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17/09/2020 | FRANCE | N°18DA00958

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 septembre 2020, 18DA00958


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti, au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606323 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai et 19 décembre 2018, M. B..., représen

té par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti, au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1606323 du 8 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai et 19 décembre 2018, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti, au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est gérant de droit de la société à responsabilité limitée (SARL) Solair Voyages, dont il détient 49,6 % du capital. Au cours d'une vérification de la comptabilité de cette société, l'administration a constaté, notamment, que, selon ses écritures comptables, celle-ci avait passé à la clôture de l'exercice 2010, au journal d'opérations diverses et de révisions, plusieurs écritures la conduisant à débiter le compte " autres réserves " d'une somme totale de 412 105 euros, selon les éléments de l'instruction et les précisions apportées par le ministre, en contrepartie du crédit du compte de caisse, pour un montant de 44 762 euros, du compte de banque, pour un montant de 119 453 euros et du compte " clients collectifs " pour un montant de 248 015 euros. Estimant que la somme de 412 105 euros ainsi débitée du compte " autres réserves " avait constitué un désinvestissement pour l'entreprise et que M. B..., seul maître de l'affaire, devait être regardé comme l'ayant appréhendée, l'administration a considéré que cette somme devait être réintégrée dans les revenus imposables de l'intéressé, en tant que revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, et soumise à la majoration d'assiette de 25 % prévue par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du même code. Le rehaussement envisagé a été porté à la connaissance de M. B... par une proposition de rectification en date du 17 décembre 2012, puis maintenu par un courrier en date du 15 juillet 2013 en réponse aux observations formulées par le contribuable le 6 février 2013. M. B... relève appel du jugement du 8 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a ainsi été assujetti au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur l'étendue du litige :

2. Par une décision du 23 juillet 2018, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur régional des finances publiques des Hauts-de-France a prononcé le dégrèvement en droits et pénalités, à concurrence de la somme de 18 653 euros, de la cotisation supplémentaire de prélèvements sociaux et des pénalités correspondantes auxquelles M. B... avait été assujetti au titre de l'année 2010. Ce dégrèvement a ainsi emporté l'abandon de l'application, pour le calcul du montant de ces impositions, de la majoration d'assiette de 25 % prévue par les dispositions du 2° du 7 de l'article 158 du code général des impôts. Les conclusions de la requête de M. B... tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire de prélèvements sociaux, ainsi que des pénalités correspondantes, sont, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé des impositions restant en litige :

3. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; / 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".

4. S'il n'a pas donné lieu, en l'absence de solde bénéficiaire, à l'établissement d'une cotisation d'impôt sur les sociétés, le rehaussement des résultats d'une société ne saurait, par lui-même, révéler l'existence de bénéfices ou produits non mis en réserve ou incorporés au capital, taxables entre les mains de leur bénéficiaire comme revenus distribués. Pour soumettre à l'impôt sur le revenu de tels revenus sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, il incombe à l'administration d'établir qu'ils ont été mis à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts. La circonstance que le contribuable que l'administration entend imposer soit le maître de l'affaire est à cet égard sans incidence.

5. A l'inverse, il résulte des dispositions du 1° et du 2° de l'article 109 du code général des impôts que, lorsque l'administration entend imposer sur le fondement des dispositions du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts des sommes qui, constitutives après rehaussement d'un bénéfice taxable à l'impôt sur les sociétés, n'ont ni été mises en réserve ou incorporées au capital, ni donné lieu à un prélèvement sur les bénéfices en vertu d'une décision régulière des organes compétents de la société, la qualité de seul maître de l'affaire d'un associé, actionnaire ou porteur de parts suffit à le faire regarder comme bénéficiaire des distributions révélées par le rehaussement.

En ce qui concerne la réintégration de la somme de 248 015 euros dans le résultat de l'exercice clos en 2010 par la SARL Solair Voyages :

6. M. B... conteste la réintégration dans le résultat de la SARL Solair Voyages de la somme de 248 015 euros, incluse pour ce montant dans celle de 412 105 euros inscrite au débit du compte " autres réserves " et regardée par l'administration comme distribuée à son profit, au motif que l'inscription de cette première somme au crédit du compte " clients collectifs " ne traduisait aucun acte anormal de gestion. Il soutient que ces écritures ont eu pour seul objet la correction d'un défaut d'enregistrement en comptabilité de l'encaissement de créances clients lors du changement, au cours de l'année 2005, du système informatique de gestion comptable utilisé par la SARL Solair Voyages. Il fait valoir que ces défaillances ont eu pour conséquence l'augmentation, sans commune mesure avec la réalité de l'activité de l'entreprise, du solde créditeur du compte clients de cette société, qui est ainsi passé de 53 231 euros à la clôture de l'exercice 2004 à 412 532 euros à la clôture de l'exercice 2005, et que ce défaut de comptabilisation, après avoir entraîné une augmentation artificielle du compte " autres réserves ", auquel avait été affecté le résultat bénéficiaire de l'exercice 2005, s'est répercuté jusqu'à l'exercice 2010.

7. A l'appui de ses affirmations, M. B... produit, notamment, deux courriels émanant du prestataire informatique qui a réalisé le changement de logiciel de la SARL Solair Voyages, selon lesquels un état des créances clients édité, à partir du logiciel de gestion que cette société utilisait jusqu'en 2005, pour la période postérieure au 31 décembre 2005, date du transfert définitif des données comptables de la société vers le nouveau logiciel, fait apparaître des règlements, d'un montant supérieur à 90 000 euros, potentiellement non enregistrés en comptabilité lors du transfert. Toutefois, ces éléments ne démontrent pas l'erreur comptable alléguée, d'un montant de 248 015 euros. La correspondance de ce montant avec la différence entre, d'une part, le solde enregistré par le compte " clients collectifs " de l'exercice 2010 avant la passation des écritures litigieuses et, d'autre part, le montant des créances clients résultant de l'état des commandes portant sur les années 2007 à 2010, édité le 17 mars 2011 à partir du nouveau logiciel de gestion de la SARL Solair Voyages, ne rend pas davantage compte de la persistance depuis la fin de l'année 2005 des conséquences d'un défaut d'enregistrement des données comptables. La concordance entre les relevés bancaires de cette société et le solde du compte " banque " de l'exercice 2010, après correction d'un excédent de 98 816,17 euros constaté à la clôture de l'exercice 2005, ne permet pas non plus de corroborer la perte de données concernant les règlements clients, qui ne pouvait entraîner une surévaluation du solde de ce compte. Enfin, les explications données par M. B... sur les circonstances dans lesquelles la SARL Solair Voyages n'a procédé que tardivement à la correction du montant de ses créances clients sont, par elles-mêmes, dépourvues de valeur probante.

8. Il résulte de ce qui a été dit aux deux points précédents qu'en l'absence de production par le requérant d'éléments permettant de justifier la passation de l'écriture d'un montant de 248 015 euros au crédit du compte " clients collectifs " de l'exercice clos en 2010, laquelle entraînait la disparition en comptabilité de créances clients dès lors que cette écriture n'avait été équilibrée que par une écriture de débit du compte " autres réserves ", l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve de ce que ces écritures traduisaient un abandon de créances de même montant, alors même que les clients bénéficiaires n'étaient ni identifiés ni individualisés dans la comptabilité de cette société, et comme établissant que cet abandon de créances doit être regardé comme un acte anormal de gestion, faute de démonstration par le contribuable de l'existence de contreparties économiques.

En ce qui la preuve de l'existence et de l'appréhension des distributions réintégrées dans le revenu imposable du requérant pour un montant de 412 105 euros :

9. M. B... soutient que l'administration n'établit pas, ainsi qu'il incombe à cette dernière dès lors qu'il n'a pas accepté les rectifications en cause, que la somme totale de 412 105 euros inscrite au débit du compte " autres réserves " de la SARL Solair Voyages, incluant la somme de 248 015 euros inscrite à la clôture de l'exercice 2010 en contrepartie du crédit du compte " clients collectifs ", correspondrait à des revenus distribués à son profit.

10. En premier lieu, M. B... fait valoir qu'il était devenu depuis l'année 2009 associé minoritaire de la SARL Solair Voyages, ne détenant plus que 49,6 % des parts sociales au cours de l'année d'imposition. Toutefois, il résulte des mentions non contestées de la proposition de rectification adressée le 17 décembre 2012 à cette société, que M. B..., qui en était le gérant de droit, disposait toujours en 2010 de la capacité à engager l'entreprise et de la signature sur les comptes bancaires de cette dernière et, par suite, de la possibilité d'utiliser les fonds sociaux. En outre, le requérant ne soutient pas avoir été soumis à un contrôle effectif dans l'usage de ces prérogatives ou que d'autres que lui disposaient au sein de la société des pouvoirs les plus étendus. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant qu'il avait la qualité de seul maître de l'affaire.

11. En second lieu, il résulte également des mentions de la même proposition de rectification que la SARL Solair Voyages avait initialement déclaré au titre de l'exercice clos en 2010 un résultat déficitaire de 13 147 euros et qu'à la suite de la vérification de la comptabilité de cette société, son résultat rectifié s'élevait à 247 210 euros au titre de l'exercice 2010, après réintégration de la somme de 248 015 euros, résultant d'un acte anormal de gestion ainsi qu'il a été dit au point 9, et de celle de 12 342 euros correspondant à l'enregistrement de créances irrécouvrables considérées par le service comme non justifiées. Il suit de là que M. B... a seulement été en mesure de disposer, en tant que maître de l'affaire, de la somme de 247 210 euros correspondant au résultat bénéficiaire de la SARL Solair Voyages soumis à l'impôt sur les sociétés. Par suite, en se bornant à faire valoir que M. B... avait la qualité de seul maître de l'affaire, l'administration doit être regardée comme établissant seulement que l'intéressé avait disposé de la somme de 247 210 euros, imposable dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers sur le fondement des dispositions de 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts. En revanche, l'administration n'établit pas que le surplus de rehaussement assigné à M. B..., soit 164 895 euros, serait constitutif de revenus distribués à son profit par la SARL Solair Voyages.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées en tant que celles-ci résultent de la prise en compte pour le calcul de la base d'imposition à l'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au titre de l'année 2010, au titre de ses revenus imposables dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, de la somme de 164 895 euros, avant application de la majoration de 25 %, cette somme ayant été considérée à tort par l'administration comme présentant le caractère de revenus distribués à son profit par la SARL Solair Voyages.

Sur les frais relatifs au litige :

13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui doit être regardé comme ayant la qualité de partie perdante pour l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. B..., à concurrence du dégrèvement, en droits et pénalités, prononcé le 23 juillet 2018 par le directeur des finances publiques en matière de prélèvements sociaux, au titre de l'année 2010.

Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux prélèvement sociaux assignées à M. B... au titre de l'année 2010 sont réduites à concurrence de la prise en compte, pour le calcul de ses revenus imposables dans la catégorie des revenus des capitaux mobiliers, de la somme totale de 164 895 euros, considérée à tort par l'administration comme des revenus distribués à son profit par la SARL Solair Voyages.

Article 3 : M. B... est déchargé, en droits et pénalités, de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et celles qui résultent de l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement n° 1606323 du 8 mars 2018 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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No18DA00958


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00958
Date de la décision : 17/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués. Notion de revenus distribués. Imposition personnelle du bénéficiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-09-17;18da00958 ?
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