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02/07/2020 | FRANCE | N°17DA02298

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 02 juillet 2020, 17DA02298


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) V2G a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que les pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n° 1501663 du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017,

l'EURL V2G représentée par Me D..., liquidateur judicaire, représenté par Me A... F..., demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) V2G a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que les pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2012.

Par un jugement n° 1501663 du 6 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2017, l'EURL V2G représentée par Me D..., liquidateur judicaire, représenté par Me A... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2010 à 2012 à raison du rejet du crédit d'impôt recherche, ainsi que les pénalités correspondantes ;

3°) de prononcer, à titre subsidiaire, la décharge de ces pénalités ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... E..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010, 2011 et 2012, l'administration fiscale a, notamment, remis en cause le crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater B du code général des impôts dont avait bénéficié au titre de ces mêmes années la société V2G, qui exerce dans le secteur du " textile-habillement-cuir " une activité de fabrication et vente d'étoffes à maille. La société V2G fait appel du jugement du 6 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à être déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2010 à 2012 ainsi que des pénalités correspondantes de 40% mises à sa charge sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, à hauteur de la somme totale de 222 184 euros, à titre subsidiaire, à la décharge de ces pénalités.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles (...) imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année (...) II. Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont : (...) h) Les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir (...) ". En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l'octroi d'un avantage fiscal, soutenir l'industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d'impôt recherche est ouvert sur le fondement de ces dispositions aux entreprises qui exercent une activité industrielle dans le secteur du textile, de l'habillement et du cuir lorsque les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections sont exposées en vue d'une production dans le cadre de cette activité.

3. Il résulte de l'instruction, et la société V2G ne conteste d'ailleurs pas, qu'elle sous-traite la totalité de sa production à d'autres sociétés, les immobilisations corporelles inscrites à son actif durant les exercices vérifiés ne comportant d'ailleurs pas de machines servant à la production d'étoffes. La société appelante n'allie donc pas la conception et la fabrication de nouvelles collections et ne revêt pas, ainsi, un caractère industriel au sens des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts. Dès lors, en application de l'article 244 quater B du code général des impôts l'administration était fondée à assigner à la société V2G les cotisations supplémentaires contestées d'impôt sur les sociétés.

Sur le bénéfice de la doctrine de l'administration fiscale :

4. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". Si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations.

5. La société V2G se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 8 de l'instruction fiscale 4-A-1-01, repris par une instruction 4 A-41, puis par les paragraphes 20 et 30 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 du 12 septembre 2012 aux termes desquels " les entreprises industrielles qui sous-traitent leur fabrication à des tiers peuvent bénéficier du crédit d'impôt. Le bénéfice du dispositif ne peut donc être refusé aux entreprises ayant recours à la sous-traitance dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication et de la commercialisation ".

6. Les énonciations des instructions fiscales précitées s'appliquent aux entreprises industrielles, dont elles ne donnent pas une définition différente de celle, rappelée au point 2, résultant des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la société V2G n'exerce pas avec ses propres moyens de production une activité de transformation de biens corporels mobiliers et ne revêt donc pas un caractère industriel au sens de ces dispositions. Dès lors, elle ne peut utilement invoquer le bénéfice de la doctrine administrative précitée, dans les prévisions de laquelle elle n'entre pas, en faisant notamment valoir qu'elle assume l'ensemble des risques liés à la production et à la commercialisation, qu'elle est la propriétaire du fil constituant la matière première des biens fabriqués, et qu'elle ne concède pas de droits de fabrication.

Sur les pénalités :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ". La pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir un tel manquement, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

8. Il résulte de l'instruction que l'administration a relevé, notamment dans la proposition de rectification datée du 18 décembre 2013, que " la notice de déclaration 2059 A (...) mentionne les textes de référence dont le bulletin officiel des impôts 4-A-1-01, lequel indique clairement dans son paragraphe 8 que les entreprises du secteur textile-habillement ayant recours à la sous-traitance peuvent bénéficier du CIR dès lors qu'elles sont propriétaires de la matière première et qu'elles assurent tous les risques de la fabrication de la commercialisation. Il en est de même dans la notice pour 2010. Quant à la notice pour 2011, elle fait référence à la documentation de base 4 A 41 qui mentionne elle aussi les deux conditions ". L'administration a relevé également le montant important des crédits impôt recherche en litige, qui s'élèvent pour les trois exercices contrôlés aux sommes de 40 695, 56 890 et 60 451 euros. En retenant ces éléments, qui mettent en évidence le fait que la société ne pouvait ignorer les règles applicables en matière de crédit impôts recherche et le caractère répété de ses insuffisances déclaratives, l'administration établit le caractère délibéré des manquements reprochés à la société V2G et, par suite, le bien-fondé de la majoration appliquée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société V2G, qui, au cours de la présente instance, a été mise en liquidation judiciaire par un jugement rendu le 24 mars 2020 par le tribunal de commerce de Douai désignant Me B... D... comme son liquidateur, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes. Il s'ensuit que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 7611 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société V2G est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée V2G, à Me B... D..., en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société V2G, et au ministre de de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N°17DA02298 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA02298
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. Binand
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : CORNAILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-02;17da02298 ?
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