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28/11/2019 | FRANCE | N°16DA01545,19DA00444

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 28 novembre 2019, 16DA01545,19DA00444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation de la communauté d'agglomération de Saint-Omer ou, subsidiairement, de la société des eaux de Saint-Omer ou de la commune de Longuenesse, à l'indemniser des préjudices subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 19 juillet 2013 sur le territoire de la commune de Longuenesse.

Par un jugement avant dire droit n° 1402509 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille, après avoir mis la communauté d'agglom

ération de Saint-Omer hors de cause, a retenu la responsabilité de la commune de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille la condamnation de la communauté d'agglomération de Saint-Omer ou, subsidiairement, de la société des eaux de Saint-Omer ou de la commune de Longuenesse, à l'indemniser des préjudices subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 19 juillet 2013 sur le territoire de la commune de Longuenesse.

Par un jugement avant dire droit n° 1402509 du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille, après avoir mis la communauté d'agglomération de Saint-Omer hors de cause, a retenu la responsabilité de la commune de Longuenesse et de la société des eaux de Saint-Omer respectivement à hauteur de 60 % et de 40 % des conséquences dommageables de l'accident de M. F..., et a condamné la commune de Longuenesse et la société des eaux de Saint-Omer à verser au requérant, à titre de provision, une indemnité respectivement de 6 000 euros et de 4 000 euros et a ordonné une expertise médicale.

M. B... F... a ensuite demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Longuenesse et la société des eaux de Saint-Omer à lui verser la somme totale de 1 023 359,67 euros en indemnisation des préjudices subis, avec intérêts à compter des 5 février et 12 avril 2014 et capitalisation des intérêts, de mettre à la charge de la commune de Longuenesse et de la société des eaux de Saint-Omer le versement de la somme de 600 euros au titre des frais d'expertise, de surseoir à statuer sur les postes de préjudice correspondant à l'aménagement des véhicules et aux pertes de gains professionnels avant consolidation, et de condamner la commune de Longuenesse et la société des eaux de Saint-Omer à verser à Mme I... F..., intervenante volontaire, la somme de 7 500 euros en indemnisation du préjudice sexuel subi.

Par un jugement n° 1402509 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Longuenesse à verser à M. F... la somme de 368 759,64 euros et à Mme I... F... la somme de 1 200 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2014 et de leur capitalisation annuelle, à compter du 15 avril 2015. Il a également condamné la société des eaux de Saint-Omer à verser à M. et Mme F... les sommes respectives de 245 839,76 euros et 800 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014, et de leur capitalisation annuelle à compter du 7 février 2015. La commune de Longuenesse et la société des eaux de Saint-Omer ont également été condamnées à verser respectivement à la caisse du régime social des indépendants les sommes de 45 730 euros et 30 486,67 euros au titre des dépenses de santé, et de 640 euros et 426 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 600 euros, ont été mis à la charge de la commune de Longuenesse, à hauteur de 360 euros, et de la société des eaux de Saint-Omer à hauteur de 240 euros.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 août 2016 et le 25 février 2019, sous le n° 16DA01545, la commune de Longuenesse, représentée par Me K... D..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 12 juillet 2016 ;

2°) de la mettre hors de cause ;

3°) à titre subsidiaire, de condamner la société des eaux de Saint-Omer et la communauté d'agglomération de Saint-Omer à la relever de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

4°) à titre éminemment subsidiaire, d'ordonner une expertise afin d'établir ou d'écarter un défaut de prise en charge ayant contribué à l'aggravation de l'état de santé de M. F... ;

5°) de mettre à la charge de toute partie succombante une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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II. Par une requête, enregistrée sous le n° 19DA00444, le 22 février 2019, la commune de Longuenesse, représentée par Me K... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2018 et de la mettre hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, de condamner la société des eaux de Saint-Omer et la communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer à la relever de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de toute partie succombante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me E... A..., représentant la commune de Longuenesse, de Me C... J..., représentant M. et Mme F..., et de Me H... G..., représentant la société des eaux de Saint-Omer et AXA Matrix Risk consultants SA.

Une note en délibéré, présentée pour M. F..., a été enregistrée le 12 novembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. F... a chuté le 19 juillet 2013 sur le territoire de la commune de Longuenesse, alors qu'il circulait à pied sur le trottoir situé à l'intersection de la rue Pierre Brossolette et de la rue du Maréchal Leclerc. Il impute cette chute au basculement d'une plaque d'égout incorporée au trottoir. Par un jugement avant dire droit en date du 12 juillet 2016, le tribunal administratif de Lille, après avoir mis la communauté d'agglomération de Saint-Omer hors de cause, a retenu la responsabilité de la commune de Longuenesse et de la société des eaux de Saint-Omer respectivement à hauteur de 60 % et de 40 % des conséquences dommageables de l'accident, a condamné la commune de Longuenesse et la société des eaux de Saint-Omer à verser à M. F... une indemnité provisionnelle, et a ordonné une expertise médicale. Par un jugement du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Longuenesse à verser à M. F... la somme de 368 759,64 euros et à Mme I... F... la somme de 1 200 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 15 avril 2014 et de leur capitalisation annuelle, à compter du 15 avril 2015. Il a également condamné la société des eaux de Saint-Omer à verser à M. et Mme F... les sommes respectives de 245 839,76 euros et 800 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter du 7 février 2014, et de leur capitalisation annuelle à compter du 7 février 2015. La commune de Longuenesse et la société des eaux de Saint-Omer ont également été condamnées à verser respectivement à la caisse du régime social des indépendants les sommes de 45 730 euros et 30 486,67 euros au titre des dépenses de santé, et de 640 euros et 426 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 600 euros, ont été mis à la charge de la commune de Longuenesse, à hauteur de 360 euros, et de la société des eaux de Saint-Omer à hauteur de 240 euros.

2. Les requêtes n° 16DA01545 et n° 19DA00444 présentées par la commune de Longuenesse concernent la même affaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la responsabilité :

3. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice invoqué et l'ouvrage. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

4. Aux termes de l'article L. 2333-97 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'accident : " La gestion des eaux pluviales urbaines correspondant à la collecte, au transport, au stockage et au traitement des eaux pluviales des aires urbaines constitue un service public administratif relevant des communes, qui peuvent instituer une taxe annuelle pour la gestion des eaux pluviales urbaines, dont le produit est affecté à son financement. Ce service est désigné sous la dénomination de service public de gestion des eaux pluviales urbaines ". Il résulte de l'instruction que si la commune de Longuenesse a transféré à la communauté d'agglomération de Saint-Omer, devenue depuis communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer, la compétence facultative d'assainissement des eaux usées, elle a en revanche conservé une compétence exclusive s'agissant du traitement des eaux pluviales. Il ne résulte à cet égard d'aucune stipulation du contrat liant la communauté d'agglomération et la société des eaux de Saint-Omer relatif à l'affermage du service d'assainissement des eaux usées en date du 17 décembre 2012 que la communauté d'agglomération aurait entendu confier à cette société l'entretien du réseau des eaux pluviales des communes membres.

5. M. F... établit, par la production d'une attestation, établie peu de temps après les faits par un témoin direct de sa chute, et par l'attestation d'intervention sur la voie publique émise par les services départementaux d'incendie et de secours, qu'alors qu'il circulait à pied sur le trottoir situé à l'intersection de la rue Pierre Brossolette et de la rue du Maréchal Leclerc, sur le territoire de la commune de Longuenesse, qu'une plaque d'égout incorporée au trottoir a basculé sous son poids, provoquant sa chute. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de constatation de l'expertise amiable, réalisée le 16 décembre 2013 par l'assureur de M. F..., en présence notamment de représentants de la commune de Longuenesse, de la communauté d'agglomération du Pays de Saint-Omer et de la société des eaux de Saint-Omer, que cette plaque présentait une corrosion importante, et que 4 des 12 ergots assurant sa stabilité et son maintien étaient manquants. Il résulte en outre de l'instruction que le basculement de cette plaque était, par nature, imprévisible et ne constituait pas un obstacle auquel un piéton, même vigilant, aurait pu s'attendre, quand bien même il connaissait les lieux. Par suite, la commune de Longuenesse n'est pas fondée à soutenir, d'une part, que M. F... n'établit pas le lien de causalité entre l'ouvrage défectueux et sa chute, ni, d'autre part, que sa chute serait imputable à son imprudence. La commune de Longuenesse, responsable de la gestion des eaux pluviales, est le maître de l'ouvrage public litigieux. L'état de corrosion de celui-ci, ainsi que l'absence d'un tiers des ergots stabilisateurs, révèlent un défaut d'entretien normal de l'ouvrage. Sa responsabilité étant, dès lors, engagée, elle n'est pas fondée à demander sa mise hors de cause.

6. Il résulte également de l'instruction que l'avaloir en cause ne reçoit, contrairement à ce que soutient la commune de Longuenesse, que des eaux pluviales, et que son exutoire n'est raccordé au réseau d'assainissement, qui devient alors réseau unitaire, que quelques mètres plus loin. Toutefois, la plaque en fonte litigieuse est utilisée en guise de point d'accès, ainsi qu'il ressort des déclarations de la société des eaux de Saint-Omer, par les employés de cette société lorsqu'ils procèdent au curage du réseau d'assainissement, curage qui a été réalisé quelques jours avant l'accident litigieux, sans que soit signalé un quelconque défaut de la plaque, alors qu'il ressort du rapport de l'expertise amiable que celle-ci présentait une corrosion importante, qui ne pouvait pas ne pas être visible au moment du passage des techniciens du fermier. En s'abstenant d'avertir la commune de cette défectuosité grave, et alors-même qu'elle n'entretiendrait avec elle aucune relation contractuelle, la société des eaux de Saint-Omer a commis une faute ayant participé à la réalisation du dommage de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la commune. Il y a par suite lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société des eaux de Saint-Omer à garantir la commune de Longuenesse à hauteur de 10 % de toutes les condamnations prononcées contre celle-ci par le présent arrêt.

7. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la société des eaux de Saint-Omer et la commune de Longuenesse ne sont pas fondées à demander leur mise hors de cause. La société des eaux de Saint-Omer est seulement fondée à demander la réformation du jugement avant dire droit du 12 juillet 2016 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a fixé sa part de responsabilité dans le dommage à 40 %.

Sur les conclusions à fin d'expertise complémentaire présentées par la commune de Longuenesse :

8. Il résulte de l'instruction que M. F... a été transporté aux urgences de l'hôpital de Saint Omer par les services départementaux d'incendie et de secours du Pas-de-Calais à la suite de son accident et qu'il présentait une dermabrasion de la jambe droite ainsi qu'une plaie non saturable d'un centimètre sur la face antérieure de sa jambe gauche, sans corps étranger, et que ses blessures nécessitaient, ainsi que l'indique le rapport de sortie établi par l'interne l'ayant examiné, la pose de " strip " et la prise d'antalgiques en cas de douleurs. M. F... s'est rendu, le lendemain, 20 juillet 2013, chez son médecin traitant, qui a prescrit des antibiotiques et un médicament anti-inflammatoire. Le 23 juillet 2013, M. F... s'est rendu aux urgences de la clinique de Saint-Omer, et s'est vu prescrire un " pansement crème Bétadinée ", un antalgique, un antibiotique et la réalisation d'un bilan inflammatoire. Le lendemain, M. F..., qui présentait une cellulite de la jambe gauche, a subi sa première intervention au centre de chirurgie orthopédique de la clinique de Saint-Omer. La commune de Longuenesse, à laquelle il appartiendra, si elle s'y croit fondée, d'exercer une action récursoire à l'encontre du centre hospitalier de Saint-Omer, ne produit en tout état de cause aucun élément susceptible d'établir le caractère utile de l'expertise demandée en vue de déterminer l'absence ou l'existence d'une faute dans la prise en charge médicale de M. F... par le centre hospitalier de Saint-Omer ayant éventuellement participé à l'aggravation des préjudices de ce dernier. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions à fin d'expertise présentées par la commune.

Sur les préjudices subis par M. F... :

9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée par le tribunal administratif, que la chute de M. F... a occasionné des plaies des membres inférieurs qui se sont compliquées à gauche. La date de consolidation a été fixée au 1er janvier 2016.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :

Quant aux frais médicaux engagés :

10. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a, à bon droit, accordé à M. F... une somme de 3 240 euros au titre des frais d'assistance d'un médecin diplômé durant l'expertise judiciaire.

Quant au besoin d'assistance par une tierce personne :

11. Il résulte du rapport de l'expertise que l'état de santé de M. F... a nécessité l'assistance d'une tierce personne à raison d'une heure par jour du 6 octobre 2013 au 30 novembre 2013, soit durant cinquante-six jours, puis à raison de trois heures par semaine du 1er décembre 2013 au 1er janvier 2016, soit durant cent-neuf semaines. Il résulte également de l'instruction que, s'agissant de la période du 6 août 2013 au 5 octobre 2013, soit soixante et un jours, les difficultés de déplacement de M. F... ont rendu nécessaire l'assistance d'une tierce personne, qui a été estimée, par les premiers juges, sans que cela soit contesté par les parties, à deux heures par jour. En tenant compte de la valeur moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée, augmentée des charges sociales incombant à l'employeur, du coût des congés payés et de la majoration pour dimanche et jours fériés, il sera fait une juste appréciation du préjudice qui a résulté pour M. F... du besoin d'une aide non spécialisée par une tierce personne en l'indemnisant selon un taux horaire de 13 euros. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation de ces besoins sur la base d'une année de 412 jours. Il y a, dès lors, lieu de ramener la somme de 7 906 euros allouée par le tribunal administratif de Lille à la somme de 7 412 euros.

Quant à la perte de gains professionnels :

12. Il résulte du rapport d'expertise que l'incapacité temporaire de M. F... peut être considérée comme ayant été totale sur le plan professionnel du 19 juillet 2013 au 1er janvier 2016. M. F... a produit ses avis d'imposition sur le revenu, desquels il ressort qu'avant l'accident, il percevait en moyenne 26 135,50 euros par an. Ses revenus déclarés pour les années 2013, 2014, et 2015 s'élèvent, respectivement à 17 680 euros, 16 882 euros et 11 118 euros. La différence entre la moyenne de ses revenus antérieurs à l'accident, et ses revenus perçus entre l'accident et la date de consolidation de son état de santé s'élève donc à la somme de 32 726 euros, à laquelle il convient d'ôter la somme de 27 953,88 euros versée par le RSI au titre des indemnités journalières durant cette période. Le préjudice indemnisable de M. F... au titre de la perte de gains professionnels doit donc être évalué à la somme de 4 772,12 euros. Il convient, dès lors, de porter la somme de 4 366 euros allouée par le tribunal administratif de Lille à ce titre à la somme de 4 772,12 euros.

S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :

Quant au besoin d'assistance par une tierce personne :

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de M. F..., qui ne peut plus porter de charges de façon prolongée, ni effectuer de montées répétées, continue de nécessiter, après la date de consolidation, une assistance par une tierce personne à raison de deux heures par semaine. En tenant compte de la valeur moyenne du salaire minimum interprofessionnel de croissance sur la période considérée, augmentée des charges sociales incombant à l'employeur, du coût des congés payés et de la majoration pour dimanche et jours fériés, il sera fait une juste appréciation du préjudice qui a résulté pour M. F... du besoin d'une aide non spécialisée par une tierce personne en l'indemnisant selon un taux horaire de 13 euros. Afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés prévus par l'article L. 3133-1 du code du travail, il y a lieu de calculer l'indemnisation de ces besoins sur la base d'une année de 412 jours, soit 58 semaines. L'indemnisation de M. F..., pour la période allant de la date de consolidation à la date du présent arrêt, s'élève donc à la somme de 6 390 euros.

14. S'agissant des préjudices futurs d'une victime d'un accident corporel non couverts par des prestations des caisses de sécurité sociale, il appartient au juge de décider si leur réparation doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable. Pour la période postérieure au présent arrêt, il sera fait une juste appréciation des frais futurs d'assistance par une tierce personne de M. F... en les évaluant, sur la base d'un tarif horaire de 14 euros et d'une année de 58 semaines, à une somme annuelle de 1 624 euros. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que la réparation doit prendre la forme d'une rente annuelle de 1 624 euros, payable à terme échu, sous déduction le cas échéant de la somme que l'intéressé percevra au titre de la prestation de compensation du handicap, avec revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Quant aux frais d'adaptation des véhicules :

15. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que M. F... conserve notamment des douleurs et troubles trophiques du membre inférieur gauche, avec une raideur en fin de course du coup de pied gauche, et que cet état nécessite l'adaptation de l'un ou l'autre de ses véhicules. Les premiers juges ont alloué à M. F... la somme de 2 195 euros, correspondant au surcoût lié à l'installation d'une boîte automatique sur son véhicule utilitaire, ainsi qu'une somme de 12 289 euros en indemnisation des dépenses futures de renouvellement de cet équipement. Il résulte toutefois de l'instruction que le véhicule utilitaire utilisé par M. F... est immatriculé au nom de l'entreprise, et que, dès lors, M. F... ne justifie pas de l'existence d'un préjudice financier propre lié à l'adaptation de son véhicule, et n'est, dès lors, pas fondé à demander le versement d'une somme à ce titre.

16. En ce qui concerne l'adaptation de sa motocyclette, M. F..., qui n'établit pas l'impossibilité de procéder à des modifications de son véhicule actuel, n'est pas fondé à demander l'indemnisation du surcoût lié à l'achat d'un nouveau véhicule. Il y a toutefois lieu de lui allouer une somme de 1 000 euros correspondant au surcoût lié au choix d'une boîte de vitesses automatique lors de l'achat d'une motocyclette de cylindrée équivalent à celle qu'il possédait au moment de l'accident. Il sera, en outre, fait une juste appréciation du préjudice lié au renouvellement tous les dix ans de ce surcoût en l'évaluant à la somme globale de 4 000 euros.

Quant à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle :

17. Compte tenu des revenus de M. F... avant et après l'accident, tels que détaillés au point 12, la perte annuelle de revenus subie par M. F..., après consolidation, doit être estimée à une somme de 11 000 euros. Il y a donc lieu de lui allouer, pour la période du 1er janvier 2016 à la date de lecture du présent arrêt, et après déduction de la pension versée par le RSI pour un montant de 12 895,60 euros et des indemnités journalières versées entre le 1er et le 13 janvier 2016 pour un montant de 348,53 euros, une somme de 23 283,63 euros.

18. S'agissant de la perte de revenus futurs, compte tenu de l'âge légal de départ à la retraite, M. F... étant né le 20 février 1974, il y a lieu de lui allouer, à compter de la date de lecture du présent arrêt et jusqu'au 20 février 2036, une rente mensuelle de 917 euros, payable à terme échu, avec revalorisation par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

19. Enfin, à compter du 20 février 2036, la commune de Longuenesse devra verser à M. F... une indemnité mensuelle compensant la différence entre la pension de retraite qu'il recevra alors et la pension de retraite qu'il aurait perçue s'il avait pu continuer à exercer la même activité qu'avant son accident jusqu'à cet âge, telle qu'elle sera établie par un calcul de simulation de son organisme de retraite.

20. Compte tenu de l'indemnisation, accordée au point précédent, de la perte des droits à retraite, il sera fait une juste appréciation du préjudice de M. F..., compte tenu de la diminution de ses capacités physiques, de son inaptitude à exercer une partie de son activité antérieure, de la perte d'épanouissement dans son travail et de la réduction de ses perspectives d'évolution sur le marché de l'emploi, en lui allouant une somme de 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

21. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que M. F... a subi une période d'incapacité temporaire totale imputable à l'accident du 19 juillet au 5 août 2013, suivie de trois périodes d'incapacité temporaire partielle du 6 août 2013 au 5 octobre 2013, puis du 6 octobre 2013 au 8 janvier 2015, et enfin du 9 janvier 2015 au 1er janvier 2016, date de consolidation de son état de santé, que l'expert a évalué respectivement à 50 %, 33,33 %, et 25 %. Compte tenu des troubles et douleurs subis par M. F... durant ces périodes, les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en allouant à M. F... la somme de 5 000 euros.

22. C'est par une juste appréciation du préjudice subi par M. F... que le tribunal administratif de Lille a fixé à la somme de 8 000 euros l'indemnisation accordée au titre du préjudice de souffrances endurées.

23. S'agissant du préjudice esthétique, que l'expert a évalué à 3,5 sur une échelle de 7, il résulte de l'instruction que M. F... s'est déplacé en fauteuil roulant, puis en béquilles, et a ensuite gardé une claudication importante, ainsi que de nombreuses cicatrices sur le membre inférieur gauche. Il sera, dans ces circonstances, fait une juste appréciation de son préjudice en portant son indemnisation, évaluée par le tribunal administratif de Lille à la somme de 1 000 euros, à la somme de 2 000 euros.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :

24. Il résulte de l'instruction, que l'expert a retenu, au titre du déficit fonctionnel permanent, un taux de 20 %, en raison de douleurs permanentes, d'une gêne fonctionnelle importante et d'un retentissement psychologique. C'est par une juste appréciation que ce préjudice a été évalué, par les premiers juges, à la somme de 30 000 euros.

25. S'agissant du préjudice esthétique permanent, que l'expert a évalué à 2,5 sur une échelle de 7, c'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 2 000 euros.

26. Il résulte de l'instruction et du rapport d'expertise, que M. F... ne peut plus pratiquer le football, et rencontre des difficultés dans la pratique de la randonnée, pédestre ou en motocyclette, et dans la pratique du bricolage. Il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément subi par M. F... en ramenant la somme de 6 000 euros accordée par les premiers juges à la somme de 4 000 euros.

27. S'agissant du préjudice sexuel subi, compte tenu des termes utilisés par l'expert sur ce point, il fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi par M. F... en ramenant à la somme de 2 000 euros la somme de 5 000 euros accordée par les premiers juges.

28. M. F..., qui n'établit pas la possibilité alléguée d'une " récidive " de l'infection qu'il a subie, et dont l'état de santé est consolidé depuis le 1er janvier 2016, n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice exceptionnel et évolutif lié à l'anxiété d'un état pathologique susceptible d'aggravation. C'est donc à bon droit que les premiers juges n'ont pas fait droit à la demande d'indemnisation présentée à ce titre.

Sur les préjudices subis par Mme F... :

29. Il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a accordé à Mme F... la somme de 2 000 euros en indemnisation du préjudice sexuel qu'elle subit du fait de l'accident de son mari.

Sur l'indemnité due à M. et Mme F... :

30. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Longuenesse doit être condamnée à verser à M. F... une somme de 123 097,75 euros en capital, une rente annuelle à vie de 1 624 euros, une rente mensuelle de 917 euros de la date de lecture du présent arrêt au 20 février 2036, et, à compter de cette date, une indemnité mensuelle compensant la différence entre la pension de retraite que l'intéressé recevra alors et la pension de retraite qu'il aurait perçue si l'accident n'avait pas eu lieu. La commune de Longuenesse versera également une somme de 2 000 euros à Mme F.... La commune sera garantie à hauteur de 10 % de ces condamnations par la société des eaux de Saint-Omer.

Sur l'indemnisation du RSI :

31. Compte tenu de la somme de 348,53 euros versée par la sécurité sociale des indépendants à M. F... au titre des indemnités journalières pour la période allant du 1er au 13 janvier 2016, des arrérages échus au titre de la pension d'invalidité entre le 1er janvier 2016 et le 30 juin 2019, s'élevant à la somme de 19 454,89 euros, et des arrérages à échoir pour la période allant du 1er juillet 2019 à la date de lecture du présent arrêt, pour un montant de 2 249,27 euros, il y a lieu de porter la somme de 76 216,67 euros allouée par le tribunal administratif de Lille en remboursement des débours exposés par la sécurité sociale des indépendants à la somme de 85 373,71 euros.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

32. L'article 1er de l'arrêté du 27 décembre 2018 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale fixe à 1 080 euros, à compter du 1er janvier 2019, le montant maximum de l'indemnité forfaitaire de gestion visée par ces articles. Il y a, dès lors, lieu de porter à 1 080 euros le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion qui a été allouée à la sécurité sociale des indépendants en première instance et à laquelle elle a droit.

Sur les frais d'expertise :

33. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 600 euros toutes taxes comprises par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Lille du 6 décembre 2017 sont mis à la charge définitive de la commune de Longuenesse.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La commune de Longuenesse est condamnée à verser à M. F... une somme de 123 097,75 euros.

Article 2 : La commune de Longuenesse est condamnée à verser à M. F... à compter du présent arrêt une rente annuelle indemnisant l'aide d'une tierce personne fixé à 1 624 euros, sous déduction le cas échéant de la somme que l'intéressé percevra au titre de la prestation de compensation du handicap. Le montant de cette rente, qui est payable à terme échu, sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 3 : La commune de Longuenesse est condamnée à verser à M. F... à compter du présent arrêt et jusqu'au 20 février 2036 une rente mensuelle indemnisant sa perte de revenus futurs d'un montant de 917 euros. Le montant de cette rente, qui est payable à terme échu, sera revalorisé par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : La commune de Longuenesse est condamnée à verser à M. F..., à compter du 20 février 2036, une indemnité mensuelle compensant la différence entre la pension de retraite qu'il recevra alors et la pension de retraite qu'il aurait perçue s'il avait pu continuer à exercer la même activité qu'avant son accident jusqu'à cet âge, telle qu'elle sera établie par un calcul de simulation de son organisme de retraite.

Article 5 : La commune de Longuenesse versera à la sécurité sociale des indépendants une somme de 85 373,71 euros au titre des débours exposés.

Article 6 : La commune de Longuenesse versera une somme de 1 080 euros à la sécurité sociale des indépendants au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 7 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 600 euros toutes taxes comprises par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Lille du 6 décembre 2017 sont mis à la charge définitive de la commune de Longuenesse.

Article 8 : La société des eaux de Saint-Omer garantira la commune de Longuenesse à hauteur de 10 % de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. et Mme F... et de la sécurité sociale des indépendants, et des frais d'expertise.

Article 9 : Les jugements du tribunal administratif de Lille du 12 juillet 2016 et du 20 juillet 2018 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 11 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Longuenesse, à M. B... F..., à Mme I... F..., à la société des eaux de Saint-Omer et à la société AXA Matrix Risk Consultants SA, à la communauté d'agglomération du Pays-de-Saint-Omer et à la sécurité sociale des indépendants.

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N°16DA01545,19DA00444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16DA01545,19DA00444
Date de la décision : 28/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Évaluation du préjudice.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Personnes responsables.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP MASSON et DUTAT ; SCP MASSON et DUTAT ; SCP MASSON et DUTAT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-28;16da01545.19da00444 ?
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