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04/10/2018 | FRANCE | N°16DA00897

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 octobre 2018, 16DA00897


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler les décisions par lesquelles le maire de Grand-Couronne a, le 26 décembre 2013, rejeté ses demandes tendant au paiement d'heures complémentaires, à la reconstitution de sa carrière et au paiement de congés annuels ;

2°) d'enjoindre à la commune de Grand-Couronne de la nommer adjointe territoriale principal de 1ère classe à compter du 1er juillet 2006 ;

3°) de condamner la commune de Grand-Couronne, sans dél

ai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à lui verser la somme de 549,09 euros, ou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...C...a demandé au tribunal administratif de Rouen :

1°) d'annuler les décisions par lesquelles le maire de Grand-Couronne a, le 26 décembre 2013, rejeté ses demandes tendant au paiement d'heures complémentaires, à la reconstitution de sa carrière et au paiement de congés annuels ;

2°) d'enjoindre à la commune de Grand-Couronne de la nommer adjointe territoriale principal de 1ère classe à compter du 1er juillet 2006 ;

3°) de condamner la commune de Grand-Couronne, sans délai et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à lui verser la somme de 549,09 euros, ou à titre subsidiaire, la somme de 440,25 euros, au titre des repos compensateurs, la somme de 2 526,72 euros brut, ou à titre subsidiaire la somme de 1 971,54 euros brut au titre de ses congés annuels, la somme de 6 301,57 euros au titre du rappel de salaires et la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice moral, ces sommes devant être assorties des intérêts au taux légal ;

4°) d'enjoindre à la commune de Grand-Couronne de prendre en compte les sommes versées au titre du rappel de salaire dans le calcul de ses droits à la retraite.

Par un jugement n° 1400643 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mai 2016, MmeC..., représentée par Me B...E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 mars 2016 du tribunal administratif de Rouen ;

2°) de faire droit à ses demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Grand-Couronne la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive CE 2003/88 du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;

- le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A...F..., substituant Me B...E..., représentant MmeC....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...a été recrutée le 1er mars 1985 comme agent titulaire à la commune de Grand-Couronne, au sein de laquelle elle a effectué toute sa carrière. Elle était, en dernier lieu, titulaire du grade d'adjoint administratif principal 2ème classe. A compter de l'année 1991, elle a été placée à de nombreuses reprises en congé de maladie, de longue maladie ou de longue durée. Elle a parfois bénéficié de mi-temps thérapeutique ou a été autorisée à exercer ses fonctions à temps partiel. A la veille de sa mise à la retraite pour invalidité, par lettre du 28 octobre 2013, Mme C...a interpellé son employeur sur le paiement de ses heures supplémentaires et ses congés annuels ainsi que sur le déroulement de sa carrière. Par une décision du 26 décembre 2013, le maire de Grand-Couronne a rejeté sa réclamation tendant au paiement d'heures complémentaires, à la reconstitution de sa carrière " sans discrimination au regard de son handicap " ainsi qu'au paiement de congés annuels. Mme C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation des décisions contenues dans la lettre du 26 décembre 2013 et par lesquelles le maire de Grand-Couronne a rejeté ses différentes demandes et, d'autre part, à la condamnation de la commune de Grand-Couronne à lui verser diverses sommes au titre des repos compensateurs, des congés annuels non pris, de rappels de salaires et de l'indemnisation du préjudice moral résultant de la discrimination dont elle estime avoir été victime.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort du point 12 du jugement que le tribunal administratif s'est borné à exercer son office en énonçant la règle jurisprudentielle selon laquelle les dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, citées par la requérante, font obstacle à l'extinction du droit à congé annuel à l'expiration d'une certaine période lorsque le travailleur a été en congé maladie durant tout ou partie de cette période. De même, le tribunal administratif pouvait, sans entacher d'irrégularité son jugement, constater que Mme C...avait sollicité l'indemnisation de ses congés payés avant que n'intervienne sa mise à la retraite pour invalidité, alors même que la commune, en défense, ne l'avait pas relevé expressément. Dès lors, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure.

Sur le règlement d'heures complémentaires :

3. Il ressort des pièces du dossier que par lettre du 28 octobre 2013, Mme C...a demandé au maire de la commune " le paiement de ses heures de récupération au taux horaire qui lui aurait été appliqué si elle avait travaillé ". Par sa décision du 26 décembre 2013, le maire de la commune a décidé " qu'une délibération sera prise lors du prochain conseil municipal après les élections de mars 2014 pour le règlement des heures complémentaires au taux de l'année 2 000, période où les heures ont été réalisées. Le montant calculé est de 366,93 euros ". Par suite, le maire a, en tout état de cause, suffisamment motivé sa décision.

4. L'article 3 du décret n° 82-624 du 20 juillet 1982 fixant les modalités d'application pour les fonctionnaires de l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982 relative à l'exercice des fonctions à temps partiel dispose que " Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel peuvent bénéficier du versement d'heures supplémentaires dans les conditions prévues par le décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 relatif aux indemnités horaires pour travaux supplémentaires. / Toutefois, par dérogation aux articles 7 et 8 de ce décret, le montant de l'heure supplémentaire applicable à ces agents est déterminé en divisant par 1 820 la somme du montant annuel du traitement brut et de l'indemnité de résidence d'un agent au même indice exerçant à temps plein. ". L'article 3 du décret n° 2002-60 du 14 janvier 2002 énonce que " La compensation des heures supplémentaires peut être réalisée, en tout ou partie, sous la forme d'un repos compensateur. (...). ".

5. D'une part, ainsi qu'il a été dit au point 3, la commune a proposé de régler pour un montant total de 366,93 euros les 40,5 heures complémentaires dues à Mme C...au titre de l'année 2 000, au taux horaire qui était applicable pendant cette année, et qu'une délibération au conseil municipal soit prise en ce sens lors du prochain conseil municipal après les élections de mars 2014. Mme C...fait valoir que ces 40,5 heures doivent être indemnisées sur la base du taux horaire en vigueur en 2007. Toutefois, elle n'apporte aucun élément probant de nature à établir que les heures en litige dont elle réclame l'indemnisation auraient été effectuées pendant l'année 2007. L'unique courrier établi par l'une de ses collègues n'est pas non plus, à lui seul, de nature à établir qu'elle aurait effectué des heures au-delà de son temps de travail habituel pendant une année autre que l'année 2000. Dans ces conditions, Mme C...n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ses heures complémentaires à hauteur de 549,09 euros à titre principal ou de 440,25 euros à titre subsidiaire.

6. D'autre part, Mme C...ne conteste pas plus en appel qu'en première instance le fait que la commune a entendu indemniser des heures dites complémentaires, applicables aux agents territoriaux à temps non complet et non supplémentaires, applicables à ceux à temps complet ou à temps partiel. Dans ces conditions, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, elle ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 3 du décret 82-624 du 20 juillet 1982 fixant les modalités d'application pour les fonctionnaires de l'ordonnance n° 82-296 du 31 mars 1982 relative à l'exercice des fonctions à temps partiel cité au point 3 et afférentes à l'indemnisation des heures supplémentaires.

7. Il résulte de ce qui a été énoncé des points 3 à 6, que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande tendant au versement de la somme, à titre principal, de 549,09 euros, ou à titre subsidiaire, de 440,25 euros, au titre des heures complémentaires.

Sur le refus d'indemnisation de congés payés :

8. Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors applicable, devenu l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des décisions administratives individuelles et défavorables qui les concernent... ". Aux termes de l'article 3 de la même loi, devenu l'article L. 211-5 du code précité : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

9. Tout d'abord, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984: " Le fonctionnaire en activité a droit : 1° A un congé annuel avec traitement dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat (...) ; 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) " . Aux termes de l'article 5 du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 : " Sous réserve des dispositions de l'article précédent, le congé dû pour une année de service accompli ne peut se reporter sur l'année suivante, sauf autorisation exceptionnelle donnée par l'autorité territoriale. Un congé non pris ne donne lieu à aucune indemnité compensatrice.".

10. Ensuite, tout justiciable peut se prévaloir, à l'appui d'un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d'une directive, lorsque l'Etat n'a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. Aux termes de l'article 7 de la directive n° 2003/88 du 4 novembre 2003 susvisée : " Congé annuel 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales. 2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail. ". Le délai de transposition de cette directive expirait le 23 mars 2005.

11. D'ailleurs, dans son arrêt C-350/06 et C-520/06 du 20 janvier 2009, la Cour de Justice de l'Union européenne a rappelé que " le droit au congé annuel payé de chaque travailleur doit être considéré comme un principe général du droit social communautaire revêtant une importance particulière, auquel il ne saurait être dérogé (...) " et que " l'article 7 § 1 de la directive 2003/88 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à des dispositions ou à des pratiques nationales qui prévoient que le droit à congé annuel payé s'éteint à l'expiration de la période de référence et/ou d'une période de report fixée par le droit national même lorsque le travailleur a été en congé de maladie durant toute la période de référence et que son incapacité de travail a perduré jusqu'à la fin de sa relation de travail, raison pour laquelle il n'a pas pu exercer son droit au congé annuel payé (...) ". Par suite, les dispositions citées ci-dessus de l'article 5 du décret du 26 novembre 1985, qui ne prévoient pas l'indemnisation des congés annuels qui n'ont pu être pris du fait de la maladie, ni reportés avant la fin de la relation de travail de l'agent concerné, sont incompatibles dans cette mesure avec celles de l'article 7 de cette directive.

12. Ainsi, la décision en litige par laquelle le maire a décidé de rejeter la demande de règlement des congés annuels non pris pour cause de maladie est au nombre de celles devant être motivées en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 dès lors qu'un fonctionnaire a en principe droit, lors de son départ à la retraite, à une indemnité financière pour congé annuel non pris en raison du fait qu'il n'a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie.

13. Pour refuser d'indemniser Mme C...de ses congés payés non pris pour cause de maladie, la décision en litige se borne à se référer " au respect des textes actuels ". Elle ne comporte, dès lors, aucun motif de droit permettant à Mme C...de connaître le fondement légal de ce refus. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, cette décision est insuffisamment motivée et doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Eu égard au motif d'annulation retenu au point précédent, le présent arrêt implique seulement que le maire de la commune de Grand-Couronne se prononce à nouveau sur la demande de Mme C...relative à l'indemnisation de ses congés payés dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions indemnitaires :

15. Si toute illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'administration, une telle faute ne peut donner lieu à réparation du préjudice subi, en cas d'annulation pour un motif de légalité externe, lorsque la décision contestée aurait pu être opposée pour un motif de nature à la justifier légalement. Il appartient au juge administratif de vérifier si les faits de l'espèce sont de nature à justifier légalement la décision en cause.

16. Mme C...n'établit pas qu'à la date de la décision en litige, sa relation de travail avec la commune était définitivement achevée et que, par suite, celle-ci devait l'indemniser de congés payés qui n'avaient pas été pris. Dans ces conditions, le préjudice allégué par Mme C...ne saurait être regardé comme la conséquence directe de la seule absence de motivation de la décision du 26 décembre 2013.

Sur sa reconstitution de carrière :

17. La décision par laquelle le maire a décidé de rejeter la demande de reconstitution de carrière de Mme C...n'est pas au nombre de celles devant être motivées en application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors en vigueur.

18. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si la décision contestée devant lui a été ou non prise pour des motifs entachés de discrimination, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

19. Aux termes de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. Aux termes de l'article 76 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, applicable jusqu'au 1er janvier 2015, " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires dans les conditions définies à l'article 17 du titre Ier du statut général est exercé par l'autorité territoriale au vu des propositions du secrétaire général ou du directeur des services de la collectivité ou de l'établissement. Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l'intéressé, elles peuvent en proposer la révision ". Ces mêmes dispositions prévoient que les commissions administratives paritaires ont connaissance de ce compte rendu et, à la demande de l'intéressé, qu'elles peuvent demander sa révision. L'article 3 du décret n°86-473 du 14 mars 1986 relatif aux conditions générales de notation des fonctionnaires territoriaux abrogé depuis le 1er janvier 2016, disposait que " La fiche individuelle de notation comporte :1° Une appréciation d'ordre général exprimant la valeur professionnelle de l'agent et indiquant, le cas échéant, les aptitudes de l'intéressé à exercer d'autres fonctions dans le même grade ou dans un grade supérieur ; 2° Une note chiffrée allant de 0 à 20 ; 3° Les observations de l'autorité territoriale sur les voeux exprimés par l'intéressé. ".

20. S'il résulte des dispositions citées au point précédent que, sauf dérogation prévue par les statuts particuliers, doit être attribuée chaque année à tout fonctionnaire en activité une note chiffrée accompagnée d'une appréciation écrite exprimant sa valeur professionnelle, l'application de ces dispositions est subordonnée à la présence effective du fonctionnaire au cours de l'année en cause pendant une durée suffisante, eu égard notamment à la nature des fonctions exercées, pour permettre à son chef de service d'apprécier sa valeur professionnelle.

21. En premier lieu, Mme C...soutient qu'elle n'a pas toujours été notée au cours de sa carrière, que ses notations ne lui ont pas été notifiées pour signature alors qu'elle n'était pas en congé maladie et que certaines feuilles de notation comportaient également la mention " en congé de maladie ".

22. La commune fait valoir en défense que la note de Mme C...a évolué en 1992 alors qu'elle était absente et qu'aucune évolution de sa notation n'est intervenue entre 1993 et 2004, en raison de son absence. Il résulte de l'instruction que Mme C...a été notée pour les années 1993 à 2004. Si elle n'a pas signé les feuilles de notation, cette circonstance ne peut être regardée comme un élément permettant de présumer d'une volonté discriminatoire alors que Mme C...était en congé maladie. A supposer que comme elle l'allègue pour l'année 1993, elle a pu signer sa fiche intitulée " grille d'évaluation du personnel " sans que sa fiche de notation lui soit remise, cette circonstance n'est pas, à elle seule, de nature à faire présumer une attitude discriminatoire. Si Mme C...n'a pas été notée pour les années 2005 et 2007 à 2010, la commune fait valoir que pendant ces périodes, la requérante était placée en disponibilité d'office puis en congé de maladie, alors que l'évaluation professionnelle d'un agent requiert sa présence effective. Il résulte de l'instruction, notamment des arrêtés de placement en congé de longue maladie et de prolongation de ce congé que Mme C...a été placée en congé de longue maladie, de manière continue, du 26 février 2007 au 25 février 2014. Pour les années 2008, 2009, et 2010, la commune pouvait en conséquence légalement ne pas procéder à sa notation. Pour l'année 2007, à supposer même que la requérante ait été effectivement présente le mois de janvier, cette période ne constitue pas un temps de présence suffisant pour permettre à l'autorité territoriale d'apprécier sa valeur professionnelle au titre de cette année. S'agissant de l'année 2005, il résulte de l'instruction que la requérante était placée en disponibilité d'office du 1er janvier 2005 au 5 décembre 2005. Sa période de présence de presque un mois pendant cette année ne constitue pas non plus un temps de présence suffisant pour permettre à l'autorité territoriale d'apprécier sa valeur professionnelle. Si certaines fiches de notation comportent la mention " en congé maladie ", cette mention est inscrite sur les fiches de notation pour des années durant lesquelles Mme C...n'a pas été notée ou pour lesquelles la bonne note de l'intéressée a été maintenue. Cette mention ne révèle pas une pratique discriminatoire mais indique seulement le motif de l'absence d'une véritable évaluation de MmeC..., qui au demeurant a toujours obtenu des notes satisfaisantes. L'inscription, sur l'une des fiches d'évaluation, de la mention " toujours volontaire malgré son état de santé ", aussi regrettable soit -elle, ne révèle pas non plus une volonté discriminatoire mais constitue une appréciation objective des qualités professionnelles de la requérante. Il s'ensuit que la gestion de la notation de Mme C...ne permet pas de présumer une attitude discriminatoire de la part de son employeur.

23. En second lieu, Mme C...fait valoir qu'en raison de son état de santé, elle n'a pas bénéficié de la progression de carrière à laquelle elle aurait pu prétendre, à savoir être nommée au grade d'adjoint territorial principal de 1ère classe à compter du mois de juillet 2006, et que la commune a illégalement refusé de l'inscrire au tableau d'avancement de grade en raison de son état de santé.

24. La commune se prévaut en défense de ce que la requérante a bénéficié d'une évolution de carrière régulière, dès lors qu'elle a bénéficié d'un avancement d'échelon conforme à ceux pratiqués au sein de la collectivité et a aussi, été inscrite au tableau d'avancement au grade d'adjoint administratif de 1ère classe. Si cette inscription n'est pas corroborée par l'instruction, la circonstance que la demande de MmeC..., présentée en décembre 2006 soit restée sans réponse ne saurait révéler, par elle-même, un comportement discriminatoire. L'avancement de grade ne constitue pas un droit pour l'agent et reste à l'appréciation de l'autorité territoriale en fonction notamment de la valeur professionnelle de celui-ci. L'autorité territoriale a pu estimer pouvoir promouvoir des agents pour lesquels elle a réellement pu porter une appréciation sur leur valeur professionnelle, l'absence de service depuis une certaine durée ne permettant pas d'apprécier la valeur professionnelle de l'agent. En tout état de cause, il appartenait à l'autorité municipale d'analyser les mérites comparés de Mme C...et de ceux des autres agents candidats à ce même grade. La requérante ne conteste pas la valeur professionnelle des agents effectivement promus et ne démontre, ni même n'allègue pas que sa valeur professionnelle serait supérieure à celle des agents ayant obtenu la promotion qu'elle envisageait. Elle ne peut enfin utilement se prévaloir du seul cas d'une collègue qui se serait trouvé promue au grade d'adjoint administratif de 1ère classe. Si Mme C...fait valoir, par ailleurs, que ses avancements d'échelon ont été ralentis, il résulte de l'instruction, notamment des observations de la commune non contestées sur ce point, qu'elle a commencé sa carrière en 1983 en qualité d'agent de bureau dactylographe non titulaire 1er échelon, qu'elle a été titularisée au 2ème échelon en 1985, qu'elle a bénéficié d'un avancement d'échelon à l'ancienneté minimum chaque année jusqu'à sa promotion au grade de commis obtenue en 1988, que malgré divers congés de longue maladie, elle a bénéficié en 1991 et 1993 d'un avancement d'échelon à l'ancienneté minimale, ayant été nommée au grade d'adjoint administratif principal en 1991, qu'elle a ensuite bénéficié d'un avancement au 9ème échelon à l'ancienneté minimale, et qu'en 2002 et en 2007 elle a obtenu un avancement d'échelon à l'ancienneté minimale. Ainsi, il résulte de ces éléments qui ne sont pas davantage contestés en appel, que la commune n'a attendu que la requérante atteigne l'ancienneté maximale pour procéder à son avancement d'échelon que pour les années 1996 et 2011. Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que la discrimination alléguée n'est pas établie, qu'il s'agisse de l'avancement de grade ou de l'avancement d'échelon.

25. Concernant les relevés de situation de carrière, et à supposer même que la commune ait fourni aux services de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales des informations erronées, ces éventuelles erreurs ne laissent pas présumer un traitement discriminatoire de la requérante par la commune.

26. Il résulte des points 17 à 25 que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle aurait subis du fait d'une attitude discriminatoire de son employeur à raison de son état de santé et de son handicap.

Sur les frais liés à l'instance :

27. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grand-Couronne une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeC..., qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la commune de Grand-Couronne et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision du 26 décembre 2013 du maire de Grand-Couronne est annulée en tant qu'elle refuse d'indemniser Mme C...de ses congés payés.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 15 mars 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Grand-Couronne de réexaminer la demande de Mme C...tendant à l'indemnisation de ses congés payés dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.

Article 4 : La commune de Grand-Couronne versera à Mme C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Grand-Couronne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...C...et à la commune de Grand-Couronne.

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N°16DA00897

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA00897
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CONIL ROPERS GOURLAIN-PARENTY ROGOWSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-04;16da00897 ?
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