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28/02/2019 | FRANCE | N°17DA00725

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre - formation à 3, 28 février 2019, 17DA00725


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'État à lui verser une somme totale de 283 896 euros, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation à compter de l'enregistrement de sa requête.

Par un jugement n° 1401628 du 16 février 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017, M. C...D..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :

1°) d'

annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'État à lui verser une somme totale de 283 896 euros, assortie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'État à lui verser une somme totale de 283 896 euros, assortie des intérêts de retard et de leur capitalisation à compter de l'enregistrement de sa requête.

Par un jugement n° 1401628 du 16 février 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 avril 2017, M. C...D..., représenté par Me A...B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'État à lui verser une somme totale de 283 896 euros, assortie des intérêts et de leur capitalisation à compter du 13 mars 2014, date d'enregistrement de sa requête devant le tribunal administratif ;

3°) d'ordonner subsidiairement une expertise aux fins d'évaluation du préjudice financier ;

4°) de mettre les dépens liés à cette expertise à la charge de l'État ;

5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- le code du travail ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 98-1143 du 15 décembre 1998 ;

- l'arrêté du 19 mai 2003 du préfet du Nord relatif aux heures de fermeture des débits de boissons à Lille ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jimmy Robbe, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1.La société à responsabilité limitée (SARL) Le Carré VIP, dont M. D...est associé, a fait l'acquisition, le 7 décembre 2007, d'un fonds de commerce de restaurant exploité sous l'enseigne " Le Flam's ", situé au n° 3 de la rue Saint-Etienne à Lille. La société a ouvert son établissement en janvier 2008. Souhaitant y développer une activité de discothèque, elle a sollicité auprès du préfet du Nord une autorisation dérogatoire d'ouverture tardive le 18 février 2008, réceptionnée le 25 février 2008. Par un arrêté du 30 avril 2008, le préfet du Nord a ordonné la fermeture administrative de cet établissement. Le 1er octobre 2008, la même autorité a explicitement rejeté la demande d'autorisation de fermeture tardive. Par un jugement du 29 septembre 2011, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision du 1er octobre 2008. Par un arrêt du 25 octobre 2012, la cour administrative d'appel de Douai a confirmé cette annulation, en se fondant uniquement sur un défaut de motivation. À la suite de la liquidation judiciaire de la société Le Carré VIP, M. D...a demandé au préfet du Nord de l'indemniser de ses préjudices résultant, selon lui, des illégalités externe et interne de la décision du 1er octobre 2008. Il relève appel du jugement du 16 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'État à lui verser une somme totale de 283 896 euros.

Sur la faute tenant au retard avec lequel le préfet du Nord a statué sur la demande présentée par la société Le Carré VIP tendant à la délivrance d'une autorisation de fermeture tardive :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, alors en vigueur : " Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d'acceptation est institué dans les conditions prévues à l'article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet ".

3. La demande présentée par la société Le Carré VIP, tendant à la délivrance d'une autorisation de prolongation d'ouverture, sur le fondement de l'article 4 de l'arrêté préfectoral du 19 mai 2003 relatif aux horaires de fermeture des débits de boissons à Lille, a été réceptionnée par la préfecture du Nord le 25 février 2008. En l'absence de dispositions particulières dérogeant à l'article 21 de la loi du 12 avril 2000 ci-dessus reproduite, le silence gardé pendant deux mois par le préfet du Nord a donné naissance à une décision de rejet, et ce, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que, par une lettre du 25 février 2008, cette autorité a informé la société Le Carré VIP de la saisine pour avis de la maire de Lille et des services de police et lui a indiqué qu'elle serait informée " de la suite réservée à sa demande ".

4. Si, par une lettre du 1er octobre 2008, faisant suite à une seconde demande de la société Le Carré VIP du 9 juin 2018, le préfet du Nord a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée, cette décision explicite se borne, en l'absence de tout élément nouveau, à confirmer le refus implicite né dans les conditions indiquées au point 3, auquel elle se substitue.

5. M. D... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une faute en statuant tardivement sur la demande de la société Le Carré VIP.

Sur la faute tenant à l'illégalité interne de la décision du 1er octobre 2008 par laquelle le préfet du Nord a confirmé le rejet de cette demande :

6. Toute illégalité est constitutive d'une faute. Ainsi, la décision par laquelle l'autorité administrative rejette illégalement une demande constitue une faute de nature à engager sa responsabilité, à condition, notamment, que l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre l'illégalité ainsi commise et le préjudice invoqué puisse être établi.

7. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté préfectoral du 19 mai 2003 relatif aux horaires de fermeture des débits de boissons à Lille, pris en application des articles L. 2212-2 et L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction alors applicable : " Les heures de fermeture des débits de boissons, restaurants, bars, cabarets, discothèques et tous les établissements assimilés ouverts au public dans lesquels sont servies des boissons à consommer sur place sont fixées comme suit dans la ville de Lille : Pour tous les établissements : Minuit sauf les exceptions suivantes : - 1 heure les nuits du vendredi au samedi et du dimanche au lundi - 2 heures les nuits du samedi et les veille et jour de fêtes à caractère général ". L'article 4 de cet arrêté dispose que : " Des autorisations de prolongation d'ouverture, révocables, fondées sur le caractère particulier de l'établissement, pourront être accordées, à la demande de l'exploitant, par l'autorité préfectorale, sur avis du maire de Lille, des services de police et de la commission de sécurité, sous réserve des exigences de la sauvegarde de l'ordre et de la tranquillité publique, du respect des dispositions du décret du 15 décembre 1998 pour les établissements concernés et de la signature par l'exploitant d'un engagement à respecter les dispositions de la charte de la vie nocturne de la ville de Lille. / Ces autorisations seront renouvelées en cas de changement d'exploitant ". Aux termes de l'article 1er du décret alors en vigueur du 15 décembre 1998 relatif aux prescriptions applicables aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, à l'exclusion des salles dont l'activité est réservée à l'enseignement de la musique et de la danse : " Les dispositions du présent décret s'appliquent aux établissements ou locaux recevant du public et diffusant à titre habituel de la musique amplifiée, à l'exclusion des salles dont l'activité est réservée à l'enseignement de la musique et de la danse (...) ". Selon l'article 2 de ce décret : " En aucun endroit, accessible au public, de ces établissements ou locaux, le niveau de pression acoustique ne doit dépasser 105 dB(A) en niveau moyen et 120 dB en niveau de crête, dans les conditions de mesurage prévues par arrêté ". L'article 5 de ce décret dispose que : " L'exploitant d'un établissement visé à l'article 1er est tenu d'établir une étude de l'impact des nuisances sonores (...) ".

8. La décision du 1er octobre 2008 est uniquement fondée sur la " situation de [l'] établissement dans un quartier où le développement d'une vie nocturne pour les débits de boissons ne permettrait plus de garantir la quiétude des nuits d'une population résidente nombreuse ". La décision du 4 décembre 2008, confirmant sur recours gracieux celle du 1er octobre 2008, est fondée sur les avis défavorables émis par la commission technique de la vie nocturne lilloise et par les services de police, ces avis défavorables étant eux-mêmes fondés sur cette même considération tenant à la quiétude des nuits de la population résidente.

9. L'appelant relève que l'autorisation de fermeture tardive avait été accordée au précédant exploitant du même fonds de commerce. Il ressort également des pièces du dossier de première instance qu'après la liquidation judiciaire de la société Le Carré VIP, une autorisation de fermeture tardive a été accordée au nouvel exploitant.

10. Cependant, il résulte de l'instruction que l'établissement sous l'enseigne " Le Carré VIP " a ouvert dès le 24 janvier 2008, en dépit de l'avis défavorable émis par la commission communale de sécurité et d'accessibilité, et en proposant à la vente des boissons alcoolisées dont la distribution nécessite l'obtention d'une licence de groupe IV, alors que l'autorisation d'exploitation de cette licence ne lui avait été accordée qu'à compter du 1er février 2008. Le préfet du Nord relève également que cet établissement n'avait, préalablement à son ouverture, ni établi l'étude de l'impact des nuisances sonores exigée par les dispositions mentionnées au point 5, ni obtenu l'autorisation de diffusion de musique amplifiée, et qu'en outre le niveau de la musique diffusé par l'établissement a méconnu les normes réglementaires applicables.

11. Ces circonstances, qui sont établies par les pièces du dossier, et qui ne sont pas sérieusement contestées par l'appelant, pouvaient justifier au fond un refus d'autorisation de fermeture tardive. Les préjudices invoqués ne peuvent ainsi être regardés comme la conséquence de l'illégalité, à la supposer établie, des motifs mentionnés ci-dessus.

Sur la faute tenant à l'illégalité externe de la décision du 1er octobre 2008 par laquelle le préfet du Nord a confirmé le rejet de cette demande :

12. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la décision du 1er octobre 2008 confirmant le refus d'accorder à la société Le Carré VIP l'autorisation de prolongation d'ouverture était justifiée sur le fond. Les préjudices invoqués ne peuvent ainsi être regardés comme la conséquence de l'illégalité, relevée par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai cité au point 1, et revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, tenant au défaut de motivation entachant la décision du 1er octobre 2008.

Sur la faute tenant à l'illégalité interne de l'arrêté du 30 avril 2008 par lequel le préfet du Nord a prononcé pour une durée d'un mois la fermeture administrative du débit de boissons à l'enseigne " Carré VIP " :

13. D'une part, aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. La fermeture des débits de boissons et des restaurants peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas six mois, à la suite d'infractions aux lois et règlements relatifs à ces établissements. / Cette fermeture doit être précédée d'un avertissement qui peut, le cas échéant, s'y substituer, lorsque les faits susceptibles de justifier cette fermeture résultent d'une défaillance exceptionnelle de l'exploitant ou à laquelle il lui est aisé de remédier. / 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'État dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. Le représentant de l'État dans le département peut réduire la durée de cette fermeture lorsque l'exploitant s'engage à suivre la formation donnant lieu à la délivrance d'un permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 3. Lorsque la fermeture est motivée par des actes criminels ou délictueux prévus par les dispositions pénales en vigueur, à l'exception des infractions visées au 1, la fermeture peut être prononcée pour six mois. Dans ce cas, la fermeture entraîne l'annulation du permis d'exploitation visé à l'article L. 3332-1-1. / 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation (...) ".

14. D'autre part, aux termes de l'article L. 324-9 du code du travail, dans sa version en vigueur au 30 avril 2008 : " Le travail totalement ou partiellement dissimulé, défini et exercé dans les conditions prévues par l'article L. 324-10, est interdit ainsi que la publicité, par quelque moyen que ce soit, tendant à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé. Il est également interdit d'avoir recours sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé (...) ". L'article L. 324-10 du même code, dans sa version en vigueur, dispose que : " Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'activité l'exercice à but lucratif d'une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce par toute personne physique ou morale qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations : / a) N'a pas requis son immatriculation au répertoire des métiers ou, dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, au registre des entreprises ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d'immatriculation, ou postérieurement à une radiation ; / b) Ou n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale en vertu des dispositions législatives et réglementaires en vigueur. / Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait, pour tout employeur, de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de l'une des formalités prévues aux articles L. 143-3 et L. 320. / La mention sur le bulletin de paie d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué constitue, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord conclu en application du chapitre II du titre Ier du livre II du présent code, une dissimulation d'emploi salarié ". Aux termes de l'article L. 362-3 du même code du travail, dans sa même version : " Toute infraction aux interdictions définies à l'article L. 324-9 est punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende (...) ". Enfin, l'article L.362-6 du code du travail dans sa version en vigueur disposait alors que : " Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction définie à l'article L. 362-3 (...) ".

15. L'arrêté du 30 avril 2008, par lequel le préfet du Nord a prononcé pour une durée d'un mois la fermeture administrative du débit de boissons à l'enseigne " Carré VIP ", est notamment fondé sur la présence, lors d'un contrôle effectué le 9 février 2008, d'une personne non déclarée exerçant les fonctions de disc-jockey. Si l'appelant soutient que la société n'a pas commis d'infraction de travail dissimulé dès lors que cette personne n'avait occupé ces fonctions de disc-jockey que de manière brève et bénévolement, aucun commencement de preuve n'est apporté à l'appui de cette allégation. Un tel manquement, qui est réputé constituer une situation de travail dissimulé prohibée par le code du travail et pénalement sanctionnée, est de nature à justifier dans son principe, alors même qu'une régularisation serait intervenue postérieurement au contrôle, une mesure de fermeture temporaire sur le fondement des dispositions du 3 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, qui n'avait pas, par ailleurs, à être précédée d'un avertissement. En prononçant cette fermeture pour une durée d'un mois, le préfet du Nord n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dans les circonstances de l'espèce.

16. En l'absence d'illégalité interne entachant cet arrêté du 30 avril 2008, M. D...n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Nord aurait commis une faute en l'édictant.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., au ministre de l'intérieur et à Me A...B....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°17DA00725 6


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