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25/03/2019 | FRANCE | N°16DA02446

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 25 mars 2019, 16DA02446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1401865 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2016 et le

24 septembre 2018, M.D..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Par un jugement n° 1401865 du 13 octobre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 décembre 2016 et le 24 septembre 2018, M.D..., représenté par Me A...C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, à défaut, la réduction des impositions, cotisations et pénalités en litige ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de commerce d'Amiens sur la procédure engagée par la société CITV selon assignation du 15 août 2018 ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la décharge des seules majorations pour manquement délibéré dont ces impositions ont été assorties ;

5°) en toute hypothèse, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D...a été, jusqu'au 20 mai 2011, gérant de la société à responsabilité limitée CITV, dont le siège est situé à Poulainville (Somme) et qui exploite un centre de contrôle technique pour véhicules. Cette société a fait l'objet, au cours de l'année 2013, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011. Au cours de ce contrôle, le vérificateur a constaté qu'un compte courant ouvert au nom de M. D...dans la comptabilité de la SARL CITV présentait un solde débiteur à la clôture de chacun des exercices vérifiés, respectivement à hauteur de 27 612,60 euros et de 41 106,72 euros. Ces sommes ont été regardées comme des revenus distribués. En conséquence et indépendamment de la procédure d'imposition suivie parallèlement à l'égard de la société, l'administration fiscale a adressé à M. D... une proposition de rectification du 5 juillet 2013 ayant pour but de réintégrer ces sommes dans ses revenus imposables des années correspondantes. Mais l'intéressé n'a pas retiré le pli, qui a été retourné au service à l'issue du délai de garde avec la mention " non réclamé ". M. D...n'ayant formulé aucune observation quant à ce rehaussement, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondantes ont été mises en recouvrement le 31 octobre 2013. Il a alors présenté une réclamation à fin de décharge le 10 janvier 2014, qui a été rejetée le 24 mars 2014. M. D...relève appel du jugement du 13 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge, et à titre subsidiaire, à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ainsi que des pénalités afférentes. Il demande, en outre, à titre infiniment subsidiaire en appel, la décharge des majorations pour manquement délibéré dont ces rehaussements ont été assortis.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Une proposition de rectification est suffisamment motivée dès lors qu'elle indique clairement la nature des redressements envisagés, le montant de ces redressements distinctement par catégorie de revenus et par chef de redressements, l'impôt et l'année d'imposition, et que ces motifs sont suffisamment explicites pour permettre au contribuable d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations.

3. La proposition de rectification adressé, en l'espèce, à M. D...le 5 juillet 2013 indiquait l'impôt concerné et les années d'imposition en cause, précisait la nature et le fondement légal des rectifications opérées, l'incidence de ces rehaussements de la base imposable sur les cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge de l'intéressé au titre de chacune de ces années, de même que leur conséquence en matière de prélèvements sociaux, enfin, la justification, en droit et en fait, de l'intérêt de retard et de la majoration pour manquement délibéré dont ces impositions supplémentaires ont été assorties. Contrairement à ce que soutient M.D..., ce document présentait pour chacune des années en cause, sous la forme de deux tableaux, l'état des soldes mensuels du compte courant d'associé ouvert au nom de l'intéressé dans la comptabilité de la SARL CITV et qui ont conduit à dégager les soldes débiteurs que l'administration a regardés comme des revenus distribués. Les éléments ainsi contenus dans ce document, qui n'avait pas à comporter le détail de chacune des dépenses correspondant aux sommes inscrites au débit du compte courant d'associé de M. D..., permettaient à ce dernier de présenter d'utiles observations et constituaient, par suite, une motivation suffisante, sans qu'ait d'incidence le fait qu'il n'a pas retiré, malgré l'avis de passage qui lui a été délivré, le pli contenant cette proposition de rectification. Enfin, dès lors que les rehaussements notifiés à l'intéressé ne procèdent pas des rectifications notifiées parallèlement à la SARL CITV, la circonstance que cette proposition de rectification n'était accompagnée que d'une copie incomplète de celle adressée à cette société, et à laquelle elle ne fait d'ailleurs aucune référence, est dépourvue d'incidence sur le caractère suffisant de cette motivation.

4. Comme il vient d'être dit au point précédent, les impositions en litige ne procèdent pas des rectifications notifiées à la SARL CITV, même si le constat du solde débiteur du compte courant d'associé ouvert au nom de M. D...auprès de cette société a été effectué au cours de la vérification de comptabilité dont celle-ci a fait l'objet. Par suite, M. D...ne peut utilement tirer argument de ce qu'il n'a ni eu accès à cette comptabilité ni été rendu destinataire d'une copie complète de la proposition de rectification adressée à cette société pour soutenir qu'il n'aurait pas été mis à même de contester utilement les rehaussements opérés sur ses propres revenus imposables. A cet égard, M. D...ne peut utilement invoquer les stipulations du 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales devant le juge de l'impôt, qui ne statue pas en matière pénale et ne tranche pas des contestations sur des droits et des obligations à caractère civil, quand bien même il fait application d'une législation ayant pour effet de priver rétroactivement le contribuable de la possibilité d'obtenir la décharge d'une imposition.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'invocation de l'autorité de chose jugée au pénal :

5. Les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par le juge pénal s'imposent au juge de l'impôt. En revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui.

6. Il résulte de l'instruction que, par un jugement du 8 avril 2014 devenu définitif, le tribunal correctionnel d'Amiens a condamné M. D...à raison d'une partie seulement des faits pour lesquels il était poursuivi. Par ce jugement, le tribunal a, en effet, estimé que l'infraction d'abus de biens ou de crédits d'une société qui lui était reprochée n'était constituée que s'agissant d'une partie des sommes inscrites au débit de son compte courant d'associé au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 mai 2011. Il en résulte que, pour le surplus de ces sommes, le tribunal correctionnel, dans le silence de son jugement, a nécessairement estimé que l'enquête préliminaire n'avait pas permis de réunir des éléments suffisants pour permettre de regarder l'infraction comme constituée. Il ne résulte, dans ces conditions, d'aucune des mentions du jugement invoqué que le juge répressif se serait fondé sur des constatations de fait qui auraient permis d'exclure formellement que l'intéressé ait été l'auteur d'une partie des faits qui lui étaient imputés. Par suite, l'autorité de chose jugée attachée à ce jugement ne faisait obstacle ni à ce que l'administration fiscale se livre à sa propre appréciation de la réalité de ces faits et à leur qualification au regard de la loi fiscale ni à ce que le juge de l'impôt examine le bien-fondé des rehaussements correspondants.

En ce qui concerne la contestation de l'appréhension des sommes réputées distribuées :

7. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) " et aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / (...) ".

8. Les sommes inscrites au débit d'un compte courant d'associé, qui correspondent à des créances que la société détient à l'égard de l'associé titulaire du compte, ont, sauf preuve contraire apportée par ce dernier, le caractère de revenus imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

9. Si M. D...conteste, en particulier, avoir eu la disposition de la somme de 6 152 euros inscrite en juin 2011 au débit du compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de la SARL CITV, il n'apporte aucun élément au soutien de son assertion sur ce point, alors même qu'une attestation du comptable de la société, versée à l'instruction, fait état d'un prélèvement financier sous la forme de quatre chèques émis à l'ordre de M.D..., les opérations correspondantes ayant été inscrites en comptabilité. Il suit de là que l'administration a pu regarder à bon droit cette somme comme ayant la nature d'un revenu distribué et la soumettre, en conséquence, à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions précitées du a de l'article 111 du code général des impôts.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

11. Il ressort de la proposition de rectification adressée le 5 juillet 2013 à M. D...que l'administration fiscale a justifié l'application au cas d'espèce des majorations pour manquement délibéré prévues par les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts par les motifs que les revenus distribués dont M. D...était réputé avoir eu la disposition et qu'il n'avait pas portés sur ses déclarations de revenus des années correspondantes représentaient 178% de ses revenus déclarés en 2010 et 100% de ses revenus déclarés en 2011. L'administration a retenu, en outre, qu'en sa qualité de gérant de la SARL CITV au cours de la période couvrant les années 2010 et 2011, M. D...ne pouvait ignorer ni les mouvements répétés ayant affecté son compte courant d'associé ni la situation débitrice que connaissait ce compte à la clôture des exercices 2010 et 2011. Dans ces conditions, en se bornant à soutenir qu'il n'aurait eu connaissance de ces écritures comptables qu'à l'occasion de la procédure pénale, M. D...ne conteste pas sérieusement le bien-fondé de ces majorations. Par suite, l'administration apporte la preuve qui lui incombe qu'en s'abstenant, dans ces conditions, de porter les sommes correspondantes dans ses déclarations de revenus, M. D...a manifesté une intention délibérée d'éluder l'impôt. Elle a pu, dès lors, légalement assortir les rehaussements en cause de la majoration de 40% prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il y ait lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires à fins de sursis à statuer, M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 13 octobre 2016, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16DA02446
Date de la décision : 25/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme Grand d'Esnon
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : GRAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-03-25;16da02446 ?
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