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16/10/2018 | FRANCE | N°17DA00043

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2018, 17DA00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL D...et M. A...D...ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Thiouville à leur verser une somme de 22 200 euros en indemnisation du préjudice résultant de l'absence de réalisation des travaux d'aménagement d'un chemin d'exploitation au titre des années 2012, 2013 et 2014, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande.

Par un jugement n° 1500108 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a estimé que les aménagements effectué

s sur le chemin rural n° 21 n'étaient pas conformes aux travaux arrêtés par la comm...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL D...et M. A...D...ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Thiouville à leur verser une somme de 22 200 euros en indemnisation du préjudice résultant de l'absence de réalisation des travaux d'aménagement d'un chemin d'exploitation au titre des années 2012, 2013 et 2014, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la demande.

Par un jugement n° 1500108 du 10 novembre 2016, le tribunal administratif de Rouen a estimé que les aménagements effectués sur le chemin rural n° 21 n'étaient pas conformes aux travaux arrêtés par la commission intercommunale d'aménagement foncier et condamné la commune de Thiouville à verser à l'EARL D...et à M.D..., solidairement, la somme de 11 920 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 août 2013, la somme de 6 575 euros assortie des intérêts au taux légal à compter 4 juillet 2014 et la somme de 3 705 euros assortie des intérêts à compter du 6 janvier 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 janvier 2017 et le 22 novembre 2017, la commune de Thiouville, représentée par Me B...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rouen du 10 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de l'EARL D...et de M. D...présentée devant le tribunal administratif de Rouen ;

3°) de condamner l'EARL D...et M. D...à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'EARL D...et de M.D..., solidairement, une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêt du 23 février 2012, devenu définitif, la cour administrative d'appel de Douai a relevé que la commission intercommunale d'aménagement foncier des communes d'Ancourteville sur Héricourt, Bennetot, Beuzeville-la-Guérard, Cleuville, Cliponville, Envronville, Normanville, Sainte-Marguerite-sur-Fauville, Saint-Pierre-Lavis et Thiouville avait proposé, dans le cadre des opérations de remembrement du " plateau de Fauville " dont la clôture a été prononcée par un arrêté préfectoral du 10 avril 2006, la modification du tracé du chemin rural n° 21 desservant un fonds exploité par l'EARL D...ainsi que son aménagement par empierrement sur une longueur de 1 900 mètres et que la commune de Thiouville, dont le conseil municipal avait voté un crédit de 14 175 euros pour la réfection de ce chemin par une délibération du 7 avril 2006, avait approuvé ces propositions par une délibération du 1er juin 2006, afin, notamment, d'en permettre l'utilisation par l'EARL D...pour accéder à un ensemble de parcelles d'une superficie totale de 43,5 hectares dont elle est propriétaire. La cour a jugé que la commune devait, en application des dispositions de l'article L. 121-17 du code rural, procéder à ses frais aux travaux d'aménagement de ce chemin et qu'il y avait une carence fautive de la commune de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'elle n'avait pas procédé à ces travaux. La commune de Thiouville relève appel du jugement du 10 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a estimé que les aménagements effectués sur le chemin rural n° 21 n'étaient pas conformes aux travaux arrêtés par la commission intercommunale d'aménagement foncier et condamné la commune de Thiouville à verser à l'EARL D...et à M.D..., solidairement, la somme de 11 920 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 10 août 2013, la somme de 6 575 euros assortie des intérêts au taux légal à compter 4 juillet 2014 et la somme de 3 705 euros assortie des intérêts à compter du 6 janvier 2015.

Sur la responsabilité de la commune de Thiouville :

2. Comme cela a été dit au point 1 et ainsi que cela résulte de l'arrêt de la cour de céans du 23 février 2012, devenu définitif, la commune était tenue, dans le cadre des opérations de remembrement du plateau de Fauville, de procéder aux travaux d'aménagement du chemin rural n° 21, le Bosc Quesnel, et en particulier de l'aménager par empierrement sur une longueur de 700 mètres, afin d'en permettre l'utilisation par les engins d'exploitation agricoles. La commune de Thiouville fait valoir qu'elle a réalisé les travaux qui lui incombait sur le chemin rural n° 21 à compter du 13 février 2014 afin de le rendre plus accessible et plus praticable pour les engins agricoles et produit une attestation de la SARL Tiffay et fils du 16 mars 2015 indiquant que des travaux de remise en état, d'élargissement, de nivelage et de rebouchage des trous avec une pelle à chenille ont été effectués en février 2014. Cependant, si la commune produit deux constats d'huissier, respectivement en date des 31 octobre 2013 et 12 février 2015, le premier de ces constats se borne à préciser que l'entrée du chemin rural n° 21 est marquée par le passage de pneumatiques de tracteurs, que le chemin est enherbé, que les deux bandes de roulement sont boueuses et empierrées et que les traces d'engin se poursuivent jusqu'à une parcelle agricole cadastrée ZE n° 12, tandis que le second fait simplement état de ce qu'un véhicule agricole auquel est attelée une remorque à deux essieux peut emprunter ce chemin et y rouler sans difficulté à une vitesse de 20 km/h. Ces documents, généraux et insuffisamment précis quant aux caractéristiques des travaux effectués et non circonstanciés quant à la nature des engins agricoles empruntant cette voie, ne permettent pas d'établir que les travaux réalisés sont conformes aux travaux d'aménagement prescrits par la commission intercommunale d'aménagement foncier, en particulier en ce qui concerne l'empierrement du chemin n° 21. Il en est de même des différentes attestations produites dont la teneur est également très générale et ainsi non probante. En outre, il résulte du constat d'huissier établi le 12 septembre 2016 produit par l'EARL D...et M. A...D...que le chemin concerné n'est que très partiellement empierré et est en bonne partie en terre et recouvert d'herbe. Dans ces conditions, la commune ne saurait sérieusement soutenir avoir procédé aux travaux d'empierrement du chemin n° 21 sur la longueur préconisée par la commission intercommunale d'aménagement foncier.

3. Il résulte de ce qui précède que la commune de Thiouville ne justifie pas de la réalisation et de la conformité des travaux effectués à ceux prescrits par la commission intercommunale d'aménagement foncier en particulier en ce qui concerne l'empierrement et la longueur de celui-ci. Par suite, elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur le préjudice :

4. La commune fait valoir, au demeurant alternativement, par la production de constats d'huissier et d'attestations diverses, que M. D...emprunte le chemin n° 21 qui, bien que non empierré, demeure selon elle praticable, ou bien utilise un chemin d'exploitation privé lui permettant d'accéder directement depuis son corps de ferme aux parcelles litigieuses sans allonger son parcours. Toutefois, ces éléments, partiellement contradictoires, s'ils sont de nature à établir une utilisation ponctuelle desdits chemins par M.D..., ne démontrent pas, à eux seuls, d'une part, que cette utilisation aurait pour objet exclusif l'exploitation des parcelles litigieuses, ni, d'autre part, que M. D...pourrait, pour l'ensemble de ces parcelles, qui recouvrent une superficie de 43,5 hectares consacrés à un assolement de prairies temporaires, de betteraves sucrières, de blé tendre, de lin à fibres, de maïs ensilage, ou de pommes de terre, y accéder à toutes les étapes de leur exploitation en utilisant soit le chemin n° 21, soit le chemin passant par les autres terres qu'il possède, qu'il ne serait ainsi pas contraint d'effectuer le détour calculé par l'expert agricole Cousin dans son rapport du 15 mai 2008 actualisé le 29 avril 2013, et qu'il n'exposerait ainsi pas le surcoût résultant de ce détour. La commune de Thiouville, qui n'apporte au demeurant aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle M. D...n'exploiterait pas lui-même les parcelles litigieuses, n'établit ainsi pas qu'il ne subirait plus le préjudice qu'il invoque et dont la cause réside, à titre principal, dans l'absence de travaux dont elle a pourtant voté la réalisation par une délibération du 7 avril 2006.

5. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert établi le 29 avril 2013, que l'absence d'aménagement du chemin rural n° 21 doit ainsi être regardée comme ayant pour conséquence un allongement de 4,2 km du parcours d'accès aux parcelles exploitées par l'EARL D... et M.D.... Ce rapport évalue à 7 400 euros par an le préjudice résultant de cet allongement. La commune de Thiouville n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause ce montant. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont condamné la commune de Thiouville à verser à l'EARL D...et à M. D...une somme de 22 200 euros au titre des années 2012, 2013 et 2014.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Thiouville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à la demande de l'EARL D...et de M.D.... Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au versement de dommages et intérêts ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a, en outre, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Thiouville la somme que l'EARL D...et M. D...demandent au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Thiouville est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'EARL D...et de M. D...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Thiouville, à l'EARLD..., à M. A...D...et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

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N°17DA00043


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17DA00043
Date de la décision : 16/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-04-04 Agriculture et forêts. Remembrement foncier agricole. Travaux connexes.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELAS NORMANDIE-JURIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-10-16;17da00043 ?
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