La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2018 | FRANCE | N°15DA01802

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 juin 2018, 15DA01802


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Lille à lui verser la somme de 285 400 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2012, en remboursement des indemnisations servies à la victime mineure, ainsi qu'aux ayants-droit de celle-ci, d'une faute commise par Mme K...C..., qu'elle employait en tant qu'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1205659 du 15 septembre 2

015, le tribunal administratif de Lille a prononcé la condamnation demandée.
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Lille à lui verser la somme de 285 400 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2012, en remboursement des indemnisations servies à la victime mineure, ainsi qu'aux ayants-droit de celle-ci, d'une faute commise par Mme K...C..., qu'elle employait en tant qu'assistante maternelle.

Par un jugement n° 1205659 du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Lille a prononcé la condamnation demandée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 novembre 2015, le 24 avril 2018 et le 16 mai 2018, la commune de Lille, représenté par Me H...F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 15 septembre 2015 ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions devant ce tribunal ;

3°) à titre subsidiaire, de limiter à 10% des sommes allouées par le Fonds la réparation qui serait mise à sa charge et de condamner le Fonds à lui rembourser le surplus des provisions versées ;

4°) de mettre à la charge du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de même que les entiers dépens.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me M...B..., substituant Me H...F..., représentant la commune de Lille, celles de Me J...D..., substituant Me E...G..., représentant le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions, et celles de Me A...I..., substituant Me L...N..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Le 10 avril 2001 dans l'après-midi, l'enfant Thomas Wagnez, alors âgé de quatre mois, a subi des lésions cérébrales irréversibles qui lui ont occasionné une incapacité permanente partielle de plus de 90%. MmeC..., assistante maternelle agréée employée par la commune de Lille, a été mise en cause dans la survenance de ces lésions et a reconnu avoir saisi par les épaules l'enfant, en proie à des pleurs incessants et qui ne s'endormait pas, et l'avoir secoué. Par un arrêt de la Cour d'assises du Nord du 3 juillet 2007, MmeC..., dont l'agrément d'assistante maternelle avait entre-temps été retiré, a été condamnée, à raison de ces faits, à une peine de cinq années d'emprisonnement pour violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente avec les circonstances aggravantes que la victime était un mineur de moins de quinze ans sur lequel elle avait autorité en tant qu'assistante maternelle. Par le même arrêt, la Cour, à la demande de la victime et de ses ayants-droit, constitués en tant que partie civile, a condamné Mme C...à les indemniser de leurs préjudices. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a alors servi aux intéressés ces indemnisations, qui représentent, en tenant compte des provisions antérieurement versées, une somme totale de 635 400 euros et que l'assureur de la commune de Lille n'a provisoirement accepté de prendre en charge qu'à concurrence de 350 000 euros. Subrogé dans les droits de la victime et de ses ayants-droit, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions a alors demandé à la commune de Lille de lui rembourser le solde de l'indemnisation qu'il a versée. La commune de Lille relève appel du jugement du 15 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à verser au Fonds ce solde, soit la somme de 285 400 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2012.

2. La victime non fautive d'un préjudice causé par l'agent d'une administration peut, dès lors que le comportement de cet agent n'est pas dépourvu de tout lien avec le service, demander au juge administratif de condamner cette administration à réparer intégralement ce préjudice, quand bien même aucune faute ne pourrait-elle être imputée au service et le préjudice serait-il entièrement imputable à la faute personnelle commise par l'agent, laquelle, par sa gravité, devrait être regardée comme détachable du service. Cette dernière circonstance permet seulement à l'administration, ainsi condamnée à assumer les conséquences de cette faute personnelle, d'engager une action récursoire à l'encontre de son agent.

3. Il résulte des principes qui viennent d'être rappelés au point précédent qu'alors même que la faute commise, en l'espèce, par Mme C...pourrait être regardée, eu égard à sa gravité et au caractère intentionnel qui lui a été reconnu par une décision définitive du juge pénal, comme revêtant la nature d'une faute personnelle détachable du service, une telle qualification serait insusceptible d'exonérer la commune de Lille de tout ou partie de sa responsabilité à l'égard du Fonds, subrogé dans les droits de la jeune victime et de ses ayants-droit, mais aurait seulement une portée utile dans le cadre de l'action récursoire que la commune de Lille déciderait, le cas échéant, d'engager à l'encontre de son ancien agent. Il suit de là, dès lors qu'il n'est pas sérieusement contesté que la faute commise par MmeC..., durant le temps de son service et pendant l'exercice des fonctions qui lui incombaient en tant qu'assistante maternelle agréée, n'est pas dépourvue de tout lien avec le service, que ce moyen doit être écarté comme inopérant.

4. Il résulte également des principes rappelés au point 2 que la circonstance que la commune de Lille n'aurait commis aucune faute, distincte des agissements de son agent et ayant pu concourir à la survenance des dommages indemnisés par le Fonds, s'avère, de même, insusceptible de l'exonérer de tout ou partie de sa responsabilité dans le cadre de la présente instance. Il suit de là que ce moyen doit également être écarté comme inopérant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Lille n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 15 septembre 2015, le tribunal administratif de Lille l'a condamnée à rembourser, à hauteur de la somme de 285 400 euros, les sommes que le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a versées à la victime mineure, ainsi qu'aux ayants-droit de celle-ci, de la faute commise par son employée. Par suite, les conclusions qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions et non compris dans les dépens. Enfin, la présente instance n'ayant conduit aucune partie à devoir exposer des dépens, les conclusions des parties afférentes à la prise en charge de tels dépens ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Lille est rejetée.

Article 2 : La commune de Lille versera au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lille et au Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions.

Copie en sera transmise, pour information, à Mme K...C..., au président du conseil départemental du Nord et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

1

2

N°15DA01802

1

3

N°"Numéro"


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award