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05/11/2020 | FRANCE | N°18DA02087

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 05 novembre 2020, 18DA02087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ambulance Maena a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1600659 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2018, la SARL Ambulanc

e Maena, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Ambulance Maena a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Par un jugement n° 1600659 du 27 septembre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 octobre 2018, la SARL Ambulance Maena, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de l'imposition en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Suski Europ'Ambulance, qui exerçait une activité de transport sanitaire de personnes, a cédé ou apporté, au cours de la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2011, une autorisation administrative de mise en service de véhicules sanitaires à chacune des huit filiales, nouvellement créées, de la société à responsabilité limitée (SARL) Ludinvest, société holding qui possédait la moitié de son capital social. Cette dernière société a, ensuite, bénéficié, de la part de l'EURL Suski Europ'Ambulance, d'une transmission universelle de patrimoine portant sur l'ensemble de ses actifs et de son passif, de sorte que l'EURL Suski Europ'Ambulance a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 25 mai 2011. La SARL Ludinvest, qui est venue ainsi aux droits et obligations de l'EURL Suski Europ'Ambulance, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2011. Le vérificateur a estimé, à l'issue de ce contrôle, que les cessions et apports d'autorisations de mise en service opérés, comme il a été dit, par l'EURL Suski Europ'Ambulance, avaient été consentis à un prix inférieur à celui qui avait été fixé pour la cession, par cette société, à des sociétés extérieures au groupe dont la SARL Ludinvest est la société mère. Par une proposition de rectification en date du 15 mai 2012, l'administration a informé la SARL Ludinvest qu'elle regardait l'avantage ainsi consenti aux sociétés du groupe comme ayant la nature d'un acte anormal de gestion, de sorte que la différence entre le prix de cession normal retenu par le service et celui effectivement pratiqué avec ces sociétés lui paraissait devoir être réintégrée dans ses bénéfices imposables des exercices considérés. Dans le même temps, les sociétés bénéficiaires, au nombre desquelles figure la SARL Ambulance Maena, ont été informées, par des propositions de rectifications qui leur ont été adressées à la même date, que l'avantage dont elles avaient chacune bénéficié était regardé par l'administration comme constituant une distribution occulte imposable sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. La cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés résultant de ces rehaussements a été maintenue en dépit des observations formulées par la SARL Ambulance Maena et mise en recouvrement le 6 juin 2014, moyennant l'application de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts. La SARL Ambulance Maena relève appel du jugement du 27 septembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a ainsi été assujettie au titre de l'exercice clos en 2010.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 de ce code : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ".

3. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification qui a été adressée le 15 mai 2012 à la SARL Ambulance Maena que celle-ci expose les raisons pour lesquelles les huit opérations de cession ou d'apport d'autorisations de mise en service de véhicules sanitaires opérées par l'EURL Suski Europ'Ambulance, durant la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2011, au bénéfice de filiales du groupe dont la SARL Ludinvest est la mère, ont été regardées comme ayant procuré à ces filiales, dont la SARL Ambulance Maena, des avantages, sous la forme d'abandon de créances, ayant la nature d'un acte anormal de gestion. Ce document indique ainsi que ces opérations ont toutes été conclues pour un prix de 100 000 euros, notablement inférieur à celui convenu pour les six cessions à des sociétés extérieures au groupe, à laquelle l'EURL Suski Europ'Ambulance s'est par ailleurs livrée durant la même période. Il ajoute que, compte tenu du prix moyen pratiqué pour ces cessions à des entités extérieures au groupe, du prix auquel avait consenti, durant la période vérifiée, l'EURL Suski Europ'Ambulance en concluant une promesse d'achat concernant une autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire auprès d'une société extérieure au groupe, enfin, d'une analyse, effectuée à partir de la consultation d'un site internet collationnant les données des entreprises, des valorisations d'autorisations de cette nature constatées à l'occasion de 39 transactions conclues par celles des 211 entreprises de transport sanitaire exerçant dans le département du Nord dont les immobilisations corporelles avaient connu une évolution significative durant la période vérifiée, il y avait lieu de retenir que la valeur vénale des autorisations cédées ou apportées par l'EURL Suski Europ'Ambulance à des sociétés du groupe devait être fixée à 120 000 euros. Ces motifs de la proposition de rectification exposent ainsi à la SARL Ambulance Maena, avec une précision suffisante, les raisons pour lesquelles l'administration a estimé que l'EURL Suski Europ'Ambulance, en lui faisant apport d'une autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire à un prix de 100 000 euros, sensiblement inférieur à la valeur vénale ainsi déterminée, lui avait permis de bénéficier d'un avantage constitutif d'un acte anormal de gestion. Enfin, la proposition de rectification expose le fondement et les motifs de la réintégration dans le bénéfice imposable déclaré par la SARL Ambulance Maena au titre de l'exercice concerné, à savoir que cet avantage doit être regardé comme procédant d'une distribution occulte imposable sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Alors même qu'ils ne comportent pas des détails plus précis sur les critères ayant conduit le vérificateur à écarter certaines entreprises et certaines opérations du panel des transactions retenues comme référence, au demeurant dans le seul but de s'assurer de la pertinence de son approche, au vu de données recueillies sur internet, ces motifs ont permis à la SARL Ambulance Maena d'engager avec l'administration une discussion utile en ce qui concerne l'évaluation de la valeur vénale de l'autorisation qui lui a été apportée. La proposition de rectification doit, dès lors, être regardée comme suffisamment motivée au regard des dispositions, citées au point 2, des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé de l'imposition en litige :

En ce qui concerne l'acte anormal de gestion :

4. En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Le fait, pour une entreprise, de céder des éléments de son actif immobilisé à un prix inférieur à leur valeur vénale ne relève pas, en règle générale, d'une gestion normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant un tel avantage, l'entreprise a agi dans son propre intérêt.

5. Au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL Ludinvest a fait l'objet, il est apparu au vérificateur que l'EURL Suski Europ'Ambulance avait, durant la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2011 sur laquelle portait la vérification de comptabilité de la SARL Ludinvest, cédé ou apporté, à chacune des sociétés membres du groupe dont elle faisait partie, une autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire, pour un montant de 100 000 euros. La SARL Ambulance Maena, qui est l'une de ces huit sociétés, a ainsi bénéficié de l'apport de l'une de ces autorisations pour le prix de 100 000 euros. Le vérificateur a cependant constaté que l'EURL Suski Europ'Ambulance avait également, au cours de la même période, procédé à la cession, à six sociétés étrangères à ce groupe, d'une telle autorisation, pour des prix s'échelonnant de 120 000 euros à 145 000 euros, c'est-à-dire pour un prix moyen de 134 500 euros. Sur la base de ce constat, le vérificateur a estimé que les opérations de cession ou d'apport intervenues au profit de filiales du groupe auquel appartenaient l'EURL Suski Europ'Ambulance et la SARL Ambulance Maena, et dont la SARL Ludinvest est la société mère, ne relevaient pas d'une gestion normale, puisque celles-ci avaient été conclues pour un prix inférieur à celui habituellement pratiqué par l'EURL Suski Europ'Ambulance dans le cadre de ses autres transactions conclues sur la même période. Il résulte cependant de l'instruction et, notamment, des mentions de la proposition de rectification adressée le 15 mai 2012 à la SARL Ambulance Maena, que le vérificateur ne s'est pas limité à ce seul constat, tiré des données de l'entreprise vérifiée, mais qu'il a souhaité conforter sa première appréciation en la confrontant à d'autres éléments de référence. Il a ainsi constaté que l'EURL Suski Europ'Ambulance avait un temps nourri, au cours de la période sur laquelle portait la vérification de comptabilité de la SARL Ludinvest, le projet d'acquérir, auprès d'une société extérieure au groupe, une autorisation de mise en service d'un véhicule sanitaire et qu'elle avait signé, à cette fin, le 12 octobre 2009, une promesse d'achat pour un prix convenu de 120 000 euros. Le vérificateur a estimé que, si ce projet d'acquisition avait été abandonné faute de financement, le prix proposé pouvait être regardé comme ayant la valeur d'un indice de nature à conforter, en ordre de grandeur, son approche en ce qui concerne le prix habituellement pratiqué pour la cession de telles autorisations. Enfin, dans le but d'asseoir davantage son appréciation, le vérificateur a opéré plusieurs consultations sur un site internet recueillant, à partir des déclarations souscrites par elles, les principales données afférentes à la gestion des entreprises. En procédant à un tri destiné, dans un premier temps, à isoler les données se rapportant aux entreprises exerçant, dans le département du Nord, l'activité de transport sanitaire de personnes, le vérificateur a recensé 211 opérations d'acquisition ou de cession d'éléments d'actifs effectuées, durant une période contemporaine à celle sur laquelle portait la vérification de comptabilité de la SARL Ludinvest, par ces entreprises. Après avoir effectué une sélection de ces opérations, afin d'exclure celles réalisées par des entreprises dont les actifs avaient connu, durant la période prise en compte, d'importantes variations laissant supposer que les opérations recensées ne portaient pas exclusivement sur des autorisations de mise en service, le vérificateur a isolé les données se rapportant à 39 des opérations initialement identifiées et en a dressé un tableau annexé à la proposition de rectification. Il ressort de ce tableau que le prix moyen des transactions ainsi prises en compte s'élève à 123 687 euros et qu'à l'exception des cessions et apports effectués par l'EURL Suski Europ'Ambulance au bénéfice de filiales du groupe auquel la société requérante appartenait, seules deux des opérations recensées ont été conclues pour un prix inférieur ou égal à 100 000 euros. Les deux méthodes complémentaires ainsi utilisées par le vérificateur lui étant apparues de nature à conforter sa première approche, tirée des données comptables de la SARL Ludinvest, venue aux droits et obligations de l'EURL Suski Europ'Ambulance, celui-ci a estimé que le prix habituellement pratiqué, durant la période vérifiée, pour la cession ou l'apport d'autorisations de mise en service de véhicules sanitaires devait être fixé à 120 000 euros. Il en a tiré la conclusion que le fait, pour l'EURL Suski Europ'Ambulance, d'avoir cédé ou apporté de telles autorisations à d'autres sociétés du groupe auquel elle appartenait, pour un montant de 100 000 euros, sensiblement inférieur à ce prix habituel, avait conduit à procurer à ces sociétés, dont notamment la SARL Ambulance Maena, bénéficiaire d'un tel apport, un avantage constitutif d'un acte anormal de gestion, faute pour la SARL Ludinvest d'avoir pu se prévaloir d'un intérêt propre à cette opération.

6. La SARL Ambulance Maena conteste la pertinence de ces éléments et soutient qu'ils ne sont pas de nature à établir que les cessions et apports d'autorisations de mise en service mis en cause par l'administration seraient étrangers à la gestion normale de l'EURL Suski Europ'Ambulance. Elle soutient à cet effet, d'une part, que le projet d'achat, nourri en 2009 par l'EURL Suski Europ'Ambulance, ne peut constituer une référence pertinente, puisqu'il n'a pas été concrétisé à la suite du refus d'un établissement bancaire d'accorder à cette société, d'ailleurs au motif que le prix d'achat fixé était élevé, l'emprunt qu'elle avait sollicité. Elle ajoute que les termes de comparaison retenus par le vérificateur à l'issue de ses recherches sur internet, au demeurant à partir des données d'un site non spécialisé, ne peuvent davantage lui être opposés, dès lors que les critères suivant lesquels le vérificateur a isolé les 39 transactions retenues sont peu explicites et doivent, dès lors, être regardés comme empiriques. Elle fait observer que, dans le contexte d'une grande fluidité des prix de cessions, qui permet de constater l'absence d'un véritable marché des autorisations de mise en service de véhicules sanitaires, la SARL Ludinvest avait elle-même proposé à l'administration des termes de comparaison mais que ceux-ci ont été écartés pour des raisons, selon elle, arbitraires.

7. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, pour estimer que les quatre cessions et apports d'autorisations de mise en service de véhicules sanitaires effectués, au cours de la période sur laquelle portait la vérification de comptabilité de la SARL Ludinvest, par l'EURL Suski Europ'Ambulance au bénéfice de filiales du groupe ne se rattachaient pas à une gestion normale, l'administration s'est fondée, à titre principal, sur les données issues de la comptabilité de l'entreprise, qui laissaient apparaître que six autres cessions de telles autorisations, effectuées par cette société au profit d'entreprises étrangères au groupe, avaient été conclues pour des prix sensiblement supérieurs à ceux dont avaient bénéficié ces filiales. Ces seules données auraient autorisé l'administration à retenir que le prix de cession habituellement pratiqué par l'EURL Suski Europ'Ambulance devait être fixé à hauteur du prix moyen de 134 500 euros constaté pour les cessions, à des sociétés étrangères au groupe, d'autorisations de mise en service de véhicules sanitaires, le vérificateur n'ayant sollicité d'autres données, dont la pertinence est seule critiquée, que pour conforter son analyse. En outre, si, s'agissant du projet d'achat non concrétisé par l'EURL Suski Europ'Ambulance, la SARL Ambulance Maena produit un courrier émis le 2 août 2012 par l'établissement bancaire qui a refusé d'accorder le prêt destiné à financer ce projet et qui mentionne qu'il n'a pu être donné une suite favorable à la demande, notamment en considération " du prix assez élevé " de l'autorisation dont l'acquisition était projetée, ce courrier peut être lu, ainsi que le relève le ministre, comme posant cette appréciation au regard des capacités d'emprunt de la société qui sollicitait ce financement. Par ailleurs, en ce qui concerne les données collectées sur internet, l'administration a suffisamment explicité les critères, rappelés au point 5, sur lesquels elle s'est fondée pour estimer que 39 des 211 transactions effectuées, durant la période vérifiée, par des entreprises exerçant, dans le département du Nord, une activité de transport sanitaire de personnes, pouvaient être regardées comme des termes de comparaison pertinents. Si la SARL Ambulance Maena fait valoir que la SARL Ludinvest avait proposé des termes de comparaison alternatifs, constitués par des cessions antérieures d'autorisations de mise en service de véhicules sanitaires, que l'EURL Suski Europ'Ambulance a effectuées le 30 novembre 2005 et le 27 décembre 2005 pour un prix de 80 000 euros, ces précédents, antérieurs de près de deux années au début de la période sur laquelle portait la vérification de comptabilité de la SARL Ludinvest, ne peuvent constituer des termes de comparaison pertinents. La SARL Ambulance Maena ne peut davantage tirer argument de trois acquisitions effectuées en deux opérations par l'une des filiales de la SARL Ludinvest auprès de sociétés extérieures au groupe, le 21 juin 2012, pour un prix de 102 906 euros et en octobre 2012, pour un prix de 105 000 euros, dès lors que ces transactions sont postérieures de plus d'un an à la fin de la période vérifiée et qu'elles ne peuvent ainsi être regardées comme comparables. Enfin, elle ne peut davantage invoquer une moyenne issue de la comptabilité de la SARL Ludinvest, dès lors que celle-ci prend nécessairement en compte le prix des cessions et apports ayant donné lieu aux redressements en litige. Dans ces conditions, les critiques soulevées par la SARL Ambulance Maena ne sont pas de nature à remettre en cause la méthode d'évaluation suivie par l'administration, sur la base de trois ensembles de références successifs, pour estimer que le prix normal qui avait vocation à être pratiqué par cette société, durant la période vérifiée, pour la cession d'autorisations de mise en service de véhicules sanitaires, devait être fixé à 120 000 euros. Par suite, l'administration doit être tenue comme établissant qu'en cédant ou en apportant à des filiales du groupe de telles autorisations pour un prix de 100 000 euros, l'EURL Suski Europ'Ambulance, faute d'établir avoir retiré un avantage de cette opération, avait procuré à ces filiales un avantage susceptible d'être regardé comme un acte anormal de gestion.

8. La SARL Ambulance Maena soutient que, à supposer même qu'il soit établi que le prix convenu pour la cession des autorisations de mise en service de véhicules sanitaires aux filiales de la SARL Ludinvest lui ait procuré, ainsi d'ailleurs qu'aux autres filiales, un avantage, celui-ci ne présente pas le caractère d'un acte anormal de gestion, dès lors que, ne parvenant pas jusqu'alors à retirer des résultats suffisants de l'exploitation des autorisations cédées ou apportées, la SARL Ludinvest a retiré des contreparties de cette opération, consistant en la mise en oeuvre d'une restructuration permettant une exploitation plus rentable de ces autorisations, ainsi qu'en la perception de dividendes dans un contexte de valorisation de ses filiales. Toutefois, la SARL Ambulance Maena n'apporte aucun élément de nature à établir que les contreparties ainsi invoquées, qui consistent en la mise en place d'une organisation plus rationnelle, plus rentable et mieux valorisée du groupe, auraient conféré, pour la propre situation de la SARL Ludinvest et indépendamment de sa fonction d'animation du groupe à la tête duquel elle est placée, un intérêt à ces opérations. En outre, si la SARL Ludinvest a pu percevoir de ses filiales, en raison des cessions et apports en cause, des dividendes plus importants que ceux qu'elle aurait pu escompter si ces opérations n'avaient pas eu lieu, elle ne démontre pas en quoi le fait de céder ou d'apporter à des sociétés du groupe les autorisations en cause à un prix minoré, et de leur consentir au surplus des facilités de paiement, lui aurait permis d'améliorer, à due proportion de l'avantage ainsi consenti, sa rentabilité. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, du caractère étranger de ces opérations à la gestion normale de l'EURL Suski Europ'Ambulance.

En ce qui concerne les distributions occultes :

9. En vertu du c. de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme revenus distribués.

10. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions, rappelées au point précédent, du c. de l'article 111 du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du co-contractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le co-contractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 8 que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, d'un écart significatif entre, d'une part, le prix auquel ont été conclus les apports et les cessions, par l'EURL Suski Europ'Ambulance, d'autorisation de mise en service de véhicules sanitaires à d'autres sociétés membres du groupe auquel elle appartenait, notamment à la SARL Ambulance Maena, et, d'autre part, le prix habituellement fixé pour les opérations de cette nature, lequel prix est réputé correspondre à la valeur vénale des autorisations ainsi cédées. S'agissant de transactions opérées entre une société et d'autres filiales d'un même groupe, l'acceptation d'un prix de cession inférieur à la valeur vénale réelle des autorisations cédés doit être réputée constituer, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé et en l'absence d'élément permettant de fixer cette valeur vénale à un niveau différent, un avantage délibérément consenti et accepté. Il suit de là que l'administration était fondée à réintégrer cet avantage dans les bénéfices imposables de l'exercice clos en 2010 de la SARL Ambulance Maena, qui avait bénéficié de cet avantage.

Sur les pénalités :

12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

13. En faisant valoir que la SARL Ambulance Maena, qui a bénéficié de l'avantage ainsi consenti par sa société soeur, ne pouvait ignorer, en sa qualité de professionnel du transport sanitaire et compte-tenu du prix généralement pratiqué pour ce type d'opérations, que cette dernière lui procurait une libéralité ayant normalement vocation à entrer dans ses bases imposables, l'administration établit l'intention, qui a été celle de la SARL Ambulance Maena, d'éluder l'impôt. L'administration était, dès lors, fondée à assortir les rehaussements notifiés à cette société de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Ambulance Maena n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Ambulance Maena est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ambulance Maena et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA02087


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02087
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Acte anormal de gestion.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ROUMAZEILLE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-05;18da02087 ?
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