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08/07/2019 | FRANCE | N°17DA00539

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 08 juillet 2019, 17DA00539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Nord Picardie, venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 52 130,05 euros toutes taxes comprises en paiement des travaux supplémentaires correspondant à l'exécution des remblais périphériques aux bâtiments C et C', réalisés dans le cadre du lot n° 6 du marché de restructuration et extension du centre hospitalier Laennec à Creil, avec intérêt

s moratoires au taux légal majoré de deux points sur cette somme, à compter du 13...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Colas Nord Picardie, venant aux droits de la société Screg Nord Picardie, a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 52 130,05 euros toutes taxes comprises en paiement des travaux supplémentaires correspondant à l'exécution des remblais périphériques aux bâtiments C et C', réalisés dans le cadre du lot n° 6 du marché de restructuration et extension du centre hospitalier Laennec à Creil, avec intérêts moratoires au taux légal majoré de deux points sur cette somme, à compter du 13 novembre 2010, et capitalisation de ces intérêts. A titre subsidiaire, elle a demandé la condamnation solidaire du groupe hospitalier public du sud de l'Oise, de la SAS agence Michel Beauvais et associés et de la SAS Jacobs France à lui verser la somme de 52 130,05 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison des fautes commises par ces derniers ou, à défaut, la condamnation de la SAS agence Michel Beauvais et associés et de la SAS Jacobs France à lui verser la même somme en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de la méconnaissance des stipulations contractuelles du marché.

Par un jugement n° 1404652 du 31 janvier 2017, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 mars 2017, et des mémoires en réplique, enregistrés les 12 décembre 2017 et 8 octobre 2018, la SAS Colas Nord Picardie, représentée par Me B... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal, de condamner le groupe hospitalier public du sud de l'Oise à lui verser la somme de 52 130,05 euros toutes taxes comprises en paiement des travaux supplémentaires, augmentée des intérêts moratoires calculés selon les modalités définies par l'article 5 du décret du 21 février 2002 à compter du 13 novembre 2010 avec capitalisation par années entières ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner solidairement le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, la société agence Michel Beauvais et associés et la société Nox industrie et process ou, à défaut, les seules sociétés agence Michel Beauvais et associés et Nox industrie et process, à lui verser la même somme en réparation des préjudices subis du fait des fautes qu'ils ont commis ;

4°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître C... lui a, à tort, demandé d'exécuter des travaux de remblai entre les bâtiments C (rotonde) et C'qui constituent des travaux supplémentaires non prévus par les stipulations du lot n° 6 " voirie et réseaux divers / espaces verts " du marché ;

- par exception à l'annexe au cahier des prescriptions générales communes, qui met à la charge du titulaire du lot " voirie et réseaux divers / espaces verts " la réalisation des terrassements pour plateforme à l'extérieur de l'emprise des bâtiments et les remblais en périphéries de ceux-ci, le deuxième alinéa de l'article 5.1 du cahier des clauses techniques particulières de ce lot prévoit que c'est le titulaire du lot " gros oeuvre " qui réalisera le remblai entre ces deux bâtiments ;

- il n'y a pas de contradiction entre le cahier des clauses techniques particulières et le cahier des prescriptions générales communes, certes de rang supérieur dans la hiérarchie des pièces contractuelles, dès lors que la commune intention des parties a été de prévoir, dans le cahier des clauses techniques particulières, une exception au cahier des prescriptions générales communes ;

- le deuxième alinéa de l'article 5.1 du cahier des clauses techniques générales du lot n° 6 doit être interprété selon les règles définies aux articles 1157 et 1188 du code civil ;

- les motifs avancés par le maître de l'ouvrage pour rejeter sa réclamation tendant au paiement de ces travaux ne sont pas justifiés ;

- il est inexact d'affirmer, comme l'a relevé le tribunal administratif d'Amiens, que les dispositions dérogatoires qu'elle invoque n'ont pas été reprises dans le cahier des clauses techniques particulières du lot comportant les prestations de gros oeuvre alors que l'article 5.2.3. de ce cahier prévoit que " l'entreprise doit prévoir le remblai systématique des fouilles contre ses ouvrages autre que le remblai des fouilles générales " ; les remblais en cause sont des remblais contre les bâtiments C et C', pour lesquels le titulaire du lot gros oeuvre est intervenu notamment pour des travaux de sous-oeuvre, de sorte que leur réalisation est à la charge du titulaire du lot " gros oeuvre " ;

- la photographie aérienne montre que l'espace entre les deux bâtiments C et C' est très réduit ; de plus, il ressort des plans produits que les patios entre ces bâtiments ont une longueur comprise entre 8,46 et 8,23 m et la largeur de l'emprise des fouilles au droit de chaque bâtiment est de deux mètres ; il faut donc déduire quatre mètres de la longueur des patios de sorte qu'il resterait un peu plus de quatre mètres de remblais à sa charge, ce qui montre qu'il est parfaitement logique, sur le plan technique, que ce soit le titulaire du lot " gros oeuvre " qui soit chargé de la réalisation de ces remblais ;

- le maître de l'ouvrage a commis une faute dans son pouvoir de direction et dans la conception même du marché ;

- le maître C... a commis une faute en interprétant de manière erronée les pièces contractuelles, ce qui l'a contrainte à réaliser à ses frais des travaux qui étaient en réalité à la charge du titulaire du lot " gros oeuvre ", et en manquant à ses obligations dans la préparation de la consultation des entreprises de manière telle que celles-ci puissent présenter leurs offres en toute connaissance de cause ;

- elle est bien fondée à demander le paiement, à compter du 13 novembre 2010, d'intérêts moratoires au taux de l'intérêt légal, majoré de deux points, en vertu de l'article 5 du décret du 21 février 2002, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dont les dispositions prévalent sur les stipulations de l'article 5.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché qui prévoient l'application du taux de l'intérêt légal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2017, la SAS agence Michel Beauvais et associés, représentée par Me F... E..., conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que la société Jacobs France la garantisse intégralement de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) à la mise à la charge de la SAS Colas Nord Picardie de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 décembre 2017, et un autre mémoire, enregistré le 18 février 2019, le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, représenté par Me A... D..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SAS Colas Nord Picardie de la somme de 7 000 euros, majorée de la taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête et les mémoires ont été communiqués à la société Nox Industrie et Process, venant aux droits de la société Jacobs France, qui n'a pas produit de mémoire.

La clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 15 avril 2019 à 12 heures.

Les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel provoqué présentées par la SAS agence Michel Beauvais et associés tendant à ce que la société Nox Industrie et Process venant aux droits de la société Jacobs France la garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- les observations de Me B... G..., représentant la société Colas Nord Picardie, et celles de Me H... I..., représentant le groupe hospitalier public du sud de l'Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier Laennec de Creil (Oise), devenu le groupe hospitalier public du sud de l'Oise après son regroupement avec celui de Senlis, a décidé d'engager des travaux portant sur sa restructuration et son extension. Il a confié la maîtrise C... au groupement composé de la SAS agence Michel Beauvais et associés, mandataire du groupement, de la SAS Jacobs France et de la société Economie 80, par un marché conclu le 10 juillet 2003. Par un acte d'engagement signé le 11 mars 2010, le centre hospitalier Laennec de Creil a confié le lot n° 6 " voirie et réseaux divers / espaces verts " (" VRD ") du marché à l'entreprise Screg Nord Picardie SA, pour un prix global et forfaitaire de 3 099 441,58 euros hors taxes, porté à 3 349 225,12 euros par trois avenants. Le lot n° 1 A relatif notamment aux travaux de gros oeuvre a été confié à une autre société. L'ordre de service de démarrage des travaux a été notifié le 11 mars 2010. Alors que la société Screg Nord Picardie SA estimait être en attente d'un ordre de service pour la réalisation de travaux supplémentaires de réalisation de remblais entre les bâtiments C et C', par courrier du 24 septembre 2010, le maître C... l'a mise en demeure de réaliser ces remblais, en application des stipulations du marché. Par courrier du 27 septembre 2010, la SA Screg Nord Picardie a adressé au maître C... un mémoire en réclamation tendant au paiement d'une somme de 52 130,05 euros toutes taxes comprises pour l'exécution desdits remblais. Le maître de l'ouvrage a rejeté cette demande par courrier du 16 novembre 2010. Le 6 décembre 2010, la SA Screg Nord Picardie a adressé un mémoire complémentaire au maître d'ouvrage. La société Colas Nord Picardie, venant aux droits de la SA Screg Nord Picardie en vertu d'un avenant, conclu le 29 janvier 2013, au lot n° 6 du marché, relève appel du jugement du 31 janvier 2017 par lequel le tribunal d'Amiens a rejeté sa demande tendant à ce que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise soit condamné à lui verser la somme de 52 130,05 euros toutes taxes comprises en paiement des travaux supplémentaires correspondant à l'exécution des remblais périphériques aux bâtiments C et C', assortie d'intérêts moratoires capitalisés, ou, à titre subsidiaire, que le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, la SAS agence Michel Beauvais et associés et la société Jacobs France, ou, à défaut, les seules sociétés agence Michel Beauvais et associés et Jacobs France, soient condamnés solidairement à lui verser la même somme en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison des fautes commises par ceux-ci dans la rédaction et la mise en oeuvre des stipulations contractuelles du marché.

Sur les conclusions de l'appel principal :

En ce qui concerne les conclusions principales tendant au paiement de travaux supplémentaires :

2. D'une part, aux termes de l'article 12 du code des marchés publics, dans sa rédaction applicable à la date de la signature du marché : " I. - Les pièces constitutives des marchés passés selon une procédure formalisée comportent obligatoirement les mentions suivantes : " /.../ 5° L'énumération des pièces du marché ; ces pièces sont présentées dans un ordre de priorité défini par les parties contractantes. Sauf cas d'erreur manifeste, cet ordre de priorité prévaut en cas de contradiction dans le contenu des pièces /.../ ", et aux termes de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Les pièces contractuelles, constitutives du marché, classées par ordre de priorité décroissante, sont les suivantes : / A : pièces particulières / 1° l'Acte d'Engagement PE 02 et son annexe en cas de sous-traitance / 2° Le Cahier des Clauses Administratives Particulières PE 03 (C.C.A.P.) /.../ 7° Le Cahier des Prescriptions Générales Communes (C.P.G.C) valable pour tous les corps d'état PE 07 et ses annexes / 8° Le Cahier des Clauses Techniques Particulières (C.C.T.P.) propres à chaque corps d'état PE 14. /.../ ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1er du cahier des limites de prestations des lots techniques, qui constitue l'annexe K au cahier des prescriptions générales communes : " /.../ Les dispositions figurant dans le présent document commun à tous les marchés de l'opération, ont pour objet de fixer des règles d'intervention et limites de prestations entre intervenants. L'incidence financière de ces règles est considérée comme faisant partie intégrante du prix de l'entrepreneur. /.../ Les interventions hors bâtiment sont assurées par le lot VRD (excepté la démolition des bâtiments existants) /.../ ", et aux termes de l'article 2 du même cahier, le titulaire du lot comportant les prestations de gros oeuvre est chargé de la " Réalisation des terrassements pour plates-formes constructibles avec mise en dépôt des terres de déblais à l'extérieur du site et évacuation des terres excédentaires ", tandis que le titulaire du lot " voirie et réseaux divers / espaces verts " doit la " Réalisation des terrassements pour plates-formes à l'extérieur de l'emprise des bâtiments avec mise en dépôt des terres de déblais à l'extérieur du site et évacuation des terres excédentaires " ainsi que la " Reprise aux dépôts des terres pour réalisation des remblais en périphérie des bâtiments et dans l'emprise des bâtiments démolis ".

4. Enfin, aux termes du 1 de l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 6 intitulé " limites de prestations " : " Le VRD réalisera l'ensemble des terrassements en remblai et déblai pour la réalisation des plateformes pour l'ensemble des ouvrages (voiries, espaces verts). / Le lot Gros oeuvre réalisera les terrassements en déblai pour la réalisation des plateformes bâtiment et certain remblai (rotonde) entre bâtiments existants et neufs (rotonde). " et aux termes de l'article 5.2.3 intitulé " Terrassements complémentaires et remblais " du cahier des clauses techniques particulières du lot comportant les prestations de gros oeuvre : " Les remblais des talus de fouilles générales sont prévus au lot VRD. / L'entreprise doit prévoir le remblai systématique des fouilles contre ses ouvrages autre que le remblai des fouilles générales. (...) / L'entreprise doit prévoir le remblai des tranchées pour câble de mise à la terre et les remblais des tranchées pour réseaux sous emprise des bâtiments ".

5. Il résulte des dispositions et stipulations citées au point 2, d'une part, qu'en cas de contradiction dans le contenu des pièces du marché, l'ordre de priorité défini par le contrat, sauf cas d'erreur manifeste, prévaut, et, d'autre part, que, dans le cadre du marché en litige, le cahier des prescriptions générales communes prévaut sur le cahier des clauses techniques particulières propres à chaque corps d'état. La SAS Colas Nord Picardie, qui ne soutient ni même n'allègue que l'ordre de priorité ainsi défini résulterait d'une erreur manifeste, soutient à nouveau, en cause d'appel, que, selon la commune intention des parties et compte tenu de la portée des stipulations citées aux points 3 et 4 qu'il y a lieu d'interpréter selon les règles définies aux articles 1157 et 1188 du code civil, les stipulations citées au point 4 dérogent sans ambigüité ni contradiction à celles citées au point 3 et qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de rechercher l'ordre de priorité de ces documents. Toutefois, il résulte au contraire de l'instruction que les stipulations du 1 de l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 6 citées au point 4, qui prévoient que le titulaire du lot relatif aux travaux de gros oeuvre réalisera " certain remblai (rotonde) entre bâtiments existants et neufs (rotonde) ", sont en contradiction avec les stipulations citées au point 3, qui prévoient clairement que les interventions hors bâtiment et la réalisation des terrassements pour plates-formes à l'extérieur de l'emprise des bâtiments sont assurées par le titulaire du lot " VRD ", et qui mettent la réalisation des " remblais en périphérie des bâtiments " à la charge de ce dernier. Il s'ensuit que, compte tenu de cette contradiction dans le contenu de ces documents, il y a lieu de faire prévaloir les stipulations citées au point 3 sur celles du 1 de l'article 5 du cahier des clauses techniques particulières du lot n° 6, citées au point 4, compte tenu de l'ordre de priorité défini par le marché.

6. La SAS Colas Nord Picardie fait, en outre, valoir que les remblais en cause sont la conséquence des fouilles contre les ouvrages à la charge du titulaire du lot " gros oeuvre ", de sorte que leur réalisation serait aussi à la charge de ce titulaire en application des stipulations de l'article 5.2.3 du cahier des clauses techniques particulières du lot comportant les prestations de gros oeuvre citées au point 4. Elle soutient, également, que la photographie aérienne qu'elle produit montre que l'espace entre les deux bâtiments C et C' est très réduit et qu'il ressort des plans produits que les patios entre ces bâtiments ont une longueur comprise entre 8,46 et 8,23 m, de sorte qu'une fois déduite la largeur de l'emprise des fouilles contre chaque bâtiment, qui serait, selon elle, d'une largeur de deux mètres, il ne resterait qu'un espace trop réduit entre les bâtiments C et C' pour que la réalisation des remblais puisse être mise à sa charge, ce qui montrerait ainsi qu'il est parfaitement logique, sur le plan technique, que ce soit le titulaire du lot " gros oeuvre " qui soit chargé de la réalisation de ces remblais. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment des plans qu'elle produit, que les remblais en cause sont principalement réalisés pour le terrassement d'espaces verts à créer entre les bâtiments C et C', qui sont des bâtiments distincts, bien que reliés entre eux en certains points. Or il résulte des stipulations citées au point 3 que de tels terrassements d'espaces verts, tout comme, d'ailleurs, les remblais en périphérie des bâtiments, sont à sa charge et non à celle du titulaire du lot relatif aux travaux de gros oeuvre. Par suite, les stipulations de l'article 5.2.3 " Terrassements complémentaires et remblais " du cahier des clauses techniques particulières du lot comportant les prestations de gros oeuvre ne peuvent être interprétées comme dérogeant aux stipulations citées au point 3.

7. Il s'ensuit que la société Colas Nord Picardie n'est pas fondée à demander au maître de l'ouvrage le paiement des travaux de remblais réalisés entre les bâtiments C et C', qui, faisant partie des prévisions du lot n° 6 " voirie et réseaux divers / espaces vert " dont elle était titulaire, ne présentent pas le caractère de travaux supplémentaires. Il résulte de ce qui précède que ses conclusions tendant au paiement d'une somme de 52 130,05 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires calculés selon les modalités définies par l'article 5 du décret du 21 février 2002, à compter du 13 novembre 2010, avec capitalisation, doivent être rejetées.

En ce qui concerne les conclusions subsidiaires tendant à ce que la responsabilité du maître d'ouvrage et celle du maître C... soient engagées :

S'agissant de la responsabilité du groupe hospitalier public du sud de l'Oise :

8. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique. Contrairement à ce que se borne à alléguer la SAS Colas Nord Picardie, il ne résulte pas de l'instruction que le maître de l'ouvrage ait commis une faute dans son pouvoir de direction ou dans la conception même du marché, ou en refusant de faire droit à sa demande par courrier du 16 novembre 2010. Par suite, ses conclusions tendant à la condamnation du groupe hospitalier public du sud de l'Oise doivent être rejetées.

S'agissant de la responsabilité de la SAS agence Michel Beauvais et associés et de la société Nox Industrie et Process venant aux droits de la société Jacobs France :

9. D'une part, il résulte de ce qui est dit aux points 2 à 7 que le maître C... n'a pas méconnu les stipulations contractuelles du marché en adressant à la SA Screg Nord Picardie, par courrier du 24 septembre 2010, une mise en demeure de réaliser les remblais entre les bâtiments C et C'. Par suite, la SAS Colas Nord Picardie, venant aux droits de la SA Screg Nord Picardie, n'est pas fondée à soutenir que la SAS agence Michel Beauvais et associés et la SAS Jacobs France auraient, pour ce motif, commis une faute susceptible d'engager leur responsabilité quasi-délictuelle.

10. D'autre part, aux termes de l'article 3.3.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " L'Entrepreneur Titulaire ou Mandataire et leurs co-traitants ou sous-traitants sont réputés avoir pris connaissance des lieux et de tous éléments afférents à l'exécution des travaux. / Il reconnaît avoir, notamment, avant la remise de son acte d'engagement : /.../ s'être entouré de tous renseignements complémentaires nécessaires auprès du Maître C... et auprès de tous services ou autorités compétents ". S'il résulte de l'instruction que les pièces du marché comportaient une contradiction quant à la charge de la réalisation des travaux de remblai entre les bâtiments C et C', ainsi qu'il a été dit au point 5, la SAS Colas Nord Picardie, venant au droits de la SA Screg Nord Picardie, qui était en mesure de relever cette contradiction, au besoin en interrogeant le pouvoir adjudicateur, et qui, en signant le marché, est réputée, en application des stipulations précitées, " avoir pris connaissance des lieux et de tous éléments afférents à l'exécution des travaux " et " s'être entourée de tous renseignements complémentaires nécessaires auprès du Maître C... et auprès de tous services ou autorités compétents ", a elle-même commis une faute de nature à exonérer totalement la SAS agence Michel Beauvais et associés et la SAS Jacobs France de leur responsabilité.

11. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions de la SAS Colas Nord Picardie tendant à la condamnation de la SAS agence Michel Beauvais et associés et de la société Nox Industrie et Process venant aux droits de la société Jacobs France à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis doivent être rejetées.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Colas Nord Picardie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions d'appel provoqué de la SAS agence Michel Beauvais et associés :

13. Les conclusions de la SAS agence Michel Beauvais et associés, tendant à ce que la société Nox Industrie et Process, venant aux droits de la société Jacobs France, la garantisse de toutes condamnations prononcées à son encontre, présentées après le délai d'appel, ne seraient recevables que si la situation de leur auteur était aggravée par l'admission de l'appel principal. L'appel principal étant rejeté, ainsi qu'il a été dit au point 12, ces conclusions sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du groupe hospitalier public du sud de l'Oise, de la SAS agence Michel Beauvais et associés et de la société Nox Industrie et Process venant aux droits de la société Jacobs France, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la SAS Colas Nord Picardie demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SAS Colas Nord Picardie une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS agence Michel Beauvais et associés et la même somme au titre des frais exposés par le groupe hospitalier public du sud de l'Oise, au titre des mêmes dispositions. La demande du groupe hospitalier public du sud de l'Oise tendant à ce que cette somme, qui ne correspond ni à la livraison d'un bien ni à une prestation de services effectuée à titre onéreux, soit augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Colas Nord Picardie est rejetée.

Article 2 : La SAS Colas Nord Picardie versera au groupe hospitalier public du sud de l'Oise et à la SAS agence Michel Beauvais et associés une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du groupe hospitalier public du sud de l'Oise et de la SAS agence Michel Beauvais et associés est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Colas Nord Picardie, au groupe hospitalier public du sud de l'Oise, à la SAS agence Michel Beauvais et associés, et à la société Nox Industrie et Process venant aux droits de la société Jacobs France.

Délibéré après l'audience publique du 26 juin 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- Mme Valérie Petit, président-assesseur,

- M. Hervé Cassara, premier conseiller.

Lu en audience publique le 8 juillet 2019.

Le rapporteur,

Signé : H. CASSARA

Le président de chambre,

Signé : P.-L. ALBERTINILe greffier,

Signé : I. GENOT

La République mande et ordonne à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier,

Isabelle Genot

N°17DA00539 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA00539
Date de la décision : 08/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Hervé Cassara
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BILLEMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-08;17da00539 ?
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