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10/12/2019 | FRANCE | N°18DA00174

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 10 décembre 2019, 18DA00174


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme C... D... et la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à M. D... une somme totale de 1 574 834,48 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de 1 371 682,81 euros ainsi qu'une rente annuelle de 5 870,04 euros payable à terme échu, en indemnisation des préjudices résultant de sa prise en charge les 10 et 14 novembre 2004, à Mme D... une somme de 10

000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... et Mme C... D... et la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime ont demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à M. D... une somme totale de 1 574 834,48 euros ou, à titre subsidiaire, une somme de 1 371 682,81 euros ainsi qu'une rente annuelle de 5 870,04 euros payable à terme échu, en indemnisation des préjudices résultant de sa prise en charge les 10 et 14 novembre 2004, à Mme D... une somme de 10 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime une somme de 313 422,87 euros, l'ensemble des sommes assorties des intérêts au taux légal et capitalisation à compter du 29 janvier 2015.

Par un jugement n° 1502747 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 janvier 2018 et 21 mai 2019, M. et Mme D... et la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime, représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à M. D... une somme totale de 1 530 102,80 euros ou de 1 326 901,20 euros assortie d'une rente annuelle d'un montant de 5 870,04 euros, avec intérêt au taux légal et capitalisation à compter du 29 janvier 2015 ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime une somme totale de 313 422,87 euros, avec intérêt au taux légal et capitalisation à compter du 29 janvier 2015, et une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

4°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Rouen à verser à Mme D... une somme de 10 000 euros, avec intérêt au taux légal et capitalisation à compter du 29 janvier 2015 ;

5°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Rouen les entiers dépens et, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 3 000 euros au profit de M. et Mme D... et une somme de 1 000 euros au profit de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant les consorts D... et la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... D... a été admis le 10 novembre 2004 au service d'accueil des urgences du centre hospitalier universitaire de Rouen pour une hémiparésie droite sans aphasie précédée de céphalées pulsatiles et de troubles visuels. Rentré chez lui le lendemain à la suite d'une série d'examens, il a été à nouveau admis le 14 novembre pour une récidive des symptômes caractérisés par une paralysie de l'hémicorps droit. L'IRM réalisée a permis de poser le diagnostic d'accident vasculaire cérébral ischémique bulbaire gauche secondaire à une dissection de l'artère vertébrale gauche. Atteint de séquelles neurologiques invalidantes, il a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Haute-Normandie, qui a diligenté deux expertises successives dont les rapports, aux conclusions opposées, ont été remis les 13 août 2012 et 16 août 2013. Malgré l'avis rendu par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation estimant sa responsabilité engagée, le centre hospitalier universitaire de Rouen a refusé de proposer une indemnisation aux consorts D..., qui ont saisi le tribunal administratif de Rouen. Ces derniers et la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime interjettent appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.

2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'admis au service d'accueil des urgences du centre hospitalier universitaire de Rouen dans la soirée du 10 novembre 2004 pour des céphalées accompagnées de troubles visuels et d'une hémiparésie droite sans aphasie, M. D..., qui souffrait depuis de nombreuses années de migraines intenses et avait été victime, en 1989, d'un accident de la circulation à l'origine de graves séquelles neurologiques restreignant ses possibilités de déplacement, a fait l'objet de nombreux examens, notamment un scanner cérébral, un électrocardiogramme, un écho-doppler des vaisseaux du cou et une IRM cérébrale, destinés à rechercher les origines possibles des douleurs, parmi lesquelles ont été évoqués, outre des céphalées aiguës, une hémorragie méningée et un accident vasculaire cérébral hémorragique. Si les experts auteurs de la seconde expertise diligentée par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation ont estimé, en 2013, que l'IRM permettait d'identifier " une anomalie au niveau du tronc cérébral avec un hypersignal pathologique au niveau du tronc pouvant évoquer un début d'AVC ", ni l'expert ayant rédigé la première expertise, qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, a eu accès à l'ensemble des pièces du dossier et notamment à l'IRM en cause, selon lequel cette IRM présentait une situation " normale en particulier les séquences en diffusion et en flair. Il n'y a pas d'accident vasculaire cérébral récent visible ", rendant ainsi " impossible " le diagnostic d'accident vasculaire cérébral lors de la première hospitalisation, ni le médecin-conseil de l'assureur du centre hospitalier universitaire de Rouen, qui a participé aux deux expertises, n'ont estimé possible, au vu de cette IRM analysée par l'équipe médicale eu égard à l'état de l'art en 2004, le diagnostic d'un début d'accident vasculaire cérébral. Il ne résulte par ailleurs pas de l'instruction que les autres examens immédiatement pratiqués, qui n'ont montré aucune anomalie, eussent permis de poser ce diagnostic. Si les seconds experts ont estimé que les troubles visuels et l'hémiparésie accompagnant les douleurs cérébrales et la présence d'un signe de Babinski auraient dû alerter l'équipe médicale sur la possibilité d'un début d'accident vasculaire cérébral, il résulte toutefois de l'instruction, et notamment du rapport critique établi par le médecin-conseil du centre hospitalier universitaire de Rouen et non contesté sur ces points, d'une part, que la présence d'un tel signe pouvait tout autant être imputée aux séquelles neurologiques préalables dont souffrait M. D... et, d'autre part, que les manifestations accompagnant, pour la première fois, les douleurs cérébrales, sont fréquemment observées dans des situations telles que celles présentées par l'intéressé, et qu'elles ne sont pas de nature à alerter sur la possibilité d'un début d'accident vasculaire cérébral lorsqu'elles disparaissent spontanément et rapidement, ce qui a été le cas en l'espèce, M. D... ayant été autorisé à sortir dès le 11 novembre 2004, soit le lendemain de son admission, à la suite de la disparition de tout symptôme. Il a d'ailleurs repris son activité professionnelle dès le 12 novembre. Il résulte de ce qui précède qu'au regard de l'ensemble du tableau clinique de l'intéressé, qui ne présentait aucun antécédent vasculaire de nature à faire suspecter un possible accident vasculaire cérébral, et alors qu'aucun des examens pratiqués n'en permettait l'identification et que les manifestations neurologiques se sont spontanément résorbées, le centre hospitalier universitaire de Rouen, en ne posant pas le diagnostic d'un accident vasculaire cérébral et en ne débutant pas immédiatement un traitement destiné à en prévenir ou atténuer les conséquences, n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de M. D....

4. En second lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, il résulte de l'instruction que M. D... a, dès son arrivée aux urgences du centre hospitalier universitaire de Rouen le 14 novembre 2004, bénéficié d'un traitement antiagrégant (par Kardégic) et anticoagulant (par Lovenox) afin de prévenir les risques de survenance d'un accident vasculaire cérébral dans l'attente des résultats des nouveaux examens pratiqués. Dans ces conditions, ni le défaut de prescription immédiate d'un traitement à base d'héparine, ni la réalisation d'une IRM vingt-quatre heures après son admission au service des urgences, ne sauraient être regardées comme fautives.

5. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande. Il y a par suite lieu de rejeter leur requête d'appel, ensemble les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dont elle est assortie.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et de Mme D... et de la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à Mme C... D..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Rouen-Elbeuf-Dieppe-Seine-Maritime et au centre hospitalier universitaire de Rouen.

2

N°18DA00174


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00174
Date de la décision : 10/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SCP JULIA JEGU BOURDON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-10;18da00174 ?
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