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22/11/2018 | FRANCE | N°16DA01443

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 16DA01443


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etablissement public d'insertion de la défense à l'indemniser des préjudices résultant de la décision de licenciement dont il a été objet et de la perte de chance de voir son contrat renouvelé par le versement d'une somme de 80 198,914 euros, avec intérêts à compter du 2 février 2014 et capitalisation desdits intérêts.

Par un jugement n° 1402043 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.>
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2016, M. E...B...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...B...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etablissement public d'insertion de la défense à l'indemniser des préjudices résultant de la décision de licenciement dont il a été objet et de la perte de chance de voir son contrat renouvelé par le versement d'une somme de 80 198,914 euros, avec intérêts à compter du 2 février 2014 et capitalisation desdits intérêts.

Par un jugement n° 1402043 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 août 2016, M. E...B..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etablissement public d'insertion de la défense à lui verser une somme de 7 199,27 euros au titre des salaires non versés jusqu'à l'expiration du contrat de travail, une somme de 2 879,67 euros au titre de l'indemnité de licenciement, une somme de 1 007,89 euros au titre des congés payés et une somme de 69 112,08 euros au titre de la perte de chance de ne pas avoir pu demander le renouvellement de son contrat, le tout augmenté des intérêts légaux à compter du 2 février 2014 et de la capitalisation desdits intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etablissement public d'insertion de la défense la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me D...F..., représentant l'Etablissement public d'insertion de la défense.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...a été recruté par l'Etablissement public d'insertion de la défense, sur le fondement des dispositions de l'article 4 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, par un contrat à durée déterminée en date du 3 novembre 2008, pour une durée de trois ans, afin d'assurer les fonctions de moniteur à temps complet au centre de Cambrai. Après avoir recueilli l'avis de la commission consultative paritaire rendu le 6 juillet 2011, le directeur général de l'Etablissement public d'insertion de la défense a prononcé à l'encontre de M. B... la sanction disciplinaire de licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement, par une décision du 15 juillet 2011. Par jugement n° 1105198 du 11 juin 2013 devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision, au motif qu'elle était insuffisamment motivée en ce qu'elle ne faisait aucune mention des considérations de droit qui la fondent. La réclamation préalable formée par M. B... le 2 février 2014, tendant à la réparation des préjudices financiers engendrés par cette décision illégale, a été rejetée par le directeur général de l'Etablissement public d'insertion de la défense le 6 février 2014. M. B...relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'indemniser des préjudices résultant de l'illégalité de la décision de licenciement dont il a été objet et de la perte de chance de voir son contrat renouvelé par le versement d'une somme totale de 80 198,91 euros augmentée des intérêts légaux à compter du 2 février 2014 et de la capitalisation desdits intérêts.

Sur la faute :

2. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la décision du 15 juillet 2011 par laquelle l'Etablissement public d'insertion de la défense a licencié M. B...est entachée d'un vice de forme résultant d'un défaut de motivation, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lille qui l'a annulée pour ce motif, par un jugement n° 1105198 du 11 juin 2013 devenu définitif et dont l'autorité de chose jugée ne s'attache qu'à ce motif.

3. En deuxième lieu, M. B...soutient sans être utilement contredit qu'il n'a reçu la convocation à un entretien préalable de licenciement que le 14 juin 2011 pour un entretien prévu le lendemain 15 juin 2011 à 11 h. Il résulte de l'instruction que, dans les circonstances de l'espèce, un délai aussi bref l'a placé dans l'impossibilité de consulter son dossier, de contacter un défenseur, et de se rendre à cet entretien alors qu'il réside à Carnières, dans le Nord et que l'entretien se déroulait au siège de l'établissement à Malakoff, dans les Hauts-de-Seine, et qu'il était, au demeurant, toujours placé en congé maladie. Dès lors, M. B...est fondé à soutenir que le principe du respect des droits de la défense a été méconnu. Ainsi, la décision de licenciement a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres branches du moyen tiré d'un vice de procédure.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article de l'article L. 3414-1 du code de la défense : " L'établissement public d'insertion de la défense est un établissement public de l'Etat placé sous la tutelle du ministre de la défense, du ministre chargé de l'emploi et du ministre chargé de la ville. / Il a pour objet l'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplômes ou sans titres professionnels ou en voie de marginalisation sociale. / L'établissement public d'insertion de la défense : / 1° Organise des formations dispensées dans des institutions et par un encadrement s'inspirant du modèle militaire ; / 2° Accueille et héberge des jeunes dans le cadre de ces formations ; / 3° Peut développer des actions de coopération nationale ou internationale avec des collectivités publiques, des entreprises, des organismes publics ou privés de formation ou intéressés à ce type d'action, notamment par voie de convention ou de prise de participation. ". Aux termes des dispositions de l'article 43-2 du décret du 17 janvier 1986 dans leur rédaction alors applicable : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents non titulaires sont les suivantes : / 1° L'avertissement ; / 2° Le blâme ; / 3° L'exclusion temporaire des fonctions avec retenue de traitement pour une durée maximale de six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et d'un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ; / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement. ".

5. Il résulte de l'instruction qu'en raison de relations conflictuelles persistantes opposant M. B... à une partie de ses collègues, le directeur du centre de Cambrai et la direction générale de l'établissement ont mis en place une mission de médiation, devant permettre à M. B...de reprendre ses fonctions à l'issue de son congé maladie dans des conditions acceptables par ses collègues et par lui-même, et dans l'intérêt du service. Toutefois, M. B...a refusé les conditions de la reprise de fonction qui lui était ainsi proposée en précisant qu'il souhaitait sélectionner les agents avec lesquels il acceptait ou non d'exercer sa mission, ce que l'intéressé ne conteste pas utilement. Ainsi, la matérialité des faits reprochés à M. B... est établie. En tant qu'ils caractérisent un refus d'obéissance et d'exécuter ses obligations professionnelles et qu'ils révèlent aussi des difficultés relationnelles avec les autres agents du centre de Cambrai et sa direction, ainsi qu'une absence de volonté persistante de s'inscrire dans un fonctionnement en équipe, malgré les démarches de médiation et les propositions de résolution initiées par ses supérieurs hiérarchiques, ces faits constituent une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Eu égard, d'une part, à la gravité de cette faute, qui était de nature à nuire au bon fonctionnement du service et à porter atteinte à la réalisation de la mission d'insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplômes ou sans titres professionnels ou en voie de marginalisation sociale dévolue à l'Etablissement public d'insertion de la défense en application de l'article L. 3414-1 du code de la défense et, d'autre part, au comportement passé de M.B..., qui s'est vu auparavant infliger un avertissement, le 1er avril 2009, pour désobéissance à un ordre donné par un supérieur hiérarchique et non respect de consignes écrites, ainsi qu'un blâme, le 22 novembre 2010, pour des faits de violence envers un volontaire qui ont été notamment de nature à affecter l'image de l'administration auprès du public, alors que sa mission justifiait une particulière exemplarité à l'égard des jeunes qu'il encadrait, le licenciement de l'intéressé constitue, dans les circonstances de l'espèce, une mesure proportionnée.

6. En quatrième lieu, si M. B...se borne à nouveau en cause d'appel à alléguer qu'il aurait été sanctionné une seconde fois pour les mêmes faits et que la décision de licenciement prise à son encontre présenterait un caractère discriminatoire, ces moyens ne sont pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peuvent qu'être écartés.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la décision par laquelle M. B...a été licencié à titre disciplinaire est entachée d'un vice de forme tiré du défaut de motivation et d'un vice de procédure ayant été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière. Ces illégalités constituent des fautes de l'Etablissement public d'insertion de la défense.

Sur le lien de causalité :

8. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.

9. Il résulte de l'instruction que ni son défaut de motivation, ni la méconnaissance des droits de la défense dont est entachée la décision de licenciement n'est susceptible d'avoir exercé, en l'espèce, une influence sur la nature ou le quantum de la sanction pour les motifs indiqués aux points 5 et 6, et qu'ainsi la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière. Par conséquent, les préjudices financiers dont M. B... se prévaut ne peuvent être regardés comme résultant des vices de forme et de procédure dont la décision de licenciement était entachée en l'absence de lien de causalité direct entre ces vices de légalité externe et les préjudices allégués. Par suite, les conclusions indemnitaires de M. B...doivent être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Etablissement public d'insertion de la défense sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Etablissement public d'insertion de la défense présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B...et à l'Etablissement public d'insertion de la défense.

Copie en sera transmise pour information à la ministre des armées, à la ministre du travail, et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01443
Date de la décision : 22/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions.

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Auxiliaires - agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DELOMEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 11/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2018-11-22;16da01443 ?
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