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07/03/2019 | FRANCE | N°16DA01634

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation à 3, 07 mars 2019, 16DA01634


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La sous-préfète de l'arrondissement de Dieppe a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler certains lots du marché de travaux relatif à la restructuration et à l'extension de la salle des fêtes, de l'école primaire et de la mairie, ainsi qu'au réaménagement des espaces extérieurs, que lui a transmis la commune de Saint-Hellier le 14 janvier 2014.

Par un jugement n° 1402063 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé les contrats relatifs aux lots n° 3 et n° 4, n

° 8 et n° 14, et n° 10 à n° 12 du marché relatif à la restructuration et à l'extens...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La sous-préfète de l'arrondissement de Dieppe a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler certains lots du marché de travaux relatif à la restructuration et à l'extension de la salle des fêtes, de l'école primaire et de la mairie, ainsi qu'au réaménagement des espaces extérieurs, que lui a transmis la commune de Saint-Hellier le 14 janvier 2014.

Par un jugement n° 1402063 du 19 juillet 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé les contrats relatifs aux lots n° 3 et n° 4, n° 8 et n° 14, et n° 10 à n° 12 du marché relatif à la restructuration et à l'extension de la salle des fêtes, de l'école primaire, de la mairie ainsi qu'au réaménagement des espaces extérieurs conclus par la commune de Saint-Hellier.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 septembre 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 12 octobre 2018, la commune de Saint-Hellier, représentée par Me E...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter le déféré de la sous-préfète de l'arrondissement de Dieppe ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me C...B..., représentant la commune de Saint-Hellier.

Considérant ce qui suit :

1. En décembre 2012, la commune de Saint-Hellier a lancé une procédure adaptée pour la passation d'un marché relatif à la restructuration et à l'extension de la salle des fêtes, de l'école primaire et de la mairie, ainsi qu'au réaménagement des espaces extérieurs. Les lots n° 1 à 14 du marché ont été attribués aux sociétés Potel, Duhamel Hermay, Mazire (lots n° 3 et n° 4), Buray et fils (lots n° 5 et n° 6), Boe, Macé (lots n° 8 et n° 14), Tranel, Gamm (lots n° 10 à 12) et Dumouchel. Les quatorze lots du marché ont ensuite été communiqués aux services de la sous-préfecture de Dieppe, le 14 janvier 2014. Dans le cadre du contrôle de légalité, la sous-préfète de Dieppe, par lettre du 28 février 2014, reçue le 1er mars 2014, a adressé un recours gracieux au maire de la commune de Saint-Hellier tendant à l'annulation des lots n° 3, 4, 8, 10, 11, 12 et 14 du marché et à la relance d'une procédure de passation. La commune n'a adressé aucune réponse à la sous-préfète, sous réserve d'un courriel d'attente du 20 mai 2014, qui restera sans suite. La sous-préfète de l'arrondissement de Dieppe a alors saisi le tribunal administratif de Rouen le 27 juin 2014 d'un déféré tendant à l'annulation des lots n° 3, 4, 8, 10, 11, 12 et 14 du marché précité. La commune de Saint-Hellier relève appel du jugement n° 1402063 du 19 juillet 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé les contrats relatifs aux lots n° 3 et n° 4, n° 8 et n° 14, et n° 10 à n° 12 de ce marché.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-Hellier en première instance tirée de la tardiveté du déféré préfectoral :

2. D'une part, en vertu des dispositions de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. En vertu des dispositions du 1° et du 4° de l'article L. 2131-2 du même code, les actes soumis à l'obligation de transmission préalable au représentant de l'Etat sont, sauf exception, les délibérations du conseil municipal ou les décisions prises par délégation du conseil municipal en application de l'article L. 2122-22, ainsi, notamment, que les conventions relatives aux marchés dont le montant est supérieur à un seuil défini par décret. Selon les dispositions de l'article D. 2131-5-1 du même code, ce seuil était de 200 000 euros hors taxes à la date de signature du marché et de 207 000 euros hors taxes à la date de la transmission du marché au représentant de l'Etat. En outre, l'article L. 2131-13 du même code rend applicable les dispositions de l'article L. 1411-9 aux marchés passés par les communes, ces dispositions prévoyant, dans leur rédaction alors applicable, que l'autorité territoriale joint l'ensemble des pièces dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. Cette liste est fixée par l'article R. 2131-5 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La transmission au préfet ou au sous-préfet des marchés des communes et de leurs établissements publics autres que les établissements publics de santé comporte, les pièces suivantes / 1° La copie des pièces constitutives du marché, à l'exception des plans ; / 2° La délibération autorisant le représentant légal de la commune ou de l'établissement à passer le marché ; / 3° La copie de l'avis d'appel public à la concurrence ainsi que, s'il y a lieu, de la lettre de consultation ; / 4° Le règlement de la consultation, lorsque l'établissement d'un tel document est obligatoire ; / 5° Les procès-verbaux et rapports de la commission d'appel d'offres, de la commission de la procédure de dialogue compétitif et les avis du jury de concours, avec les noms et qualités des personnes qui y ont siégé, ainsi que le rapport de présentation de la personne responsable du marché prévu par l'article 79 du code des marchés publics ; / 6° Les renseignements, attestations et déclarations fournis en vertu des articles 45 et 46 du code des marchés publics ". Il résulte de ces dispositions que pour le mettre à même d'exercer le contrôle de légalité sur un marché, une commune ne peut se borner à transmettre au représentant de l'Etat la délibération du conseil municipal autorisant le maire à signer ce marché.

3. D'autre part, en vertu des dispositions de l'article L. 2131-6 du même code, le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. L'envoi, dans ce délai, d'un recours gracieux à la commune concernée a pour effet d'interrompre le cours de ce délai et de le proroger, un nouveau délai de deux mois recommençant à courir à compter de la réponse de l'autorité décentralisée.

4. Il résulte de l'instruction que si la commune de Saint-Hellier a transmis le 1er août 2013 au représentant de l'Etat la délibération du 15 avril 2013 par laquelle son conseil municipal a autorisé son maire à signer le marché en litige avec les entreprises retenues pour chaque lot de ce marché, elle n'a toutefois transmis les conventions et les pièces du marché que le 14 janvier 2014, au demeurant de manière incomplète ainsi qu'il résulte du courrier de la sous-préfète de l'arrondissement de Dieppe du 28 février 2014. Il est, en outre, constant que le montant total de ce marché de 340 872,18 euros hors taxes était supérieur au seuil précisé au point 2, fixé par l'article D. 2131-5-1 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, en saisissant le maire de la commune de Saint-Hellier d'un recours gracieux daté du 28 février 2014, reçu le 1er mars 2014, soit dans le délai de deux mois suivant la transmission du 14 janvier 2014 dont elle disposait pour déférer ce marché au tribunal administratif de Rouen, la sous-préfète de l'arrondissement de Dieppe a interrompu ce délai qui, ayant été prorogé par l'effet de ce recours gracieux, a recommencé à courir à compter de son rejet implicite par la commune de Saint-Hellier. Il suit de là que le déféré enregistré le 27 juin 2014 par le greffe du tribunal administratif de Rouen n'était pas tardif, et que la commune de Saint-Hellier n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a écarté la fin de non-recevoir pour tardiveté qu'elle avait opposée devant les premiers juges.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que se borne à alléguer la commune de Saint-Hellier, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rouen, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a répondu aux moyens utilement soulevés en première instance, et, en mentionnant ce lot dans les paragraphes n° 6, 8 et 9 de son jugement, a nécessairement examiné le moyen soulevé par la commune tiré de ce que le lot n° 14, qui aurait fait l'objet d'un marché distinct, aurait été inclus à tort dans le rapport final d'analyse des offres et ne devrait, dès lors, pas être concerné par l'annulation du marché. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la validité du marché en litige :

6. Aux termes de l'article 10 du code des marchés publics alors en vigueur à la date de conclusion du marché en litige : " Afin de susciter la plus large concurrence, et sauf si l'objet du marché ne permet pas l'identification de prestations distinctes, le pouvoir adjudicateur passe le marché en lots séparés dans les conditions prévues par le III de l'article 27. A cette fin, il choisit librement le nombre de lots, en tenant notamment compte des caractéristiques techniques des prestations demandées, de la structure du secteur économique en cause et, le cas échéant, des règles applicables à certaines professions. Les candidatures et les offres sont examinées lot par lot. Les candidats ne peuvent présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d'être obtenus. Si plusieurs lots sont attribués à un même titulaire, il est toutefois possible de ne signer avec ce titulaire qu'un seul marché regroupant tous ces lots ".

7. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'analyse des offres daté du mois d'avril 2013, produit par la sous-préfète de l'arrondissement de Dieppe en première instance et qui lui a été transmis par la commune de Saint-Hellier dans le cadre du contrôle de légalité, qu'en pages 8 et 9, il est indiqué que la société Mazire a proposé d'accorder une remise de 8,5 % en cas de groupement des deux lots n° 3 et n° 4 et que la commune a pressenti de la retenir " en groupement des lots n° 3 et 4 ", qu'en page 27, il est indiqué qu'en cas de groupement des lots n° 8 et 14, l'entreprise Macé consent une remise de 1 000 euros, et qu'en pages 24 et 25, la société Gamm a proposé une remise de 3 % sur le montant du lot n° 12 pour le cas où les lots n° 10 à n° 12 seraient " groupés ", une autre société, la SARL Solution, également candidate à l'attribution de ces trois lots, ayant proposé une remise identique dans ce même cas. En outre, à supposer même que cette version du rapport d'analyse des offres ne soit que provisoire et qu'elle ait été transmise " par erreur " dans le cadre du contrôle de légalité ainsi que le fait valoir la commune de Saint-Hellier, il résulte également du rapport d'analyse des offres qu'elle a produit et qu'elle présente comme en étant la version définitive, qu'en page 8, il est indiqué que " l'entreprise Mazire propose une remise de 8,5 % (hors option) si elle est mieux disante sur l'autre lot pour lequel elle a répondu ". Il résulte également des observations présentées par la société Gamm, dans le cadre de la présente procédure, qu'elle indique ne pas être à l'initiative de la remise consentie. Enfin, contrairement à ce que soutient à nouveau la commune de Saint-Hellier, en cause d'appel, il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'analyse des offres précités, que les remises susmentionnées ont été proposées par les candidates mentionnées ci-dessus avant que leurs offres ne soient classées en première position et que c'est d'ailleurs grâce à cette remise qu'elles ont pu, pour certaines, être classées premières. Il résulte de ce qui précède qu'en laissant, voire en incitant, les entreprises concernées à réduire le montant de leur offre en fonction du nombre de lots qui pourraient leur être attribués, la commune de Saint-Hellier a méconnu les dispositions précitées de l'article 10 du code des marchés publics, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Rouen.

8. Par ailleurs, contrairement à ce que se borne à alléguer la commune de Saint-Hellier, il ne résulte pas de l'instruction que le lot n° 14 aurait été inclus à tort dans le rapport final d'analyse des offres et relèverait d'un marché distinct des autres lots du marché en litige.

En ce qui concerne les conséquences des vices entachant la validité du marché en litige :

9. Il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence de vices entachant la validité du contrat, d'en apprécier les conséquences. Il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité éventuellement commise, soit de prononcer la résiliation du contrat ou de modifier certaines de ses clauses, soit de décider de la poursuite de son exécution, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation par la collectivité contractante, soit enfin, après avoir vérifié si l'annulation du contrat ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, d'annuler, totalement ou partiellement, le cas échéant avec un effet différé, le contrat.

10. Il résulte de l'instruction, notamment des termes du rapport d'analyse des offres dans ses deux versions, que les propositions de remises, effectuées en méconnaissance des dispositions de l'article 10 du code des marchés publics par les sociétés Mazire, Macé et Gamm, dans l'hypothèse où elles seraient déclarées attributaires de plusieurs lots du marché, ont déterminé la décision de la commune de leur attribuer respectivement les lots n° 3 et n° 4, les lots n° 8 et n° 14, et les lots n° 10 à n° 12 et, par suite, d'évincer irrégulièrement d'autres candidats à l'attribution de ces lots.

11. Il résulte aussi de l'instruction que tous les lots en litige ont été exécutés et réceptionnés. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de prononcer la résiliation du contrat, ni de modifier certaines de ses clauses, ni de décider de la poursuite de son exécution. En outre, contrairement à ce que se borne à alléguer la commune de Saint-Hellier, il ne résulte pas de l'instruction que l'annulation des lots litigieux porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants. Dès lors, eu égard à la gravité des irrégularités précitées, lesquelles ne sont pas régularisables, il y a lieu de prononcer l'annulation totale des contrats portant sur les lots n° 3 et n° 4, n° 8 et n° 14, et n° 10 à n° 12 du marché en litige.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sain-Hellier n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé les contrats relatifs aux lots n° 3 et n° 4, n° 8 et n° 14, et n° 10 à n° 12 du marché relatif à la restructuration et à l'extension de la salle des fêtes, de l'école primaire et de la mairie ainsi qu'au réaménagement des espaces extérieurs. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Saint-Hellier est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Hellier, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la société Buray et fils, à la SARL Boe, à la société Cyril Dumouchel, à la société Duhamel Hermay, à la SA Gamm, à la société Eric Macé, à la société Emmanuel Mazire, à la SAS Potel TTP, et à Me D...en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Tranel.

Copie en sera transmise pour information à la préfète de la Seine-Maritime et au sous-préfet de l'arrondissement de Dieppe.

N°16DA01634 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA01634
Date de la décision : 07/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales - Déféré préfectoral.

Marchés et contrats administratifs - Règles de procédure contentieuse spéciales - Voies de recours.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP EMO HEBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-07;16da01634 ?
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