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03/10/2019 | FRANCE | N°18DA01317

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 18DA01317


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Loison a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Armentières (Nord) au titre des années 2008 et 2009, ainsi que du supplément de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2010.

Par un jugement n°1302136 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.<

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Par un arrêt n°16DA01366 du 20 juin 2017, la cour administrative d'appel de Douai a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Loison a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Armentières (Nord) au titre des années 2008 et 2009, ainsi que du supplément de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2010.

Par un jugement n°1302136 du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n°16DA01366 du 20 juin 2017, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté la requête de la SAS Loison.

Par une décision n°413466 du 25 juin 2018, le Conseil d'Etat, sur un pourvoi en cassation introduit par la SAS Loison, a annulé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 26 juillet 2016, le 28 octobre 2016 et le 5 octobre 2018, la SAS Loison, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Armentières (Nord) au titre des années 2008 et 2009, ainsi que du supplément de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2010 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise en confiant à l'expert la mission d'apprécier si elle dispose d'importants moyens techniques dans son établissement d'Armentières et, dans l'affirmative, de préciser si leur rôle est prépondérant dans l'exercice de ses activités au sein de cet établissement.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Loison, qui exploite un établissement situé rue des Deux Ponts à Armentières (Nord), exerce l'activité de conception, de fabrication et de pose de charpentes ainsi que de menuiseries métalliques. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que cet établissement devait, en ce qui concerne la taxe professionnelle et la cotisation foncière des entreprises, être regardé comme présentant un caractère industriel, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts. En conséquence, des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle ont été mises à sa charge au titre des années 2008 et 2009, de même qu'un supplément de cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010. La SAS Loison a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, qui, par un jugement du 26 mai 2016, a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions. La SAS Loison ayant relevé appel de ce jugement, la cour administrative d'appel de Douai, par un arrêt du 20 juin 2017, a rejeté sa requête. Toutefois, le Conseil d'Etat, saisi par la SAS Loison, a, par une décision du 25 juin 2018, annulé l'arrêt de la cour, aux motifs que celui-ci était entaché d'insuffisance de motivation et d'erreur de droit, et lui a renvoyé le jugement de l'affaire.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :

2. En vertu du deuxième alinéa de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, le contribuable ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration.

3. Il résulte de la réclamation contentieuse, datée du 3 août 2012, introduite par la SAS Loison que celle-ci comportait liminairement la liste des mises en demeure et des fiches d'imposition supplémentaire dont cette société avait été rendue destinataire, cette liste précisant que l'un de ces documents concernait le supplément de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2010. Cette énumération était suivie d'une mention selon laquelle le rehaussement d'imposition auquel la SAS Loison se trouvait ainsi assujettie faisait l'objet de sa contestation. L'argumentation développée exposait les raisons pour lesquelles la SAS Loison estimait que la valeur locative entrant dans la détermination de l'assiette de ces impositions lui apparaissait ne pouvoir être calculée selon les principes, énoncés à l'article 1499 du code général des impôts, applicables aux établissements industriels. Dans ces conditions, quand bien même cette réclamation, qui n'était pas présentée par le ministère d'un avocat, s'achevait par la mention, inexacte, " En définitive, je sollicite le dégrèvement de la taxe professionnelle rappelée ", elle doit être regardée comme dirigée tant contre les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à la charge de la SAS Loison au titre des années 2008 et 2009 que contre le supplément de cotisation foncière des entreprises également mis à sa charge au titre de l'année 2010. Au demeurant, la décision du 31 janvier 2013 rejetant cette réclamation présente celle-ci comme concernant également le supplément de cotisation foncière des entreprises. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondée et doit, en conséquence, être écartée.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

4. En vertu de l'article 1469, alors en vigueur, du code général des impôts, pour le calcul de la taxe professionnelle et de la cotisation foncière des entreprises, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe. Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties sont définies à l'article 1496 du code général des impôts pour les " locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession autre qu'agricole, commerciale, artisanale ou industrielle ", à l'article 1498 pour " tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 " et à l'article 1499 pour les " immobilisations industrielles ". Revêtent un caractère industriel, au sens de ces articles, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant.

5. Il résulte de l'instruction et, notamment, des éléments d'information produits par la SAS Loison que celle-ci exerce, dans le cadre de son établissement situé à Armentières, son activité de fabrication de charpentes et de menuiseries métalliques au sein de plusieurs ateliers qui occupent une superficie totale de 2 230 m², alors que les surfaces réservées au stockage, à la circulation et au chargement atteignent 2 130 m² au total, que le parc de stationnement représente 2 120 m², que les locaux affectés à usage de bureaux couvrent une surface totale de 1 290 m² et que les locaux sociaux occupent 140 m². Par ailleurs, l'administration précisait, devant les premiers juges, que l'un des ateliers utilisés par la SAS Loison, réservé aux opérations de traitement de surface, était équipé d'un pont roulant de cinq tonnes, d'une cabine de grenaillage, d'une cabine de métallisation, ainsi que d'une cabine d'application de peintures liquides, tandis qu'un atelier de serrurerie comportait notamment une presse plieuse à commande numérique, enfin, que l'atelier charpente était équipé d'un centre d'usinage à commande numérique et de deux ponts roulants. Enfin, la valeur des immobilisations inscrites dans la comptabilité de l'entreprise en tant que " matériels industriels ", au compte 2154, au titre des exercices clos en 2006 à 2008, lesquelles sont les années de référence pour l'établissement des impositions en litige, était supérieure à 280 000 euros en 2007 et à 300 000 euros en 2006, ainsi qu'en 2008, même si, selon la société, qui n'est pas contredite sur ce point, une part de ces matériels représentant une valeur de 50 000 euros environ était constituée d'outillages légers utilisés à l'extérieur des ateliers, ces matériels étant affectés à l'activité de pose et non à celle de fabrication. L'examen des mouvements opérés sur ce compte au cours des années d'imposition en litige révèle encore que des équipements plus lourds, tels une ligne de perçage, des cisailles-plieuses hydrauliques et des postes à souder, ont été acquis. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la SAS Loison doit être regardée comme ayant mis en oeuvre, au cours des années d'imposition en litige, d'importants moyens techniques pour l'exercice de ses activités.

6. Cependant, comme il a été dit au point 1, la SAS Loison exerce, sur le site d'Armentières, non seulement une activité de fabrication de charpentes et de menuiseries métalliques, mais aussi des activités de conception. Elle exerce également, sur les sites d'implantation des constructions métalliques, l'activité de pose de ces éléments pour le compte de ses clients. Elle ne peut, dès lors, être regardée comme se livrant exclusivement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers. En application des principes rappelés au point 4, son établissement ne peut ainsi être regardé comme revêtant un caractère industriel, au sens et pour l'application de l'article 1499 du code général des impôts, que si le rôle des importantes installations techniques, ainsi que des matériels et outillages qu'elle met en oeuvre, peut être regardé comme prépondérant dans la conduite de son exploitation prise dans son ensemble.

7. Il résulte de l'instruction et, notamment, des données chiffrées fournies par la SAS Loison, non contestées par l'administration, que la valeur comptable des logiciels utilisés par elle dans le cadre de son activité de conception et inscrite au compte 2051 s'élevait à un peu plus de 307 000 euros en 2006 et en 2007 et atteignait 351 000 euros en 2008, ces montants s'avérant ainsi supérieurs à ceux, mentionnés au point 5, correspondant à la valeur des immobilisations inscrites dans la comptabilité de l'entreprise en tant que " matériels industriels ", au compte 2154, au titre des mêmes exercices comptables, qui représentaient seulement 14 % environ du montant total des immobilisations en 2006, 12 % en 2007 et 11 % en 2008. En outre, les frais de fonctionnement des installations techniques équipant les ateliers ont représenté environ 23 % des frais de fonctionnement globaux de l'entreprise au cours de l'exercice clos en 2006, leurs parts relatives étant respectivement de 24 % et de 19 % environ au cours des deux exercices suivants. Par ailleurs, sur les 150 salariés environ que comptait l'effectif de la SAS Loison, seuls 40 employés étaient affectés aux opérations de fabrication, de transformation et d'ajustage réalisées en atelier, soit 26 % environ de l'effectif total de l'entreprise, tandis qu'un effectif d'un peu plus de 50 personnes composait les équipes de pose des ouvrages sur les chantiers ou de maintenance, les autres salariés, représentant plus du tiers de l'effectif de l'entreprise, étant employés à des missions de conception, de contrôle, de gestion ou d'encadrement. De surcroît, si 47 % du montant des achats de biens et matériaux acquis par la SAS Loison au cours de la période vérifiée correspondait à des éléments destinés à subir une transformation avant leur mise en oeuvre sur les chantiers, 53 % de ces achats était constitués de produits finis tels des portes, fenêtres, marches, mains courantes ou éléments de quincaillerie et de fixation. Ainsi, si la SAS Loison a mis en oeuvre, dans le cadre de l'exercice de ses activités, des moyens techniques importants, le rôle exercé par ces derniers dans son processus global d'exploitation ne peut être regardé comme prépondérant. Il suit de là que l'administration fiscale n'était pas fondée à estimer que cette société exploitait un établissement industriel au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du code général des impôts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Loison est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 26 mai 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande et à demander la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009, ainsi que du supplément de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2010. Par ailleurs, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS Loison et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1302136 du 26 mai 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La SAS Loison est déchargée des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie dans les rôles de la commune d'Armentières au titre des années 2008 et 2009, ainsi que du supplément de cotisation foncière des entreprises mis à sa charge au titre de l'année 2010.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Loison la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Loison et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01317
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances - Taxe professionnelle - Assiette.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP MERMILLON - RAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-03;18da01317 ?
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