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04/06/2018 | FRANCE | N°15DA00708

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 juin 2018, 15DA00708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Lambersart a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement MmeC..., le BET Kheops, la société FCB et le Cete Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 115 325,01 euros, en réparation des préjudices résultant de l'exécution d'un marché portant sur la rénovation de l'école maternelle " La Fontaine ".

Par une ordonnance n° 1100317 du 13 avril 2015, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2015 et des mémoires en réplique e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Lambersart a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement MmeC..., le BET Kheops, la société FCB et le Cete Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 115 325,01 euros, en réparation des préjudices résultant de l'exécution d'un marché portant sur la rénovation de l'école maternelle " La Fontaine ".

Par une ordonnance n° 1100317 du 13 avril 2015, le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 avril 2015 et des mémoires en réplique enregistrés les 26 mars et 13 avril 2018, la commune de Lambersart, représentée par Me H...D..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille du 13 avril 2015 ;

2°) de condamner solidairement MmeC..., le BET Kheops, la société FCB et le Cete Apave Nord-Ouest à lui verser la somme de 115 325,01 euros ;

3°) de mettre les frais d'expertise à la charge de MmeC..., du BET Kheops, de la société FCB et du Cete Apave Nord-Ouest ;

4°) de mettre à la charge de MmeC..., du BET Kheops, de la société FCB et du Cete Apave Nord-Ouest le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public ;

- les observations de Me J...L..., représentant la commune de Lambersart ;

- les observations de Me G...K..., représentant MmeC... ;

- les observations de Me F...E..., représentant la société Khéops ;

- et les observations de Me A...B..., représentant le CET APAVE NORD OUEST.

Considérant ce qui suit :

1. En vue de réhabiliter l'école maternelle " La Fontaine ", la commune de Lambersart a conclu, le 13 août 2007, un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement non solidaire composé de MmeC..., architecte, du bureau d'études techniques Kheops et de la Sarl Bio Top Conseil, et dont le mandataire était MmeC.... Une mission de contrôle technique a été confiée au cabinet Apave. Le lot charpente a été attribué à la société FCB, la réhabilitation de l'école imposant en effet de déposer la couverture et la charpente existantes et d'installer une nouvelle charpente. Lors de la dépose des fermes métalliques constituant l'ancienne charpente, en septembre 2008, le plafond d'une salle de classe s'est effondré, les fermes métalliques étant en réalité porteuses du plancher des combles. Les travaux se sont donc interrompus, puis ils ont repris dans le reste du bâtiment, les intervenants veillant alors à laisser désormais en place les fermes métalliques. En octobre 2008, un deuxième incident s'est produit, sous la forme de la déformation importante du châssis d'un sanitaire. La commune a alors commandé à un autre bureau d'études techniques une étude de structure, le BET Kheops se voyant ainsi confier une mission de " diagnostic sécurité ". La commune de Lambersart a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille de désigner un expert. Par une ordonnance du 20 mai 2009, M. I... a été désigné en cette qualité. Le rapport d'expertise a été déposé en octobre 2010. La commune de Lambersart a ensuite formé devant le tribunal administratif de Lille un recours tendant à la condamnation solidaire de MmeC..., du BET Kheops, de la société FCB et du CET Apave Nord Ouest à lui verser la somme de 115 325,01 euros en réparation des préjudices résultant de l'exécution du marché. Par une ordonnance du 13 avril 2015, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande, en estimant qu'elle était manifestement irrecevable. La commune de Lambersart relève appel de cette ordonnance.

Sur la recevabilité de l'appel :

2. Le conseil municipal de la commune de Lambersart a, par une délibération du 6 avril 2014, délégué au maire, de manière permanente, le pouvoir d'ester en justice au nom de la commune, en application de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que le maire n'aurait pas qualité pour agir au nom de la commune ne peut qu'être écartée.

Sur la régularité de l'ordonnance et la recevabilité de la demande de première instance :

3. Si la demande de première instance présentée par la commune de Lambersart était concise et ne comportait pas les termes " responsabilité contractuelle ", elle comportait un énoncé clair des fautes commises, selon la commune, par la maîtrise d'oeuvre, le contrôleur technique ainsi que par l'entreprise chargée du lot charpente, précisait que la réception des travaux n'avait pas été prononcée et se référait au rapport d'expertise. Dans ces conditions, elle invoquait, nécessairement, la responsabilité contractuelle des constructeurs qu'elle mettait en cause et elle était suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est à tort que l'ordonnance attaquée a fait droit à la fin de non-recevoir opposée par les défendeurs et tirée de l'insuffisante motivation de la demande.

4. Les autres fins de non-recevoir opposées en première instance doivent également être écartées. Le maire avait en effet qualité pour agir au nom de la commune, le conseil municipal lui ayant délégué de manière permanente le droit d'ester en justice, par une délibération du 5 juin 2008. Par ailleurs, la circonstance que des travaux visant à remédier aux désordres avaient été confiés à la société FCB et avaient été déjà exécutés, avant les opérations d'expertise, n'a pas pour effet de rendre irrecevable un recours tendant à obtenir la réparation du préjudice subi par la commune, le préjudice invoqué correspondant d'ailleurs au coût de ces travaux de reprise.

5. Ainsi, l'ordonnance attaquée, qui a rejeté à tort comme irrecevable la demande de la commune de Lambersart, est irrégulière et doit être annulée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Lambersart devant le tribunal administratif.

Sur la responsabilité des constructeurs :

7. La société FCB a déposé les fermes métalliques de l'ancienne charpente, qui soutenaient le plafond de la salle de classe, sans avoir communiqué préalablement à la maîtrise d'oeuvre les plans d'exécution et les notes de calcul, qui auraient permis une meilleure compréhension des structures existantes. Ce faisant, elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.

8. Il résulte de l'instruction que le groupement de maîtrise d'oeuvre était titulaire d'une mission "DIA ", s'agissant de la réhabilitation d'un bâtiment ancien. L'article 12 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé inclut dans ces missions " Les études de diagnostic [DIA] qui permettent de renseigner le maître de l'ouvrage sur l'état du bâtiment et sur la faisabilité de l'opération ont pour objet : D'établir un état des lieux ; De fournir une analyse fonctionnelle, urbanistique, architecturale et technique du bâti existant ; De permettre d'établir un programme fonctionnel d'utilisation du bâtiment ainsi qu'une estimation financière et d'en déduire la faisabilité de l'opération. / Le maître d'oeuvre préconise, éventuellement, des études complémentaires d'investigation des existants. ". Le cahier des clauses techniques particulières précisait aussi que les études de diagnostic confiées à la maîtrise d'oeuvre devaient, notamment, permettre au maître d'ouvrage de connaître " la résistance mécanique des structures en place ".

9. Il résulte aussi de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que le bureau d'études techniques Khéops s'est borné, avant le démarrage du chantier, à réaliser un diagnostic sommaire des structures existantes, sur la base d'observations visuelles, alors qu'il aurait dû procéder à un diagnostic plus complet, sur la base de sondages, ou, à tout le moins conseiller au maître d'ouvrage de faire procéder à un tel diagnostic, afin de s'assurer de la nature et de la solidité des structures existantes. Sa responsabilité contractuelle est donc engagée. Si Mme C... n'était pas principalement chargée de l'analyse technique des structures en place, tâche qui incombait au bureau d'études Kheops, elle était chargée d'une mission de conception en fonction des structures existantes, d'une mission de conseil auprès du maître de l'ouvrage ainsi que d'une mission de surveillance des travaux. Ses carences dans l'exécution de ces missions engagent également, par suite, sa responsabilité.

10. La mission du contrôleur technique, le CET Apave, incluait notamment " la " solidité des existants " (mission dite " LE "). Si le diagnostic initial de Khéops lui apparaissait insuffisant, il lui incombait d'en exiger un autre et, en tout cas, de ne pas valider la poursuite des travaux sans que des vérifications soient effectuées. La responsabilité du CETE Apave est ainsi engagée.

11. Il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait négligé de communiquer aux différents constructeurs les documents techniques dont elle disposait. En l'absence d'indice apparent d'une difficulté liée aux structures existantes, il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir exigé spontanément la réalisation d'études ou de diagnostic plus approfondis.

12. Les fautes d'exécution ou de conception commises par la société FCB, par Mme C..., par le BET Khéops et par le CETE Apave ont contribué ensemble à la réalisation des mêmes dommages. La commune de Lambersart est fondée, dès lors, à demander qu'ils soient solidairement condamnés à indemniser son préjudice.

Sur le préjudice :

13. Il résulte de l'instruction que la commune a fait effectuer des travaux de reprise qui lui ont été facturés pour un montant de 96 425,59 euros hors taxes, soit 115 325,01 euros toutes taxes comprises.

14. Cette somme inclut, toutefois, l'installation d'un système de détection incendie, pour un montant de 17 324,53 euros hors taxes. Si l'expert a précisé que " la conservation de la structure initiale nécessite cette détection incendie ", le maintien de la charpente initiale ne peut être regardé comme une conséquence des erreurs de conception et d'exécution commises par les constructeurs concernés. Le montant total du préjudice doit, dès lors, être évalué à la somme de 79 101,06 euros hors taxes.

15. Le montant du préjudice dont le maître d'ouvrage est fondé à demander la réparation aux constructeurs à raison des désordres affectant l'immeuble qu'ils ont réalisé correspond aux frais qu'il doit engager pour les travaux de réfection. Ces frais comprennent, en règle générale, la taxe sur la valeur ajoutée, élément indissociable du coût des travaux, à moins que le maître d'ouvrage ne relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou partie de cette taxe de celle qu'il a perçue à raison de ses propres opérations. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Lambersart serait susceptible de déduire la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux travaux mentionnés ci-dessus.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lambersart est fondée à demander la condamnation solidaire de la société FCB, de MmeC..., du BET Khéops et du CET Apave Nord-Ouest à lui verser, en réparation du préjudice subi, la somme de 94 605 euros toutes taxes comprises.

Sur les appels en garantie :

17. Compte tenu des circonstances rappelées ci-dessus, il y a lieu de condamner tant Mme C...que le BET Kheops à garantir chacun les autres intimés à concurrence de 16,5 % du montant total de la condamnation et de condamner tant la société FCB que le CET Apave Nord-Ouest à garantir chacun les autres intimés à concurrence de 33 % de cette somme.

Sur les frais d'expertise :

18. Les frais de l'expertise ordonnée par l'ordonnance n° 0901431 du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 20 mai 2009 et étendue par l'ordonnance n° 0904235 du même juge, taxés et liquidés à la somme de 10 409,15 euros toutes taxes comprises par une ordonnance n°0901431-7 et 0904235-7 du président de ce tribunal en date du 4 novembre 2010 doivent être mis à la charge définitive des intimés, selon la même clé de répartition que celle retenue, s'agissant des appels en garantie, au point 17 ci-dessus.

Sur les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge tant de la société FCB que de MmeC..., du BET Kheops et du CET Apave Nord-Ouest, le versement à la commune de Lambersart de la somme de 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées au titre de ces dispositions par les intimés, parties perdantes dans la présente instance, ne peuvent en revanche qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Lille du 13 avril 2015 est annulée.

Article 2 : La société FCB, MmeC..., le BET Khéops et le CET Apave Nord-Ouest sont condamnés solidairement à verser à la commune de Lambersart la somme de 94 605 euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Mme C...et le BET Kheops garantiront chacun les autres intimés à concurrence de 16, 5 % de la somme mentionnée à l'article 2. La société FCB et le CET Apave Nord-Ouest garantiront chacun les autres intimés à concurrence de 33 % de cette somme.

Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de MmeC..., du BET Kheops, de la société FCB et du CET Apave Nord-Ouest, selon la clé de répartition énoncée à l'article 3 ci-dessus.

Article 5 : La société FCB, MmeC..., le BET Kheops et le CET Apave Nord-Ouest verseront chacun à la commune de Lambersart la somme de 500 euros titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société FCB, à MmeC..., au BET Kheops, au CET Apave Nord-Ouest et à la commune de Lambersart.

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N°15DA00708


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15DA00708
Date de la décision : 04/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL STEPHANE DHONTE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-06-04;15da00708 ?
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