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06/10/2020 | FRANCE | N°19DA00195

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 06 octobre 2020, 19DA00195


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Seclin à lui verser une somme globale de 391 774,55 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de la faute résultant de la rupture de son contrat de travail avant la fin de la période d'essai, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de sa demande préalable et capitalisation de ceux-ci.

Par un jugement n° 1600067 du 22 novembre 2018, le tribunal administrati

f de Lille a partiellement fait droit à sa demande et a condamné le centre hospi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier de Seclin à lui verser une somme globale de 391 774,55 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison de la faute résultant de la rupture de son contrat de travail avant la fin de la période d'essai, avec intérêts au taux légal à compter de la notification de sa demande préalable et capitalisation de ceux-ci.

Par un jugement n° 1600067 du 22 novembre 2018, le tribunal administratif de Lille a partiellement fait droit à sa demande et a condamné le centre hospitalier de Seclin à verser à M. E... la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de l'illégalité fautive entachant la décision du 11 juin 2015 prononçant son licenciement avant le terme de son contrat à durée déterminée et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2019, M. E..., représenté par Me C... A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à 1 000 euros la somme que le centre hospitalier de Seclin a été condamné à lui verser en indemnisation de son préjudice moral et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Seclin à lui verser une somme de 256 341,35 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices subis du fait de son licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 1er octobre 2015, date de notification de sa demande préalable et capitalisation de ceux-ci ;

3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge du centre hospitalier de Seclin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... Milard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,

- et les observations de Me F... D..., représentant le centre hospitalier de Seclin.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a été recruté par le centre hospitalier de Seclin à compter du 1er mars 2015 en qualité de clinicien hospitalier spécialiste en radiologie pour exercer ses fonctions au sein du pôle médico-technique, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée conclu le 24 février 2015. Ce contrat, conclu pour une période de trois ans renouvelables, était assorti d'une période d'essai de deux mois, qui a été prolongée d'une durée de trois mois par un avenant en date du 29 avril 2015. Par une décision du 11 juin 2015, le directeur du centre hospitalier a mis fin de manière anticipée à cette période d'essai à compter du 16 juillet 2015. M. E... relève appel du jugement du 22 novembre 2018 du tribunal administratif de Lille en tant qu'après avoir condamné le centre hospitalier de Seclin à lui verser une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi du fait de l'illégalité de son licenciement, il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Seclin :

2. Aux termes de l'article L. 6152-1 du code de la santé publique : " Le personnel des établissements publics de santé comprend, outre les agents relevant de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, les personnels enseignants et hospitaliers mentionnés à l'article L. 952-21 du code de l'éducation et les personnels mentionnés à l'article L. 6147-9 qui y exercent : (...) 3° Des médecins, odontologistes et des pharmaciens recrutés par contrat sur des emplois présentant une difficulté particulière à être pourvu ; (...) ". L'article L. 6152-3 du même code dispose : " (...) Les médecins bénéficiant d'un contrat mentionné à ce même 3° sont dénommés cliniciens hospitaliers. La rémunération contractuelle des praticiens bénéficiant d'un contrat mentionné audit 3° comprend des éléments variables qui sont fonction d'engagements particuliers et de la réalisation d'objectifs quantitatifs et qualitatifs conformes à la déontologie de leur profession. Le nombre maximal, la nature et les spécialités des emplois de médecins, odontologiste ou pharmacien qui peuvent être pourvus dans un établissement public de santé par un contrat mentionné au 3° de l'article L. 6152-1 sont fixés par le contrat pluri-annuel d'objectifs et de moyens mentionné à l'article L. 6114-1. ". Aux termes de l'article R. 6152-705 du même code : " Le contrat est conclu pour une durée de trois ans au plus. Il peut être assorti d'une période d'essai de deux mois au plus, renouvelable une fois. ".

3. Si l'article 2 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit que cette loi s'applique aux fonctionnaires civils des " établissements mentionnés à l'article 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires de l'Etat et des collectivités territoriales ", lesquels comprennent les établissements publics de santé, ce renvoi ne vise pas les médecins praticiens hospitaliers mentionnés à l'article L. 6152-1 du code de la santé publique, qui font partie du personnel de ces établissements, mais auxquels les dispositions de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, qui constituent le titre IV du statut général, ne sont, en vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article 2 de cette dernière loi, pas applicables.

4. M. E..., né le 21 août 1979, a été recruté par un contrat à durée déterminée conclu le 24 février 2015 en qualité de clinicien hospitalier spécialiste en radiologie exerçant au sein du pôle médico-technique du centre hospitalier de Seclin, pour une rémunération nette mensuelle de 9 727,91 euros. Par un avenant en date du 29 avril 2015, la période d'essai de deux mois prévue à l'article 14 de son contrat a été renouvelée pour une durée de trois mois, pour venir à expiration le 31 juillet 2015. Ce faisant, le centre hospitalier de Seclin a commis une illégalité dès lors qu'en vertu des dispositions précitées, la période d'essai de M. E... ne pouvait être renouvelée que pour une nouvelle période de deux mois et devait s'achever, au plus tard, au 30 juin 2015. Il suit de là que la décision du 11 juin 2015 ne pouvait mettre fin à la période d'essai de l'intéressé, au plus tard, qu'à la date du 30 juin 2015 et non à la date du 16 juillet 2015, date à laquelle M. E... se trouvait engagé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée. Dès lors, la décision du 11 juin 2015 mettant fin de manière anticipée à la période d'essai de M. E... à compter du 16 juillet 2015, est entachée d'illégalité.

Sur l'évaluation des préjudices de M. E... :

5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité des personnes publiques, l'agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Lorsque l'agent ne demande pas l'annulation de cette mesure mais se borne à solliciter le versement d'une indemnité en réparation de l'illégalité dont elle est entachée, il appartient au juge de plein contentieux, forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, de lui accorder une indemnité versée pour solde de tout compte et déterminée en tenant compte notamment de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.

6. M. E... soutient qu'il a subi un préjudice financier d'un montant de 216 341,35 euros au titre de la perte de son traitement, des primes et indemnités dont il avait une chance sérieuse de bénéficier pendant la période de trois ans de son contrat à durée déterminée. Toutefois, l'intéressé, qui n'a présenté que des conclusions indemnitaires devant les premiers juges, doit être regardé comme demandant le versement d'une indemnité pour solde de tout compte, tenant compte comme cela a été dit au point 5, de la nature et de la gravité des illégalités affectant la mesure d'éviction, de l'ancienneté de l'intéressé, de sa rémunération antérieure ainsi que, le cas échéant, des fautes qu'il a commises.

7. Comme il a été dit au point 4, M. E... a signé l'avenant du 29 avril 2015 renouvelant sa période d'essai pour une durée de trois mois, alors même que ce renouvellement n'aurait dû être que de deux mois et venir à expiration, au plus tard, le 30 juin 2015. M. E... était encore en période d'essai lorsque la décision du 11 juin 2015 a été prise d'y mettre fin, avec une erreur de quinze jours sur la date d'effet de cette décision. Bien que le centre hospitalier de Seclin n'ait pas apporté d'élément quant aux manquements commis par l'intéressé dans le suivi des patients, l'intéressé disposait d'une ancienneté de moins de cinq mois à la date de son licenciement et percevait une rémunération nette mensuelle de 9 727,91 euros. En outre, les remplacements effectués par l'intéressé après son éviction puis son activité professionnelle pérenne à Pessac, lui ont permis d'avoir des revenus supérieurs à ceux qu'il percevait auprès du centre hospitalier de Seclin. Enfin, M. E... a été indemnisé par les premiers juges du préjudice moral subi du fait de son éviction. Il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en lui accordant la somme de 1 000 euros à ce titre, le tribunal a fait une juste appréciation de ce préjudice. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par M. E... doivent être rejetées.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille lui a alloué une somme de 1 000 euros en indemnisation du préjudice moral subi du fait de son éviction. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. E... le versement au centre hospitalier de Seclin d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Seclin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

1

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N°19DA00195


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00195
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Auxiliaires - agents contractuels et temporaires.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Absence ou existence du préjudice - Existence.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : BODIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-06;19da00195 ?
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