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28/05/2019 | FRANCE | N°16DA01230

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre - formation à 3 (bis), 28 mai 2019, 16DA01230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL du Quesne a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la métropole européenne de Lille, l'Union des syndicats d'assainissement du Nord, la SAS Unibéton et la SARL Entreprise Planque à lui verser la somme de 124 498 euros en indemnisation des préjudices subis à la suite d'inondations de ses parcelles.

Par un jugement n° 1104797 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions présentées à l'encontre de la SAS Unibéton et de la SARL Entr

eprise Planque, a condamné solidairement la métropole européenne de Lille et l'Un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL du Quesne a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la métropole européenne de Lille, l'Union des syndicats d'assainissement du Nord, la SAS Unibéton et la SARL Entreprise Planque à lui verser la somme de 124 498 euros en indemnisation des préjudices subis à la suite d'inondations de ses parcelles.

Par un jugement n° 1104797 du 3 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions présentées à l'encontre de la SAS Unibéton et de la SARL Entreprise Planque, a condamné solidairement la métropole européenne de Lille et l'Union des syndicats d'assainissement du Nord à lui verser la somme de 124 498 euros en indemnisation de ses préjudices, a condamné l'Union des syndicats d'assainissement du Nord à garantir la métropole européenne de Lille des condamnations prononcées contre elle à hauteur de 30 % de la somme totale mise à leur charge solidaire, a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 12 112,53 euros à la charge de la métropole européenne de Lille à hauteur de 70 % et de l'Union des syndicats d'assainissement du Nord à hauteur de 30 %, et a mis à la charge de la métropole européenne de Lille et de l'Union des syndicats d'assainissement du Nord une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée par fax le 30 juin 2016 et confirmée par courrier le 4 juillet 2016, l'Union des syndicats d'assainissement du Nord, représentée par Me H... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par l'EARL du Quesne devant le tribunal administratif de Lille en tant qu'elle est dirigée contre elle ;

3°) de mettre à la charge de toute partie perdante la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me E...A..., représentant l'USAN, de Me C...D...représentant la MEL, et de Me F...G..., représentant l'EARL du Quesne.

Considérant ce qui suit :

1. L'EARL du Quesne exploite, sur le territoire de la commune d'Ennetières en Weppes, plusieurs parcelles, bordées par la becque du Wacquet, cours d'eau non domanial aménagé et canalisé par l'homme, qui s'est trouvé incorporé dans l'emprise du bassin de rétention ZICA construit en 1992 par la communauté urbaine de Lille en vue de recueillir les eaux pluviales de la zone industrielle voisine de la Chapelle d'Armentières. Ces parcelles subissant, depuis 2005, des inondations fréquentes, elle a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner solidairement la métropole européenne de Lille (MEL), l'Union des syndicats d'assainissement du Nord (USAN), la SAS Unibéton et la SARL Entreprise Planque à lui verser la somme de 124 498 euros en indemnisation des préjudices subis à la suite de ces inondations. L'USAN interjette appel du jugement du 3 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille l'a condamnée solidairement avec la MEL à verser à l'EARL du Quesne la somme de 124 498 euros, l'a condamnée à garantir la MEL des condamnations prononcées contre elle à hauteur de 30 % de la somme totale mise à leur charge solidaire, a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 12 112,53 euros, à sa charge. La MEL en interjette appel incident en tant que ce jugement l'a condamnée solidairement avec l'USAN à indemniser l'EARL du Quesne et l'a condamnée à garantir l'USAN des condamnations prononcées contre elle.

Sur la responsabilité de l'USAN :

2. Il est constant que le syndicat d'assainissement des vallées de la Lys et de la Deûle a procédé, jusqu'en 2004, à l'entretien et au curage de la becque du Wacquet. Il résulte en outre de ses statuts, adoptés en 2007, que l'USAN, à laquelle le syndicat d'assainissement de la Lys et de la Deule est adhérent, est notamment compétente s'agissant de l'entretien des lits des cours d'eau non navigables et non flottables. A la date du dommage, l'USAN avait donc la charge de l'entretien de la becque, les opérations d'entretien, assurées en exécution d'une mission de service public, revêtant le caractère de travaux publics. Compte tenu des avantages que l'EARL du Quesne retirait de cet entretien effectué sur le lit du cours d'eau dont elle est propriétaire au droit de sa parcelle, en vertu de l'article L. 215-2 du code de l'environnement, celle-ci a la qualité d'usager à l'égard de ces travaux.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lille, que, contrairement à ce que soutient l'USAN, l'absence d'entretien de la Becque a participé à la réalisation des dommages subis par l'EARL du Quesne. L'USAN soutient que la pollution de l'eau et des sédiments de la becque du Wacquet l'empêchait de reverser les sédiments curés sur les parcelles adjacentes, en application de l'article L. 215-15 du code de l'environnement, la contraignant à procéder à un stockage et à un retraitement adaptés qui ne relevaient ni de ses compétences matérielles, ni de ses obligations statutaires. Les agissements des sociétés situées en amont, et qui seraient à l'origine des pollutions en cause, ont le caractère de fait du tiers, et ne peuvent, par suite, être invoqués par l'USAN afin de l'exonérer de sa responsabilité. Elle n'est pas plus utilement fondée à soutenir que le bassin de rétention ZICA serait exclusivement à l'origine des désordres. Il résulte en outre du rapport d'expertise que l'entretien de la becque ne consiste pas uniquement en un curage des boues et sédiments, mais nécessite également un entretien manuel par prélèvement des végétaux qui colonisent la becque, et un enlèvement de ces végétaux. L'USAN n'établit pas avoir réalisé cet entretien. L'expert a, par ailleurs, relevé que les plaques qui constituent le fond et les versants de la becque sont en mauvais état et favorisent la colonisation du milieu par la végétation. Dans ces conditions, l'USAN, qui n'établit pas avoir assuré un entretien normal de la becque du Wacquet, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille l'a condamnée solidairement avec la MEL à réparer les dommages causés aux parcelles exploitées par l'EARL du Quesne en raison de l'absence d'entretien suffisant de la becque du Wacquet.

Sur la responsabilité de la MEL :

4. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure.

5. Il résulte de l'instruction qu'un bassin de rétention des eaux pluviales de la zone industrielle de la chapelle d'Armentières, appelé bassin ZICA, a été construit en 1992 sous maîtrise d'ouvrage de la communauté urbaine de Lille, devenue la MEL, et qu'il est, depuis, entretenu par elle. La MEL a donc la qualité de maître de cet ouvrage. Il résulte du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lille que l'existence et la conception de ce bassin de rétention sont en partie à l'origine des dommages subis par l'EARL du Quesne. La becque du Wacquet a en effet été incorporée au bassin ZICA lors de la construction de celui-ci, contre l'avis du service hydraulique de la direction départementale des eaux et forêts, et du syndicat d'assainissement des vallées de la Lys et de la Deûle. Cette incorporation est, selon l'expert, à l'origine de l'aggravation des inondations survenant en amont de ce bassin, en particulier dans les zones basses que sont les terrains agricoles exploités par l'EARL du Quesne. L'existence même du bassin ZICA a donc participé à la réalisation des dommages subis par l'EARL du Quesne. Il résulte en outre de l'instruction que ce bassin est limité à un débit nettement inférieur à celui de la becque du Wacquet, ce qui a pour but d'éviter les inondations en aval, sur la zone industrielle, mais a également pour effet de provoquer, en cas de pluviométrie importante, l'aggravation des conséquences des inondations en amont de ce bassin, sur les zones agricoles. Il résulte d'ailleurs de l'étude de modélisation hydraulique réalisée, à la demande de la MEL, en 2007, que ces effets étaient ceux recherchés lors de la création du bassin, et que les parcelles agricoles étaient considérées comme " des secteurs à faibles enjeux ". Il résulte, par suite, de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la MEL, l'existence et la conception de ce bassin de rétention ont participé à la réalisation des dommages subis par l'EARL du Quesne. La MEL n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille l'a condamnée solidairement avec l'USAN à réparer les dommages causés aux parcelles exploitées par l'EARL du Quesne en raison de l'existence et de la conception du bassin de rétention ZICA.

Sur le partage de responsabilité :

6. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu du rapport d'expertise, il sera fait une juste appréciation de la responsabilité respective de l'USAN et de la MEL en confirmant les taux de 30 % et 70 % retenus par le tribunal administratif de Lille. Par suite, la MEL n'est pas fondée à demander à être intégralement garantie par l'USAN et cette dernière à être totalement exonérée de cette garantie. Dès lors, leurs conclusions tendant à la réformation, dans l'une ou l'autre mesure, de l'article 3 du jugement attaqué doivent être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité des conclusions présentées par la MEL, que l'USAN et la MEL ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille les a condamnées solidairement à indemniser les préjudices subis par l'EARL du Quesne, et a condamné l'USAN à garantir la MEL à hauteur de 30 % de cette condamnation.

Sur les frais d'expertise :

8. Il y a lieu de laisser les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 12 112,53 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Lille du 23 mai 2011, à la charge de la MEL à hauteur de 70 % et de l'USAN à hauteur de 30 %.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'Union des syndicats d'assainissement du Nord est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la métropole européenne de Lille sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union des syndicats d'assainissement du Nord, à la métropole européenne de Lille, à l'EARL du Quesne, à la SAS Unibéton et à la SARL Entreprise Planque.

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N°16DA01230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 16DA01230
Date de la décision : 28/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP MASSON et DUTAT

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-05-28;16da01230 ?
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