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04/06/2020 | FRANCE | N°18DA00362

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 juin 2020, 18DA00362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009 et de prescrire le remboursement des sommes correspondantes.

Par un jugement n° 1404666 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires

, enregistrés le 16 février 2018, le 9 mai 2018 et le 30 novembre 2018, M. A..., représenté par M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009 et de prescrire le remboursement des sommes correspondantes.

Par un jugement n° 1404666 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 16 février 2018, le 9 mai 2018 et le 30 novembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, à titre subsidiaire, la réduction des impositions et contributions en litige ;

3°) de prescrire le reversement des sommes correspondantes ;

4°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Etudes Conception Ingénierie (ECI), dont M. A... est l'un des cogérants, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité. L'administration ayant estimé, au cours de ce contrôle, que M. A... avait, au cours de l'exercice clos en 2009, bénéficié, de la part de cette société, de versements susceptibles de constituer des revenus distribués, a décidé d'engager un contrôle sur pièces des éléments déclarés par l'intéressé au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2009. Par une proposition de rectification qu'elle a adressée à M. A... le 18 décembre 2012, l'administration lui a fait connaître qu'elle estimait établi qu'il avait perçu des revenus réputés distribués par la société ECI et l'a informé des rehaussements qu'elle se proposait d'appliquer à ses revenus imposables de l'année 2009. Ces rectifications ayant été maintenues en dépit des observations du contribuable, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales en résultant ont été mises en recouvrement le 31 août 2013, en droits et pénalités. Les pénalités résultent notamment de l'application, sur une partie des droits en cause, de la majoration de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses par le c. de l'article 1729 du code général des impôts et, pour le surplus de ces droits, de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par le a. du même article. M. A... relève appel du jugement du 29 décembre 2007 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits, intérêts et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2009.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics :

2. Les conclusions de M. A... tendant au bénéfice, en appel, du sursis de paiement prévu à l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, dont les dispositions s'appliquent exclusivement à la première instance, sont, conformément à ce que soutient le ministre de l'action et des comptes publics, irrecevables et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre plusieurs affaires, y compris lorsqu'elles concernent des impositions ou des contribuables distincts. Toutefois, la jonction ou l'absence de jonction sont, par elles-mêmes, insusceptibles d'avoir un effet sur la régularité de la décision rendue et ne peuvent, par suite, être contestées, en tant que telles, devant le juge d'appel. En outre, si les parties peuvent suggérer à la juridiction de procéder à la jonction d'affaires dont elle est saisie et qui leur apparaissent présenter un lien de connexité, il appartient au juge d'apprécier l'opportunité de procéder à cette jonction et il n'est tenu ni de répondre à la suggestion qui lui est faite, ni d'exposer les raisons pour lesquelles il décide de ne pas joindre. Il résulte de ces principes que M. A..., en reprochant aux premiers juges, d'une part, de n'avoir pas suivi sa suggestion de joindre l'examen du dossier avec celui d'une autre affaire pendante le concernant, d'autre part, de n'avoir pas justifié leur décision sur ce point, ne critique pas utilement la régularité du jugement dont il relève appel.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Il résulte de l'instruction que les impositions et contributions en litige ne sont pas issues de la vérification de comptabilité dont la SARL ECI a fait l'objet, mais du contrôle sur pièces engagé ensuite par l'administration à l'égard de M. A..., même si l'engagement de ce contrôle fait suite aux constats opérés dans le cadre de la vérification de comptabilité de la SARL ECI. Dès lors, M. A..., en faisant observer que ce service n'aurait pas été compétent territorialement au regard du lieu du siège social de la SARL ECI, ne critique pas utilement la compétence du service qui a conduit le contrôle dont il a fait l'objet.

Sur le bien-fondé des impositions et contributions contestées :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

5. Aux termes du 1 de l'article 109 du code général des impôts : " Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / (...) " et aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ; / (...) ".

6. Lorsque le contribuable a refusé les rectifications consistant à réintégrer dans ses revenus imposables des sommes que l'administration regarde, en application des dispositions précitées du 1 de l'article 109 et de l'article 111 du code général des impôts, comme ayant la nature de rémunérations ou d'avantages occultes distribués entre ses mains, ce qui est le cas en l'espèce de M. A..., il incombe à l'administration d'établir que ces sommes correspondent, pour la société versante, à un désinvestissement.

7. L'administration, en apportant des éléments établissant que ces dépenses ont été effectivement exposées par la SARL ECI et que les sommes correspondantes n'ont été ni investies par elle, ni mises en réserve, doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que ces chefs de rectification correspondent à un désinvestissement pour la SARL ECI.

8. M. A... ayant refusé l'ensemble des chefs de rectification en litige, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que l'intéressé a effectivement appréhendé les sommes ainsi distribuées. Toutefois, elle peut invoquer la présomption de distribution attachée à la situation, dont il lui appartient d'établir au préalable la réalité, du contribuable qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société distributrice, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire.

En ce qui concerne la qualification de seul maître de l'affaire :

9. Pour démontrer que M. A... était, au cours de l'année d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, l'administration a fait valoir, dans la proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 18 décembre 2012, que l'intéressé, cogérant de la SARL ECI, dont il était l'associé majoritaire pour en détenir 83,60 % des parts sociales, assurait, en réalité, seul la gestion commerciale, administrative et financière de la SARL ECI, qu'il était seul habilité à engager, dans ce cadre, à l'égard des tiers. Elle a fait valoir, en outre, que M. A... était la seule personne autorisée à signer les chèques tirés sur les deux comptes bancaires ouverts au nom de la société, ce qui avait été confirmé au service par les établissements bancaires concernés dans le cadre de l'exercice du droit de communication. Par un courrier adressé à l'administration le 28 novembre 2013, M. A... a d'ailleurs lui-même indiqué, s'agissant de l'année d'imposition en litige, qu'il signait, dans le cadre de la gestion de la SARL ECI, " tous les chèques et documents " et que, s'agissant de la partie commerciale, il assurait " la totalité des démarches ", seule la partie technique, comprenant notamment les contrats de travail, les salaires, la formation et le crédit d'impôt recherche, étant déléguée au directeur technique. Si M. A... conteste, malgré ces indices, qu'il était le seul maître de l'affaire au cours de l'année 2009 en litige, en faisant état de la situation de cogestion qui était statutairement celle de la SARL ECI, il n'apporte toutefois, au soutien de cette assertion, aucun élément de nature à établir l'existence d'interventions effectives du cogérant statutaire dans la gestion de la société. En outre, ni l'intervention du directeur technique dans le cadre des attributions qui lui étaient déléguées, ni le fait que ce dernier était perçu par le personnel placé sous sa responsabilité comme le véritable donneur d'ordre ne peuvent suffire à renverser la présomption créée par le faisceau d'indices concordants ainsi invoqué par l'administration et repris en appel par le ministre. L'allégation selon laquelle ce collaborateur aurait suppléé à plusieurs absences de M. A... pour raisons de santé, qui n'est toutefois établie que pour des années postérieures à celle en litige, et le fait, mentionné dans une attestation non datée rédigée de la main du requérant, selon laquelle ce collaborateur aurait signé, le 22 juin 2010, d'ailleurs postérieurement à l'année d'imposition en litige, un chèque à un salarié en l'absence de M. A..., sont insuffisants à cet égard. En conséquence, l'administration établit que M. A... était, au cours de l'année d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire.

En ce qui concerne les factures fictives :

10. M. A... a, dans un premier temps, admis avoir établi, au cours de l'année d'imposition en litige, des factures d'achat fictives à l'égard de la SARL ECI et avoir signé des chèques en règlement de ces factures. L'administration a ensuite été amenée à constater que ces chèques avaient, à concurrence d'une somme de 11 773 euros, été émis à l'ordre de M. A.... Ce dernier soutient cependant que ce montage aurait eu pour seul objet de pouvoir verser, dans le contexte des difficultés financières que connaissait la SARL ECI, des primes aux salariés et de prévenir ainsi leur départ vers des entreprises concurrentes. Au soutien de cette allégation, il produit la copie de chèques tirés en 2010 et 2011 sur son compte bancaire personnel au profit de salariés de la SARL ECI, ainsi qu'une liste de ces chèques, précisant pour chacun la date d'émission et le bénéficiaire. Toutefois, faute d'établir une correspondance entre, d'une part, les sommes portées dans la comptabilité de la société comme répondant aux factures d'achat fictives établies au cours de l'année d'imposition en litige et, d'autre part, les versements opérés, au cours des deux années suivantes, par ces chèques et récapitulés sur ces listes, M. A... n'établit pas que ces versements répondraient, comme il l'allègue, à un intérêt pour l'entreprise. Il ne peut, à cet égard, utilement se prévaloir de ce que, par son jugement du 14 décembre 2015, le tribunal correctionnel de Béthune n'aurait estimé le délit d'escroquerie établi qu'à concurrence d'une somme de 22 946 euros, cette appréciation, d'une part, se rapportant à des faits commis à des dates postérieures à l'année d'imposition en litige et, d'autre part, ne s'imposant pas à l'administration pour l'application de la loi fiscale. Enfin, ces versements par chèque tirés sur un compte bancaire personnel de M. A... confirment que celui-ci a appréhendé les sommes payées par la SARL ECI en contrepartie de ces factures fictives, sans qu'ait d'incidence à cet égard le seul fait que les salariés bénéficiaires de ses chèques auraient eux-mêmes fait l'objet d'un contrôle fiscal.

En ce qui concerne l'achat de cadeaux d'entreprise :

11. M. A... n'a apporté aucun élément au soutien des allégations, qu'il a formulées au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL ECI a fait l'objet, selon lesquelles les achats de vin comptabilisés en charge, pour un montant de 1 404 euros au cours de l'année en litige, par cette société avec un libellé faisant mention de cadeaux à la clientèle, étaient destinés à être offerts à des clients de l'entreprise. Il n'a alors fourni aucune liste des personnes bénéficiaires de ces " cadeaux ", ni des entreprises clientes qui les employaient, tandis qu'il a déclaré à l'administration qu'il prélevait parfois à titre personnel quelques bouteilles sur celles achetées par la SARL ECI, ce qu'il a confirmé par écrit le 28 novembre 2013. S'il a produit une telle liste pour la première fois devant le juge de l'impôt, celle-ci, au demeurant non datée, ne comporte aucune précision quant aux quantités reçues par chacun, ni quant aux montants correspondants, alors que ce document mentionne, sans apporter toutefois aucune précision sur ce point, que le comptable de la société a inclus dans les enregistrements comptables en cause des cadeaux offerts au personnel à l'occasion de naissances et de la Saint-Eloi. De même, les attestations établies, plus de cinq années après l'année d'imposition en litige, par deux des bénéficiaires mentionnés sur cette liste ne peuvent, à elles seules, suffire à établir l'affectation à des cadeaux d'entreprise des sommes portées dans la comptabilité de la SARL ECI. En l'absence d'autre justification et eu égard à ce que, comme il a été dit au point 9, M. A... était, au cours de l'année d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, l'administration a pu retenir à bon droit qu'il devait être réputé avoir appréhendé les sommes comptabilisées à ce titre par la SARL ECI.

En ce qui concerne les dépenses de location immobilière :

12. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL ECI a fait l'objet, M. A..., a précisé que les dépenses de location immobilières enregistrées en tant que charges dans la comptabilité de la société pour un montant de 3 870 euros au cours de l'exercice clos en 2009 et correspondant à des locations saisonnières de logements à Courchevel (Savoie), ainsi qu'à Sisteron et à Salignac (Alpes-de-Haute-Provence), étaient afférentes à des locations de vacances dont il avait bénéficié. Par la suite, M. A... a indiqué à l'administration, dans sa réclamation en date du 28 novembre 2013, que les dépenses ainsi comptabilisées en 2009 par la SARL ECI avaient bénéficié à deux responsables des principaux clients de cette dernière. Si M. A... maintient devant la cour que la location du logement situé à Courchevel a bénéficié à l'un des responsables précédemment désignés, l'attestation produite par le contribuable, établie près de sept années après l'année d'imposition en cause par la personne désignée comme le bénéficiaire de cette location, ne peut suffire à en justifier. Elle n'est, par suite, pas davantage de nature à établir que, contrairement à ce qu'a retenu, dans ces conditions, l'administration, cette dépense, de même, en tout état de cause, que les autres dépenses de location immobilière en cause, auraient été exposées dans l'intérêt de l'entreprise, alors, au demeurant, que la SARL ECI a spontanément procédé à la réintégration extracomptable, à hauteur d'un montant de 3 020 euros, de la charge correspondante, dans son bénéfice imposable. En l'absence d'élément probant et eu égard à ce que, comme il a été dit au point 9, M. A... était, au cours de l'année d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, l'administration a pu retenir à bon droit qu'il devait être réputé avoir appréhendé la somme comptabilisée à ce titre par la SARL ECI.

En ce qui concerne les charges non justifiées :

13. Le contrôle sur pièces dont M. A... a fait l'objet a révélé que celui-ci avait perçu de la SARL ECI, au cours de l'année d'imposition en litige, un paiement par chèque d'un montant de 9 017 euros correspondant à une partie des sommes que cette société avait comptabilisées en charge comme se rapportant à des dépenses de formation et d'assistance technique. M. A..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 9, était, au cours de l'année d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, est réputé avoir appréhendé cette somme, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas dans ses écritures contentieuses, de sorte que l'administration était fondée à regarder celle-ci comme ayant la nature d'une rémunération occulte et à la soumettre à l'impôt sur le fondement des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'écriture d'équilibre sur le compte courant d'associé :

14. Il est apparu, au cours de la vérification de comptabilité de la SARL ECI, que le compte courant d'associé ouvert au nom de M. A... dans la comptabilité de cette société était constamment débiteur à compter du 29 avril 2009, jusqu'à ce qu'une écriture consistant à créditer ce compte d'une somme de 3 200 euros permette de le solder, la contrepartie de cette écriture étant un enregistrement au débit d'un compte de charges 6251 présenté comme correspondant à des frais de déplacement exposés par M. A.... Toutefois, ce dernier n'a présenté aucun justificatif de la réalité des déplacements qui correspondraient à cette écriture, ni des frais qu'il aurait exposés à cette occasion. En conséquence, M. A..., qui, ainsi qu'il a été dit au point 9, était, au cours de l'année d'imposition en litige, le seul maître de l'affaire, est réputé avoir appréhendé cette somme, ce qu'il ne conteste d'ailleurs pas, de sorte que l'administration était fondée à regarder celle-ci comme ayant la nature d'une rémunération occulte et à la soumettre à l'impôt sur le fondement des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts. M. A... ne conteste pas utilement le bien-fondé de ce rehaussement en soutenant que le choix des modalités d'enregistrement comptable de cette opération incomberait exclusivement au commissaire aux comptes de la SARL ECI et qu'il n'aurait pas eu pour objet d'égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle.

En ce qui concerne les frais de déplacement :

15. L'administration a constaté que M. A... avait perçu de la SARL ECI, au cours de l'année d'imposition en litige, des indemnités kilométriques, s'élevant à un montant de 12 147 euros, correspondant à des déplacements professionnels que M. A... aurait effectués avec un véhicule personnel qu'il a cédé à la société le 20 août 2009. Le service a cependant relevé que ces remboursements, d'une part, n'étaient, à hauteur de 2 129 euros, appuyés d'aucun justificatif, d'autre part, correspondaient à des déplacements que M. A... aurait effectués les 20, 21, 26 et 27 août 2009, soit à des dates postérieures à la cession du véhicule, enfin, se rapporteraient à des déplacements dont la distance cumulée est presque équivalente à la totalité du kilométrage parcouru par le véhicule depuis la date de sa mise en circulation. Dans ces conditions et alors d'ailleurs que la SARL ECI a admis le caractère injustifié du remboursement de 2 129 euros et de celui correspondant aux trajets des 20, 21, 26 et 27 août 2009, l'administration a estimé que les justificatifs produits n'étaient ni sincères ni probants et a regardé la somme de 12 147 euros perçue par M. A... comme ayant la nature de revenus distribués.

16. Pour contester ce chef de rectification, M. A... soutient qu'il était amené, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions au sein de la SARL ECI, à effectuer fréquemment des déplacements sur de longues distances, pour se rendre notamment dans les locaux d'un important client situés à Rougegoutte (Territoire de Belfort), ville située, selon les affirmations de M. A..., " à environ 1 400 kilomètres du siège de la SARL ECI " situé à Saint-Venant (Pas-de-Calais). Il précise qu'il réservait à ces déplacements professionnels le véhicule personnel qu'il a ensuite cédé à la société, avec lequel il se limitait à effectuer, en outre, les trajets entre son domicile et son lieu de travail, tandis qu'il utilisait le véhicule de sa compagne pour ses déplacements privés. Toutefois, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation de l'administration afférente au caractère manifestement excessif des remboursements accordés à M. A... au titre de l'année 2009, au regard du kilométrage total parcouru par le véhicule qui aurait été utilisé. Enfin, M. A... ne peut utilement invoquer les circonstances que les justificatifs qu'il aurait été susceptible de produire auraient été détruits au cours d'une inondation des locaux de la SARL ECI ou emportés par le liquidateur judiciaire qui a depuis lors été désigné. En conséquence, l'administration était fondée à regarder la somme de 12 147 euros, que M. A... ne conteste pas avoir perçue, comme ayant la nature d'une rémunération occulte et à la soumettre à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions précitées du c. de l'article 111 du code général des impôts.

En ce qui concerne un chef de rectification afférent, selon le requérant, à la remise en cause par l'administration d'un crédit d'impôt recherche :

17. M. A... conteste un chef de rectification qui serait, selon lui, relatif à la remise en cause par l'administration d'un crédit d'impôt recherche attribué à la SARL ECI. Toutefois, il résulte de l'instruction que, comme l'indique le ministre de l'action et des comptes publics, ce point n'a, en réalité, donné lieu à aucun rehaussement du revenu imposable de M. A.... Par suite, les moyens alors invoqués par M. A..., faute de tout rappel d'imposition à ce titre, doivent être rejetés.

Sur les pénalités :

18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) / c. 80 % en cas de manoeuvres frauduleuses (...) ".

19. Pour justifier l'application de la majoration de 80 % prévue en cas de manoeuvres frauduleuses par les dispositions du c. de l'article 1729 du code général des impôts au rehaussement correspondant aux sommes qui ont été versées à M. A... par la SARL ECI en paiement de factures d'achat fictives et d'une écriture de compte courant dépourvue de contrepartie réelle, le ministre fait valoir, d'une part, que M. A... est l'auteur de ces fausses factures et l'instigateur du montage correspondant, dont l'objet était de soustraire à l'impôt des sommes destinées à être versées en tant que rémunérations occultes. Il fait valoir, d'autre part, que M. A..., qui a signé, en tant que cogérant de la SARL ECI, la déclaration de bénéfices souscrite par cette société au titre de l'exercice clos en 2009, ne peut, s'agissant d'un prélèvement opéré sur les bénéfices à son profit et par le moyen d'un compte courant dont il était le titulaire, sérieusement soutenir que les modalités d'enregistrement de cette opération, qu'il a nécessairement validées, lui seraient étrangères. M. A... soutient qu'il n'a pu être légalement fait application, en l'espèce, de cette majoration, qu'il estime excessivement lourde, et conteste avoir été l'auteur de manoeuvres destinées à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. Toutefois, en soutenant qu'il n'a pas poursuivi un objectif d'enrichissement personnel mais qu'il a recherché la sauvegarde de l'entreprise et le maintien du personnel et en mettant en cause la responsabilité du commissaire aux comptes de la SARL ECI en ce qui concerne l'écriture portée sur son compte courant d'associé, M. A... ne conteste pas sérieusement la matérialité des agissements qui lui sont imputés, qu'il a d'ailleurs reconnus s'agissant des factures payées par la SARL ECI, et qui constituent des manoeuvres destinées à masquer la réalité de la situation comptable de la société et de nature à égarer l'administration dans l'exercice de son pouvoir de contrôle. En conséquence, les éléments avancés par le ministre sont de nature à justifier le bien-fondé de l'application, aux chefs de rehaussements en cause, de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses. Il n'y a, dès lors, pas lieu pour la cour d'apprécier le bien-fondé des conclusions subsidiaires du ministre tendant à ce que soient substituées à cette majoration celle de 40 % prévue au a. de l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ou celle de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts en cas de retard ou de défaut de souscription de déclaration.

20. Par ailleurs, l'administration a fait application de la majoration prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts aux chefs de rehaussement relatifs aux achats, par la SARL ECI, de vins présentés comme destinés à constituer des cadeaux pour la clientèle, aux dépenses de locations immobilières et aux remboursements excessifs de frais de déplacement. Pour justifier l'application de cette pénalité, le ministre fait valoir que M. A..., seul maître de l'affaire, qui a reconnu avoir personnellement bénéficié d'une partie de ces achats de vins et de ces dépenses de location, qui connaissait les règles d'affectation des dépenses d'une entreprise commerciale pour en diriger plusieurs et qui ne pouvait ignorer le caractère excessif des remboursements de frais habituellement perçus par lui, dès lors que ceux-ci avaient fait l'objet de rectifications sur deux années antérieures, n'a apporté aucun élément probant de nature à justifier de l'affectation de ces débours à un intérêt quelconque de l'entreprise. Ces éléments, ajoutés au caractère répété ou excessif de ces dépenses et remboursements, que l'administration doit être regardée comme faisant valoir, sont de nature à justifier l'application à ce chef de rehaussement de la majoration de 40 % pour manquement délibéré. Il n'y a, dès lors, pas lieu pour la cour d'apprécier le bien-fondé des conclusions subsidiaires du ministre tendant à ce que soit substituée à cette majoration celle de 10 % prévue à l'article 1758 A du code général des impôts en cas de retard ou de défaut de souscription de déclaration.

21. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA00362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00362
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL LES AVOCATS DU CROISE-DERAMAUT-MOREELS-VIEREN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-04;18da00362 ?
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