La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2020 | FRANCE | N°19DA00087

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 02 avril 2020, 19DA00087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G..., agissant en son nom personnel, en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé M. B... C..., et en qualité de représentant légal de leurs enfants mineurs A... F... et Karolina G..., a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine à lui verser une somme de 445 994,16 euros en indemnisation des préjudices personnels résultant du décès de son époux, une somme de 130 270 euros en sa qualité d'ayant droit de celui-ci et de représent

ant légal de ses enfants, une somme de 64 117 euros en sa qualité de représenta...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... G..., agissant en son nom personnel, en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé M. B... C..., et en qualité de représentant légal de leurs enfants mineurs A... F... et Karolina G..., a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine à lui verser une somme de 445 994,16 euros en indemnisation des préjudices personnels résultant du décès de son époux, une somme de 130 270 euros en sa qualité d'ayant droit de celui-ci et de représentant légal de ses enfants, une somme de 64 117 euros en sa qualité de représentant légal de sa fille Karolina G... et une somme de 65 377,76 euros en sa qualité de représentant légal de son fils Mark F....

Par un jugement n° 1601543 du 15 novembre 2018, le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, d'une part, à verser à Mme G..., en qualité d'ayant droit de son époux et de représentant légal de ses enfants, une somme de 11 650 euros, en son nom propre une somme de 29 028,40 euros sous déduction des sommes prévues par l'ordonnance n° 1601542 du 16 juin 2016 si elles ont été versées, et une somme de 20 000 euros à chacun des enfants du couple, sous la même réserve, et, d'autre part, à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure une somme de 31 059,45 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2017, sous déduction de la somme de 25 589,75 euros prévue par l'ordonnance du 16 juin 2016 si elle a été versée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier et 10 mai 2019, Mme G..., agissant en son nom personnel, en sa qualité d'ayant droit de son époux décédé M. B... C..., et en qualité de représentant légal de leurs enfants mineurs A... F... et Karolina G..., représentée par la Selarl Cabinet Mor, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement et de porter à 111 650 euros la somme due par le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine au titre des préjudices subis par M. C..., à 460 508,72 euros la somme due au titre de ses préjudices personnels, déduction faite de la somme de 24 602,20 euros allouée à titre de provision par l'ordonnance du 16 juin 2016, à 68 235,05 euros la somme due au titre des préjudices subis par Karolina G..., déduction faite de la somme de 15 000 euros allouée à titre de provision par l'ordonnance du 16 juin 2016, et de porter à 66 352,87 euros la somme due au titre des préjudices subis par Mark F..., déduction faite de la somme de 15 000 euros allouée à titre de provision par l'ordonnance du 16 juin 2016 ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine les entiers dépens et le versement d'une somme de 12 000 euros à son avocat au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine et la société CNA Hardy.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C... a, dans le cadre du dispositif d'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière, subi, après plusieurs examens ayant fait suspecter une hépatite B, une ponction biopsie hépatique au centre hospitalier intercommunal Eure-Seine le 28 janvier 2013. Il a, au cours de l'intervention, subi un choc compulsif provoqué par une embolie gazeuse. Transféré le jour même au centre hospitalier d'Evreux, il a ensuite été admis au centre hospitalier de Garches, où, malgré l'oxygénothérapie hyperbare immédiatement entreprise, il décèdera le 5 février 2013. Son épouse, Mme G..., a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Haute-Normandie qui, à la suite de deux expertises dont les rapports ont été remis les 22 juin 2014 et 23 février 2015, a reconnu par un avis du 21 mai 2015 la responsabilité du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine. Ayant refusé l'offre d'indemnisation proposée par ce centre hospitalier, Mme G... a saisi le tribunal administratif de Rouen d'une demande en référé-provision et d'une demande au fond. Elle interjette appel du jugement du 15 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a condamné le centre hospitalier à lui verser en qualité d'ayant droit de son époux et de représentant légal de ses enfants mineurs une somme de 11 650 euros, en son nom propre une somme de 29 028,40 euros sous déduction des sommes prévues par l'ordonnance n° 1601542 du 16 juin 2016 si elles ont été versées, et une somme de 20 000 euros à chacun des enfants du couple, sous la même réserve, en tant qu'il n'a fait droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires. Le centre hospitalier intercommunal, qui ne conteste pas plus en appel qu'en première instance sa responsabilité qu'il y a lieu de confirmer par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 2 du jugement attaqué, interjette appel incident en tant qu'il a surestimé le montant des préjudices subis par les consorts G... ainsi que les débours exposés par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure pour la prise en charge de M. C....

Sur la recevabilité des conclusions incidentes du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine :

2. Contrairement à ce que soutient Mme G..., le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine ne se borne pas à se référer à l'offre indemnitaire préalable qu'il lui a proposée, mais discute, au fond, dans ses écritures, de chacun des chefs de préjudice en cause. Son mémoire est ainsi suffisamment motivé.

3. Alors même que l'appel incident interjeté par le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine par un mémoire du 19 mars 2019 postérieur au 17 janvier 2019, date de l'expiration du délai d'appel, porte partiellement sur des chefs de préjudice distincts de ceux faisant l'objet de l'appel principal interjeté par Mme G..., l'appel incident du centre hospitalier intercommunal a pour cause le même fait générateur, concerne les mêmes personnes et, par suite, se rattache au même litige que celui soulevé par l'appel principal. Il est, par suite, et contrairement à ce que soutient Mme G..., recevable.

4. En revanche, les conclusions présentées devant la cour par le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine contre la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure par le même mémoire du 19 mars 2019 sont relatives à l'imputabilité et au montant des frais d'hospitalisation pris en charge, au profit de la victime, par la caisse subrogée dans ses droits. Elles soulèvent un litige distinct de celui qui faisait l'objet de l'appel principal de Mme G..., lequel concerne certains postes de préjudice distincts des dépenses de santé pour l'application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale. Dans ces conditions, les conclusions du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine dirigées contre la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure ne sont pas constitutives d'un appel incident mais d'un appel principal enregistré après l'expiration du délai d'appel. Il y a lieu, par suite, de faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure tirée de la tardiveté de ces conclusions.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de M. C... :

5. Mme G... se prévaut du préjudice né pour son mari de la douleur morale causée par la conscience de son espérance de vie réduite. Il résulte toutefois de l'instruction que, du choc compulsif subi à la suite de l'injection d'air dans son système vasculaire jusqu'à son décès, M. C..., dont le score de trois sur l'échelle de Glasgow correspond à un état de coma profond, n'a à aucun moment eu conscience de sa fin prochaine. Mme G... n'est par suite pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont rejeté la demande indemnitaire présentée à ce titre.

6. En allouant une somme de 150 euros à Mme G... en sa qualité d'ayant droit de M. C... au titre du déficit fonctionnel temporaire total qu'il a subi pendant neuf jours, les premiers juges ont procédé à une juste évaluation de ce chef de préjudice. Le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine n'est par suite pas fondé à demander que celui-ci soit ramené à la somme de 135 euros.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise diligentés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Haute-Normandie, que les souffrances endurées par M. C... peuvent être évaluées à 5 sur une échelle de 7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de confirmer l'appréciation faite par les premiers juges du montant de ce préjudice, fixé à la somme de 11 500 euros.

En ce qui concerne les préjudices personnels de Mme G... :

8. Il est constant qu'au jour de l'accident, M. C... n'exerçait aucune activité professionnelle, ne percevait aucune rémunération ni aucun revenu et il n'est établi ni qu'il aurait pu disposer à brève échéance d'un titre de séjour, ni qu'il aurait eu dans cette hypothèse une chance sérieuse de travailler. Par suite, Mme G..., n'est pas fondée à demander l'indemnisation d'un préjudice de perte de revenus causé par le décès de son époux.

9. Il est constant que Mme G... a exposé des frais de déplacements pour se rendre au chevet de son époux et aux opérations d'expertise. Il y a par suite lieu, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, de condamner le centre hospitalier intercommunal Eure-Seine à lui verser la somme, suffisamment établie par les pièces produites, de 182,60 euros qu'elle demande à ce titre.

10. Le décès de M. C... est à l'origine, pour Mme G..., d'un préjudice d'affection que les premiers juges ont justement évalué en le fixant à la somme de 20 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices des enfants de Mme G... :

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, Mme G... n'est pas fondée à demander l'indemnisation, en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, d'un préjudice de pertes de revenu subi par ceux-ci causé par le décès de leur père.

12. Les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice d'affection subi par les enfants de la requérante du fait du décès de leur père en leur octroyant chacun, à ce titre, une somme de 20 000 euros.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme G... est seulement fondée à demander à ce que la somme de 29 028,40 euros mise à la charge du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine soit portée à la somme de 29 211 euros.

Sur les intérêts :

14. Mme G..., en son nom propre, en sa qualité d'ayant droit de son époux et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, a droit aux intérêts des sommes mises à la charge du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine par le jugement attaqué et par le présent arrêt à compter de la date à laquelle sa demande d'indemnisation adressée à la commission régionale de conciliation et d'indemnisation de Haute-Normandie a été réputée complète, soit au 28 octobre 2013. La capitalisation des intérêts a été demandée le 11 janvier 2019. A cette date, il était dû au moins une année d'intérêts. Dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le conseil de Mme G... au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et aux conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 29 028,40 euros que le jugement du tribunal administratif de Rouen a mis à la charge du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine au profit de Mme G... en indemnisation de ses préjudices propres est portée à 29 211 euros.

Article 2 : Les sommes mises à la charge du centre hospitalier intercommunal Eure-Seine par le jugement attaqué et par le présent arrêt au profit de Mme G... en son nom propre, en sa qualité d'ayant droit de son époux et en sa qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, porteront intérêts au taux légal à compter du 28 octobre 2013. Les intérêts échus à la date du 28 octobre 2014 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement n° 1601543 du tribunal administratif de Rouen du 15 novembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... G..., au centre hospitalier intercommunal Eure-Seine, à la société CNA Hardy et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Eure.

5

N°19DA00087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00087
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Voies de recours - Appel - Conclusions recevables en appel - Conclusions incidentes.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : CABINET MOR RIBEIRO GRENON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;19da00087 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award