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21/06/2018 | FRANCE | N°16DA01135

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 21 juin 2018, 16DA01135


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser une somme de 131 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis par lui à la suite de la suppression du statut des conservateurs des hypothèques par l'article 30 du décret n° 2009-208 du 20 février 2009.

Par un jugement n° 1403868 du 22 avril 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juin 2016, le 23 juin 2016, le 25 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner l'Etat à lui verser une somme de 131 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis par lui à la suite de la suppression du statut des conservateurs des hypothèques par l'article 30 du décret n° 2009-208 du 20 février 2009.

Par un jugement n° 1403868 du 22 avril 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 juin 2016, le 23 juin 2016, le 25 juillet 2016 et le 13 février 2017, M.B..., représenté par la SCP Delaporte et Briard, avocats aux Conseils, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 22 avril 2016 ;

2°) sauf à prescrire une expertise ou une mesure d'instruction pour lui permettre de préciser ses préjudices, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 176 253 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, à titre de réparation de ceux-ci ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 ;

- l'ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 95-866 du 2 août 1995 ;

- le décret n° 2006-814 du 7 juillet 2006 ;

- le décret n° 2010-986 du 26 août 2010 ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., qui est né en 1953, a été titularisé dans le grade d'inspecteur des impôts le 1er septembre 1980. Promu inspecteur principal de 2ème classe au 1er janvier 2002, puis de 1ère classe au 1er janvier 2004, l'intéressé a accédé au grade de directeur divisionnaire le 1er juin 2005 et a atteint le 5ème échelon de ce grade le 1er mars 2009. Nommé au choix et titularisé dans le grade de conservateur des hypothèques de 5ème catégorie le 28 décembre 2009, M. B...a été installé au bureau des hypothèques de Pont-Audemer (Eure), par un arrêté du 29 décembre 2008. Il a ensuite été nommé, par un arrêté du 16 septembre 2011, conservateur des hypothèques de 4ème catégorie à compter du 1er février 2012 et a été affecté en cette qualité à Abbeville, au sein des effectifs de la direction régionale des finances publiques de Picardie et de la Somme. Toutefois, compte-tenu de la mise en extinction, par l'effet des textes pris en application du I de l'article 30 de la loi du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009, du grade de conservateur des hypothèques, M. B...a été détaché, à compter du 1er janvier 2013, dans l'emploi de chef de service comptable (CSC) de 3ème catégorie, par un arrêté du 6 décembre 2012, et a été affecté au service de la publicité foncière (SPF) d'Abbeville. M. B... ayant été informé, par courrier du 27 juin 2013 de la sous-directrice de l'encadrement et des relations sociales de la direction générale des finances publiques, qu'il était éligible au dispositif de garantie de maintien de rémunération prévu par une note du directeur général en date du 20 juin 2013, dès lors que la rémunération brute de chef de service comptable qu'il percevait désormais dans le cadre de son détachement s'avérait inférieure à la rémunération annuelle brute moyenne qu'il avait précédemment perçue au cours de la période de référence constituée des années 2010 à 2013, il s'est vu attribuer une indemnité compensatrice mensuelle pendant la durée de son détachement. Toutefois, insatisfait de cette mesure d'accompagnement, M. B...a formé, par une lettre recommandée de son conseil datée du 13 mai 2014 et reçue le 10 juin suivant, un recours préalable à fin indemnitaire auprès du ministre des finances et des comptes publics, par laquelle il sollicitait la réparation des préjudices matériel et professionnel résultant de la réforme du statut de conservateur des hypothèques. Il relève appel du jugement du 22 avril 2016, par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 131 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis par lui à la suite de la suppression du statut des conservateurs des hypothèques. En cause d'appel, il porte l'indemnité ainsi demandée à 176 253 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". En outre, aux termes de l'article R. 741-8 de ce code : " Si le président de la formation est rapporteur, la minute est signée, en outre, par l'assesseur le plus ancien dans l'ordre du tableau. / (...) " ;

3. Si M. B...soutient que le jugement attaqué serait irrégulier pour ne pas comporter, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, les signatures du président de la formation de jugement et du rapporteur, ni celle du greffier d'audience, il résulte de l'examen de la minute de ce jugement, jointe au dossier de première instance transmis à la cour, que ce moyen manque en fait, le président de la formation de jugement, qui était aussi le rapporteur de l'affaire, y ayant, conformément aux prescriptions, rappelées au point précédent, de l'article R. 741-8 de ce code, apposé sa signature, de même que l'assesseur le plus ancien et le greffier de l'audience. La circonstance que l'expédition notifiée au requérant ne comporterait pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

4. D'autre part, si M. B...fait grief au tribunal administratif d'Amiens d'avoir insuffisamment motivé son jugement en n'apportant aucune réponse au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne ressort pas des écritures figurant au dossier de première instance que M.B..., qui n'a fait mention de ces stipulations qu'en invoquant un extrait de jurisprudence qu'il citait au soutien du moyen tiré de l'engagement de la responsabilité pour faute de l'Etat en raison d'une promesse non tenue, aurait invoqué le moyen distinct tiré de la méconnaissance de ces stipulations devant les premiers juges. Il suit de là que le jugement attaqué n'est pas entaché d'une irrégularité sur ce point.

Sur le fond du litige :

5. Aux termes de l'article 30 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 : " I.- Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, des mesures qui relèvent du domaine de la loi, pour : 1° Instituer à compter du 1er janvier 2013 une taxe au profit de l'Etat due par les usagers du service de la publicité foncière, aux mêmes conditions d'assiette, de tarif, de contrôle et de recouvrement que le salaire du conservateur prévu par l'article 879 du code général des impôts qu'elle remplace ; 2° substituer à compter de cette même date et sans remettre en cause le service rendu à l'usager, la responsabilité de l'Etat à celle des conservateurs des hypothèques tant dans l'exécution du service public de la publicité foncière que dans les obligations en résultant et des droits et biens qui les garantissent (...) ". Aux termes de l'article 18 de l'ordonnance n° 2010-638 du 10 juin 2010 portant suppression du régime des conservateurs des hypothèques : " I. Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2013./ (...) II. Les salaires des conservateurs des hypothèques dus en application de l'article 881 du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2012, sont acquittés au profit du Trésor à compter du 1er janvier 2013. / Le paiement des salaires des conservateurs des hypothèques, exigé sur le fondement d'avis de mise en recouvrement prévus à l'article L. 256 du livre des procédures fiscales, est effectué au profit du Trésor à compter du 1er janvier 2013. ". Enfin, aux termes de l'article 5-3 du décret n° 2006-814 du 7 juillet 2006 relatif aux emplois de chef de service comptable au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie tel que modifié par le décret n° 2010-988 du 26 août 2010 : " A compter du 1er janvier 2013, les conservateurs des hypothèques peuvent être nommés : (...) 3° A un emploi de chef de service comptable de 4e catégorie ou de 5e catégorie pour ceux occupant au 31 décembre 2012 un bureau des hypothèques de 5e catégorie ou de 6e catégorie ".

6. Par ces dispositions, d'une part, le législateur a organisé l'extinction, au 31 décembre 2012, du grade à échelon unique de conservateur des hypothèques régi par le décret du 2 août 1995 fixant le statut particulier des personnels de catégorie A des services déconcentrés de la direction générale des impôts, grade dont les titulaires percevaient non pas une rémunération indiciaire, mais, en vertu des dispositions des articles 878 et 879 du code général des impôts dans leur rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2012, un salaire, variable car issu de l'exécution des formalités liées aux mutations immobilières. D'autre part, le pouvoir réglementaire a prévu un principe de reclassement des intéressés encore en poste au 1er janvier 2013 dans un emploi de chef de service comptable leur assurant une rémunération statutaire.

En ce qui concerne la responsabilité pour faute de l'Etat :

Quant à l'existence d'une promesse non tenue :

7. M. B...soutient que l'administration se serait engagée à assurer aux fonctionnaires titulaires du grade de conservateur des hypothèques et reclassés à compter du 1er janvier 2013 dans le corps des chefs de service comptable, le maintien d'une rémunération égale au salaire antérieurement perçu. Selon lui, le dispositif de garantie de rémunération exposé par la note ministérielle du 20 juin 2013 méconnaîtrait cette promesse. Afin d'établir l'existence de celle-ci, il produit les procès-verbaux d'assemblée générale de l'association mutuelle des conservateurs des hypothèques du 26 novembre 2009 et du 25 novembre 2010, au cours desquelles M. D...A..., alors directeur général des finances publiques, s'est exprimé notamment sur la question des conséquences sur les rémunérations des intéressés du changement de statut au 1er janvier 2013, et des comptes-rendus de groupes de travail faisant état de propos de ce même directeur général ou de son adjoint.

8. Toutefois, la présentation qui a été faite, à l'occasion des assemblées générales de l'association mutuelle des conservateurs des hypothèques, des principes et des orientations générales que l'administration envisageait de mettre en oeuvre afin de garantir au mieux les intérêts des conservateurs des hypothèques en poste au jour de l'extinction du grade, ainsi que les échanges ayant eu lieu dans les groupes de travail chargés de préparer le changement du statut des conservateurs, auxquels a participé l'administration, notamment sur la base d'une fiche établie par la direction générale des finances publiques, clairement intitulée " pistes de réflexion ", ne peuvent être regardés comme constituant une promesse à l'égard de M. B...de lui garantir, à partir de janvier 2013, une rémunération égale au salaire perçu antérieurement, alors en outre que le directeur général des finances publiques a précisé, à plusieurs reprises, qu'il entendait s'exprimer " à titre personnel ". Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le requérant n'était pas fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat serait engagée du fait d'une promesse non tenue.

Quant à l'atteinte à une espérance légitime :

9. Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ". A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien, au sens des stipulations précitées.

10. M. B...soutient que l'Etat aurait commis une faute constituée par l'atteinte portée à l'espérance légitime qu'il avait d'obtenir dans le nouveau corps de chef de service comptable une rémunération égale au salaire de conservateur des hypothèques. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la date à laquelle M. B...a été promu au grade de conservateur des hypothèques, le 28 décembre 2009, le principe d'une mise en extinction de ce grade au 31 décembre 2012 était déjà posé par les dispositions de l'article 30 du décret du 20 février 2009. Il résulte également de ce qui a été dit ci-dessus qu'en l'absence d'une promesse de l'Etat de maintenir le niveau de traitement de M. B...en tant que conservateur des hypothèques après son détachement en janvier 2013, la baisse de rémunération qu'il a pu subir, à la supposer établie, ne l'a pas privé d'une espérance légitime au sens des stipulations précitées. Dans ces conditions, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de l'Etat du fait d'une atteinte illégale à l'espérance légitime d'avoir un bien au sens desdites stipulations.

Quant à l'atteinte aux droits acquis :

11. Aux termes de l'article 4 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire est, vis-à-vis de l'administration, dans une situation statutaire et réglementaire. ". Aux termes de l'article 64 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires régis par le présent titre ont droit, après service fait, à une rémunération fixée conformément aux dispositions de l'article 20 du titre Ier du statut général. " et aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération (...). / Le montant du traitement est fixé en fonction du grade de l'agent et de l'échelon auquel il est parvenu, ou de l'emploi auquel il a été nommé (...). ".

12. S'il résulte des dispositions qui viennent d'être citées qu'un fonctionnaire a droit, après service fait, à percevoir une rémunération dont le montant est fixé par les textes régissant le corps auquel il appartient, en tenant compte du grade et de l'échelon auxquels il est parvenu, il ne résulte cependant ni de ces dispositions, ni d'aucun autre texte ou principe qu'un fonctionnaire pourrait se prévaloir d'un droit au maintien du niveau de sa rémunération. Par suite, M. B...ne tenait, en l'espèce, d'aucun texte ni d'aucun principe un droit au maintien du niveau de salaire brut qu'il percevait antérieurement au 1er janvier 2013, alors au demeurant qu'il ne conteste ni les principes d'organisation du reclassement des conservateurs des hypothèques tels qu'ils sont fixés à l'article 5-3 du décret du 7 juillet 2006, ni les conditions de son propre reclassement, notamment indiciaire, dans le corps des chefs de service comptable telles qu'elles résultent de l'arrêté du 6 décembre 2012. En outre, la mise en extinction du grade des conservateurs des hypothèques constitue un changement de circonstances de droit, qui s'oppose à ce que M. B... puisse se prévaloir d'un droit acquis à percevoir, pour l'avenir, le salaire, au demeurant variable, de conservateur des hypothèques, dès lors que, dans le cadre des lois et règlements, l'administration peut modifier le régime de rémunération des agents publics sans que les intéressés puissent revendiquer un quelconque droit acquis au maintien de leurs avantages statutaires antérieurs. Il en résulte que M. B...ne saurait invoquer aucune atteinte à des droits acquis.

Quant à la méconnaissance des règles de détachement :

13. Aux termes de l'article 30 du décret du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions : " Le fonctionnaire détaché d'office dans le cas prévu à l'article 14, 1°, continue à percevoir la rémunération afférente à son grade et à son échelon dans son administration ou service d'origine, si le nouvel emploi occupé comporte une rémunération moindre ". Le 1° de l'article 14 du même décret porte sur le " détachement auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite ".

14. M. B...soutient que les conservateurs des hypothèques étaient titulaires d'une charge attributive de droits et de revenus dont ils ne pouvaient être privés unilatéralement sans indemnité et que, s'il a été détaché d'office dans le grade de chef des services comptables de 3ème catégorie à la suppression de son statut, il ne peut pas être privé de la garantie prévue à l'article 30 du décret du 16 septembre 1985. Toutefois, contrairement aux allégations de M. B..., les conservateurs des hypothèques, bien qu'officiers publics, n'étaient pas titulaires de leur charge et percevaient, ainsi qu'il a été dit précédemment, un salaire variable issu de l'exécution des formalités liées aux mutations immobilières. Son détachement dans le corps des chefs de service comptable de 3ème catégorie, dans le but de lui assurer une rémunération statutaire la plus proche de celle, variable et sans lien direct avec un quelconque indice, qu'il percevait en tant que conservateur des hypothèques, ne lui permet cependant pas de se prévaloir des dispositions de l'article 30 du décret du 16 septembre 1985 dans le champ duquel il n'entre pas dès lors, comme il vient d'être dit, que sa rémunération de conservateur des hypothèques n'était pas fondée sur un indice de la fonction publique.

Quant à l'atteinte au principe de sécurité juridique :

15. M. B...soutient, enfin, qu'il a été porté une atteinte illégale au principe de sécurité juridique, dans la mesure où l'Etat n'a pas institué de période transitoire entre la suppression du grade de conservateur des hypothèques et son placement dans sa nouvelle position statutaire.

16. L'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation. En principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. Toutefois, il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause.

17. En l'espèce, la réforme du régime des conservateurs des hypothèques, bien qu'initiée par l'article 30 de la loi de finances rectificative pour 2009, qui a créé les services de la publicité foncière à la place des conservations des hypothèques, puis mise en oeuvre par l'ordonnance du 10 juin 2010 portant suppression du régime des conservateurs des hypothèques, n'est entrée en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2013. Diverses dispositions ont été adoptées entre juin 2010 et décembre 2012, pour permettre aux anciens conservateurs appelés à rester en fonction après le 31 décembre 2012, d'être placés dans une situation statutaire et réglementaire la plus équivalente possible. Est notamment intervenu le décret précité du 26 août 2010, qui a modifié le décret du 7 juillet 2006 relatif aux emplois de chef de service comptable au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, afin de permettre le détachement des conservateurs de 6è, 5è, 4è ou 3è catégorie dans l'emploi de chef de service comptable de 5è, 4è, 3è, 2è ou 1ère catégorie et dont a bénéficié M.B.... Dans ces conditions, aucune atteinte illégale au principe de sécurité juridique pour défaut d'édiction de mesures transitoires ne peut en tout état de cause être retenue.

Quant à l'atteinte au principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps :

18. En application des dispositions de l'article 5-3 du décret n° 2006-814 du 7 juillet 2006 modifié par le décret n° 2010-988 du 26 août 2010, les conservateurs des hypothèques occupant au 31 décembre 2012 un bureau des hypothèques de catégories 3 à 6, ont pu être nommés dans l'emploi de chef des services comptables à compter du 1er janvier 2013. Les conservateurs des hypothèques occupant au 31 décembre 2012 un bureau des hypothèques de catégories 1 et 2 correspondant à un volume d'affaires plus important, ont été détachés dans le corps des administrateurs des finances publiques et classés dans le grade d'administrateur général des finances publiques de 1ère classe ou de classe normale.

19. Jusqu'au 31 décembre 2012, les conservateurs des hypothèques régis par le décret du 2 août 1995 percevaient une rémunération proportionnelle au volume financier des affaires traitées annuellement par le bureau dont ils avaient la responsabilité classé en 6 catégories, dans les conditions alors définies par les articles 879 et suivants du code général des impôts. Le législateur n'a pas imposé, lors de leur reclassement à compter du 1er janvier 2013, un droit au maintien du niveau du salaire perçu. Il ressort de la note du 20 juin 2013 du directeur général des finances publiques produite en première instance que : " certains conservateurs des hypothèques devenus responsables d'un service de publicité foncière au 1er janvier 2013 et détachés dans l'emploi de chef de services comptables ont vocation à bénéficier d'une garantie de maintien de rémunération (...), que la présente note a pour objet d'exposer les modalités de mise en oeuvre de ce dispositif ". Cette même note ajoute que le versement de la compensation qu'elle prévoit " est conditionné à leur " parcours de carrière " et à la " comparaison entre la rémunération résultant des rémunérations brutes annuelles perçues au cours des trois dernières années et la rémunérations brute comparable issue de la catégorie de détachement dans l'emploi de chef de services comptables ". Il s'en suit que ce dispositif n'a pas eu pour objet de maintenir une rémunération égale au salaire antérieurement perçu par l'ensemble des conservateurs des hypothèques, mais d'organiser un dispositif de compensation financière partielle de rémunération destiné, sous certaines conditions, aux seuls conservateurs des hypothèques de catégorie 3 à 6 qui, conformément à l'article 5-3 du décret du 7 juillet 2006, avaient vocation à être nommés dans l'emploi de chef des services comptables, tandis que ceux de catégories 1 et 2 avaient vocation à être détachés dans le grade d'administrateur général des finances publiques de 1ère classe ou de classe normale. Le principe d'égalité entre les membres d'un même corps ne fait pas obstacle à ce que soient traités différemment des agents placés dans des situations différentes. M.B..., qui a été classé dans le grade de chef de service comptable de 3ème catégorie à compter du 1er janvier 2013, n'est pas fondé à soutenir qu'il se trouvait dans une situation analogue à celle de ses collègues de catégories 1 et 2, nommés dans l'emploi d'administrateur général des finances publiques. En tout état de cause, cette différence de traitement entre les conservateurs d'hypothèques issus de différentes catégories, n'est manifestement pas disproportionnée par rapport à la différence de leur situation après reclassement. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le principe d'égalité a été méconnu.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute de l'Etat :

20. La responsabilité de l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, sur le fondement de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de l'adoption d'une loi, à la condition que cette loi n'ait pas exclu toute indemnisation et que le préjudice dont il est demandé réparation, revêtant un caractère grave et spécial, ne puisse, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement aux intéressés.

21. Si M. B...invoque le fait qu'il n'a accepté d'être affecté, dans le cadre d'une promotion au grade de conservateur des hypothèques de 4ème catégorie, à Abbeville qu'en raison de la perspective de percevoir un niveau de rémunération permettant notamment de couvrir ses frais de double résidence et que l'administration aurait omis de prendre en considération cette circonstance pour le calcul de la compensation financière qui lui est servie, il résulte de l'instruction, d'une part, que M.B..., qui réside à Paris, a été affecté à Pont-Audemer du 30 janvier 2010 au 31 janvier 2012, puis à Abbeville à compter du 1er février 2012 et supportait, par suite et indépendamment du changement de statut qu'il a subi, des frais de double résidence avant le 1er janvier 2013, de sorte que, par lui-même, le préjudice matériel correspondant aux frais de double de résidence dont il fait état est sans lien avec la suppression du statut des conservateurs des hypothèques. D'autre part, comme il a été dit, la compensation financière qui lui est versée n'a pas pour objet de lui garantir le niveau de rémunération qui était le sien au 31 décembre 2012, mais d'atténuer les effets de son changement de statut intervenu après cette date, en tenant compte de la rémunération annuelle brute moyenne qu'il avait précédemment perçue au cours de la période de référence constituée des années 2010 à 2013, de sorte que M. B... ne peut se prévaloir, ainsi qu'il a été dit, d'un droit au maintien de la rémunération qu'il percevait au 31 décembre 2012, ni de la perspective d'évolution de cette rémunération qui était alors la sienne. Enfin, la situation de double résidence dont fait état M. B...a été également celle de nombreux collègues conservateurs des hypothèques, par ailleurs placés dans la même situation d'extinction de leur corps d'appartenance. Ainsi, le préjudice dont M. B...fait état ne peut être regardé comme présentant le caractère grave et spécial de nature à permettre l'engagement à son égard de la responsabilité sans faute de l'Etat.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement du 22 avril 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'économie et des finances.

Copie sera transmise, pour information, au directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France.

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N°16DA01135

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N°"Numéro"


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