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22/10/2019 | FRANCE | N°17DA01420

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 22 octobre 2019, 17DA01420


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme de 852 133 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis à la suite de la contraction d'une infection nosocomiale au mois d'avril 2012.

Par un jugement n° 1406213 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Lille à verser à M. G... la somme de 38 419,50 euros, et à verser à la ca

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... G... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier régional universitaire de Lille à lui verser la somme de 852 133 euros en indemnisation des préjudices qu'il a subis à la suite de la contraction d'une infection nosocomiale au mois d'avril 2012.

Par un jugement n° 1406213 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Lille a condamné le centre hospitalier régional universitaire de Lille à verser à M. G... la somme de 38 419,50 euros, et à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 74 651,20 euros en remboursement de ses débours ainsi qu'une somme de 1 055 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 juillet 2017 et 12 octobre 2018, M. G..., représenté par Me E... A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement ;

2°) de porter à 852 133 euros la somme de 38 419,50 euros que le centre hospitalier régional universitaire de Lille a été condamné à lui verser en indemnisation de ses préjudices, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il y a lieu d'indemniser ses préjudices patrimoniaux à hauteur de 676 809 euros au titre du préjudice économique et 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

- il y a lieu de porter l'indemnisation accordée au titre de son déficit fonctionnel temporaire à la somme de 2 324 euros ;

- l'indemnisation accordée par le tribunal administratif de Lille au titre des souffrances endurées, du préjudice esthétique permanent, du déficit fonctionnel permanent, et du préjudice sexuel doit être portée aux sommes respectives de 18 000 euros, 10 000 euros, 35 000 euros et 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juillet 2018, le centre hospitalier régional universitaire de Lille, représenté par Me B... F... conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. G... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me E... A..., représentant M. G....

Considérant ce qui suit :

1. Souffrant depuis 2003 de séquelles très douloureuses en raison d'un accident de parapente, M. G..., né en 1961, a été hospitalisé du 2 avril au 5 mai 2012 au centre hospitalier régional universitaire de Lille en vue de l'implantation d'un dispositif de neurostimulation médullaire, qui a nécessité quatre interventions chirurgicales, les 3, 10 et 13 avril pour la pose des électrodes, et le 24 avril pour l'installation du boîtier. M. G... interjette appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille, après avoir déclaré le centre hospitalier régional universitaire de Lille responsable des préjudices subis, tant en raison de l'infection nosocomiale contractée au cours de ce séjour hospitalier que de la perte de chance d'éviter qu'elle ne survienne, a limité l'indemnisation de ce dernier à la somme de 38 419,50 euros.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

2. Si M. G... demande l'indemnisation du préjudice économique résultant de l'impossibilité de poursuivre l'activité de location de chambres d'hôtes qu'il exploitait avec son compagnon, il ne résulte pas de l'instruction que l'infection nosocomiale contractée au mois d'avril 2012, dont il a été guéri en août 2012, et qui, selon le rapport d'expertise, n'a généré qu'une " majoration de sa boiterie " et un accroissement de son déficit fonctionnel permanent de 40 à 50 %, ait été à l'origine directe et exclusive de la décision de céder cette activité. Outre que l'expert ne reconnaît aucun lien de causalité entre l'infection nosocomiale et l'arrêt de l'activité professionnelle de M. G..., celui-ci n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il n'aurait pu poursuivre cette exploitation. Il résulte au demeurant de l'instruction, d'une part, que la mise en vente du gîte rural a eu lieu au mois de septembre 2012 alors que le médecin du service de neurochirurgie du CHU de Rouen, qui l'a vu en consultation le 1er août 2012, indique qu'" au niveau de sa symptomatologie chronique douloureuse, pour l'instant le traitement médicamenteux est extrêmement efficace puisque Monsieur G... me dit qu'il n'a plus aucune douleur dans les membres inférieurs, ceci au prix d'un traitement assez lourd par Neurontin, Anafranil, Rivotril et Lyrica ", et, d'autre part, que la fatigue et les douleurs ressenties par l'intéressé trouvent leur origine dans l'affection initiale dont il était atteint et nullement dans l'infection nosocomiale contractée, laquelle a été traitée conformément aux règles de l'art. Il résulte de ce qui précède que, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, aucun lien de causalité direct ne peut être reconnu entre l'infection nosocomiale litigieuse et l'arrêt de l'activité professionnelle de M. G.... Celui-ci n'est, dès lors, pas fondé à demander une indemnisation au titre du préjudice économique et de l'incidence professionnelle.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

3. Il résulte du rapport d'expertise que le déficit fonctionnel temporaire de M. G... a été total pour la période durant laquelle il a dû être hospitalisé afin de traiter l'infection et de procéder au retrait du matériel d'électrostimulation, du 20 juin au 27 juillet 2012, soit trente-huit jours. Il a également subi, en raison de l'infection nosocomiale, un déficit fonctionnel temporaire partiel du 23 mai au 19 juin 2012 et du 28 juillet au 31 décembre 2012. L'expert a estimé que, si durant ces périodes, le déficit fonctionnel global de M. G... était de 50 %, la part de ce déficit imputable à l'infection était limitée à 25 %. Dès lors, il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour M. G... de ce déficit fonctionnel temporaire en portant la somme allouée par les premiers juges à ce titre de 619,50 euros à 1 100 euros.

4. L'expert missionné par le tribunal administratif de Lille a fixé la date de consolidation de l'état de santé de M. G... au 31 décembre 2012, et a évalué le déficit fonctionnel global de l'intéressé à 50 %, en précisant que l'infection nosocomiale était seulement à l'origine de l'augmentation de 40 à 50 % du taux d'atteinte permanente à son intégrité physique. Dès lors, compte tenu de l'état antérieur de M. G... et de son âge à la date de consolidation, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant de l'augmentation du déficit fonctionnel global de M. G... en portant la somme de 30 000 euros allouée par les premiers juges à ce titre à la somme de 35 000 euros.

5. S'agissant du pretium doloris, les souffrances endurées en raison de l'infection nosocomiale ayant été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle de 1 à 7, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce préjudice en lui allouant à ce titre la somme de 4 000 euros.

6. Il y a également lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a accordé une somme de 1 800 euros en indemnisation du préjudice esthétique résultant de l'aggravation de sa boiterie, qui est passé, selon l'expert, de 1,5 à 2,5 sur une échelle de 1 à 7.

7. S'agissant du préjudice sexuel, les premiers juges ont procédé à une juste évaluation du préjudice subi à ce titre en le fixant à la somme de 2 000 euros.

8. Il résulte de ce qui précède que M. G... est seulement fondé à demander que la somme de 38 419,50 euros mise à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille soit portée à 43 900 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier régional universitaire de Lille la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. G... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que le centre hospitalier régional universitaire de Lille a été condamné à payer à M. G... par le jugement du 17 mai 2017 du tribunal administratif de Lille est portée à 43 900 euros.

Article 2 : Le jugement attaqué est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier régional universitaire de Lille versera une somme de 1 500 euros à M. G... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... G..., au centre hospitalier régional universitaire de Lille et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 8 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme H... D..., présidente de chambre,

- M. Julien Sorin, président-assesseur,

- Mme Muriel Milard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 22 octobre 2019.

Le président-rapporteur,

Signé : J. SORINLa présidente de chambre,

Signé : C. D...

La greffière,

Signé : M.T. LEVEQUE

La République mande et ordonne à la ministre des solidarités et de la santé en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Marie-Thérèse Lévèque

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N°17DA01420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01420
Date de la décision : 22/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP JULIA JEGU BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-22;17da01420 ?
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