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04/06/2020 | FRANCE | N°18DA00361

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 juin 2020, 18DA00361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et de prescrire le remboursement des sommes correspondantes.

Par un jugement n° 1510742 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des m

émoires, enregistrés le 16 février 2018, le 9 mai 2018 et le 29 novembre 2018, M. A..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 et de prescrire le remboursement des sommes correspondantes.

Par un jugement n° 1510742 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 février 2018, le 9 mai 2018 et le 29 novembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction des impositions et contributions en litige ;

3°) de prescrire le reversement des sommes correspondantes ;

4°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés à responsabilité limitée (SARL) Etudes Conception Ingénierie (ECI) et SE2I, dont M. A... est, respectivement, l'un des cogérants et le gérant, ont chacune fait l'objet d'une vérification de comptabilité. L'administration ayant estimé, au cours de ces contrôles, que M. A... avait, au cours des exercices clos en 2010 et 2011, bénéficié, de la part de ces deux sociétés, de versements susceptibles de constituer des revenus distribués, a décidé d'engager un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de l'intéressé, portant sur la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011. Par une proposition de rectification qu'elle a adressée à M. A... le 29 novembre 2013, l'administration lui a fait connaître qu'elle estimait établi qu'il avait perçu des revenus réputés distribués par les sociétés ECI et SE2I et l'a informé des rehaussements qu'elle se proposait d'appliquer à ses revenus imposables des années 2010 et 2011. Ces rectifications ayant été maintenues en dépit des observations du contribuable, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant ont été mises en recouvrement le 31 août 2014, en droits et pénalités. Les pénalités résultent notamment de l'application, sur une partie des droits en cause, de la majoration de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses par le c. de l'article 1729 du code général des impôts et, pour le surplus de ces droits, de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par le a. du même article. M. A... relève appel du jugement du 29 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :

2. Les conclusions de M. A... tendant au bénéfice, en appel, du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions s'appliquent exclusivement à la première instance, sont, conformément à ce que soutient le ministre de l'action et des comptes publics, irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des impositions ou des contribuables distincts. Toutefois, la jonction ou l'absence de jonction sont, par elles-mêmes, insusceptibles d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peuvent, par suite, être contestées, en tant que telles, devant le juge d'appel. En outre, si les parties peuvent suggérer à la juridiction de procéder à la jonction d'affaires dont elle est saisie et qui leur apparaissent présenter un lien de connexité, il appartient au juge d'apprécier l'opportunité de procéder à cette jonction et il n'est tenu ni de répondre à la suggestion qui lui est faite, ni d'exposer les raisons pour lesquelles il décide de ne pas joindre. Il résulte de ces principes que M. A..., en reprochant aux premiers juges, d'une part, de n'avoir pas suivi sa suggestion de joindre l'examen du dossier avec celui d'une autre affaire pendante le concernant, d'autre part, de n'avoir pas justifié leur décision sur ce point, ne critique pas utilement la régularité du jugement dont il relève appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Il résulte de l'instruction que les rectifications en litige ne sont pas issues des vérifications de comptabilité dont les SARL ECI et SE2I ont fait l'objet, mais de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle engagé ensuite par l'administration à l'égard de M. A..., même si l'engagement de ce contrôle fait suite aux constats opérés dans le cadre des vérifications de comptabilité des SARL ECI et SE2I. Dès lors, les circonstances, à les supposer même établies, que M. A... n'aurait eu connaissance que tardivement du contrôle dont faisait l'objet la SARL ECI, compte tenu du placement de celle-ci en liquidation judiciaire, et n'aurait ainsi pas été mis à même de s'y préparer avec l'assistance d'un conseil, ni de présenter, en sa qualité de cogérant de cette société, des observations, sont dépourvues d'incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ayant conduit l'administration à mettre à la charge de M. A... les impositions et contributions qui constituent le seul objet de la présente instance.

5. En outre et compte-tenu de ce qui a été dit au point précédent, M. A..., en faisant observer que ce service n'aurait pas été compétent territorialement au regard du lieu du siège social de la SARL ECI, ne critique pas utilement la compétence du service qui a conduit l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet.

Sur le bien-fondé des impositions et contributions contestées :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

6. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / (...) "

7. Il résulte de l'instruction que, dans les observations qu'il a formulées sur la proposition de rectification qui lui a été adressée le 29 novembre 2013, M. A... a indiqué accepter la rectification relative aux fausses factures d'achat établies à l'égard de la SARL ECI et a contesté les seules rectifications relatives aux cadeaux destinés à la clientèle et aux frais de location d'un appartement situé à Courchevel. Dès lors, il supporte, en application des dispositions précitées de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré du rehaussement afférent aux fausses factures, qu'il a accepté, et de celui relatif aux revenus distribués par la SARL SE2I, sur lequel il n'a pas formulé d'observation.

En ce qui concerne la réalité des distributions :

8. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) " et aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

9. Lorsque le contribuable a refusé les rectifications consistant à réintégrer dans ses revenus imposables des sommes que l'administration regarde, en application des dispositions précitées du 1 de l'article 109 et de l'article 111 du code général des impôts, comme ayant la nature de rémunérations ou d'avantages occultes distribués entre ses mains, ce qui est le cas en l'espèce de M. A... en ce qui concerne les sommes correspondant aux cadeaux destinés à la clientèle et aux frais de location d'un appartement situé à Courchevel, il incombe à l'administration d'établir que ces sommes correspondent, pour la société versante, à un désinvestissement.

10. S'agissant de ces deux chefs de rectification que M. A... a refusés, l'administration, en apportant des éléments établissant que ces dépenses ont été effectivement exposées par la SARL ECI et que les sommes correspondantes n'ont été ni investies par elle, ni mises en réserve, doit, ce faisant, être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que ces chefs de rectification correspondent à un désinvestissement pour la SARL ECI.

11. Toutefois, il incombe ensuite à l'administration, en ce qui concerne ces deux mêmes chefs de rehaussement, d'apporter la preuve que l'intéressé a effectivement appréhendé les sommes ainsi distribuées. Elle peut invoquer la présomption de distribution attachée à la situation, dont il lui appartient d'établir au préalable la réalité, du contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société distributrice, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire.

En ce qui concerne la qualification de seul maître de l'affaire :

12. Pour démontrer que M. A... était, au cours des années d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, l'administration a fait valoir, dans la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 23 novembre 2013, que l'intéressé, cogérant de la SARL ECI, dont il était l'associé majoritaire pour en détenir 83,60 % des parts sociales, assurait, en réalité, seul la gestion commerciale, administrative et financière de la SARL ECI, qu'il était seul habilité à engager, dans ce cadre, à l'égard des tiers. Elle a fait valoir, en outre, que M. A... était la seule personne autorisée à signer les chèques tirés sur les deux comptes bancaires ouverts au nom de la société, ce qui avait été confirmé au service par les établissements bancaires concernés dans le cadre de l'exercice du droit de communication. Par un courrier adressé à l'administration le 28 novembre 2013, M. A... a d'ailleurs lui-même indiqué, s'agissant toutefois de l'année 2009, antérieure aux années d'imposition en litige, qu'il signait, dans le cadre de la gestion de la SARL ECI, " tous les chèques et documents " et que, s'agissant de la partie commerciale, il assurait " la totalité des démarches ", seule la partie technique, comprenant notamment les contrats de travail, les salaires, la formation et le crédit d'impôt recherche, étant déléguée au directeur technique. Si M. A... conteste, malgré ces indices, qu'il était le seul maître de l'affaire au cours des années 2010 et 2011 en litige, en faisant état de la situation de cogestion qui était statutairement celle de la SARL ECI, il n'apporte toutefois, au soutien de cette assertion, aucun élément de nature à établir l'existence d'interventions effectives du cogérant statutaire dans la gestion de la société. En outre, ni l'intervention du directeur technique dans le cadre des attributions qui lui étaient déléguées, ni le fait que celui-ci était perçu par le personnel placé sous sa responsabilité comme le véritable donneur d'ordre ne peuvent suffire à renverser la présomption créée par le faisceau d'indices concordants ainsi invoqué par l'administration et repris en appel par le ministre. L'allégation selon laquelle ce collaborateur aurait suppléé à plusieurs absences de M. A... pour raisons de santé, qui n'est toutefois établie que pour des années postérieures à celles en litige, et le fait, mentionné dans une attestation non datée rédigée de la main du requérant, selon laquelle ce collaborateur aurait signé, le 22 juin 2010, un chèque à un salarié en l'absence de M. A..., sont insuffisants à cet égard. En conséquence, l'administration établit que M. A... était, au cours des années d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire.

En ce qui concerne l'achat de cadeaux d'entreprise :

13. Au cours de l'examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont il a fait l'objet, M. A... n'a apporté aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles les achats de vin comptabilisés en charge, pour les montants de 2 367 euros en 2010 et de 4 243 euros en 2011, par la SARL ECI avec un libellé faisant mention de cadeaux à la clientèle, étaient destinés à être offerts à des clients de l'entreprise. Il n'a alors fourni aucune liste des personnes bénéficiaires de ces " cadeaux ", ni des entreprises clientes qui les employaient, tandis qu'il a déclaré à l'administration qu'il prélevait parfois à titre personnel quelques bouteilles sur celles achetées par la SARL ECI. S'il a produit une telle liste pour la première fois devant le juge de l'impôt, celle-ci, au demeurant non datée, ne comporte aucune précision quant aux quantités reçues par chacun, ni quant aux montants correspondants, alors que ce document mentionne, sans apporter toutefois aucune précision sur ce point, que le comptable de la société a inclus dans les enregistrements comptables en cause des cadeaux offerts au personnel à l'occasion de naissances et de la Saint-Eloi. De même, les attestations établies, près de cinq années après la seconde année en litige, par deux des bénéficiaires mentionnés sur cette liste ne peuvent, à elles seules, suffire à établir l'affectation à des cadeaux d'entreprise des sommes portées dans la comptabilité de la SARL ECI. En l'absence d'autre justification et eu égard à ce que, comme il a été dit au point précédent, M. A... était, au cours des années d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, l'administration a pu retenir à bon droit qu'il devait être réputé avoir appréhendé les sommes comptabilisées à ce titre par la SARL ECI.

En ce qui concerne la dépense de location immobilière :

14. Au cours du contrôle dont il a fait l'objet, M. A..., interrogé sur le bénéficiaire d'une location, consentie au cours de l'été 2011, d'un appartement situé à Courchevel (Savoie) et comptabilisée en charge par la SARL ECI pour un montant de 2 030 euros, a déclaré n'avoir aucun souvenir à ce sujet, tout en précisant avoir lui-même bénéficié de cette location en 2009. Par la suite, M. A... a indiqué à l'administration que la location comptabilisée en 2011 par la SARL ECI avait bénéficié au responsable de l'un des principaux clients de cette dernière. Si M. A... a maintenu cette assertion devant le juge de l'impôt, l'attestation produite par le contribuable, établie près de cinq années après l'année d'imposition en cause par la personne désignée comme le bénéficiaire de cette location, ne peut suffire à en justifier. Elle n'est, par suite, pas davantage de nature à établir que, contrairement à ce qu'a retenu, dans ces conditions, l'administration, cette dépense aurait été exposée dans l'intérêt de l'entreprise, alors, au demeurant, que la SARL ECI a spontanément procédé à la réintégration extracomptable de la charge correspondante, dans son bénéfice imposable. En l'absence d'élément probant et eu égard à ce que, comme il a été dit au point 12, M. A... était, au cours de l'année 2011 en litige, le seul maître de l'affaire, l'administration a pu retenir à bon droit qu'il devait être réputé avoir appréhendé la somme comptabilisée à ce titre par la SARL ECI.

En ce qui concerne les autres chefs de rectification ayant trait à des factures fictives :

15. Ainsi qu'il a été dit au point 7, M. A..., qui n'a apporté aucune contestation, dans les observations qu'il a formulées sur la proposition de rectification du 29 novembre 2013, aux chefs de rehaussement afférents aux fausses factures d'achat, qu'il a d'ailleurs acceptés, et aux revenus distribués par la SARL SE2I, supporte la charge de la preuve du caractère exagéré de ces rehaussements.

16. En premier lieu, M. A... a admis avoir établi, au cours des deux années d'imposition en litige, des factures d'achat fictives à l'égard de la SARL ECI et avoir signé des chèques en règlement de ces factures. Il a, en outre, admis que ces paiements avaient été appréhendés par des bénéficiaires autres que ceux mentionnés sur ces factures et portés dans la comptabilité de la SARL ECI. M. A... soutient cependant que ce montage, qui a justifié sa condamnation pour escroquerie par un jugement du 14 décembre 2015 du tribunal correctionnel de Béthune, aurait eu pour seul objet de pouvoir verser, dans le contexte des difficultés financières que connaissait la SARL ECI, des primes aux salariés et de prévenir ainsi leur départ vers des entreprises concurrentes. Au soutien de cette allégation, il produit la copie de chèques tirés sur son compte bancaire personnel au profit de salariés de la SARL ECI, ainsi qu'une liste de ces chèques, précisant pour chacun leur date d'émission et leur bénéficiaire. Toutefois, faute d'établir une correspondance entre, d'une part, les sommes portées dans la comptabilité de la société comme répondant aux factures d'achat fictives et, d'autre part, les versements opérés par ces chèques et récapitulés sur ces listes, et aussi d'établir l'encaissement de ces chèques par leurs bénéficiaires, M. A... ne conteste pas utilement la position de l'administration selon laquelle ces versements ne répondent pas à l'intérêt de l'entreprise, ni n'apporte la preuve, qui lui incombe, de l'exagération des rehaussements correspondants. Il ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir de ce que le juge pénal n'aurait estimé le délit d'escroquerie établi qu'à concurrence d'une somme de 22 946 euros, cette appréciation ne s'imposant pas à l'administration pour l'application de la loi fiscale. Au demeurant, ces versements par chèques tirés sur un compte bancaire personnel de M. A... confirment que celui-ci a appréhendé les sommes payées par la SARL ECI en contrepartie de ces factures fictives, sans qu'ait d'incidence à cet égard le seul fait que les salariés bénéficiaires de ces chèques auraient eux-mêmes fait l'objet d'un contrôle fiscal.

17. En second lieu, M. A... n'a pas contesté avoir également établi, au cours de l'année 2011, des factures d'achat fictives à l'égard de la SARL SE2I dont il était le gérant, ni avoir encaissé sur un compte bancaire personnel les règlements correspondants, d'un montant total de 6 003 euros. Si M. A... soutient avoir remboursé depuis lors cette société, il n'apporte aucun élément au soutien de cette allégation. Dès lors, il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de l'exagération du rehaussement correspondant.

En ce qui concerne des chefs de rectification afférents, selon le requérant, à une écriture d'équilibre portée sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de la SARL ECI et à des honoraires versés par cette dernière à des apporteurs d'affaires :

18. M. A... conteste des chefs de rectification qui seraient, selon lui, relatifs à une écriture d'équilibre portée sur le compte courant d'associé ouvert à son nom dans la comptabilité de la SARL ECI et à des honoraires versés par cette dernière à des apporteurs d'affaires. Toutefois, il résulte de l'instruction que, comme l'indique le ministre de l'action et des comptes publics, ces deux points n'ont, en réalité, donné lieu à aucun rehaussement. Par suite, les moyens alors invoqués par M. A..., faute de tout rappel d'imposition à ce titre, doivent être écartés comme inopérants.

Sur les pénalités :

19. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

20. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses par les dispositions du c. de l'article 1729 du code général des impôts au rehaussement correspondant aux sommes qui ont été versées à M. A... par les SARL ECI et SE2I en paiement de factures d'achat fictives, le ministre fait valoir que M. A... est l'auteur de ces fausses factures et l'instigateur de ce montage dont l'objet était de soustraire à l'impôt des sommes destinées à être versées en tant que rémunérations occultes. M. A... soutient qu'il n'a pu être légalement fait application, en l'espèce, de cette majoration, qu'il estime excessivement lourde. Toutefois, en soutenant qu'il n'a pas poursuivi un objectif d'enrichissement personnel mais qu'il a recherché la sauvegarde de l'entreprise et le maintien du personnel, M. A... ne conteste pas sérieusement la matérialité des agissements qui lui sont imputés, qu'il a d'ailleurs reconnus s'agissant des factures payées par la SARL ECI, lesquels ont, au surplus, justifié sa condamnation par le juge pénal pour des faits d'escroquerie. En conséquence, les éléments avancés par le ministre sont de nature à justifier le bien-fondé de l'application, aux chefs de rehaussements en cause, de cette majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses. Il n'y a, dès lors, pas lieu pour la cour d'apprécier le bien-fondé des conclusions subsidiaires du ministre tendant à ce que soient substituées à cette majoration celle de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ou celle de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts en cas de retard ou de défaut de souscription de déclaration.

21. Par ailleurs, l'administration a fait application de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts au chef de rehaussement relatif aux achats, par la SARL ECI, de vins présentés comme destinés à constituer des cadeaux pour la clientèle. Pour justifier l'application de cette pénalité, le ministre fait valoir que M. A..., seul maître de l'affaire, qui a reconnu avoir personnellement bénéficié d'une partie de ces achats et qui connaissait les règles d'affectation des dépenses d'une entreprise commerciale pour en diriger plusieurs, n'a pu apporter aucun élément probant de nature à justifier de l'affectation effective de ces achats à des cadeaux d'entreprise. Ces éléments, ajoutés au caractère répété de ces achats, que l'administration faisait valoir dans la proposition de rectification adressée à M. A... le 29 novembre 2013, sont de nature à justifier l'application à ce chef de rehaussement de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. Il n'y a, dès lors, pas lieu pour la cour d'apprécier le bien-fondé des conclusions subsidiaires du ministre tendant à ce que soit substituée à cette majoration celle de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts en cas de retard ou de défaut de souscription de déclaration.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA00361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00361
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL LES AVOCATS DU CROISE-DERAMAUT-MOREELS-VIEREN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-04;18da00361 ?
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