La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2019 | FRANCE | N°17DA01229

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 21 novembre 2019, 17DA01229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) B... Louka a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403313 du 27 avril 2017, le tribunal administratif d'Amiens a accueilli sa demande à concurrence de la différence entre la valeur de l'usufruit des 80 parts sociales détenues dans le capital de la société civile

d'exploitation agricole B...-Pillière telle qu'elle résulte de leur évaluation par l'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile (SC) B... Louka a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'exercice clos en 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1403313 du 27 avril 2017, le tribunal administratif d'Amiens a accueilli sa demande à concurrence de la différence entre la valeur de l'usufruit des 80 parts sociales détenues dans le capital de la société civile d'exploitation agricole B...-Pillière telle qu'elle résulte de leur évaluation par l'administration et celle qui résulte de la même évaluation, après correction de leur valeur mathématique par la prise en compte d'un coefficient de risque de 0,6 et déduction de la fiscalité latente correspondant aux stocks de vins, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 26 juin 2017, le 6 février 2018, le 19 février 2018 et le 3 septembre 2019, la SC B... Louka, représentée par Me A..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ce jugement, le tribunal n'a fait que partiellement droit à sa demande de décharge de l'imposition et des pénalités en litige ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010, restant à sa charge, en droits et pénalités, après les dégrèvements en date du 6 juin 2017 et du 8 janvier 2018 prononcés par l'administration ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de de déterminer la valeur vénale réelle de l'usufruit des parts sociales dont le prix de cession a été rehaussé par l'administration.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a cédé, le 10 juin 2009, à la société civile (SC) B...-Louka, l'usufruit temporaire, pour une durée de 25 ans et 85 jours, de 80 parts qu'il détenait dans le capital de la société civile d'exploitation viticole (SCEV) B...-Pillière, pour un prix de 47 748 euros. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a estimé que ce prix était inférieur à la valeur vénale réelle de l'usufruit des titres cédés, qu'elle a évaluée à 274 682 euros, en retenant la moyenne arithmétique des valeurs obtenues par deux méthodes d'évaluation, fondées, pour la première, sur l'actualisation des flux futurs et, pour la seconde, sur la valeur en pleine propriété des titres, elle-même calculée à partir de la moyenne non pondérée de la valeur mathématique et de la valeur de rendement, l'usufruit étant déterminé à partir du taux de rendement des titres sur la durée de l'usufruit. L'administration en a déduit que M. B..., qui était gérant et associé de ces sociétés, avait consenti une libéralité, à hauteur de 226 934 euros, à la SC B...-Louka et a rehaussé, en application du 2 de l'article 38 du code général des impôts, l'actif net de cette dernière, qui avait opté pour l'imposition de ses bénéfices selon le régime de l'impôt sur les sociétés. La SC B... Louka relève régulièrement appel du jugement du 27 avril 2017 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif d'Amiens n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, d'un montant de 105 529 euros en droits et pénalités, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 juin 2010, à raison de cette variation d'actif. Dans le dernier état de ses écritures, la SC B... Louka demande à la cour la décharge de l'imposition supplémentaire qui reste mise à sa charge à hauteur d'un montant de 60 231 euros, après que l'administration a procédé, le 6 juin 2017, à un premier dégrèvement de 4 159 euros en exécution du jugement du tribunal administratif d'Amiens et, le 8 janvier 2018, à un second dégrèvement de 41 139 euros, pour tenir compte d'une nouvelle estimation de la valeur vénale des titres cédés qu'elle a ramenée à 184 326 euros, après ajustement des modalités de l'actualisation des flux futurs et appréciation de la valeur en pleine propriété des titres en faisant abstraction de leur valeur de rendement.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, d'une part, il résulte du point 5 du jugement attaqué que, pour retenir que l'administration pouvait légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes pour estimer la valeur de l'usufruit des titres en cause, le tribunal administratif d'Amiens a estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'administration avait eu connaissance d'une transaction portant, à la date de la cession, sur les titres de la SCEV B...-Pillière ou sur des titres de sociétés similaires et a relevé que la SC B...-Louka, ne s'est prévalue d'aucun élément de comparaison pour déterminer leur valeur. Dès lors, la société requérante, qui ne conteste pas l'exactitude de cette motivation en fait, n'est pas fondée à soutenir que le tribunal, qui s'est prononcé au vu des éléments soumis au débat contradictoire devant lui sans faire peser sur le contribuable la charge de la preuve, et qui s'est estimé suffisamment informé pour fixer la valeur de l'usufruit de ces titres sans recourir à une expertise, aurait méconnu le droit au procès équitable garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que le tribunal qui, d'ailleurs, a accueilli partiellement les conclusions de la demande en décharge présentée par la SC B...-Louka, aurait entendu privilégier l'intérêt de l'Etat, en manquant à l'obligation d'impartialité exigée par ces stipulations.

3. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance du droit au recours effectif garanti par les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. En troisième lieu, le tribunal, en indiquant, d'une part, que la méthode de l'actualisation des flux futurs ne justifiait pas la pratique d'un abattement pour tenir compte de la faible liquidité des titres détenus et, d'autre part, que le guide d'évaluation des entreprises, qui recommande l'application d'un abattement de 30 % pour tenir compte de la faible liquidité des titres des entreprises de petite taille, ne présentait qu'un caractère indicatif et n'était donc pas invocable par le contribuable, a implicitement, mais nécessairement, répondu au moyen, qu'il a visé, tiré de ce que les méthodes d'évaluation de l'usufruit des titres appliquées par l'administration devaient intégrer un abattement de 30 % pour tenir compte de la taille réduite de l'entreprise.

5. Enfin, si la SC B...-Louka soutient que le tribunal, en n'accueillant pas intégralement sa demande en décharge, a méconnu les stipulations de l'article 7 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui pose le principe de la légalité des peines, celles de l'article 14 de cette convention qui interdit toute discrimination dans l'exercice de ces droits et libertés ainsi que celles de l'article 1er de son premier protocole additionnel qui garantit la protection de la propriété, ces moyens ne se rattachent pas à la régularité du jugement mais au bien-fondé de l'imposition en litige.

6. Il résulte de ce qui précède, alors que la société requérante - en donnant acte à l'administration dans ses écritures du dégrèvement du rehaussement assigné au titre de l'économie des cotisations sociales des exploitants prononcé par décision du 8 janvier 2018 - doit être regardée comme ayant renoncé au moyen tiré de ce que les premiers juges n'ont pas répondu à ses critiques portant sur ce chef de redressement, que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement du tribunal administratif d'Amiens doivent être écartés.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

7. La valeur vénale des titres d'une société non admis à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

8. En premier lieu, il résulte du point 5 du jugement attaqué que le tribunal a estimé qu'il ne résultait pas de l'instruction que l'administration avait eu connaissance d'une transaction portant, à la date de la cession en cause, sur les titres de la SCEV B...-Pillière ou sur des titres de sociétés similaires et a relevé que la SC B...-Louka ne s'est prévalu d'aucun élément de comparaison pour évaluer les titres en cause. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit, au regard des règles de dévolution de la charge de la preuve, en se prononçant, au vu de l'instruction, à partir des éléments fournis par les parties, pour retenir qu'en l'absence de transactions comparables, l'administration était en droit de déterminer la valeur vénale de l'usufruit des titres en cause en recourant à la combinaison de méthodes d'évaluation alternatives.

9. Il résulte de l'instruction que, pour établir l'imposition restant contestée en appel, l'administration a déterminé la valeur de l'usufruit des titres de la SCEV B...-Pillière par la moyenne arithmétique issue de la combinaison de deux méthodes, celle de la détermination de la valeur de l'usufruit selon la méthode dite de l'actualisation des fruits futurs et celle de la détermination de la valeur de l'usufruit de ces titres à partir de leur valeur en pleine propriété.

Sur la valeur de l'usufruit déterminée selon la méthode de l'actualisation des fruits futurs :

10. Pour déterminer la valeur de l'usufruit des titres de la SCEV B...-Pillière, l'administration a estimé, à partir de la moyenne des dividendes distribués au cours des trois années précédentes, le montant du cumul des dividendes raisonnablement attendus au terme de la durée de l'usufruit temporaire, montant qu'elle a actualisé en faisant application de la formule dite Gordon-Shapiro. Cette méthode permet de déterminer le montant maximum de l'investissement de l'acquéreur en fonction de la rémunération qu'il attend de son placement et permet de déterminer la valeur réelle de l'usufruit à la date à laquelle il est acquis à partir de sa valeur future actualisée. Le taux de rendement dont cette méthode fait application est calculé à partir du taux des obligations publiques garanties par l'État déflaté, majoré d'un coefficient de risque, et intègre un taux de croissance annuel des dividendes.

11. En premier lieu, si la SC B...-Louka soutient que la méthode d'actualisation des fruits futurs est une méthode viciée dans son principe même dès lors que la formule mathématique sur laquelle elle se fonde aboutit à ce paradoxe que la valeur d'un bien est d'autant plus élevée qu'il rapporte peu, cette critique d'ordre général, qui n'est pas assise sur un argumentaire rapporté à la situation particulière de la société de nature à invalider la pertinence de son résultat, est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige, alors que les titres en cause ont été évalués par la combinaison de plusieurs méthodes.

12. En deuxième lieu, si la société requérante critique également la mise en oeuvre de cette méthode en faisant valoir les incertitudes relatives aux dividendes futurs, il résulte de l'instruction que l'administration a effectué ses projections au vu de la moyenne des résultats des trois exercices précédents au cours desquels la SCEV B...-Pillière a été systématiquement bénéficiaire et a distribué tous les dividendes. La société requérante ne saurait utilement soutenir qu'un abattement pour non-liquidité aurait dû être pratiqué dans le cadre de cette méthode dont l'objet est d'appréhender des dividendes attendus indépendamment de la liquidité des titres. En se bornant enfin, à faire état des constats opérés depuis la cession de parts et de prévisions pessimistes quant à l'évolution du marché du champagne, la société requérante n'établit pas que l'évaluation de la valeur de l'usufruit de ces titres à partir des résultats des trois exercices antérieurs et d'une progression annuelle des dividendes de 2,5 %, issue des données statistiques de la profession, serait, en l'absence de circonstances particulières propres à cette société, de nature à vicier la mise en oeuvre de la méthode pratiquée par l'administration.

13. En troisième lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que, alors même que l'usufruit est consenti pour une durée de 25 ans et 85 jours, l'administration a apprécié le taux de rendement des titres sur la durée de l'usufruit à partir de la moyenne des taux déflatés des obligations publiques garanties par l'État à 10 ans et à 30 ans. Ainsi que la SC B... Louka le fait valoir, sans être précisément contredite par l'administration, il y a lieu de se référer en l'espèce au taux d'emprunt à équivalent constant sur 25 ans, qui, calculé par référence actuarielle à une obligation à terme fictive sur cette durée, est mieux approprié à la durée de cet usufruit. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'administration a appliqué un coefficient de risque de 0,4 pour déterminer ce taux de rendement. Ainsi que la société requérante le fait valoir, sans être non plus précisément contredite par l'administration, ce coefficient doit être porté par une juste appréciation à 0,6, pour tenir compte des aléas inhérents à l'activité agricole, comme les premiers juges l'ont d'ailleurs admis pour déterminer la valeur mathématique des titres. Il résulte de l'instruction que le taux de rendement à retenir pour l'application de la formule Gordon-Shapiro, en se référant au TEC 25 ans de 4,55 % au 10 juin 2009, date de la cession des parts, et en appliquant un coefficient de risque de 0,6, doit en l'espèce être fixé à 7,45 %.

14. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait fait une évaluation insuffisante de la fiscalité latente des dividendes escomptés sur la période de l'usufruit consenti, en pratiquant un abattement de 15 % pour déterminer la valeur de l'usufruit des 80 titres détenus par la SC B... Louka.

15. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'administration était fondée, pour déterminer la valeur de l'usufruit des 80 titres acquis par la SC B...-Louka à partir de leurs fruits futurs, à ne pas déduire leur coût d'acquisition, qui est, compte tenu de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt, sans rapport direct avec la finalité de cette méthode.

Sur la valeur de l'usufruit déterminée à partir de la valeur en pleine propriété des titres de la SCEV B...-Louka :

16. L'administration a déterminé, en dernier lieu, la valeur en pleine propriété des titres de la SCEV B...-Pillière à partir de la valeur unitaire moyenne des parts sociales selon leur valeur mathématique, correspondant à la réévaluation de l'actif net, en renonçant à toutefois à appliquer une survaleur provenant d'actifs incorporels. Elle a ensuite déterminé la valeur future de la pleine propriété en affectant à cette valeur un coefficient d'actualisation, puis a déterminé la valeur de l'usufruit comme composante de la pleine propriété après avoir calculé le taux de rendement des parts. La société requérante, qui se borne à se prévaloir de l'évolution moins favorable du marché, n'établit pas, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 12, le caractère vicié de la méthode ainsi mise en oeuvre par l'administration.

17. Toutefois, la SC B...-Louka fait valoir que l'abattement de 20 % appliqué par l'administration sur la valeur de pleine-propriété des titres pour tenir compte de leur absence de liquidité, reste insuffisant alors que, compte tenu de la taille de l'entreprise et de son caractère familial, le taux de 30 %, d'ailleurs préconisé à titre indicatif par le guide de l'évaluation des entreprises, aurait été plus approprié. Dans ces circonstances, et en l'absence de contestation de l'administration, il sera fait une juste appréciation de l'abattement pour non-liquidité des parts en le portant à 30 %.

Sur le calcul du bénéfice moyen de référence :

18. La SCEV B...-Pillière est une société de personnes et non une société de capitaux. La rémunération des deux associés-exploitants, qui représente non pas une charge mais constitue l'emploi d'une partie des bénéfices agricoles et qui n'a pas été réintégrée au résultat net, ne peut pas être traitée comme un salaire. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration, en retenant le bénéfice comptable pour apprécier la valorisation de la société, aurait ainsi surévalué le bénéfice de référence utilisé pour calculer la valeur de pleine propriété des titres détenus.

Sur les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de la convention européenne et de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel :

19. En premier lieu, la SC B...-Louka ne peut utilement se prévaloir du principe de légalité des peines, posé par les stipulations de l'article 7 de la convention européenne et de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, pour demander à être déchargée du rehaussement en droits de la cotisation d'impôt sur les sociétés qui ne présente pas le caractère d'une sanction.

20. En second lieu, l'imposition d'une personne ne saurait être regardée comme portant, par elle-même, atteinte au respect des biens au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, l'obligation financière née du prélèvement d'un impôt peut porter une telle atteinte si elle revêt un caractère confiscatoire ou si elle impose une charge manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi. Il ne résulte pas de l'instruction que la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés en litige qui, pénalités comprises, et avant même la réduction en bases décidée par le présent arrêt, représente moins de trois ans de bénéfices, présente un tel caractère au regard de l'usufruit de dividendes attendus pour une durée de 25 années. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne et de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

21. Enfin, la société requérante n'établit pas que les redressements dont deux autres contribuables ont fait l'objet, et dont les faits générateurs sont, au demeurant, antérieurs de plusieurs années à l'opération en litige, concernent des situations identiques à la sienne. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne et de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

22. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

23. Pour faire application de ces dispositions, l'administration s'est fondée sur l'importance de la minoration du prix des titres qu'elle a rehaussé, sur la disproportion entre la durée de l'usufruit consenti et sa valorisation, représentant moins que le bénéfice cumulé de trois exercices de la SCEV B...-Pillière et sur les liens d'intérêts entre le cédant et le cessionnaire. Toutefois, compte tenu de la complexité des méthodes de valorisation des titres en cause, en l'absence de termes directs de comparaison, et de l'incertitude attachée à leur mise en oeuvre, qui d'ailleurs, a conduit à la réduction importante des bases de l'imposition supplémentaire en litige, par le juge de l'impôt mais aussi par l'administration elle-même, l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que la minoration de prix reprochée à la SC B...-Louka présente le caractère d'un manquement délibéré. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens dirigés contre cette majoration, la SC B... Louka est fondée à demander à la décharge de la majoration pour manquement délibéré, demeurant en litige, qui lui a été assignée.

24. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, que la SC B...-Louka est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens n'a pas corrigé la valeur de l'usufruit des 80 parts sociales de la SCEV B...-Pillière, conduisant au montant de 184 326 euros retenu par l'administration, d'une part, en appliquant à la valeur de pleine propriété un abattement pour non-liquidité de 30 %, et, d'autre part, en arrêtant à 7,45 % le taux de rendement pour déterminer les fruits futurs actualisés, qu'il ne lui a pas accordé une réduction supplémentaire de la cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2010 en résultant le cas échéant et qu'il ne l'a pas déchargée en totalité de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été assignée. Le jugement du tribunal administratif d'Amiens doit en conséquence être réformé conformément à ce qui vient d'être indiqué.

DÉCIDE :

Article 1er : La valeur de l'usufruit temporaire des 80 titres de la SCEV B...-Pillière, cédé à la société civile B...-Louka sera déterminée, par correction des bases retenues par l'administration, en fixant à 30 % l'abattement pour non-liquidité appliqué pour calculer la valeur de pleine propriété et en retenant un taux de rendement de 7,45 % pour l'actualisation des fruits futurs.

Article 2 : La société civile B... Louka est déchargée, en droits et intérêts de retard, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'exercice clos en 2010 dans la mesure de la réduction des bases d'imposition prononcée à l'article 1er du présent arrêt, ainsi que de la majoration pour manquement délibéré dont cette cotisation d'impôt a été assortie.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société civile B... Louka est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile B...-Louka et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord

2

N°17DA01229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01229
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Plus-values des particuliers - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE JURIDIQUE ET FISCALE DE CHAMPAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-21;17da01229 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award