris de l'illégalité de la disposition du plan local d'urbanisme imposant cette obligation. La commune s'est pourvue en cassation avant de se désister de ce pourvoi, de sorte que le jugement de première instance est devenu définitif. Mme A...-F... a alors formé une action indemnitaire auprès de la commune qui a été rejetée. L'intéressée relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande à fin d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité de la décision précitée du 14 juin 2011 du maire de la commune de Tilloy-lez-Cambrai.

Sur la faute :

2. Ainsi qu'il a été dit au point 1, l'arrêté du 14 juin 2011 du maire de la commune de Tilloy-lez-Cambrai a été annulé par un jugement du 14 septembre 2013 du tribunal administratif de Lille qui est devenu définitif. La commune a ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur le lien de causalité et les préjudices :

En ce qui concerne les travaux de couverture :

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que Mme A...-F... a été indemnisée par la société d'assurances Pacifica, assureur multirisques habitation, des conséquences du sinistre du 31 mai 2009. Elle a ainsi perçu le 11 juin 2009 un virement de 7 000 euros à titre d'avance pour le règlement du sinistre puis le 6 octobre 2009 un chèque de 244 245 euros en règlement de ce sinistre, acompte déduit et, enfin, le 29 mai 2015 une somme de 97 977,18 euros au titre de l'indemnité différée. Au vu de ces documents, ainsi que d'un autre, émanant de son assureur et intitulé " état des dommages ", faisant état des sommes de 20 505 euros au titre de la reconstruction de la charpente et de 89 859 euros pour la couverture, Mme A...-F... a été indemnisée par son assureur pour la réalisation des travaux concernant, notamment, la charpente et la couverture. L'intéressée, qui ne démontre pas que l'indemnité ne permettait pas de couvrir l'intégralité des frais de travaux de la couverture, ne saurait donc obtenir de la part de la commune le versement de sommes au titre de la réalisation de travaux pour lesquels elle a déjà été indemnisée par son assureur, qui est subrogée dans ses droits.

4. En deuxième lieu, l'opposition à déclaration préalable, ultérieurement annulée par le tribunal administratif de Lille, ne faisait pas obstacle à ce que, dans l'attente du règlement du litige opposant la commune à l'intéressée, cette dernière prenne les mesures conservatoires nécessaires pour éviter les infiltrations et autres dégradations résultant de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'achever la pose des ardoises sur le toit de sa maison. Les coûts supplémentaires, à les supposer même établis, résultant de ces dégâts ne trouvent pas ainsi directement leur cause dans l'interruption née de l'opposition à déclaration préalable. En outre, en ne prenant pas les mesures nécessaires, Mme A...a commis une faute de nature à exonérer la commune de sa responsabilité.

5. En troisième lieu, Mme A...-F..., qui indique elle-même que l'entreprise qui a repris les travaux, après que l'annulation de la décision d'opposition fût devenue définitive, a constaté diverses malfaçons imputables à la première entreprise qui était intervenue sur le chantier, ne saurait obtenir de la commune une indemnisation pour la réfection de malfaçons dont la commune n'est pas responsable.

En ce qui concerne les pertes de loyers :

6. Il ne résulte pas de l'instruction qu'en dépit de difficultés rencontrées avec un précédent locataire préalablement au sinistre, Mme A...-F... n'ait pas entendu poursuivre la mise en location de son bien. Mme A...-F... estime qu'elle a subi une perte de loyers pour la période allant de la date à laquelle elle n'a pu reprendre ses travaux du fait de l'intervention de l'arrêté d'opposition à déclaration préalable, le 14 juin 2011, à celle à laquelle l'annulation de cette mesure est devenue définitive, soit le 10 février 2014. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une faute pourrait lui être reprochée au cours de cette période d'indemnisation comprise entre le 14 juin 2011 et le 10 février 2014.

7. En revanche, il résulte de l'instruction que l'impossibilité dans laquelle Mme A... -F... a été de pouvoir louer son logement, trouve de manière suffisamment directe et certaine sa cause dans le refus fautif de la commune qui ne lui a pas permis de réaliser les travaux de reconstruction de son immeuble qui étaient nécessaires à sa conservation et à son usage.

8. Toutefois, en l'état, les éléments du dossier ne permettent pas à la cour de se prononcer en toute connaissance de cause sur le préjudice résultant de la perte de loyers qu'aurait subie Mme A...-F... au cours de la période ainsi déterminée et, par suite, sur son droit à réparation.

9. Dès lors, il y a lieu, pour apprécier le préjudice indemnisable de l'intéressée, de lui demander de fournir tous documents permettant à la cour de se prononcer sur le montant de celui-ci. Elle précisera, en premier lieu, la durée qui a été nécessaire pour terminer les travaux de rénovation de la maison une fois l'opposition à déclaration préalable définitivement annulée. En se rapprochant de professionnels de l'immobilier, elle communiquera, en second lieu, à la cour tous éléments permettant notamment de déterminer l'état du marché de location dans le secteur au cours de la période fixée au point 6, en termes d'offres et de demandes, en précisant autant que possible la durée habituellement retenue pour trouver un locataire ainsi que la durée moyenne des locations. Elle indiquera également, en troisième lieu, le montant du loyer pouvant être perçu, en fonction de l'état du marché locatif, pour une telle maison d'habitation au cours de la période considérée. Il est demandé à Mme A...-F..., de produire l'ensemble des informations et documents dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt. Ils seront ensuite soumis à la procédure contradictoire.

10. Il résulte de tout ce qui a été dit aux points 3 à 5 que les conclusions de Mme A... -F... tendant à l'indemnisation des travaux de couverture du bâtiment sont rejetées. Les autres conclusions de la requête de Mme A...-F... sont réservées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il est, avant de statuer sur les conclusions de la requête autres que celles tendant à l'indemnisation des travaux de couverture du bâtiment, procédé à un supplément d'instruction dont l'objet et le contenu sont précisés au point 9 du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...-F... et à la commune de Tilloy-lez-Cambrai.

Délibéré après l'audience publique du 17 mai 2018 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 31 mai 2018.

Le rapporteur,

Signé : X. FABRELe premier vice-président de la cour,

Président de chambre,

Signé : O. YEZNIKIAN

Le greffier,

Signé : C. SIRE

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais et au ministre de la cohésion des territoires, chacun en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Par délégation,

Le greffier,

Christine Sire

N°16DA02370 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02370
Date de la décision : 31/05/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité.


Composition du Tribunal
Président : M. Yeznikian
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SCP MASSON et DUTAT

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-05-31;16da02370 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award