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05/03/2020 | FRANCE | N°19DA01419-19DA01619

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 05 mars 2020, 19DA01419-19DA01619


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1603527 du 19 avril 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 juin 2019, le 15 juillet 2019 et le 31 octobre 2019 sous le n°19DA01419,

M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui acco...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013.

Par un jugement n° 1603527 du 19 avril 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 juin 2019, le 15 juillet 2019 et le 31 octobre 2019 sous le n°19DA01419, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de lui accorder la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux en litige.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes enregistrées sous les numéros 19DA01419 et 19DA01619, introduites par M. B..., sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

2. M. D... B... exploitait, d'abord dans le cadre d'une entreprise individuelle, puis de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) JLD Sécurité, dont il était l'associé et le gérant, une activité d'agence de sécurité des biens et des personnes. L'EURL JLD Sécurité a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2013. A l'issue de ce contrôle, au cours duquel le vérificateur n'a pu avoir accès à aucun document comptable, l'administration a estimé que des sommes, qui avaient été retirées en espèces par M. B... sur le compte bancaire détenu par cette société, avaient la nature, en l'absence d'éléments contraires, de revenus distribués au profit de M. B.... L'administration en a tiré des conséquences au niveau du revenu imposable de l'intéressé au titre des années 2012 et 2013, ce dont elle l'a informé par une proposition de rectification datée du 28 janvier 2015. Il en a résulté des cotisations supplémentaires, en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux, qui ont été mises à la charge de M. B... au titre des années 2012 et 2013, puis mises en recouvrement le 30 avril 2015. Après admission partielle de sa réclamation, en tant qu'elle concernait l'année 2012, M. B... a soumis le litige au tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 2013. Il relève appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande et sollicite, par une seconde requête, le sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :

3. Par une décision du 6 mai 2019, postérieure au jugement attaqué mais antérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France a prononcé le dégrèvement de la fraction des prélèvements sociaux, contestés par M. B..., qui correspondait à l'application par l'administration de la majoration de 1,25 prévue par le 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts, auquel renvoie le c du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale. Dans cette mesure, les conclusions de la requête de M. B... tendant à la décharge des prélèvements sociaux auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2013 en ce qui concerne les revenus regardés comme distribués par l'EURL JLD Sécurité, étaient dépourvues d'objet dès l'enregistrement de la requête. Conformément à ce que soutient le ministre de l'action et des comptes publics, ces conclusions doivent ainsi, et dans cette même mesure, être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions de la requête tendant à la décharge des impositions restant en litige :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

4. En vertu de l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, le délai accordé aux contribuables pour répondre à toute notification émanant de l'administration fiscale est, en principe, fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification. L'article L. 57 de ce livre dispose que l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Ce même article ajoute que, sur demande du contribuable reçue par l'administration avant l'expiration du délai mentionné à l'article L. 11 du livre des procédures fiscales, le délai imparti au contribuable pour ce faire est prorogé de trente jours. Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. ".

5. M. B... a sollicité auprès de l'administration, par un courrier daté du 20 février 2015, une prorogation du délai de trente jours qui lui avait été imparti pour répondre à la proposition de rectification, en date du 28 janvier 2015, reçue par lui le 31 janvier suivant. Cette demande, présentée dans le délai de réponse qui était imparti à l'intéressé, a été accueillie par l'administration, qui a prorogé ce délai de trente jours supplémentaires. Il est toutefois constant que les observations formulées par M. B... n'ont été reçues par le service que le 9 avril 2015, soit plus de soixante jours après la date de notification de la proposition de rectification. Si M. B... fait état des difficultés de santé auxquelles il était alors confronté, cette situation, à la supposer de nature à expliquer qu'il n'ait pu lui-même répondre à l'administration dans le délai imparti, ne faisaient pas obstacle à ce que l'intéressé mandate une personne susceptible de le représenter utilement et d'apporter dans les délais impartis les éléments de réponse attendus. Dès lors, la circonstance ainsi invoquée n'était pas de nature à faire obstacle à ce que l'administration regarde comme tardive la réponse apportée par M. B..., qui, par ailleurs, ne conteste pas, en tant que tel, le fait que cette réponse ait été reçue avec retard. Par suite, M. B... supporte, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions restant en litige.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions et prélèvements sociaux restant en litige :

6. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / Les sommes imposables sont déterminées pour chaque période retenue pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés par la comparaison des bilans de clôture de ladite période et de la période précédente (...) ".

7. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe d'abord à l'administration d'apporter la preuve de ce que ces sommes ont fait l'objet d'un désinvestissement de la part de la société versante, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas été incorporées à son capital ou mises en réserve. Ensuite, cette preuve étant rapportée, il incombe encore à l'administration d'établir que le bénéficiaire en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable, qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.

8. Au cours de la vérification de comptabilité dont l'EURL JLD Sécurité a fait l'objet, le vérificateur a été amené à constater, notamment en exploitant les relevés du compte bancaire ouvert au nom de cette société, que des retraits avaient été effectués en espèces par M. B..., entre le 1er octobre 2012 et le 30 septembre 2013, pour un montant total de 56 190 euros. En l'absence d'éléments regardés par elle comme étant de nature à justifier de l'affectation professionnelle, et dans l'intérêt de la société, des sommes ainsi retirées, l'administration a estimé que celles-ci constituaient des revenus distribués au profit de M. B.... Par le seul constat des retraits d'espèces ainsi opérés sur le compte bancaire de l'EURL JLD et non contestés par M. B..., l'administration a apporté la preuve, qui lui incombe, de ce que les sommes correspondantes ont été désinvesties.

9. Afin d'établir l'appréhension de ces sommes par M. B..., le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que ce dernier était, au cours de l'année d'imposition en litige, l'associé et le gérant de l'EURL JLD Sécurité et qu'il détenait seul le pouvoir d'opérer des mouvements sur le compte bancaire détenu par cette société. Le faisceau d'indices formé par ces éléments, qui ne sont pas contestés en tant que tels par M. B..., est de nature à établir que ce dernier était, au cours de cette même année, le seul maître de l'affaire, sans qu'ait d'incidence à cet égard le fait que la société ait, au cours d'un exercice comptable postérieur à l'année d'imposition en litige, fait l'objet de l'engagement d'une procédure de liquidation judiciaire. Dès lors, le ministre apporte la preuve, qui lui incombe, de l'appréhension des sommes en cause par M. B... et ce dernier, à qui il appartient, pour les motifs énoncés au point 5, de prouver l'exagération des impositions et prélèvements sociaux en litige, supporte, en tout état de cause, la charge d'établir que les prélèvements en espèces opérés par lui sur le compte bancaire détenu par l'EURL JLD Sécurité trouvent leur justification dans des considérations conformes à l'intérêt de l'entreprise.

10. M. B... soutient, à cette fin, que l'EURL JLD Sécurité, du fait qu'elle a subi, dans le contexte de la mise en liquidation judiciaire de l'entreprise individuelle à laquelle elle a succédé, une restriction drastique des facilités bancaires dont elle disposait, n'a plus été autorisée à émettre des chèques. Il ajoute qu'il a été contraint de suppléer à cette situation, afin que l'EURL JLD Sécurité soit à même d'honorer ses dettes courantes, et qu'il a, dans ce but, utilisé le compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de cette société comme s'il s'agissait d'un compte de liquidités, en opérant, en contrepartie des inscriptions portées sur ce compte, des retraits en espèces, à partir du compte bancaire ouvert au nom de la société. Toutefois, alors que le vérificateur n'a pu, au cours du contrôle dont l'EURL JLD Sécurité a fait l'objet, avoir accès à aucun document comptable, l'extrait de compte courant d'associé que M. B... a produit pour la première fois devant le juge de l'impôt ne peut suffire, par lui-même, à établir que les sommes retirées en espèces par lui, dont le montant ne correspond d'ailleurs pas à ceux qui y sont inscrits, auraient effectivement eu pour objet de régler des dépenses exposées dans l'intérêt de l'EURL JLD Sécurité.

11. M. B... a également produit plusieurs factures et bulletins de salaires correspondant aux inscriptions figurant sur ce compte courant d'associé, ainsi que des attestations rédigées par des salariés de l'EURL JLD Sécurité dans le but de confirmer qu'ils sont les bénéficiaires, dans un cadre professionnel, de certaines des sommes prélevées en espèces. Toutefois, certaines de ces factures ont été établies soit au nom, soit à l'adresse de M. B.... En outre, plusieurs factures produites correspondent à des opérations, telles des consommations téléphoniques, une note de restaurant, une location dans un terrain de camping, l'achat de carburant, de denrées alimentaires ou de cartouches d'encre, des frais de péage, des honoraires de vétérinaire ou l'acquisition d'une centrale à vapeur ou encore d'une cafetière, dont l'engagement dans l'intérêt de la société ne peut, eu égard à la nature de ces dépenses et en l'absence d'élément complémentaire, être tenu pour établi. D'autres factures concernent l'entretien ou la réparation de véhicules dont l'affectation à l'entreprise n'est pas établie. Par ailleurs, le ministre avance des éléments, non contestés, selon lesquels les échéances du loyer de location d'un bureau durant la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013, représentant un montant total de 3 150 euros, ont fait l'objet de règlements par virements bancaires effectués les 8 janvier 2013, 14 mars 2013 et 23 juillet 2013, ce qui contredit les allégations de M. B... selon lesquelles, d'une part, ces frais auraient été réglés en espèces, d'autre part, la société n'aurait eu, au cours de l'année d'imposition en litige, d'autres possibilités de paiement que des versements en espèces. Enfin, les attestations établies par des salariés de l'EURL JLD Sécurité ne peuvent suffire à établir que les salaires mentionnés sur les bulletins de paie versés au dossier auraient, de même que les remboursements de frais dont il est fait état, fait l'objet de paiements en espèces. Il en est de même des mentions manuscrites portées sur certains de ces bulletins de salaire. En conséquence, M. B... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les retraits opérés par lui en espèces sur le compte bancaire détenu par l'EURL JLD Sécurité auraient eu pour objet le paiement de dépenses engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Dès lors, l'administration était fondée à regarder les sommes correspondantes comme ayant, au sens des dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, la nature de revenus distribués au profit de M. B.... Enfin, en se bornant à soutenir que l'appréhension des sommes regardées comme distribuées entre ses mains ne serait pas compatible avec son niveau de vie, qui le contraindrait à être hébergé chez son fils, M. B... n'établit pas davantage que les rectifications auxquelles l'administration a procédé conduiraient à mettre à sa charge des suppléments d'impositions et de prélèvements sociaux d'un montant exagérément élevé.

12. M. B... soutient qu'à concurrence du solde de 11 551,14 euros qu'aurait présenté, à la clôture de l'exercice 2013, le compte courant ouvert à son nom dans la comptabilité de l'EURL JLD Sécurité, les sommes dont il avait la disposition lui auraient été confiées dans l'intérêt de l'entreprise. Il se prévaut, à cet effet, d'une prise de position contenue dans un document, intitulé " suite n°1 ", qu'il présente comme émanant de l'administration. Toutefois, ce document, qui n'est ni daté ni signé, sur lequel ne figure aucun timbre de service et dont l'auteur ne peut être identifié, ne peut être regardé comme émanant de l'administration, ni, par suite, comme comportant une prise de position formelle de celle-ci sur une situation de fait au regard de la loi fiscale, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. En conséquence, M. B... n'est pas fondé à se prévaloir des énonciations contenues dans ce document.

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir, s'agissant des impositions restant en litige, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Sur les conclusions de la requête tendant au sursis à l'exécution du jugement :

14. Dès lors que le présent arrêt se prononce, dans le cadre de l'examen de la requête n°19DA01419 présentée par M. B..., sur le bien-fondé de l'imposition et des prélèvements sociaux en litige, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°19DA01619 par laquelle M. B... demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement du 19 avril 2019 du tribunal administratif d'Amiens jusqu'à ce qu'elle statue sur le fond de l'affaire.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de M. B..., enregistrée sous le n°19DA01619.

Article 2 : La requête de M. B..., enregistrée sous le n°19DA01419, est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

2

N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01419-19DA01619
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BAUMANN ; BAUMANN ; BAUMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-03-05;19da01419.19da01619 ?
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