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15/10/2020 | FRANCE | N°18DA00344

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 octobre 2020, 18DA00344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Trato Industries a demandé au tribunal administratif de Lille la réduction, à concurrence d'un montant en base de 318 250 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1502182 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Lille a réduit d'un montant en base de 318 250 euros l'assiette des cotisations suppléme

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Trato Industries a demandé au tribunal administratif de Lille la réduction, à concurrence d'un montant en base de 318 250 euros, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1502182 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Lille a réduit d'un montant en base de 318 250 euros l'assiette des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à la charge de la société Trato Industries au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, et déchargé cette société des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondant à cette réduction de la base imposable.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 février 2018 et le 7 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de remettre à la charge de la société Trato Industries les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et pénalités correspondantes dont le tribunal l'a déchargée, à hauteur de la réintégration de la somme de 257 150 euros dans son résultat imposable au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... B..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de la vérification de comptabilité dont la société Trato Industries a fait l'objet au titre des exercices clos entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2010, l'administration a notamment remis en cause, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, la déductibilité de dépenses figurant sur une facture, en date du 30 avril 2009, relative à la construction d'un nouvel entrepôt achevé fin janvier 2009, d'un montant total de 318 250 euros. L'administration a assujetti la société Trato Industries à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, assortie de pénalités, en conséquence de la réintégration de ce montant dans le résultat imposable de la société. Après avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires réunie le 27 novembre 2013, l'administration a mis ces impositions supplémentaires en recouvrement le 14 avril 2014. Le tribunal administratif de Lille, par jugement du 8 février 2018, a déchargé la société Trato Industries des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle avait été assujettie, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, à raison de ce rehaussement de son résultat imposable. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement, et, dans le dernier état de ses écritures, en demande la réformation par la réintégration dans le résultat imposable de la société Trato Industries, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, de certaines des dépenses figurant dans la facture susmentionnée, pour un montant s'élevant à la somme de 257 150 euros, et par la remise à la charge de cette société, en conséquence, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et pénalités afférentes à ce rehaussement.

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...). / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. / (...) ". L'article 38 quinquies de l'annexe III au même code dispose : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : / a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies. / Sous réserve des dispositions du VII de l'article 209 du code général des impôts, les droits de mutation, honoraires ou commissions et frais d'acte liés à l'acquisition peuvent être, au choix de l'entreprise, soit portés à l'actif du bilan en majoration du coût d'acquisition de l'immobilisation à laquelle ils se rapportent, soit déduits immédiatement en charges. Ce choix est exercé distinctement pour les titres immobilisés et les titres de placement, d'une part, pour les autres immobilisations acquises, d'autre part. Il est irrévocable. / (...) ".

3. Pour réintégrer dans le résultat imposable de la société Trato Industries une somme correspondant aux dépenses en litige, l'administration a fait valoir, tant dans la proposition de rectification adressée à cette société le 21 décembre 2011 que devant les premiers juges, d'une part, que ces dépenses entraient dans les " honoraires ou commissions " que les entreprises, même si ces frais sont liés à l'acquisition à titre onéreux d'une immobilisation, peuvent déduire immédiatement en charges en application du deuxième alinéa du a de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts sous réserve d'avoir exercé l'option irrévocable prévue par ces mêmes dispositions, mais que, d'autre part, la société n'avait pas exercé cette option. En appel, l'administration soutient seulement que ces honoraires ou commissions, dont elle demande la réintégration dans le bénéfice imposable au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, sont liés à la construction du nouvel entrepôt, et que, par suite, constituant un élément du coût d'acquisition de cet entrepôt, ils ne peuvent pas, en application du premier alinéa du a de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts et du 2 de l'article 38 de ce même code, être déduits des résultats de la société en tant que charges. En demandant ainsi en appel que le redressement ne soit plus fondé sur le deuxième alinéa, mais sur le premier alinéa du a de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts, l'administration invoque un nouveau motif de droit propre, selon elle, à justifier l'imposition. L'administration étant en droit de présenter une proposition de substitution de base légale à tout moment de la procédure, la société Trato Industries n'est pas fondée à soutenir que l'administration ne pourrait pas modifier en appel son interprétation des dispositions de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts en application des dispositions des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, dans le champ desquels n'entre pas la proposition de substitution de base légale.

4. Les dépenses figurant dans la facture du 30 avril 2009, dont l'administration demande la réintégration dans le bénéfice imposable, correspondent, à hauteur de 96 200 euros, à de l'" ingénierie industrielle concernant l'implantation totale du nouvel entrepôt : validation et suivi des aménagements (rayonnages de stockage, sécurité du bâtiment, détection incendie, connexion avec le bâtiment d'origine) " et de la " réimplantation des machines et des aires de stockage ", à hauteur de 66 600 euros, à de l'"organisation et suivi du chantier de construction du nouvel entrepôt - boulevard de Mulhouse à Roubaix, suivi et contrôle de la maîtrise d'ouvrage, rendez-vous avec le maître d'ouvrage, réception de chantier et suivi des finitions ", enfin, à hauteur de 94 350 euros, à une " étude concernant l'informatisation de l'entrepôt et la connexion avec le logiciel Axapta ", à la " réimplantation des ateliers de tôlerie et de montage câblage ", à la " consultation auprès des architectes et entreprises concernant les réaménagements ateliers, bureaux et show-room ". Il résulte de la description ainsi donnée des dépenses effectuées par la société Trato Industries que, pour l'intégralité de leur montant, soit un total de 257 150 euros, elles ont pour objet l'entrée d'un nouvel élément dans l'actif immobilisé de cette entreprise. La société Trato Industries n'est pas fondée à soutenir que les prestations en cause seraient sans rapport avec la construction " physique " du bâtiment dès lors qu'elles sont nécessaires à cette construction. Les sommes en cause, portées sur la facture du 30 avril 2019, ne constituent donc pas, en vertu du premier alinéa du a de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts et du 2 de l'article 38 de ce même code, des charges déductibles des résultats de la société Trato Industries.

5. Toutefois, l'administration ne peut invoquer ce nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition que si une telle substitution n'a pas pour effet de priver la contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître d'un différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration. En l'espèce, il résulte de l'instruction que si elle a été saisie du désaccord persistant sur les rectifications notifiées à la société Trato Industries, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, s'agissant de la prise en compte, en tant qu'immobilisations, de redevances versées dans le cadre de la construction d'un ensemble immobilier, s'est déclarée sur ce point incompétente, dans son avis en date du 27 novembre 2013, " à défaut de toute contestation sur le montant et la réalité des redevances ". La société Trato Industries ayant fait valoir en appel que " l'administration ne pouvait pas valablement remettre en cause les traitements comptable et fiscal retenus par elle au regard de la facture contestée sans exclure les prestations sans rapport avec la construction physique du bâtiment ", et l'administration ayant d'ailleurs exclu pour ce motif, dans le cours de l'instance devant la cour, un des postes de dépenses figurant sur la facture, la société Trato Industries aurait été fondée à demander que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires soit saisie de cette question de fait, si l'administration avait d'emblée regardé les dépenses en litige comme des immobilisations. Par suite, la substitution de base légale demandée par l'administration ne saurait être accueillie.

6. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés assignées à la société Trato Industries au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008 et a déchargé cette société, à due concurrence, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et pénalités correspondantes mises à sa charge au titre de cet exercice.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'action et des comptes publics est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué chargé des comptes publics et à la société Trato Industries.

Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N°18DA00344 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00344
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Substitution de base légale.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS DUTHOO-BLAVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-15;18da00344 ?
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