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12/02/2019 | FRANCE | N°16DA02231

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3, 12 février 2019, 16DA02231


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Beauvais à lui verser une somme de 744 501,71 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par le centre hospitalier de Beauvais.

Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Oise a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Beauvais à lui verser la somme de 96 926,37 euros en remboursement de ses débours.


Par un jugement n° 1403187 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif d'A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... H...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le centre hospitalier de Beauvais à lui verser une somme de 744 501,71 euros en indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis à l'occasion de sa prise en charge par le centre hospitalier de Beauvais.

Appelée en la cause, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Oise a demandé au tribunal de condamner le centre hospitalier de Beauvais à lui verser la somme de 96 926,37 euros en remboursement de ses débours.

Par un jugement n° 1403187 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a condamné le centre hospitalier de Beauvais à verser à Mme H... une indemnité de 174 188,06 euros ainsi qu'à la CPAM de l'Oise une somme de 96 926,37 euros en remboursement de ses débours, et a mis à la charge de cet établissement les frais d'expertise, l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme H... et non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 novembre 2016 et le 9 mai 2017, le centre hospitalier de Beauvais, représenté par Me F...E..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, de confier à un expert en radiothérapie une contre-expertise sur le principe de la responsabilité ;

3°) en tout état de cause, de mettre à la charge de Mme H... une somme de 2 304,42 euros au titre des entiers dépens et des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de M. Charles-Edouard Minet, rapporteur public,

- et les observations de MeB... A..., représentant le centre hospitalier de Beauvais, et de Me C...I..., représentant MmeH....

Considérant ce qui suit :

1. Atteinte d'un cancer du sein, Mme H... a subi, après trois interventions chirurgicales, des séances de radiothérapie associées à des séances de chimiothérapie, délivrées au centre hospitalier de Beauvais au cours de l'année 1997. Elle a présenté par la suite des troubles sensitifs du membre supérieur gauche qui ont conduit en mai 2015 au diagnostic d'une plexite radique. Le centre hospitalier de Beauvais relève appel du jugement du 29 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens l'a condamné à indemniser les préjudices subis par Mme H...et a mis à sa charge les débours exposés par la CPAM de l'Oise. Par la voie de l'appel incident, Mme H...demande à la cour de réformer ce jugement en tant que le tribunal a limité à 174 188,06 euros l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier de Beauvais en indemnisation de ses préjudices et de porter le montant de cette indemnité à 744 501,71 euros.

2. Pour estimer que la responsabilité du centre hospitalier de Beauvais était engagée en raison d'un surdosage des radiations délivrées à MmeH..., le tribunal administratif d'Amiens s'est fondé sur le rapport déposé par l'expert désigné en référé, le DrD..., selon lequel, si la dose totale délivrée à Mme H... en vingt-et-une séances était inférieure à 50 grays (Gy), conformément aux données alors acquises de la science, la dose délivrée au cours de sept de ces séances réparties sur une durée de quinze jours avait été supérieure à 2 Gy pour chacune d'elles, en méconnaissance des recommandations résultant d'une étude internationale publiée en 1993. Toutefois, il résulte d'un document détaillé, rédigé le 16 juin 2015 par un médecin qualifié en " oncologie radiothérapie ", produit par le centre hospitalier de Beauvais, que d'après le modèle dit Alpha / Bêta, élaboré durant les années 1980, la toxicité des radiations reçues par la patiente au niveau du plexus brachial au cours de ces sept séances équivalait, par rapport à la dose de référence de 20 Gy répartie délivrée en dix fractions de 2 Gy chacune sur une même période de quinze jours, à celle de 19,25 Gy, inférieure au maximum admis, le niveau des radiations reçues devant ainsi être apprécié globalement sur la totalité du traitement, et non en fonction des doses reçues séance par séance. Par ailleurs, l'analyse des conséquences sur la radiosensibilité de la patiente de la chimiothérapie associée figurant dans le rapport de l'expert judiciaire, fondé sur des données recueillies in vitro, est contredite par celle qui résulte d'une analyse précise, par l'auteur de la note du 16 juin 2015, des modalités d'administration à Mme H... de la chimiothérapie. Enfin, les données qui permettraient d'apprécier les risques pour Mme H...de subir la plexite radique dont elle est atteinte figurant dans le rapport d'expertise lui-même apparaissent hétérogènes dès lors que l'expert se réfère, d'une part, en page 33 du rapport, à un risque de survenance d'une plexite radique de 1,3 % pour une dose totale de 50 Gy et, d'autre part, en page 34 du rapport, à une incidence de la plexite radique de 0,6 % en l'absence de chimiothérapie, par rapport à une incidence de 4,5 % lorsque celle-ci est associée à une chimiothérapie.

3. Dans ces conditions, la cour n'est suffisamment informée, au regard des données alors acquises de la science et des pratiques communément admises en 1997, ni sur la licéité du protocole de radiothérapie appliqué à Mme H...au centre hospitalier de Beauvais et des modalités selon lesquelles celle-ci a été associée à une chimiothérapie, ni sur les risques alors connus de survenance d'une plexite radique, inhérents aux choix thérapeutiques retenus, par rapport à d'autres possibilités thérapeutiques éventuelles. Elle ne l'est pas non plus en ce qui concerne l'ampleur des conséquences de ces choix, qui doivent être mesurées à la lumière des connaissances actuelles, sur les chances pour Mme H...d'échapper à la plexite radique survenue. Il convient, dès lors, d'ordonner une nouvelle expertise aux fins pour la cour de se prononcer sur la responsabilité du centre hospitalier de Beauvais.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera, avant dire droit, procédé à une expertise avec mission pour l'expert :

1°/ de prendre connaissance de l'entier dossier médical de MmeH..., s'il l'estime nécessaire, d'entendre et, s'il y a lieu selon lui pour répondre aux questions de la cour, d'examiner celle-ci ;

2°/ après avoir rappelé les éléments pertinents de l'histoire médicale de Mme H..., de décrire précisément le traitement reçu par l'intéressée en 1997 au centre hospitalier de Beauvais et de présenter avec précision, en se référent en particulier aux publications nationales et internationales, ainsi qu'aux travaux des instances officielles ou reconnues dans ce domaine, l'état des données alors acquises de la science et des pratiques alors communément admises ; l'expert pourra également, afin d'éclairer ses analyses, faire état de l'évolution des pratiques et apprécier la conformité du traitement en cause à la lumière de l'état de l'art postérieur à son administration ;

3°/ de donner une évaluation des risques alors connus de survenance d'une plexite radique, inhérents aux choix thérapeutiques retenus, par rapport à d'autres possibilités thérapeutiques éventuelles en comparant leur niveau d'efficacité respectif pour la prise en charge de la pathologie de Mme H... ;

4°/ en explicitant son analyse sur la base des éléments énoncés aux points précédents, de se prononcer sur la licéité, à l'époque du traitement, du protocole de radiothérapie appliqué à Mme H..., notamment en ce qui concerne les dosages et le fractionnement, ainsi que des modalités selon lesquelles celle-ci a été associée à une chimiothérapie, compte tenu de leurs effets potentiels sur la radiosensibilité des tissus ;

5°/ à la lumière des connaissances actuelles, d'évaluer l'ampleur des conséquences des éventuelles fautes ou manquements relevés en réponse au point précédent, en donnant pour chacun d'eux une évaluation du taux de perte de chance pour Mme H...d'échapper au dommage ;

6°/ de déterminer la date de consolidation et d'évaluer les préjudices subis ainsi qu'il suit, le cas échéant en actualisant l'évaluation des préjudices faite dans le rapport d'expertise du docteurD... :

a) Préjudices patrimoniaux :

- temporaires (avant consolidation) : dépenses de santé, frais liés au handicap (aménagement du logement, du véhicule, aide par une tierce personne, etc.), perte de revenus, incidence professionnelle, frais divers ;

- permanents (après consolidation) : dépenses de santé, frais liés au handicap (aménagement du logement, du véhicule, aide par une tierce personne, etc.), perte de revenus, incidence professionnelle (possibilité d'exercer une activité professionnelle), frais divers ;

b) Préjudices extra-patrimoniaux :

- temporaires (avant consolidation) : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, en les évaluant sur une échelle de 1 a` 7 ;

- permanents (après consolidation) : déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice esthétique (échelle de 1 à 7), troubles dans les conditions d'existence, préjudice d'agrément, préjudice sexuel.

7°/ d'apporter tout élément complémentaire qui serait selon lui susceptible d'éclairer la cour sur la responsabilité du centre hospitalier de Beauvais.

Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert prendra connaissance du dossier médical et de tous documents concernant MmeH..., pourra se faire communiquer les documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués qu'il estime nécessaire à l'accomplissement de sa mission, et pourra entendre tous sachants.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2, R. 621-9 et R. 621-14 du code de justice administrative. Il pourra, s'il l'estime nécessaire, s'adjoindre le concours d'un sapiteur, après avoir préalablement obtenu l'autorisation du président de la cour. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la Cour en application des dispositions de l'article R. 621-2 du code de justice administrative. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Beauvais, à Mme G... H... et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Oise.

4

N°16DA02231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02231
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: M. Minet
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS NORMAND et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-02-12;16da02231 ?
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