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04/10/2018 | FRANCE | N°17DA00844

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 04 octobre 2018, 17DA00844


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office Public de l'Habitat de Calais a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Nord Constructions Nouvelles (NCN) et M. B...D...à lui verser, en réparation des préjudices causés par des travaux de construction de logements collectifs et de garages rue du Château d'eau à Calais, une somme de 181 721,70 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2008 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1304078 du 7 mars 2017, le tri

bunal administratif de Lille a condamné la société NCN à verser à l'Office Public de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'Office Public de l'Habitat de Calais a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la société Nord Constructions Nouvelles (NCN) et M. B...D...à lui verser, en réparation des préjudices causés par des travaux de construction de logements collectifs et de garages rue du Château d'eau à Calais, une somme de 181 721,70 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2008 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1304078 du 7 mars 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné la société NCN à verser à l'Office Public de l'Habitat de Calais la somme de 1 899,40 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2013 et de la capitalisation de ces intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2017 et un mémoire enregistré le 28 mars 2018, Terre d'Opale Habitat, anciennement Office Public d'Habitation à Loyer Modéré de Calais, représenté par Me A...E..., demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Lille du 7 mars 2017 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions dirigées contre la société NCN ;

2°) de condamner la société NCN à lui verser la somme de 192 575,73 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2008 et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la société NCN la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me C...substituant Me A...E..., représentant Terre d'Opale Habitat.

Considérant ce qui suit :

1. Par un marché public de travaux conclu en 2008, l'Office Public de l'Habitat de Calais, devenu Terre D'Opale Habitat, a confié à la société Nord Constructions Nouvelles (NCN) la construction d'un ensemble de quinze logements collectifs et garages rue du Château d'eau à Calais. L'ordre de service de démarrage des travaux a été émis le 16 mai 2008. Le 3 septembre 2008, des fissurations sont apparues sur le pignon de l'immeuble voisin, appartenant à M.D..., provoquant l'évacuation des occupants de l'immeuble et la constitution d'une zone de sécurité. Les travaux de construction ont été arrêtés le même jour afin de prendre les mesures destinées à garantir la stabilité de l'immeuble voisin et de mettre en sécurité les personnels travaillant sur le chantier. Les travaux de confortation de cet immeuble ont été achevés le 10 avril 2009. Toutefois, 1'ordre de service prescrivant la reprise des travaux de construction de l'ensemble immobilier de l'office public n'a été émis que le 1er février 2010. La réception des travaux, avec réserves, est intervenue le 31 août 2011 et la levée définitive des réserves a été prononcée le 29 septembre 2011. Par une ordonnance du 15 septembre 2008, le président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a désigné un expert. Le rapport d'expertise a été déposé le 29 octobre 2012 au greffe du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer. L'Office Public de l'Habitat de Calais a saisi le tribunal administratif de Lille d'un recours tendant à la condamnation solidaire de la société NCN et de M. D...au paiement d'une somme de 181.721,70 euros, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du retard du chantier consécutif à l'interruption de celui-ci, des indemnités de relogement des locataires de M.D..., du coût de la révision des prix du marché, des pertes de loyers et des intérêts intercalaires ayant dû être versés à la Caisse des dépôts et consignations au titre des prêts accordés par celle-ci. M. D...a demandé, par voie de conclusions reconventionnelles, la condamnation solidaire de l'office et de la société NCN à lui verser une somme de 33.412,86 euros en réparation des préjudices causés par les désordres ayant affecté son immeuble. Par un jugement du 7 mars 2017, le tribunal administratif a estimé que les conclusions de l'office dirigées contre M.D... ne ressortaient pas de la compétence de la juridiction administrative. Il a partiellement fait droit aux conclusions de l'office dirigées contre la société NCN, en condamnant celle-ci à lui verser la somme de 1 899, 40 euros toutes taxes comprises, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2013 et de la capitalisation de ces intérêts. Terre d'Opale Habitat relève appel de ce jugement en tant seulement qu'il n'a que partiellement fait droit à ses conclusions dirigées contre la société NCN. Ses conclusions d'appel ne sont pas dirigées contre M.D..., lequel est dès lors hors de cause.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société NCN :

2. Aux termes de l'article R. 421-8 du code de la construction et de l'habitation : " Le directeur général... passe tous actes et contrats au nom de 1'office et le représente dans tous les actes de la vie civile. Il représente l'office en justice, sauf dans les cas prévus au cinquième alinéa de l'article R.421-17. Il doit rendre compte au conseil d'administration des actions en justice qu'il a introduites lors de la plus prochaine séance de ce conseil... ". Il résulte de ces dispositions que le directeur général de Terre d'Opale Habitat, qui représente cet office public ainsi que le spécifie le mémoire en réplique, a qualité pour agir. La fin de non-recevoir opposée par la société NCN doit dès lors être écartée.

Sur la responsabilité contractuelle de la société NCN :

3. L'absence d'établissement du décompte général et définitif du marché ne fait pas obstacle à ce que Terre d'Opale Habitat recherche devant la juridiction administrative la responsabilité contractuelle de la société NCN à raison des préjudices causés par l'exécution des travaux. La réception sans réserve des travaux empêche seulement le maître d'ouvrage d'invoquer des défauts de l'ouvrage ainsi réceptionné. Il ressort du rapport de l'expert désigné par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer que les désordres ayant affecté l'immeuble de M. D...et provoqué l'interruption des travaux de construction de l'ensemble immobilier de l'Office Public de l'Habitat de Calais ont pour origine à la fois le choix d'une technique de construction des fondations de l'ensemble immobilier qui n'a pas pris en compte l'absence de fondations de l'immeuble de M. D...et un défaut d'alerte du chef de chantier lorsque les premières fissures ont été identifiées. Ces manquements imputables à la société NCN sont constitutifs d'une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de Terre d'Opale Habitat. En l'absence d'éléments précis de nature à établir une carence fautive du maître d'oeuvre ou du bureau d'étude chargé d'examiner les sols avant les travaux de fondation, la société NCN ne saurait utilement invoquer leur manquement à une obligation de conseil pour atténuer celle-ci.

S'agissant des pénalités de retard :

4. Le maître d'ouvrage peut demander le paiement des pénalités contractuelles de retard, même en l'absence de faute de son cocontractant, dès lors qu'un retard d'exécution est avéré. A cette fin, la personne publique dispose du choix, en matière contractuelle, de saisir le juge ou d'émettre un titre exécutoire à 1'effet de fixer les sommes qu'elle estime lui être ainsi dues. Toutefois, lorsqu'elle décide d'émettre un titre exécutoire et a, de ce fait, mis en oeuvre les pouvoirs dont elle dispose pour obtenir que son débiteur lui reverse lesdites sommes, elle n'est dès lors pas recevable à demander au juge de réitérer une telle mesure.

5. L'article 4-3 du cahier des clauses administratives particulières du marché prévoit, en l'espèce, l'application de pénalités de retard de 500 euros par mois de retard et par logement, outre une pénalité forfaitaire de 305 euros en cas de dépassement de la date limite d'achèvement des travaux.

6. Si l'office public a émis le 19 décembre 2011 un titre exécutoire à l'encontre de la société NCN d'un montant total de 7.805 euros, il ressort des mentions de ce titre qu'il correspondait à la seule pénalité due au titre du mois de juillet 2011. Dans la mesure où l'article 4-3 du cahier des clauses administratives particulières du marché, qui déroge à l'article 20-1 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, prévoit des pénalités calculées par mois, cet état exécutoire ne peut être regardé, quand bien même il inclut la pénalité forfaitaire de 305 euros prévue par l'article 4-3 en cas de non-respect de la date limite d'achèvement des travaux, comme ayant entendu recouvrer, par la mise en oeuvre du privilège du préalable, la totalité des sommes que l'office estimait lui être dues par la société NCN, au titre des pénalités de retard, pour la totalité de la période d'exécution des travaux. Par suite, et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les conclusions présentées par l'office sur ce point ne sont pas irrecevables.

7. Les stipulations contractuelles ne subordonnent pas, en l'espèce, le décompte de pénalités de retard à une mise en demeure préalable de l'entreprise.

8. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert désigné par le président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer, que si le chantier a été interrompu du fait des erreurs commises par la société NCN, qui ont conduit à endommager le pignon de l'immeuble voisin et à rendre celui-ci dangereux dans l'attente de travaux confortatifs, le redémarrage du chantier a été ensuite retardé du fait des réticences de M.D.... Par ailleurs, le retard postérieur à la reprise des travaux s'explique, en partie, par soixante-dix neuf jours d'intempéries. Dans ces conditions, le retard imputable à la société NCN doit être évalué à quatre mois. Le montant des pénalités de retard, eu égard aux quinze logements concernés, s'élève ainsi à 30 000 euros.

S'agissant des autres préjudices invoqués par Terre d'Opale Habitat :

9. Les préjudices correspondant, selon l'office, au coût de la révision des prix du marché, aux loyers non perçus et intérêts intercalaires versés à la Caisse des dépôts et consignations, résultent, à les supposer établis, du retard d'achèvement du chantier. Les pénalités de retard mentionnées aux points 4 à 7 du présent arrêt réparent, de manière forfaitaire, les préjudices causés par ce retard. Par suite, Terre d'Opale Habitat n'est pas, en tout état de cause, fondée à demander la condamnation de la société NCN à lui verser des sommes complémentaires en réparation de ces préjudices.

10. Terre d'Opale Habitat est, ainsi, seulement fondée à demander que la société NCN soit condamnée à lui verser la somme de 30 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Lille, soit le 3 juillet 2013. Terre d'Opale Habitat a droit à la capitalisation de ces intérêts à compter du 3 juillet 2014, date à laquelle il était dû une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle suivante.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Terre d'Opale Habitat est seulement fondée à demander la réformation du jugement en tant qu'il a condamné la société NCN à lui verser une somme inférieure à celle retenue par le présent arrêt.

12. Terre d'Opale Habitat ne justifie pas, en tout état de cause, avoir réglé les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société NCN le versement à Terre d'Opale Habitat de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par la société NCN ne peuvent qu'être rejetées. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par M. B...D....

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 1 899,40 euros que la société Nord Constructions Nouvelles (NCN) a été condamnée à payer à Terre d'Opale Habitat est portée à 30 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 7 mars 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : La société NCN versera à Terre d'Opale Habitat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Terre d'Opale Habitat, à la société Nord Constructions Nouvelles (NCN) et à M. B...D....

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N° 17DA00844


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00844
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-01 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Suspension.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: Mme Valérie Petit
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DEVEYER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-04;17da00844 ?
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